L'Histoire sur un plateau : Hannibal & Hamilcar

Hurukan
Contributeur
25 juin
2018

Suivez-nous pour ce nouveau numéro de l’Histoire sur un plateau et remontez le temps à nos côtés jusqu’aux célèbres guerres puniques opposant Rome et Carthage, deux des plus grandes puissances mondiales de l’époque.

En ouvrant la boîte d’Hannibal & Hamilcar, soyez prévenus, vous poussez les portes d’un monde régi par les affrontements épiques et par les luttes d’influence dévastatrices.

Un peu d'Histoire

Dans la première moitié du IIIe siècle avant J.-C., Rome et Carthage étaient toutes deux des superpuissances émergentes du bassin méditerranéen. Rome puisait sa force dans son infanterie et un système très avancé de conscription qui lui permettait d’essuyer des défaites à répétition sans souffrir du manque de troupes. La puissance de Carthage reposait quant à elle sur le commerce et la force de sa flotte.

Toutes deux trouvèrent tout d’abord un terrain d’entente en s’alliant face à leur ennemi commun Pyrrhus, roi d’Epire mais très rapidement la soif de territoires poussa Carthage à envisager la conquête de la Sicile. Cette tentative servie de casus belli à Rome qui considéra cette action comme une menace très sérieuse de son hégémonie dans la péninsule italienne.

En 264 av. J.-C., la longue série des guerres puniques avait débutée.

Hannibal & Hamilcar est une réédition de deux célèbres wargames et vous propose de revivre respectivement, et à travers différents scénarios, la deuxième et la première des guerres puniques. Les scénarios d’Hamilcar introduisent quant à eux un système de bataille navale, qui n’existe pas dans Hannibal.

But du jeu et conditions de victoire

Hannibal & Hamilcar est un wargame se déployant sur un plateau de jeu assez grandiose (84x56cm) sur lequel chaque joueur, après avoir choisi son camp, s’affrontera politiquement et militairement. Celui-ci représente le bassin méditerranéen et se compose de plusieurs régions divisées en provinces principales et secondaires elles-mêmes partagées en plusieurs zones ou cités.

Le but du jeu sera d’étendre au maximum son influence politique sur l’ensemble de ces régions en contrôlant politiquement leurs provinces principales. Le contrôle politique d’une province est simple, il suffit d’assoir son pouvoir politique sur la majorité des zones la composant.

Vous vous doutez bien que toute expansion, et l’Histoire nous l’a suffisamment montré, finit par se heurter à la résistance farouche de quelques voisins récalcitrants. C’est ce qu’il se passera ici, soit directement entre Rome et Carthage, soit avec des tribus autochtones qu’il faudra tenter de faire rentrer dans le rang.

Le vainqueur est connu à la fin de la partie, dont le nombre de tours dépend du scénario. Il s’agit du joueur contrôlant la majorité des provinces principales situées tout autour de la mer Méditerranée.

De façon plus rapide, un joueur peut gagner la partie en remportant le siège de la capitale ennemie. De la même façon, Carthage gagne si elle contrôle l’ensemble des provinces italiennes à l’exception du Latium. Pour en arriver là cependant, il faudra déployer une sacrée quantité d’huile de coude !

L'Histoire sur un plateau : Hannibal & HamilcarLe plateau coloré offre un support de jeu sensationnel

Séquence de jeu

Un tour complet dans Hannibal & Hamilcar se joue en plusieurs phases de jeux distinctes. Chaque scénario, en plus d’indiquer les positionnements de départ et les contrôles politiques de chacun des joueurs sur le plateau, renseigne quel est le camp décisionnaire. À chaque tour, ce camp aura donc l’avantage de choisir qui jouera en premier.

L'Histoire sur un plateau : Hannibal & HamilcarLes cartes des généraux présentent le pouvoir spécial de chaque général et leur valeur stratégique (coût d'activation) et tactique (force sur le champ de bataille).

Durant un tour, les actions des joueurs se feront toutes par le biais des cartes stratégies, qui devront obligatoirement toutes être utilisées (jouer ou défausser).

La première phase de jeu est la phase de RENFORTS. On passe outre au premier tour. Durant cette phase, chaque camp peut enrôler de nouvelles unités de combat et les placer sur le plateau avec les restrictions indiquées par le scénario. Carthage peut également replacer sur le plateau ses généraux neutralisés si elle en a, c’est-à-dire l’ensemble de ses généraux qui ont été battus au combat. En effet, ces derniers ne sont jamais tués lors des batailles à l’exception d’Hannibal, le chef suprême, qui lui n’a pas le droit à la défaite. Rome quant à elle peut à cette phase nommer un consul et piocher aléatoirement deux proconsuls. Elle n’a aucune obligation de le faire mais cela lui permet néanmoins d’avoir, après le premier tour, trois généraux en jeu et de faire tourner ses effectifs si les capacités de chaque général ne sont pas adaptées à la situation.

Ce mécanisme simule une vérité historique à travers laquelle Rome, afin d’éviter l’émergence de dictateurs ou de rois, réduisait le pouvoir des chefs militaires en élisant chaque année deux consuls pour commander une ou plusieurs armées.

Les phases de jeux suivantes sont les phases de PIOCHE et de STRATEGIE. Durant celles-ci, on distribue à chaque joueur le nombre de cartes stratégie indiqué par le tour en cours et chaque camp va jouer à tour de rôle une carte stratégie (ou plusieurs dans certains cas) jusqu’à épuisement des cartes. Nous verrons par la suite les différentes façons d’utiliser une carte stratégie.

Puis survient la phase d’ATTRITION HIVERNALE. Les joueurs vérifient si certaines de leurs troupes se situent dans des zones contrôlées par l’ennemi ou par des tribus hostiles. Si tel est le cas, chaque armée dans ce cas fait un jet d’attrition et en subit les conséquences.

Durant la phase d’ISOLEMENT POLITIQUE, les joueurs retirent du plateau les jetons symbolisant le contrôle politique d’une zone si celle-ci est isolée, sous-entendue si elle n’est pas raccordée par une route à au moins une armée amie, une tribu amie ou à une cité fortifiée ou zone portuaire.

Puis enfin surviennent les phases de CONDITIONS DE VICTOIRE et de FIN DE TOUR durant lesquelles le joueur contrôlant le moins de provinces principales doit retirer du plateau certains de ses contrôles politiques et durant lesquelles on vérifie si un des joueurs remplit les conditions pour remporter la partie.

L'Histoire sur un plateau : Hannibal & HamilcarLes généraux carthaginois sont solidement installés en Iberia et les zones de la province sont sous leur contrôle politique.

Utilisation des cartes stratégie

Les cartes stratégie peuvent être utilisées de différentes façons mais c’est toujours à travers elles que les actions se résoudront sur le plateau.

Elles peuvent être utilisées pour le nombre de points d’opération qu’elles indiquent afin d’activer et de déplacer un général et son armée, de prendre possession politiquement d’autant de zones que la carte affiche de points d’opération ou de recruter des unités de combat. Le recrutement d’une seule unité de combat coûtant trois points d’opération, renforcer ses armées par ce biais demeure une action à réaliser ponctuellement, par exemple pour se préparer à attaquer ou à défendre une région ou une zone.

Une carte stratégie peut également être utilisée pour le déplacement naval. Une carte affichant une icône « bateau » vous permet de déplacer par voie naval une armée composée d’un général et de 5 unités de combat maximum. Deux icônes « bateau » vous donneront le droit de déplacer jusqu’à 10 unités de combat.

L'Histoire sur un plateau : Hannibal & HamilcarLes cartes stratégie peuvent être utilisée de bien des manières différentes.

Enfin, une carte stratégie peut être utilisée pour son événement ou son contre-événement. Pour cela par contre, il faut que la carte affiche la couleur de son camp (rouge pour Rome et bleu pour Carthage) ou les deux couleurs en même temps. La description de l’événement est inscrite sur la carte. Lorsque l’on joue un événement, on applique son effet immédiatement sur le plateau de jeu. Un contre-événement (icône de glaives croisés) est à jouer ponctuellement et sous forme de bonus même si ce n’est pas au tour du joueur actif de jouer, lors d’une bataille par exemple ou d’un moment particulier.

Armées et mouvements

Dans le jeu, les forces militaires se composent principalement de généraux et d’unités de combat. Lorsqu’au moins une unité de combat se trouve sur la même zone qu’un général allié, alors ils constituent une armée.

Une des particularités romaines réside dans le fait que les armées dirigées par les Consuls, appelées armées consulaires doivent impérativement avoir un minimum de 5 unités de combat pour pouvoir faire une action.

Carthage, quant à elle, possède une unité de combat qui lui est propre, à savoir les célèbres éléphants. Ceux-ci permettent de charger l’armée ennemie avant la bataille pour tenter de décimer les premières lignes. L’autre particularité de Carthage est de pouvoir construire des engins de siège lors du siège d’une cité, en utilisant pour cela la carte événement adéquate. Les romains ne peuvent pas construire d’engin de siège mais ils sont de toute façon avantagés de base pour ce type d’action. Il faut rendre à César ce qui appartient à César après tout (même s’il n’était pas encore né à l’époque le bougre) !

Concernant les mouvements des armées, celles-ci peuvent se déplacer par voie terrestre ou maritime. Une armée ne peut se déplacer que si un général est à sa tête. Comme nous l’avons vu, une carte stratégie peut permettre d’activer un général et son armée. Une fois activée, l’armée peut se déplacer par voie terrestre de quatre zones maximum en suivant les voies tracées sur le plateau ou de six zones en cas de marche forcée. Le passage d’un col alpin, d’un col non-alpin ou d’un détroit coûtera comme deux déplacements et entraînera un jet d’attrition. Tout ennemi rencontré sur le chemin entraîne l’arrêt immédiat du déplacement.

L'Histoire sur un plateau : Hannibal & HamilcarAprès s'être alliées à Syracuse , les armées cathaginoises menées par Hannibal ont débarqué en Apulia et ont coupé les voies de ravitaillement romaines.

Le mouvement naval est quelque peu différent. Encore une fois il faut utiliser une carte stratégie pour déplacer, comme nous l’avons vu et selon les icône « bateau » présentes sur la carte, une armée composée de 5 unités maximum ou de 10 unités maximum. Un déplacement par bateau compte pour un déplacement de trois zones. Il doit obligatoirement trouver son origine dans une zone portuaire (symbole « bateau » sur le plateau) et se terminer dans une zone du même type.

Rome ayant plus ou moins le contrôle de la mer Méditerranée à cette époque, les mouvements navals carthaginois seront toujours quelque peu risqués. Cela se traduit par la « table de mouvement carthaginois » représentée sur le plateau de jeu. À chaque mouvement naval, Carthage devra faire attention à ses régions portuaires de départ et d’arrivée et lancer un dé pour en subir les conséquences : le voyage a réussi, le convoi doit faire demi-tour ou le voyage a échoué et les bateaux sont coulés, entraînant la mort des unités de combat et la neutralisation du ou des généraux. Ce désavantage peut être comblé si Carthage, par le biais d’événements, signe l’alliance macédonienne, s’allie avec Syracuse ou prend le dessus en méditerranée.

L'Histoire sur un plateau : Hannibal & HamilcarSuite au développement de l'influence politique romaine en Iberia, une bataille fait rage aux portes de Rome

Batailles terrrestres et pertes d'unités

Une bataille terrestre a lieu si deux armées se rencontrent. L’armée offensive devra toujours posséder un général, puisque c’est elle qui est à l’origine de l’action. Et sans général, pas d’action possible pour une armée. L’armée placée en défense, quant à elle, peut ne pas posséder de général. Une règle spécifique du jeu stipule que si une armée composée d’au moins 5 unités de combat entre dans une zone défendue par une seule unité, alors un écrasement a lieu et l’armée attaquante est déclarée victorieuse d’office.

Mais dans la plupart des cas, la résolution des batailles terrestres se fait par l’intermédiaire des cartes batailles. Ces cartes bataille représentent les différentes manœuvres possibles lors des batailles antiques : attaque au centre, prise de flanc à gauche, prise de flanc à droite, reconnaissance, prise en tenaille et réserve. Les cartes réserve sont des cartes joker qui peuvent être considérées à tout moment comme un autre type de carte.

L'Histoire sur un plateau : Hannibal & HamilcarLes cartes batailles et les différentes manoeuvres possibles.

Le déroulement d’une bataille est simple. Elle commence toujours par la phase des préparatifs durant laquelle chaque joueur peut jouer une ou plusieurs cartes stratégie s’il en possède encore en main et que ces dernières peuvent être utilisées lors d’une bataille. C’est aussi pendant cette phase que le joueur carthaginois peut déclarer une charge d’éléphant s’il en possède dans son armée. Vient ensuite la distribution du nombre de cartes bataille, calculé pour chaque joueur selon le nombre d’unités de combat présentes ajouté à la valeur tactique de son général en chef et aux possibles alliés disponibles dans la région. L’attaquant charge le premier en posant une carte bataille sur la table. Le défenseur doit poser à son tour la même carte bataille et ainsi de suite. Le premier joueur qui ne peut plus poser de carte a perdu la bataille. Des petites particularités permettent bien évidemment de se replier si besoin est ou de contre-attaquer pour prendre la main et devenir l’attaquant.

Suite à la bataille, on compte le nombre d’heures de combat (une heure de combat est représentée par une charge de l’attaquant et une réponse du défenseur) puis le vainqueur fait un jet d’attrition pour simuler les pertes des deux camps. Après quoi il réalise un jet de retraite afin de calculer les pertes supplémentaires du vaincu dues à sa retraite.

Les victoires, ou les défaites, dépendamment de là où on se place, possèdent des conséquences politiques non négligeables. En effet, suite à une défaite, le vaincu doit impérativement retirer du plateau autant de jeton d’influence politique égal à la moitié de ses unités de combat perdues dans la bataille.

Sièges et autres subtilités

Dans Hannibal & Hamilcar, il vous sera parfois nécessaire de mener le siège d’une cité fortifiée ou de soumettre une tribu hostile. Le déroulement des actions à suivre dans les deux cas est similaire. Chaque camp possède un dé de siège spécifique et pour chaque siège réalisé, il faudra lancer le dé successivement jusqu’à accumuler trois points de siège. Attention toutefois, les faces des dés possèdent des icônes qui pourront vous faire perdre beaucoup d’hommes avant d’atteindre le quota nécessaire.

Les caractéristiques et les faces des deux dés sont différentes pour faire ressortir le manque d’expérience des Carthaginois en la matière. Pour la soumission des tribus cependant, les deux camps utilisent le même dé, celui des Romains.

Hannibal & Hamilcar regorge d’une multitude d’autres petites subtilités qu’il serait très complexe et peut-être un peu trop pointilleux d’expliquer ici. Dans certains cas par exemple, certaines armées peuvent intercepter des armées ennemies passant à proximité dans un mouvement joker ne coûtant pas d’action au joueur l’initiant. Il est également possible d’avoir plusieurs généraux dans une armée, et ceux-ci se divisent alors en un général en chef et en généraux subordonnés.

Intérêt historique et critique

Asyncron nous a habitué à des jeux historiques précis au gameplay très profond. Hannibal & Hamilcar ne déroge pas à la règle. Et ça n’est pas pour rien que le jeu a remporté les Golden Geek du meilleur jeu à deux et du meilleur wargame en 2008.

L'Histoire sur un plateau : Hannibal & HamilcarChaque général possède sa figurine. Les peindre rendra le jeu toujours plus immersif.

Le jeu est une nouvelle fois une retranscription quasi parfaite de l’Histoire sur un plateau de jeu. Elle simule parfaitement les luttes de pouvoir qu’il pouvait y avoir à l’époque, renforcée par des mécanismes de jeu ultra immersives, comme la passation de pouvoir entre Consuls et Proconsuls ou encore l’utilisation d’événements historiques.

Même si le jeu se veut finalement être une uchronie, laissant toujours le libre-arbitre aux joueurs, les scénarios d’Hannibal & Hamilcar proposent à chaque fois de revivre un moment précis des guerres puniques. Le deuxième scénario intitulé « L’invasion de l’Italie » par exemple se déroule entre 217 et 201 av. J.-C. et le placement initial des pions et autres marqueurs d’influence politique souligne le fait qu’Hannibal et son armée viennent de passer les Alpes et se trouvent aux portes de la péninsule italienne.

Et comme toujours dans un jeu édité par Asyncron, l’Histoire est mise en avant dans des petites anecdotes historiques expliquant le pourquoi de telle ou telle règle. Une page entière est même consacrée au résumé des trois guerres puniques.

Seul le système de bataille peut paraître très (trop) simpliste lorsque l’on commence à jouer à Hannibal & Hamilcar. Mais plus les parties s’enchaînent et plus le système choisi se révèle intéressant. Les joueurs comprendront bien vite que la guerre n’est pas forcément le moteur du jeu et qu’il faut bien s’y préparer pour en sortir vainqueur. Concernant le système à proprement parlé des cartes de bataille, il se révèle en fait beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord, avec une touche de bluff et de maîtrise nécessaire à la victoire.

Alors si vous aussi vous aimez interférer sur le cours de l’Histoire, n’hésitez pas et venez revivre les guerres puniques à travers ce merveilleux wargame qu’est Hannibal & Hamilcar !

  • Hurukan Contributeur
  • "Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer" Beaumarchais dans le Barbier de Séville.