Info sur le jeu
Plateforme
  • PC Windows
  • Mac OS X
  • SteamOS + Linux
ÉditeurHooded Horse
DéveloppeurMohawk Games
Date de sortieJuillet 2021

Old World

Thématique
1er juillet
2024

Vous connaissez le récentisme ? Les frappadingues qui éructent auprès de qui veut bien les écouter que toute l'Histoire de l'humanité n'est qu'un gigantesque complot et que toute la chronologie mondiale précédant le XVIe siècle est une machination écrite à des fins de négationnisme et de falsification. Bon, eh bien moi, je suis persuadé du contraire : après que l'Antiquité aie pris fin, l'Histoire n'a plus rien eu d'essentiel ou même d'intéressant. C'est ainsi, je ne me suis toujours pas remis de la chute de Rome en 410. L'histoire est cruelle. Et les développeurs de Old World sont du même avis, ce qui me réjouit.

Évidemment, la première réflexion que tout le monde va se faire en lançant Old World, c'est « euh, mais c'est un mod de Civilization, ce truc ? », et ce à quoi HistoriaGames répond : oui, mais en fait non. Déjà, les chiens ne font pas des chats : Old World est le bébé des Américains de Mohawk Games, un studio fondé par Soren Johnson. Bien sûr, vous savez qui est Soren Johnson. Non ? Bon, eh bien, c'est le concepteur principal de... Civilization IV.

La ressemblance est donc forcément logique. Une grande carte du monde en hexagones, des civilisations menées par un dirigeant, un système commercial, des infrastructures et des bâtiments, une partie qui s'écoule au tour par tour et des unités militaires dotées de capacités spéciales. Bref, c'est un 4X, mais Old World concentre son cadre sur l'Antiquité, haute et basse, c'est-à-dire environ 4000 ans d'histoire humaine, et autour du bassin méditerranéen pour l'essentiel.

Old World  Old World1. Difficile de passer a côté de la ville éternelle. / 2. Les premiers DLC ont permis de mettre en lumière une civilisation bien moins populaire.

On nous propose toutes les stars de la période antique : l'Assyrie, la Babylonie, Carthage, l'Égypte, la Grèce, le Hatti, la Perse, Koush (ajoutée récemment) et Rome. Certains peuples seront plus portés sur le commerce, d'autres sur la mise en valeur de leur territoire, d'autre sur la religion, sur la culture, sur le progrès technologique. Chaque partie se démarre avec un simple colon, et doit s'envisager comme une course à la puissance, comme le modèle dont il s'inspire. Mais ce serait presque insultant de réduire Old World à une simple copie de Civilization. Car la grande force de Old World, c'est de proposer une croissance de son peuple et de ses terres qui soit bien plus organique et narrative que dans le modèle dont il s'inspire. Vous n'êtes pas une figure immuable : vous êtes un peuple, et notamment une dynastie. Votre personnage commence la partie en tant que roi ou reine ; et votre premier souci doit être de perpétuer votre lignée. Pour cela, il vous faut vous marier, et choisir un ou une partenaire dans votre peuple en épousant un bon parti d'une de vos familles nobles, ou bien en choisissant une alliance plus diplomatique en organisant des noces avec un héritier étranger. Voire même avec une des tribus qui peuplent le monde : Gaulois, Danois, Numides, Scythes, Vandales et autre Thraces ; ces peuplades non-jouables occuperont les terres un peu partout sur la carte et vous obligeront à composer avec eux.

Je vous déconseille de les traiter comme de simples camps de barbares à la manière d'un Civilization VI : ce sont des puissances mineures, farouchement indépendantes et dotées d'une personnalité distincte, qui ne s'étendront pas outre mesure mais qui chercheront à avoir des relations diplomatiques avec vous, a commercer, a devenir de puissants alliés ou des adversaires parfois coriaces, que vous ne voulez pas avoir à gérer lorsque vous êtes déjà en guerre contre une puissance étrangère.

Au bout de quelques années, vos premiers héritiers seront nés. Old World vous demandera de vous comporter en chef de famille autant qu'en dirigeant, en choisissant leur nom, leur destinée, leurs études, sachant que chaque famille noble au sein de votre peuple fera de même, et que vous aurez sans cesse le spectre du complot, de la révolution de palais ou du simple accident bête pour vous retirer votre héritier, condition indispensable à la continuation de la partie. À moins bien sûr de changer les lois de successions, moyennant civics : primogéniture, ultimogéniture, succession dynastique ou latérale voire par ancienneté, il y a en principe assez peu de risques de se retrouver réellement à court de prétendant au trône, mais gare aux factions intérieures qui ne manqueront pas d'être vexées par vos choix.

Old World  Old World3. Non, il n'y a aucun moyen d'épouser vos cousines ! / 4. En revanche, épouser les prétendantes des familles nobles s'assure de leur coopération.

Il est en effet indispensable de faire régner la paix sociale à l'intérieur de vos frontières si vous voulez l'avoir à l'extérieur. À la tête des Babyloniens, j'ai donc dû composer avec les puissantes familles des Kassites guerriers, des artisans Chaldéens, des Isin commerçants ou des sages Amorrites. Si certains se convertissent à une religion et en deviennent les zélotes, ils prendront très mal que vous en institutionnalisiez une autre ; si vous refusez leurs propositions ou leurs demandes de postes importants à votre cour, ils se renfrogneront encore plus, pouvant même vous trahir ou provoquer des troubles intérieurs en faisant apparaître des rebelles.

Pendant ce temps, il vous faudra vous étendre et faire construire des routes, des fermes, des scieries, des carrières et une foule d'autres aménagements de territoires à vos ouvriers. Chacun de ces aménagements de territoires apportera un bonus (renforcé selon les circonstances, comme par exemple les fermes, notoirement plus efficaces en bord de mer ou de rivière) de production de ressources, que vous pourrez, et même devrez, approfondir en recrutant dans vos villes des spécialistes pour les faire fonctionner (une sorte de contremaître local assigné à tel ou tel aménagement, en gros).

Old World  Old World5. Plutôt mourir que la mort ! / 6. En termes militaires, on dira que la situation est « défensive ».

C'est là qu'entrent en jeu deux, voire trois valeurs cardinales : Old World s'articule autour de ressources classiques (argent, bois, fer, pierre, nourriture), mais aussi d'ordres, de civics, d'entraînement et de culture. Les ordres représentent grossièrement votre capacité à coordonner les agissements de votre peuple, la quantité produite chaque tour par vos personnages, vos villes et votre légitimité (une valeur dont le résultat dépend des objectifs secondaires atteints) est soustraite d'un certain montant... à chaque fois que vous donnez un ordre à une unité ; qu'elle soit militaire ou civile. Il est donc particulièrement capital de s'assurer d'une production d'ordres aussi élevées que possible, en particulier lorsque vous êtes en guerre et que vous avez un grand nombre d'unités à mouvoir, car dans le cas contraire, vos troupes ne pourront que peu, voire pas du tout, se déplacer, permettant à un ennemi moins nombreux mais mieux coordonné de vous prendre de vitesse et de remporter les combats. Les civics représentent quant à eux la capacité de votre peuple en matière de ressources humaines et matérielles, en cela que cette ressource sert à promulguer de nouvelles lois, lancer la construction de merveilles, accélérer la production d'unités, ou réaliser certaines missions.

Plus simple à appréhender, l'entraînement représente la capacité de votre complexe militaire ; cette valeur sert a être dépensée pour accorder des promotions accompagnées d'intéressants bonus à vos unités militaires, qui en auront grand besoin.

La science sert bien évidemment à rechercher de nouvelles technologiques ; quant à la culture, elle se révèle essentielle aussi en permettant à vos villes d'atteindre un certain stade de développement : faible, en développement, forte et légendaire; ce qui les autorisera à entreprendre la construction de puissants aménagements et de colossales merveilles, qui elles-mêmes vous accordent d'important bonus dont un des plus important reste les précieux points de victoire.

S'assurer de la croissance de ces valeurs, c'est s'assurer de la victoire finale ; si tous ces rouages de gameplay semblent au début un peu nébuleux, ils restent relativement simples à appréhender, d'autant que Mohawk Games a eu la bonne idée d'utiliser un système d'infobulles imbriquées à la Crusader Kings. Quoi qu'il en soit, la longue histoire de votre pays va être parsemée d'aléas, et très tôt se confronter a des difficultés. Car les cités ne pouvant être fondées que sur des emplacements précis et qui ne sont pas franchement légions, vous ferez vite la course avec les empires voisins dont l'expansionnisme inquiétant vous obligera à courir explorer de nouvelles terres ; ou bien à exproprier à coup de masse les peuples barbares voisins. D'autant qu'il vous faudra composer avec une infinité d'évènements aléatoires.

Immersifs et souvent reliés entre eux, ces évènements narratifs mettront votre dirigeant au pied du mur en exigeant de faire des choix, dont certaines options ne seront accessibles qu'en fonction de certains traits de personnalité de vos personnages. Ils auront des conséquences parfois immédiates, parfois à long terme, et il arrivera qu'elles soient indéfinissables sur le moment. À chaque tour ou presque, il vous sera donc demandé de trancher entre deux partis, de donner des ordres à votre armée, d'organiser un banquet entre deux partis rivaux ou de célébrer, ou détruire, une ancienne divinité découverte au hasard des voyages de vos explorateurs, ou encore d'accueillir plus ou moins favorablement un transfuge étranger à votre cour. Extrêmement variés, ces évènements narratifs renforcent considérablement votre immersion, en animant la vie de chaque dirigeant que vous incarnez au fur et à mesure que les décennies passent, et l'évolution de la politique interne de votre peuple. Ce dirigeant sera d'ailleurs affublé de différents surnoms qui vont changer en fonction de ses réussites ou de ses échecs, ou de l'archétype qu'il incarne : un grand roi bâtisseur, une reine zélote, un général exalté mais avide de prendre le pouvoir... la vie politique d'Old World est riche et se révèle être un véritable jeu dans le jeu, qui réagit aux évènements extérieurs.

Old World  Old World7. Ce n'est que le début de vos ennuis avec la Perse ! / 8. Vous pouvez envoyer vos héritiers sur les routes, pour qu'ils fassent leur éducation en voyageant.

En effet militairement, Old World se révèle aussi d'une exigence étonnante. Contrairement à d'autres 4X plus classiques qui autorisent des conflits plus dispersés et aléatoires, chaque guerre peut ici avoir des conséquences dévastatrices. Outre les habituelles dévastations de vos terres sur le passage de vos armées et le surcoût financier, le fait de devoir planifier ses opérations en fonction des revenus d'ordres rend cruciaux la production et la gestion de ses ressources. La létalité des combats n'autorise que peu d'erreurs, et il est facile d'être débordé par l'afflux de troupes ennemies si vous n'êtes pas assez rapide ou trop passif. Là où l'affaire se complique, c'est que perdre une de vos villes aura rapidement des conséquences lourdes sur l'équilibre des forces, étant les seules à pouvoir produire des unités militaires en dehors des évènements spéciaux vous proposant occasionnellement des mercenaires à recruter, et comme vous ne pouvez fonder que relativement peu de cités en raison de la rareté des emplacements disponibles... il vaut alors mieux prévenir les conflits en négociant plutôt que de risquer d'avoir le dessous sur le champ de bataille.

Avec l'attention portée à la narration et aux fresques historiques qu'il dépeint, Old World parvient en fin de compte à se démarquer nettement de son inévitable aîné. C'est un des rares jeux de stratégie où le joueur se retrouve bien mieux qu'ailleurs à devoir traiter avec des puissances étrangères et intérieures, et à prendre plus au sérieux son devoir de dirigeant, en incarnant son personnage pour régner sur le vieux monde.

8.0
Old World

C’est dans les vieux pots...
... qu’on fait le meilleur garum. Avoir centré son propos sur une seule période précise a permis à Mohawk Games de sortir un excellent 4X qui se distingue nettement de son modèle, et qui autorise une immersion et une implication du joueur qu’on voit rarement ailleurs. Avec son prix honnête et le contenu supplémentaire ajouté, il est difficile de ne pas vous le recommander malgré quelques rares imperfections de jeunesse.
Intérêt historique :Pointilleux sur les détails, Old World permet une très bonne reconstitution du monde antique, même s’il n’est pas exhaustif en choisissant certains peuples et pas d’autres. Les campagnes scénarisées permettent de s’immerger comme on le souhaite et si la Grèce et Rome sont vues et revues, on se plongera avec plaisir dans les épopées assyriennes, perses ou koushites.
  • +Très joli
  • +Original et immersif
  • +La narration, gros point fort du jeu
  • +Variété des civilisations, majeures et mineures
  • +Le système diplomatique et celui d’évènements, d’une variété impressionnante
  • -Je suspecte l’intelligence artificielle d’être quand même un peu trop aidée par le jeu, même en difficulté normale
  • -Les premières parties peuvent être un peu raides à appréhender
7
Direction artistique

Ravissant à observer, le monde d'Old World est plein de vie et de détail. Même si chaque civilisation possède son identité visuelle, celle-ci aurait peut-être pu être plus marquée, mais rien de très grave.

7
Technique

Quelques temps de chargements un poil trop long et des bugs de textes dans certaines fenêtres, mais rien qui soit trop rebutant.

7
Jouabilité

Bien qu'il exige une certaine patience au début pour en comprendre les finesses et intégrer toutes les données et les effets secondaires qu'il applique à tous les bâtiments ou les personnages, le gameplay d'Old World est bien servi par les infobulles. Pour le reste, les habitués de Civilization seront dans leurs pantoufles.

8
Durée de vie

Très longue, comme tous les 4X. Les parties peuvent durer longtemps et les développeurs ont inclus une grande quantité de scénarios, ainsi qu'un générateur de cartes aléatoires paramétrables jusqu'au dernier boulon qui vous occupera très longtemps.

9
Ambiance

Excellente et servie par le système d'évènements spéciaux et de quêtes qui ne donne quasiment jamais l'impression de voir deux fois les mêmes histoire, l'ambiance plonge instantanément le joueur dans son rôle.

9
Scénario

Avoir centré son propos sur l'Antiquité permet de mieux le servir. Pour le moment, on ne trouve que trois campagnes de quatre à six scénarios chacun, mais qui sont fort bien racontés et mis en scène. Gageons que Mohawk Games en ajoutera d'autres au fur et à mesure des DLC.


  • Cernunnos Testeur, Rédacteur
  • "Messieurs, c'est une plage privée! Je crois que nous dérangeons!" - Un officier britannique sur Sword Beach