Info sur le jeu
PlateformePC Windows
ÉditeurHooded Horse
Développeur3Division
Date de sortieJuin 2024

Workers & Resources : Soviet Republic

L'Amiral
Thématique
11 juin
2025

Je peux comprendre l'attrait qu'exerce l'URSS - et le Bloc de l'Est en général - sur certains. Dans un sens, cet univers radicalement différent du nôtre, Européen de l'Ouest, a quelque chose de lointain, voire distant, tout en étant à quelques centaines de kilomètres seulement par endroit (et sans pour autant glorifier un État aux manières totalitaires). Je ne vais pas dire que j'échangerai mon appartement actuel pour vivre dans une barre de béton avec 157 autres familles, mais en tout cas Workers & Resources : Soviet Republic (WRSR) m'a happé plus que je ne l'imaginais. Jusqu'à se révéler beaucoup plus touffu qu'estimé.

La dernière fois que nous avions mis la main sur WRSR, c'était fin septembre 2019... à quelques semaines d'un bouleversement majeur dans le monde. Autant dire qu'au-delà des quasi six années passées, cette durée semble particulièrement importante, et qu'elle a surtout vu la sortie définitive du jeu de 3Division (ainsi que son passage sous la coupe de HoodedHorse, l'éditeur notamment de Manor Lords).

Faisons un petit rappel : à la fin de la décennie précédente, quand le jeu est annoncé, il l'est par son unique développeur slovaque. Si la promesse de mettre la main sur un city builder peut alors décourager (nous sommes alors en pleine expansion du genre), le concept de passer pour une fois de l'autre côté du Rideau de fer attire l'attention. Ne reste qu'à mettre les mains dans le cambouis !

Workers & Resources : Soviet RepublicUn menu qui permet de personnaliser l’expérience au démarrage.

Des bases saines

Sur le principe, WRSR est dans la droite ligne de ce que tous les city builders ont proposé depuis la sortie de Banished : nous voilà sur une carte vierge de toute occupation humaine, avec à notre charge le développement d'une (ou de plusieurs) ville. Côté réalisation, le tout est plutôt agréable à l'oeil avec un fleuve, quelques rivières, des lacs, des forêts et des montagnes... En bref, n'importe quel coin entre la mer Baltique et la mer Noire. Sauf que, dans WRSR, notre rôle n'est pas de recréer l'URSS, loin de là : nous sommes à la tête d'une petite république coincée entre deux géants : les blocs de l'Est et de l'Ouest. D'ailleurs, ces derniers nous encerclent totalement comme le montrent les frontières de la carte constellées soit d'étoiles rouges pour le coté bloc de l'Est, soit de symbole de l'OTAN pour les Occidentaux. Quelques postes de douane sont installés en bordure de carte, permettant des échanges avec chaque faction.

Quel est donc l'intérêt de proposer cette mécanique, au-delà du côté historique ? En fait - et c'est ce qui va marquer le joueur au lancement de sa partie -, deux types de monnaie sont utilisables dans le jeu, les roubles et les dollars. Le joueur peut, par exemple, acheter en dollars uniquement des véhicules occidentaux, tandis que les roubles seront favorisés pour des véhicules du Bloc de l'Est et pour acheter des ressources automatiquement (notamment pour les stocks des centres commerciaux). Il suffit donc d'acheminer les ressources produites au sein de notre république soviétique au poste frontière pour les vendre soit pour des dollars, soit pour des roubles. Si certains postes frontières ont une liaison ferroviaire, d'autres peuvent être des ports voire ne disposer que d'une liaison routière. Et la survie, dans WRSR, passe obligatoirement par l'export.

Workers & Resources : Soviet RepublicConseil : installer sa ville au plus près d’un poste de douane est quasiment obligatoire afin de ne pas avoir des trajets d’export trop longs en début de partie.

Le BA-ba

Concrètement, WRSR ne dépaysera pas l'habitué des city builders : une fois les premiers bâtiments résidentiels posés, il faut combler les besoins des habitants qui sont venus s'y installer. La chaîne de production est relativement commune : le centre commercial peut être approvisionné automatiquement en roubles, mais il est bien entendu plus rentable de faire des fermes, des silos pour stocker les cultures puis une usine agroalimentaire et une distillerie. Oui : l'alcool et la nourriture font partie des besoins vitaux pour notre république. C'est cliché, mais c'est comme ça : il faudra veiller à mettre un bistrot non loin des barres d'immeubles, sinon leurs habitants manifesteront leur mécontentement. Les besoins de base sont simples à combler : pour du sport, il faudra installer un terrain de foot, de tennis ou autre. Pour la culture, le cinéma est une bonne option même si l'amphithéâtre prend moins de place.

Une fois ces besoins assurés, il faut veiller à la santé de la population en construisant un hôpital puis à sa sécurité avec une caserne de pompiers et un poste de police. C'est à partir de ce moment que WRSR devient intéressant : chaque bâtiment dispose de plusieurs emplacements de véhicules, que le joueur peut choisir lui-même, soit en roubles, soit en dollars. Et c'est là que le développeur de 3Division imprime sa marque : plusieurs dizaines de véhicules des deux blocs, tous parfaitement modélisés, sont disponibles... Et pas seulement des ambulances ou des camions de pompier. On parle aussi de véhicules spécifiques comme les camions-plateau, ceux pour abattre les arbres (avec la scie), tous triés par année d'apparition. Ce n'est pas grand chose, mais avoir un tel choix rend l'expérience plus agréable, surtout en apportant une certaine diversité sur les routes.

Workers & Resources : Soviet Republic
Workers & Resources : Soviet Republic  Workers & Resources : Soviet RepublicLa variété des bâtiments et des véhicules est à noter.

Développer sa république

Plus notre république progresse, plus les besoins augmentent : ainsi, certains bâtiments (la police secrète, la station de radio...) demanderont des citoyens intellectuels, qu'il faudra former au sein de l'université ou du bureau du Parti. Cette étape sera obligatoire pour lancer des recherches permettant notamment de débloquer de nouvelles infrastructures de transport ou de logistique, tout comme certaines chaînes de production (je pense par exemple à l'acier via la métallurgie).

Jusqu'à présent, WRSR propose donc à peu près la même chose que ses confrères : poser des bâtiments, les relier entre eux, et satisfaire les besoins de la population. Mais c'est dans la diversité que le jeu brille : tout comme pour les véhicules, plusieurs modèles de bâtiments résidentiels sont constructibles, allant de la longue barre de béton déprimante à des tours qui n'ont parfois rien à envier à celles de nos capitales occidentales - et bien sûr des habitats collectifs plus petits, pour un style différent. République soviétique oblige, il faut veiller à la loyauté des habitants, renforcée notamment par l'ajout (ou l'abus ?) de monuments qui vont de la statue de Lénine à une énorme obélisque avec une étoile rouge. Graphiquement, le jeu est brut de décoffrage mais ce style convient finalement à l'ambiance et surtout démontre un certain brutalisme - qu'on imagine tout soviétique.

Même si créer une petite cité typique d'Europe de l'Est peut être intéressant, le sel du jeu demeure cependant dans la chaîne économique, logistique et des transports. De prime abord, rien de cela ne semble très compliqué... Mais en 2025 comme en 2019, ma première zone industrielle (dédiée à l'extraction du charbon) a été un casse-tête. Je n'ai jamais joué à Factorio et à tous ces jeux pour adeptes du tapis roulant, et je m'en veux : il est possible d'optimiser au convoyeur près toute son industrie... Mais il faut s'accrocher.

Workers & Resources : Soviet Republic
Workers & Resources : Soviet Republic  Workers & Resources : Soviet RepublicLa pluie rend le tout déprimant : on distingue le centre commercial sans âme et les barres de béton (qui n’en ont pas non plus), accueillant chacune 157 familles. - Les liaisons piétonnes sont importantes : elles seront toujours privilégiées par les citoyens et permettront de relier plus facilement certains bâtiments entre eux.

L'économie du transport

Si on peut transférer des ressources d'un bâtiment à un autre grâce à une noria de camions, il est aussi possible de créer des liens dédiés uniquement à cette mission en plaçant les bâtiments de production les uns à côté des autres. Apparaît alors une icône grise avec des chevrons, par où transiteront les ressources. L'idée est excellente, et ne nécessite pas d'avoir des routes partout ; de même, les convoyeurs et autres canalisations permettront d'acheminer du charbon vers l'aciérie, du pétrole vers la raffinerie, des cultures vers l'usine agroalimentaire... En bref, WRSR propose d'innombrables possibilités d'optimisation sur le plan industriel... et c'est encore pire avec les trains.

Car oui : dans WRSR, vous pouvez développer les transports publics. Jusque-là, rien d'exceptionnel en effet. Les bus permettront aux citoyens d'aller d'un point A à un point B plus facilement, et il est tout à fait possible de faire des tramways et autres métros pour le même résultat (avec, à chaque fois, une pléthore de véhicules). Les trains sont la partie la plus touffue, car ils peuvent aussi bien emporter des passagers que des ressources, ce qui s'avère fort utile lorsque la zone d'extraction du charbon se trouve très loin de celle du fer, et que l'aciérie a besoin de charbon pour travailler. Pour une ligne de train, aucun problème : il suffit de définir le point de départ et le point d'arrivée, et tout roule. Pour les marchandises, c'est identique : un train (surtout personnalisable) acheminé à un poste de douane peut très vite rapporter beaucoup d'argent. Sauf que les problèmes se posent dès qu'il faut faire circuler plusieurs trains sur une même voie : le jeu nous laisse utiliser des sémaphores, dont le fonctionnement est excessivement compliqué de prime abord et laisse le joueur tâtonner (le jeu lui-même conseille d'aller regarder des vidéos et des guides pour en réaliser). Comme en 2019, j'ai moi-même tâtonné pendant une bonne quinzaine de minutes pour faire des liaisons efficaces avec deux trains de passagers qui se croisaient...

Workers & Resources : Soviet Republic  Workers & Resources : Soviet Republic
Workers & Resources : Soviet RepublicPour plus d’efficacité, il est conseillé d’héberger les ouvriers des zones industrielles proche de leur lieu de travail, comme ici avec la raffinerie. - Mon train avec 210 litres de carburant et 60 tonnes de planches arrive à la frontière pour être exportés vers le bloc de l’Est. - Ma zone industrielle dédiée à l’acier, approvisionnée en charbon par voie ferrée… et qui exporte des composants mécaniques, par voie ferrée, toujours.

Chacun son jeu

En réalité, WRSR est polyvalent : il peut plaire au fan de city builder qui veut construire une belle ville sans se préoccuper de l'export et des finances, comme à celui qui a déjà passé plusieurs heures sur Factorio ou autre jeu de ce style. Le menu de démarrage de partie permet de régler spécifiquement la difficulté en choisissant d'activer ou non plusieurs paramètres. À titre personnel, je conseille de démarrer une première partie en argent illimité et en désactivant certains paramètres comme la gestion de la chaleur, des eaux et de l'électricité. Le jeu est suffisamment touffu pour qu'il n'y ait pas besoin de se surcharger l'expérience directement !

Les zones industrielles vont crescendo : les premières ne sont composées que de deux bâtiments, mais les dernières (comme par exemple, l'assemblage de voitures) nécessitent énormément de bâtiments et beaucoup de planification. Cette dernière doit être minutieuse, car s'il est possible de démolir des bâtiments déjà posés, le coût de construction n'est pas remboursé au joueur. Néanmoins, on ne peut s'empêcher d'être heureux après avoir fait une zone produisant du charbon qui fournit l'aciérie, qui à son tour permet la production de composants mécaniques se revendant très cher à l'export... La courbe d'apprentissage est sévère, mais c'est une fois au sommet et après plusieurs heures qu'on peut regarder le résultat avec plaisir. Au final, un joueur peut choisir de produire de lui-même les ressources utilisées pour ses bâtiments ou pour la construction : mais cette configuration est à réserver aux plus expérimentés.

À noter que si le jeu démarre en 1960, un DLC nommé “Early Start” propose de démarrer quarante ans plus tôt avec, bien entendu, des véhicules de l'entre-deux-guerres et une actualisation des bâtiments de production !

Workers & Resources : Soviet Republic  Workers & Resources : Soviet RepublicLa gestion ferroviaire demande une certaine précision (et quelques soupirs d’énervement).
8.0
Workers & Resources : Soviet Republic

Workers & Resources : Soviet Republic pourrait passer pour un city builder classique, mais il n’en est rien. Suffisamment profond pour intéresser les experts du genre, ses réglages lui permettent aussi de satisfaire les joueurs plus intéressés par la phase de construction et d’optimisation que par la planification économique. La diversité des véhicules amène un réel plus dans le jeu, qui finalement s’avère être un des meilleurs city builders de sa génération - et son esthétique soviétique n’y est pas pour rien.
Intérêt historique :On sent que le studio 3Division a fait un important effort de recherche et de modélisation pour les véhicules (camions, voitures, avions, navires...), et le résultat est grandiose.
  • +Un thème peu exploré
  • +Une difficulté adaptative
  • +Des défis motivants
  • -Graphismes pouvant faire peur (surtout en 2025)
  • -Certains pans du jeu sont inutilement compliqués (coucou les sémaphores)
  • -Les musiques sont répétitives, et l’aspect militaire a été complètement effacé
6
Graphismes

Workers & Resources : Soviet Republic n’est pas « beau » dans le sens des canons du genre, mais a un style très « soviétique » qui ne laisse pas indifférent. Si c’est un parti pris, c’est réussi !

7
Technique

Paradoxalement, Workers & Resources : Soviet Republic peut afficher plusieurs dizaines de citoyens et de véhicules sans voir de gros ralentissements, mais ces derniers peuvent arriver à tout moment de la partie. On conseille néanmoins un PC correct.

8
Jouabilité

Brut de décoffrage par moments, Workers & Resources : Soviet Republic a un côté gratifiant dans sa courbe d’apprentissage.

10
Durée de vie

Comme tout city builder, WRSR a une durée de vie infinie, améliorée par la taille et la diversité des cartes.

9
Ambiance

Tout est bon pour se mettre dans l’ambiance, entre les barres de béton ternes et la musique type soviétique.


  • Witz Rédacteur, Testeur, Chroniqueur, Historien
  • « L'important n'est pas ce que l'on supporte, mais la manière de le supporter » Sénèque