Info sur le jeu |
Plateforme
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ÉditeurDevolver Digital |
DéveloppeurNerial |
Date de sortieJuin 2022 |
Card Shark : Abattre sa carte maîtresse
Souvenez-vous du sentiment ressenti quand on attend tellement un jeu qu'on en parle partout : réseaux sociaux, presse gaming, famille/amis… Eh bien, Card Shark ne fait pas partie de ça. Si vous n'en avez pas entendu parler, c'est parce que c'est un jeu basé exclusivement sur des jeux de cartes. Pas du tout à la façon des jeux de collection comme Pokémon ou Yu-Gi-Oh, puisqu'on ne joue pas les cartes nous-mêmes. En fait, l'action tourne autour des manipulations via la manette (ou clavier/souris) au sein de mini-jeux – il faut parfois effectuer des mouvements assez fins afin de tourner/marquer les coins des cartes, de les ranger en ordre ou non. Parfois, on a la possibilité d'agir au cours des tours de passe-passe et, parfois, on joue le rôle de guetteur pour notre camarade assis à la table. On peut en venir à faire le service des verres, à compter les cartes, à tricher… Et si on n'est pas chanceux, on doit parier avec la mort elle-même.
Dans Card Shark, on incarne Eugène, jeune muet qui aide sa mère d'accueil à la taverne qu'elle tient à Pau. La vie d'Eugène est bouleversée par sa rencontre avec le Comte de Saint-Germain. Un peu goujat, un brin vaurien, ce monsieur tente de modeler l'innocent Eugène en véritable fléau des portefeuilles bien remplis. On est progressivement initié aux manipulations qui serviront lors du gameplay.
Le contexte historique nous situe sous le règne de Louis XV et nous permet de rencontrer et de flouer certains personnages importants de l'histoire de France (un brin anachronique parfois), comme le philosophe Voltaire ; John Law, le contrôleur général des Finances écossaises sous la régence de Philippe d'Orléans ; ou encore Mme de Pompadour.
Embarqués dans un voyage autour de la France de l'Ancien Régime, Eugène et le Comte doivent apprendre à travailler ensemble. C'est d'autant plus important qu'ils se retrouvent mêlés à une histoire de meurtres qui remontent aux plus hautes sphères de l'État.
Lorsque l'on découvre Card Shark, la première chose que l'on remarque, c'est son style artistique. L'ombrage de celluloïd, ou cel-shading, sur les personnages contraste avec l'inspiration impressionniste en fond d'écran. C'est un style qui reflète à la fois le côté historique du jeu et l'attrait des jeux d'antan.
Cependant, si on cherche une forte variété de gameplay, ce n'est pas chez Card Shark qu'on la trouvera. L'alpha et l'oméga du jeu sont très faciles à comprendre dès les premières minutes : on apprend un tour de passe-passe sous l'œil bienveillant du Comte avant de l'employer une fois arrivé à la table de jeu. Si l'on gagne trois manches, on dévoile une autre partie de l'histoire ; sinon, on doit en subir les conséquences – parfois législatives, parfois corporelles.
En apparence, il n'y a rien de trop compliqué, mais les combines à exécuter sont parfois diaboliques à réussir et demandent de garder sa concentration et son sang-froid face aux soupçons grandissants de sa cible. Faire le tout demande des manipulations fines, du doigté et de l'exactitude. Comme dans la vraie vie, il faut aussi savoir s'arrêter pour ne pas être soupçonné. Néanmoins, si l'on abandonne avant de perdre, il faut recommencer du début, car le nombre de manches retombe à zéro.
L'apprentissage des tours, même réussi face au Comte, ne suffit pas. Face aux oppositions, aux petites altérations et aux changements intempestifs, comme l'ordre des joueurs, suivre les tricheries que l'on exécute sur plusieurs étapes peut s'avérer compliqué. De plus, les niveaux augmentent avec l'avancée dans le jeu : le Comte, ne voulant pas insulter notre intelligence – gentil, non ? – ne réexplique pas les étapes des tours de passe-passe appris des heures, voire des jours, auparavant. On a certes accès à un tutoriel des tricheries dans le menu, mais les explications restent assez générales et insuffisantes… Cette étape aurait certainement pu être améliorée par une animation ou quelque chose de visuel. Dans un jeu avec aussi peu de mécaniques et un nombre aussi grand de combines à apprendre, cela a tendance à mélanger les explications. De plus, beaucoup sont construites les unes sur les autres. Si l'on a du mal à comprendre un aspect d'une tricherie, le reste de la partie a tendance à ressembler à un jeu de hasard.
En faisant le tour de la France, avec quelques passages à l'étranger, en compagnie du Comte, Card Shark nous donne l'impression d'avoir le choix des chemins à prendre : s'attaquer à une vieille veuve riche et son entourage dans un salon douillet ou s'encanailler dans une taverne remplie de voyous et de scélérats ? En réalité, le choix est souvent fait en fonction de ses propres finances : il faut bien miser un minimum pour accéder aux tables, et la mise augmente en fonction de l'avancée du jeu. Il faut donc avoir des poches très profondes, surtout si on ne réussit pas les tours de passe-passe du premier coup. Si on a le malheur d'être à sec, on peut aller plaider pour des fonds auprès du maître d'un camp d'itinérants à qui l'on a préalablement fourni des réserves. C'est presque un système de sécurité sociale version XVIIIe siècle… Le jeu peut être complété en sept à huit heures, si l'on n'est pas trop maladroit avec l'exécution des tours.
Même si le déroulement du jeu peut sembler simpliste – les mécaniques ne changent pas, le modèle des missions reste identique – le choix des développeurs, les Anglais de Nerial (à qui l'on doit la série des Reigns), sur la longueur du jeu fait de Card Shark un jeu qui reste intéressant. On se balade partout : le Sud-Ouest de la France, des coins de Corse, Aurillac, Nancy, et le palais de Versailles. La plupart du déroulement du jeu se passe en intérieur, mais grâce à l'utilisation des couleurs, au développement de la bande son et aux personnages que l'on rencontre au cours du voyage d'Eugène, l'ambiance de la France de l'Ancien Régime est pleinement développée.
Toutefois, malgré ses points positifs, il y a des améliorations qui pourraient être intéressantes, comme des mini-jeux axés plutôt sur le caractère psychologique que sur les manipulations techniques des jeux de cartes ou encore sur le bluff. Il aurait fallu plus d'endroits où le joueur peut sélectionner librement le tour à employer et développer le côté historique des personnages rencontrés afin que plus de joueurs puissent les identifier…
Il faut surtout juger Card Shark sur ses mérites et ses défauts plutôt que sur ce que l'on aimerait voir. En soi, le scénario semble rester un peu à l'écart du reste du jeu : le gameplay règne et, même si une histoire est présente autour de l'identité d'Eugène, elle est peu marquante. Si vous êtes fan des jeux de cartes, Card Shark est un jeu qui tourne autour du sujet mais plus du côté sombre : la triche et la manipulation.
Avec son style artistique attirant, sa durée raisonnable, sa bande-son intéressante et la caractérisation amusante des personnages principaux, ce jeu a du mérite. Card Shark trouve sa place lorsque l'on est fatigué des longs jeux et que l'heure est venue de nettoyer sa palette vidéoludique. C'est un concept original, qui pourrait bénéficier de quelques changements pour une suite éventuelle. Grâce à son ambiance historique et artistique, le jeu est recommandable et je lui accorde le rang de Baron. Il mérite notre attention mais reste encore à la recherche d'un moyen de se démarquer davantage.
Card Shark
- +Concept original de mise en valeur des tricheries
- +Ambiance soignée
- +Direction artistique attirante
- +Une histoire courte et complète
- -Des tutoriels insuffisant
- -Manque de personnages secondaires étoffés
- -Manque de variation dans le gameplay
Direction artistique
En utilisant des techniques de cel-shading et l'impressionnisme, le décor du jeu est aussi important que le gameplay.
Technique
Aucun bug, mais les manipulations avec la manette peuvent s'avérer difficiles à réussir, même si le jeu nous conseille de jouer avec plutôt qu'en mode clavier. J'ai finalement jeté l'éponge et pris ma souris et mon clavier.
Jouabilité
Facile à jouer, difficile à maîtriser. Card Shark trouve un juste milieu entre énervant et fun, entre ce qui rend difficile de poser la manette et facile de dire « juste une dernière fois… ».
Durée de vie
La durée de vie du jeu est courte, de l'ordre de 8 heures, mais on n'en demande pas plus, et l'histoire trouve une conclusion relativement satisfaisante.
Ambiance
Même avec sa courte durée de jeu, l'immersion est forte dans la France du XVIIIe siècle.
Scénario
Ce n'est pas un roman épique et il ne prétend pas l'être. L'histoire (avec un petit "h") sert plus comme accompagnement au gameplay.
Ralta Rédacteur
- "L'histoire sera gentille avec moi car j'ai l'intention de l'écrire." - Winston Churchill