Info sur le jeu |
Plateforme
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Éditeur
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DéveloppeurTeam Ninja |
Date de sortieMars 2025 |
Rise of the Rōnin
Alors que (presque) tout le monde ne parle que d'un certain autre jeu se déroulant aussi dans le Japon féodal, un petit site d'irréductibles journalistes amateurs et bénévoles a choisi de braquer les projecteurs sur un titre bien plus discret. Un jeu, qui plus est, vendu à prix normal - du moins sur PC - sans microtransactions, sans licornes arc-en-ciel, ni skins d'armure à 10€ le pack. Non, ici, pas de tentative bancale pour réhabiliter un éditeur au passé douteux, qui se contente du strict minimum tout en recyclant ses vieilles formules pour satisfaire ses actionnaires.
À la place, on s'est intéressés à un jeu qui... bon, avouons-le, propose à peu près la même chose côté gameplay. Mais qui le fait mieux. Qui tente, timidement, de faire évoluer sa propre formule, tout en recyclant les mêmes ficelles redondantes et répétitives que la concurrence. Et parfois, il suffit d'un petit truc en plus pour qu'on accroche jusqu'au bout - alors que, bon sang, qu'est-ce que c'est moche...
Mine de rien, Rise of the Rōnin est le quatrième jeu de la Team Ninja auquel je joue — et à chaque fois, le même plaisir coupable. Le studio ne fait pas forcément l'unanimité, mais ses productions continuent de m'accrocher là où d'autres décrochent. Je ne parle pas ici des Dead or Alive et de sa "physique rebondissante", ni même des Ninja Gaiden. Non, je pense plutôt aux deux Nioh (sortis en 2017 et 2020), ainsi qu'à Wo Long : Fallen Dynasty, en 2023 - une expérience que j'ai été parmi les rares à apprécier (lire le test).
Après un peu plus de 50 heures de jeu, une chose est sûre : Rise of the Rōnin coche toutes les cases du casse-tête pour le testeur. Il peut être à la fois un excellent jeu historique, un très bon titre pour qui partage mes attentes, un jeu moyen pour le joueur lambda... et une anomalie technique pour la next-gen. Rise of the Rōnin, c'est un jeu capable aussi bien de vous captiver du début à la fin que de vous ennuyer, ou même de vous faire râler. Alors, si vous vous demandez pourquoi j'ai aimé un titre qui a été pourtant esquivé sur PS5, et qui est actuellement conspué sur Steam... lisez la suite.
Initialement sorti il y a tout juste un an sur PlayStation 5, Rise of the Rōnin profite depuis le 11 mars dernier de la fin de son exclusivité temporaire pour débarquer sur PC. C'est cette version, fournie par l'éditeur, que nous avons pu tester.
La guerre de Boshin comme si vous y étiez (ou presque)
L'action de Rise of the Rōnin prend place durant le Bakumatsu, la période de transition qui marque la fin du shogunat Tokugawa (1603-1868) et l'effondrement de l'ordre féodal au Japon. Située entre 1853 et 1868, cette époque charnière voit s'affronter modernité et tradition dans un pays contraint de s'ouvrir à l'Occident après plus de deux siècles d'isolationnisme.
Le jeu condense plusieurs événements historiques mineurs et majeurs sur quatre chapitres. Tout commence en 1853, avec l'arrivée des célèbres « navires noirs » (kurofune) de la flotte américaine menée par le commodore Matthew Perry. Cette démonstration de force aboutit à la signature du traité de Kanagawa l'année suivante, mettant fin à la politique du sakoku — une fermeture quasi totale du pays aux étrangers instaurée depuis les années 1630. Le Japon, jusque-là replié sur lui-même, est alors contraint de nouer des relations commerciales et diplomatiques avec les grandes puissances de l'époque : les méchants États-Unis, les maudits Britanniques... et les — meilleurs d'entre tous — Français. Nous y reviendrons.
Rise of the Rōnin nous permet de prendre part à plusieurs événements historiques, comme la signature du traité Harris, ou encore la purge d'Ansei, orchestrée par Ii Naosuke pour renforcer le pouvoir du shogunat en éliminant ses opposants, dont le célèbre Yoshida Shōin. Le jeu retrace également divers incidents et affrontements, comme celui de Sakuradamon — tentative d'assassinat contre Ii Naosuke — ou encore l'Affaire Ikedaya, qui opposa les Ishin Shishi (milice anti-shogunale) au Shinsen Gumi, redoutable unité armée au service du Bakufu.
Le récit s'achève sur la Guerre de Boshin, point culminant de cette période de transition. Toutefois, le jeu ne couvre qu'une partie de ce conflit : les épisodes de la Résistance de l'Alliance du Nord et de la campagne d'Hokkaidō sont mis de côté, probablement en vue d'un éventuel DLC... qui ne verra hélas jamais le jour, étant donné le succès mitigé du titre. Heureusement, Rise of the Rōnin prend soin d'apporter une vraie conclusion à l'histoire de votre protagoniste.
Le joueur incarne l'une des deux "lames secrètes", un binôme de guerriers aux talents uniques, entrainés dès leur plus jeune âge par un mystérieux mentor surnommé le Forgeron appartenant au clan Kurosu. Ce petit clan fictif souffre depuis plusieurs années de la lourde imposition et des poilitques de travail forcé décrétées par le shogunat.
Ce duo peut être composé de deux hommes, de deux femmes, ou d'un homme et d'une femme, selon vos préférences. La personnalisation des personnages est d'ailleurs suffisamment poussée pour donner libre cours à toutes les fantaisies — quitte à recréer un duo façon Geralt et Ciri version samouraï. Pour ma part, les modèles par défaut m'ont amplement suffi, surtout mon personnage principal, qui arborait un petit air de Hiroyuki Sanada (en plus jeune), histoire de me rappeler de bons souvenirs avec l'excellente série Shōgun. D'ailleurs, regarder la série avant de commencer le jeu est loin d'être une mauvaise idée : les deux œuvres partagent une ambiance et une rigueur historique très similaires.


Durant le prologue, votre protagoniste et sa lame jumelle ont reçu une mission d'envergure : assassiner le commodore Matthew Perry de la marine américaine et intercepter un message confidentiel. Cependant, comme vous vous en doutez, l'opération tourne mal. Votre lame jumelle disparaît, et vous êtes contraint de rentrer seul dans votre village natal. À peine arrivé, le lieu est attaqué par les Oniwaban — une unité d'espionnage du shogunat fondée au XVIIIème siècle par Tokugawa Yoshimune pour surveiller les ennemis internes. C'est à ce moment-là que le jeu vous force à faire un premier choix crucial, qui met fin au prologue et vous propulse dans le grand bain quelques années plus tard, à la recherche de votre lame jumelle.
Dès lors, on est plongé dans un Japon en crise. Le chaos, les maladies et les bandes de brigands règnent en maîtres dans la première région que vous explorez, autour de la ville de Yokohama, tandis que la guerre civile se profile à l'horizon. Il faut dire que l'arrivée des étrangers ne laisse personne indifférent, et plusieurs factions émergent : entre ceux attirés par les opportunités qu'offre l'ouverture — et les armes occidentales —, et ceux qui veulent expulser ces barbares. Parce qu'ils nous volent notre travail, comme dirait l'autre ? Euh... non. Parce qu'ils apporteraient la maladie, la délinquance, le bruit, les odeurs... Toujours pas, non ! Peut-être parce que cette influence étrangère risque de renforcer le pouvoir du shogunat au détriment de l'empereur, et de bouleverser tout l'ordre social établi ? Ah, nous approchons de la vérité.
Dans tous les cas, dès votre arrivée dans la région, vous serez amené à choisir votre camp et à suivre le fil des événements historiques, tout en poursuivant votre quête personnelle. En tant que rōnin — un samouraï errant sans maître —, votre allégeance sera forcément fluctuante. Elle dépendra des retournements de situation, des forces en présence, et surtout des amitiés nouées au fil de l'aventure. Cela donne lieu à des situations parfois cocasses, où vous combattez d'anciens alliés ou trinquez avec d'anciens ennemis, et c'est exactement ce genre de dynamique qui donne tout son charme au jeu. Cela rappelle un peu Alexios ou Kassandra dans Assassin's Creed Odyssey qui pouvaient aussi bien travailler pour les Spartiates que les Athéniens en tant que mercenaire. Ici, vous aurez le choix entre les anti- ou pro-shogunat.
Chose plutôt appréciable, Rise of the Rōnin évite de vous forcer à recommencer une nouvelle partie pour tester différents choix scénaristiques. Le jeu dispose d'une fonctionnalité appelée "Testament spirituel", qui vous permet de revivre des événements passés, de retourner dans des zones déjà explorées et de réessayer certaines missions pour emprunter un embranchement scénaristique différent. Et si ce choix vous convient mieux, vous pouvez le conserver sans avoir à reprendre toute l'aventure depuis le début.

Plein de personnages historiques... et Jules Brunet
J'ai personnellement adoré cette partie du scénario principal, qui nous fait suivre l'histoire réelle — parfois de façon fidèle, souvent romancée — sans jamais tomber dans le manichéisme. Non, les étrangers ne sont pas tous d'odieux impérialistes, pour peu qu'on prenne le temps de les connaître. Et non, les Japonais ne sont pas tous faits de pureté et de sagesse.
Bon, il y a bien les Français, qui bénéficient d'une image plutôt flatteuse tout au long du jeu. Il faut dire que la légende Jules Brunet n'y est pas étrangère : il en impose, le gaillard, et mériterait qu'un réalisateur français, avec un gros budget, s'intéresse sérieusement à son parcours — un vrai conte épique à lui tout seul. Et comme il est possible d'en faire un allié et de combattre à ses côtés... eh bien, disons que le jeu gagne automatiquement un point bonus dans sa note finale, sans aucune contestation.
Rise of the Rōnin offre une galerie de personnages particulièrement fournie. Rares sont ceux créés spécialement pour le jeu : la majorité d'entre eux sont inspirés de figures historiques ayant réellement existé. Certains ont eu droit à quelques extrapolations, comme Usugumo Dayu, geisha amatrice de chats — comme l'indique sa tombe encore visible aujourd'hui. D'autres font une apparition un peu prématurée, en forme de clin d'œil. C'est le cas, par exemple, de Jigoro Kano, sans qui la France aurait quelques médailles d'or en moins aux Jeux olympiques... lui qui n'est autre que le fondateur du judo.

La liste est longue, et souvent, vous finirez par vous attacher à ces personnages. Malgré la présence d'une encyclopédie intégrée au jeu, il vous arrivera de vous rendre sur Wikipédia pour vérifier si tel ou tel nom a réellement existé — tant leurs histoires paraissent invraisemblables. Et vous découvrirez que, bien souvent, la fiction rejoint la réalité : cette période de l'histoire japonaise est propice aux récits épiques, cruels et tragiques.
Le jeu n'ose toutefois pas aller trop loin avec certains personnages qui, historiquement, auraient dû mourir à des dates précises... mais que l'on retrouve bien vivants à la fin. Comme si Rise of the Rōnin voulait leur offrir une deuxième chance — ou, du moins, une fin plus heureuse.
Vous aurez ainsi le plaisir de croiser une foule de figures historiques, parfois mineures, d'autres majeures, certaines ayant contribué à la chute du shogunat et à la naissance de l'ère Meiji. Parmi elles, on découvre Fukuzawa Yukichi, l'un des fondateurs du Japon moderne, ou encore Tokugawa Yoshinobu, le quinzième et dernier shogun Tokugawa qui modernisa les armées du shogunat grâce notamment à la mission militaire française. Le jeu met aussi en lumière des personnalités moins connues, mais tout aussi fascinantes, comme Nakazawa Koto, une onna-bugeisha (femme combattante issue de la noblesse), ou Kusumoto Ine, première femme médecin à pratiquer la médecine occidentale au Japon.
D'autres grandes figures de l'époque viennent enrichir ce casting historique : Naosuke Ii, Yoshida Shōin, Katsu Kaishū, Shibusawa Eiichi — considéré comme le père du capitalisme japonais — mais aussi des étrangers ayant réellement foulé le sol nippon, comme le photographe italo-britannique Felice Beato, ou le botaniste écossais Robert Fortune. Sans oublier les incontournables du Bakumatsu : Isami Kondō, Genzui Kusaka, et bien sûr l'illustre Ryōma Sakamoto, personnage ô combien captivant et sympathique, qui pèsera lourdement sur vos choix au cours des quatre chapitres du jeu, vous faisant voyager à travers trois grandes régions du Japon : Yokohama, Edo et Kyoto.
Un monde ouvert, tout ce qu'il y a de plus classique
La Team Ninja a légèrement fait évoluer la formule héritée de Nioh et Wo Long : Fallen Dynasty, qui proposaient uniquement un enchaînement de missions cloisonnées où il fallait se frayer un chemin à travers des hordes d'ennemis pour atteindre le boss final. Dans Rise of the Rōnin, on retrouve ce type de quêtes, mais intégrées cette fois dans un monde semi-ouvert, réparti sur trois grandes régions.
Chaque région est découpée en plusieurs petites provinces, et vous comprendrez très vite que Far Cry et Assassin's Creed ont fait beaucoup de mal à l'industrie vidéoludique en matière d'activités secondaires. Répétitives, redondantes, pénibles, cassant le rythme, inutiles, chiantes... Voilà généralement les mots qui viennent à l'esprit quand on pense à ce genre de contenu, devenu franchement indigeste depuis l'overdose provoquée par Valhalla. Heureusement, Rise of the Rōnin évite de nous faire perdre 100 heures de notre vie en nous forçant à cocher toutes les cases de chaque province pour pouvoir progresser. Comptez entre 25 et 30 heures pour tout découvrir — voire moins, si vous ne souffrez pas de collectionnite aiguë comme moi. Car oui, tout cela reste globalement dispensable.
Dans chaque province, une jauge de réputation (appelée “lien” dans le jeu) est à remplir sur trois niveaux, chacun débloquant des récompenses spécifiques. Cette jauge progresse via les activités secondaires : chercher des chats (et les caresser — il y en a 100), prier dans des sanctuaires, éliminer des fugitifs, faire des photos, ouvrir des coffres, découvrir des lieux historiques... sans oublier l'inévitable “libérer le camp”. C'est un système très mécanique : vous ouvrez la carte, repérez les icônes des activités restantes, placez vos cinq marqueurs maximum, fermez la carte, puis partez vers l'objectif marqué à pied, à cheval ou en planeur (oui !) caresser des minous ou trancher la tête de quelques individus peu scrupuleux.
C'est répétitif, et on est loin du plaisir d'exploration organique que peut offrir un Ghost of Tsushima — toujours un modèle en la matière — ou un Elden Ring, qui reste inégalé à ce jour. Certes, une fumée noire s'élèvant au loin dans le ciel indique la présence d'un camp à libérer, ou le miaulement d'un chat vous indique sa présence non loin, mais ce n'est pas suffisant pour rendre la corvée plus intéressante. Mais heureusement, la jauge de lien se remplit assez vite pour ne pas nous forcer à vider entièrement chaque province. D'autant que des événements dynamiques apparaissent régulièrement et offrent aussi des points : sauver un marchand, affronter un élève au sabre, ou même donner quelques piécettes à un mendiant. C'est léger, mais ça ajoute un peu de variété bienvenue.
Il n'y a pas que les provinces qui demande à remplir une jauge de lien, chaque personnages introduit dans le jeu en dispose d'une également — mais cette fois si sur quatre niveaux. Vous pourrez vous lier d'amitié avec ces personnages, en leur offrant des cadeaux, en résolvant des missions pour eux, et même développé une romance. Cela vous donne accès à divers récompenses, comme de l'équipement ou un style d'arme uniques permettant de perfectionner votre maîtrise du combat. Dans certaines missions, vous aurez même l'occasion d'amener avec vous de deux ces personnages en fonction du contexte et de leur prédisposition.
Des combats techniques et tactiques, plus qu'il n'y paraît
Parlons-en, des combats. C'est généralement le point fort des créations de la Team Ninja, qui n'a jamais déçu sur ce terrain — et Rise of the Rōnin ne déroge pas à la règle. Même s'il est sans doute le jeu le plus accessible du studio à ce jour, il n'en reste pas moins exigeant. Il faudra un certain temps d'apprentissage, notamment pour maîtriser l'art du contre au bon moment.
Le système repose sur quatre commandes principales : attaquer (légère ou lourde selon la pression sur le bouton), garder, esquiver, et exécuter un contre éclair — une parade offensive décisive, redoutablement efficace une fois bien maîtrisée... ce qui, je l'avoue, n'a pas toujours été mon cas. Une cinquième commande vous permet d'enclencher une attaque spéciale, propre au style de combat appris et à l'arme équipée (vous pouvez porter deux armes de corps à corps et deux armes à distance).
Oubliez le matraquage de boutons : chaque action draîne votre jauge de ki (endurance). Une fois vidée, vous serez étourdi quelques secondes, offrant à votre adversaire une ouverture pour une attaque critique, aux dégâts massifs. Pour récupérer votre ki, il vous faudra battre en retraite un instant, ou utiliser la technique du chiburi — un geste stylé qui consiste à vous débarrasser du sang sur votre lame. Plus votre arme est maculée, plus la récupération de ki sera efficace.
Et ce qui s'applique à vous, s'applique aussi à vos ennemis : les fatiguer à coups bien placés, les contrer au bon moment, les punir d'une attaque éclair demande un vrai sens du timing... et un peu de maîtrise de soi. Il vous faudra aussi bien comprendre vos armes, car elles sont nombreuses et variées : katanas, ōdachi, naginatas, épées doubles, fusils à baïonnette, sabres... Sans oublier les armes à distance : arc, fusil, revolver. Chaque type offre une sensation et des styles différents de combat qui sont également très nombreux.
Un bon système de combat ne serait rien sans de bons opposants, et Rise of the Rōnin fait figure de modèle du genre en proposant un large panel d'ennemis différents. Il existe plusieurs types d'ennemis, reconnaissables à leur morphologie, mais au sein d'un même type, on peut retrouver différents styles de combat. Résultat : il est souvent difficile d'anticiper les affrontements à l'avance. Contrairement, par exemple, à Elden Ring, où l'on finit par connaître les patterns de chaque ennemi, rendant les combats prévisibles avec un peu d'expérience, Rise of the Rōnin rend l'exercice un poil plus complexe. Les ennemis sont aussi variés que retors, sans pour autant être plus difficiles. C'est aussi valable pour les boss, tous dotés de capacités et de styles de combat uniques — qu'il est d'ailleurs possible d'acquérir en les battant.
À mesure que vous développez vos liens avec les personnages rencontrés, vous débloquez de nouveaux styles de combat et gagnez en compétences. Ces styles sont regroupés en différentes écoles : Ten, Chi, Jin ou encore Shinobi. Chacune est plus ou moins efficace selon l'adversaire que vous affrontez, et savoir adapter votre posture permet de provoquer des dégâts bien plus importants qu'en s'acharnant avec le mauvais style.
Le jeu ne mise pas sur les boss géants blindés de points de vie et qui occupent tout l'écran, comme dans Wo Long : Fallen Dynasty, où les effets visuels nuisaient parfois à la lisibilité. Ici, les combats sont plus terre à terre, plus rapides, plus nerveux, et surtout plus lisibles. La plupart des missions se terminent en 15 à 20 minutes, rarement plus de 30, à l'exception des grandes séquences liées au scénario principal. Cela permet de se caler facilement une petite session de jeu sans trop se prendre la tête.

Trop de loot tue le loot
Il y aurait encore beaucoup de choses positives à dire sur Rise of the Rōnin et son gameplay. Certes, il n'est pas très original, mais il est suffisamment complet et riche pour satisfaire les amoureux du genre. Mais passons aux points qui fâchent — à commencer par le système de loot et de statistiques.
Comme ses prédécesseurs, Rise of the Rōnin nous bombarde d'équipements dès qu'on ouvre un coffre, qu'on termine une mission ou qu'on tue un ennemi. On se croirait parfois dans un hack'n'slash à la Diablo ou Borderlands. Le problème, c'est que 95% de ce butin ne sert à rien. Leur seule vraie utilité ? Être démantelés chez le forgeron pour récupérer des matériaux, qui seront ensuite utilisés pour améliorer les quelques pièces d'équipement réellement intéressantes. Malheureusement, j'ai découvert une option permettant de filtrer l'inventaire après avoir fini le jeu... Je me suis donc souvent retrouvé avec plusieurs centaines d'objets totalement inutiles dans mon inventaire — qui peut contenir jusqu'à 2000 armes, armures (pour la tête, le corps, les bras et les jambes) et bibelots.
Autre souci, récurrent chez la Team Ninja : les statistiques des objets sont, à mes yeux d'occidental, particulièrement obscures, voire inutiles. Un bonus de +7,4 % à une statistique ou un type de dégât ? Honnêtement, ça ne me parle pas. Je ne vois ni la différence à l'usage, ni l'intérêt. Au final, ce qu'on finit par surveiller, c'est simplement le niveau d'attaque, celui de défense, et éventuellement les bonus liés aux sets d'équipement.
Bon, en même temps, je dis ça... mais dès que j'ai mis un pied dans le endgame, avec la difficulté “Nuit Noire”, je me suis fait rosser en deux secondes. Là, on sent clairement que le jeu attend de vous une gestion précise et optimisée de votre stuff. Mais pour y parvenir, encore faut-il ne pas se noyer dans un océan d'équipements jetables et de statistiques peu claires.
La beauté intérieure
Rise of the Rōnin fut une exclusivité PS5. Entendez par là qu'il n'a pas été prévu pour sortir sur les consoles old-gen. Pourtant, il aurait sans doute fait merveille sur PS3, tant le résultat accuse un retard graphique de plusieurs années. Certes, avant de lancer le jeu, mes yeux s'étaient habitués à des merveilles comme Senua's Saga: Hellblade II, Final Fantasy XVI, Final Fantasy VII Rebirth ou God of War Ragnarök. Passer ensuite à Rise of the Rōnin... disons que les premières heures ont été douloureuses. Textures baveuses, absence d'effets de lumière dignes de la nouvelle génération, un Ray tracing qui n'apporte rien : mes yeux ont eu du mal à s'en remettre.
Puis, on finit par s'y habituer. Surtout lorsqu'on visite les deux autres régions, bien plus soignées et riches en éléments de décor. Là où la carte de Yokohama paraît vide, mal structurée, avec des arbres — pourtant bien modélisés — placés de manière aléatoire, Edo et Kyoto proposent des environnements urbains vivants, aux rues tantôt larges, tantôt étroites. On y découvre des quartiers chinois, des quartiers des plaisirs, les jardins des résidences nobles, des dōjōs, des temples… dont le spectaculaire Kiyomizu-dera à Kyoto, modélisé avec un grand souci du détail.
D'ailleurs, en parlant de temples… on n'a pas entendu le gouvernement japonais râler parce qu'on peut y provoquer des massacres, non ? Deux poids, deux mesures, dirait-on.
Bref, la reconstitution du Japon de l'époque — encore très empreint de tradition, malgré l'apparition çà et là de bâtiments occidentaux plus modernes — se révèle plutôt intéressante. Dans son architecture, ses paysages (certes peu variés), sa flore — notamment ces pins biscornus, parfois sculptés comme le célèbre pin de la lune du temple Kaneiji — ou encore ses sakura, tout est représenté avec soin, sans excès ni tape-à-l'œil. Et le souci du détail ne s'arrête pas là. Par exemple, les personnages retirent leurs chaussures en entrant dans un bâtiment. Les PNJ, eux, réagissent à votre présence : certains vous saluent à votre passage, d'autres fuient si un combat éclate à proximité. De petits détails qui participent à l'immersion… et qu'on aimerait voir plus souvent ailleurs.
Là où Wo Long : Fallen Dynasty misait sur une direction artistique plus fantastique, stylisée et saturée d'effets, avec une omniprésence de rouge, Rise of the Rōnin opte pour une approche plus sobre, plus historique... et, il faut savoir l'accepter, plus terne. Voire franchement moche.
Cela dit, on peut pardonner à un jeu d'être moche, encore faut-il qu'il soit techniquement irréprochable. Et c'est là que le bât blesse — c'est d'ailleurs le point le plus critiqué par les joueurs sur Steam. Les performances sont très variables. Personnellement, je n'ai pas souffert de grosses chutes de framerate sur ma RTX 3070, mais des utilisateurs équipés de cartes plus puissantes en ont relevé. De mon côté, le souci le plus inquiétant, c'est la température : ma carte flirtait dangereusement avec les 90°C, alors qu'elle tourne habituellement bien en dessous. Les utilisateurs AMD, eux, rencontrent des problèmes de crash, et certains ont même vu leur sauvegarde purement et simplement supprimée. Bref, encore un portage PC raté, qui donne une mauvaise impression d'un jeu qui aurait pu s'en passer, ou du moins, prendre le temps de se donner une vraie seconde chance sur cette plateforme.
Au final, on sort de l'expérience Rise of the Rōnin à la fois soulagé — de ne plus entendre le ventilateur de la carte graphique tourner à fond — et un peu triste de quitter une bande de personnages qu'on a pris plaisir à rencontrer, à combattre et à accompagner dans leurs destins parfois tragiques. Personnellement, j'ai aimé ce que le jeu proposait, et je considère Rise of the Rōnin comme un excellent jeu historique, doublé d'un très bon défouloir, pour peu qu'on prenne le temps d'en maîtriser les mécaniques. Mais cette expérience ne conviendra pas à tout le monde — en particulier à ceux qui critiquent déjà les mondes ouverts pour leur côté redondant. Mieux vaut peut-être attendre quelques mois, le temps que les développeurs corrigent les soucis techniques via des mises à jour... et que le prix baisse un peu. Même si le jeu est proposé à 49,99 € sur PC — ce qui relève presque de l'exploit par les temps qui courent —, l'expérience n'est pas encore aussi aboutie qu'elle devrait l'être. Quant à la version PS5 vendue 79,99 €... disons-le franchement : c'est une aberration.
Rise of the Rōnin
Plus d'âme que de beauté
- +Un système de combat nerveux, riche et exigeant
- +Des personnages historiques passionnants et attachants
- +Un scénario cohérent, sans manichéisme
- +Une ambiance soignée, fidèle au Japon du XIXe siècle
- +Bonne durée de vie, avec un endgame consistant
- -Graphiquement daté, voire franchement moche par moments
- -Portage PC instable, avec des soucis techniques variés
- -Monde ouvert trop classique et répétitif
- -Trop de loot inutile, système d'inventaire et de statistique à revoir
Graphismes
Artistiquement terne, historiquement crédible, mais clairement daté. Les textures baveuses ne rendent pas justice à la beauté du Japon — mais en ces temps troublés, pouvait-il en être autrement, alors que maladies et guerre civile gangrènent le pays ?
Technique
Le portage PC plombe l'ensemble : performances instables, bugs, chauffe excessive, crashs pour certains… ça pèse lourd dans la balance. Et depuis la sortie, aucun patch notable n'est venu corriger le tir.
Jouabilité
Système de combat exigeant, technique et nerveux, fidèle à l'ADN de Team Ninja. L'accessibilité est meilleure que dans Nioh ou Wo Long, sans trop sacrifier de profondeur. Les styles de combat et le système d'endurance/contre-attaque ajoutent de la richesse. Dommage que le monde ouvert, trop classique, finisse par lasser.
Durée de vie
Comptez entre 25 et 50 heures selon votre niveau de complétion, voire davantage en endgame. Le Testament spirituel renforce la rejouabilité. Il y a beaucoup à faire… parfois au détriment de l'originalité ou de la qualité.
Ambiance
Même si le jeu est visuellement daté, l'ambiance est soigneusement travaillée. Le Japon de la fin du shogunat est reconstitué dans les moindres détails. Les PNJ réagissent intelligemment à leur environnement : ils vous saluent, fuient à l'approche du sang, cherchent un abri sous la pluie ou râlent quand on les bouscule.
Scénario
Bien qu'on aurait aimé explorer la totalité de la guerre de Boshin, l'aventure proposée reste captivante grâce à ses personnages marquants et au soin apporté à la cohérence historique, sans jamais tomber dans le manichéisme.