Découverte d'une pièce perdue d’Euripide

Thématique
Antiquité
2 septembre
2024

L'une des vérités les plus déchirantes de l'Histoire, c'est que la quasi-totalité de la littérature des âges qui nous ont précédé est irrémédiablement perdue, consumée dans les incendies, les vols, les prédations des insectes dévorant papyrus et autres parchemins, voire la simple néglicence.

Les textes antiques qui subsistent encore de nos jours ne sont donc que l'écume de cet océan de culture, mais parfois, la chance s'en mêle : nous apprenons par la voix de deux chercheurs américains de l'université de Boulder, au Colorado, que des extraits totalement inconnus jusqu'ici de deux pièces de théâtre d'Euripide ont été découverts.

Avec Eschyle et Sophocle, Euripide est un des trois plus grands dramaturges de toute la Grèce classique, à qui on attribue pas loin d'une centaine de pièces de théâtre qu'il écrivit au cours du Ve siècle avant notre ère.

C'est la revue universitaire allemande Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik (en teuton dans le texte) qui relate la découverte. Depuis 2022, des fouilles archéologiques étaient en cours sur le site de la nécropole de Philadelphie, dans la région du Fayoum. L'archéologue égyptien Basem Gehad travaillait depuis sur la fouille d'une tombe relativement modeste contenant la dépouille d'une femme d'environ 45 ans, enterrée ici avec une momie d'enfant ; et il eu la surprise extrême de découvrir dans le mobilier funéraire un papyrus de 27 centimètres carré.

Découverte d'une pièce perdue d’EuripidePhoto de Basem Gehad

« On ne sait pas s'il a été placé là à dessein ou s'il a simplement été incorporé au remplissage de la tombe avec d'autres matériaux meubles », explique Yvona Trnka-Amrhein, papyrologue et chercheuse américaine en littérature grecque qui a participé à l'étude du texte. « Il est possible que des papyrus de rebut collectés à des fins de momification aient été emportés par le vent dans la nécropole et se soient retrouvés dans la tombe par hasard, même si je sais que d'autres aimeraient voir un lien plus étroit entre eux et les défunts ».

Grâce au travail de Mme Trnka-Amrhein, 98 lignes ont été déchiffrées. Avec l'aide du chercheur John Gibert, plus de 80% du texte fut déchiffré, et attribué à Euripide par correspondance, 22 lignes étant connues de l'auteur, les 76 autres ne l'étant pas. « On les dit perdues parce qu'elles n'ont pas été conservées dans la tradition des manuscrits médiévaux, comme c'est le cas pour Médée », détaille Yvona Trnka-Amrhein. « Nous connaissions l'existence de ces deux pièces parce qu'il existe des listes de titres des pièces d'Euripide, des citations des deux pièces conservées par d'autres auteurs grecs et des résumés de l'intrigue des mythes qu'elles mettent en scène. »

Les deux chercheurs se sont rendus en Égypte pour étudier le véritable document après avoir travaillé sur une image haute résolution, l'état égyptien interdisant désormais la sortie d'objets archéologiques hors de son territoire. Les fouilles continuent sur le site de Philadelphie et l'on espère bien sûr que d'autres fragments de texte pourraient être découverts.