Info sur le jeu
Plateforme
  • PC Windows
  • Nintendo Switch
ÉditeurDON'T NOD
DéveloppeurPortaPlay
Date de sortieSeptembre 2022

Gerda : A Flame in Winter

Ralta
16 janvier
2024

La nuit est déjà tombée, des flocons de neige tombent lorsque vous descendez du train en provenance de Copenhague. Vous revenez à Tinglev, en Jutland, à la fin de vos études, la tête pleine d'idées quant à vos futures contributions à votre ville et, surtout, une vie rêvée avec votre futur époux, Anders. Vous êtes accueillie par votre papa, mais quelque chose cloche ; il porte un uniforme inconnu, parle au conducteur du train d'un repas organisé par un "parti". Mais quel parti vous demandez-vous ?...

Ah, j'ai oublié, on est en décembre 1939 et votre père est d'origine allemande. Hasard de l'histoire, Tinglev appartenait aux provinces prussiennes de Schleswig-Holstein jusqu'en 1920. Cette année-là, deux plébiscites ont eu lieu, en février dans le Schleswig du nord et en mars dans le Schleswig du centre. Les résultats étaient nets – le nord préférait rejoindre le Danemark ; le centre voulait rester allemand ; quant au sud, il n'avait pas le choix. Le nord est donc devenu l'amt du Jutland du Sud et c'est là que se trouve notre histoire. Vous voyez maintenant de quel parti il est fait allusion. Ainsi commence l'histoire de Gerda et de sa petite famille, fracturée par les idéologies, les mouvements de population et les aléas historiques.

Gerda : A Flame in Winter
Que dois-je dire ?

Certes, on ne joue pas la totalité de la période ; on présume qu'entre 1940 et 1944, Gerda a réussi, comme la plupart du monde dans les pays occupés par l'Allemagne nazie, à garder la tête basse, à éviter les ennuis sans faire de vagues. En tant qu'infirmière de village, elle a dû jouer un rôle important dans la vie locale en tant qu'assistante du Dr. Lindholm. Et ainsi aurait pu finir l'histoire de Gerda... mais heureusement pour les joueurs, celle-ci va passer la pire semaine de sa vie et affronter des dilemmes que personne ne souhaiterait à son pire ennemi. Le jeu reprend au moment de la fin de la guerre, en février 1945. Un matin, Gerda voit son mari Anders, mécanicien, partir à son travail sans savoir qu'elle ne le reverra peut-être plus... et c'est à nous, joueurs, de décider ce qui va lui arriver...

Pas d'inquiétude, je ne vais pas vous spoiler le jeu, mais cela vous montre le type de jeu auquel vous vous confrontez ; chacun de vos choix entraînera des conséquences, même si la chute du dernier domino arrive plus tard. En guise de comparaison, le plus adéquat est Disco Elysium, je trouve, et ce grâce à son style artistique atypique et son appui au RNG (génération de nombres aléatoires) sous la forme d'un lancement de dés lorsqu'il est nécessaire de faire un choix important. On ne peut pas, cependant, compter sur les sauvegardes pour corriger un choix ou un échec de contrôle de compétence, puisque celles-ci se font automatiquement à intervalles réguliers. Il faut juste accepter que vos choix ne soient pas toujours bons pour Gerda.

À cause de sa longueur de jeu relativement courte, on peut facilement refaire plusieurs tours et changer ses réactions, choix et allégeances. Ce jeu est ancré dans l'histoire locale danoise de cette période de la Seconde Guerre mondiale. Que Gerda soit la fille d'une Danoise et d'un Allemand est tout à fait envisageable, tout comme son/votre choix d'allégeances : résistants, occupants ou encore électron libre afin d'essayer de remplir les objectifs personnels de Gerda. Or, comme dans la vie, rien n'est tout noir ou tout blanc, vous trouverez des occupants avec qui compatir, tout comme des occupés à qui vous voudrez mettre un poing. On peut commencer une partie en voulant accomplir une chose et se retrouver à effectuer le travail contraire. Et c'est là où se trouve le point fort de ce jeu – l'écriture reste la meilleure que j'ai testée récemment, ainsi que la musique qui est un plus. Les morceaux de musique ne nous sont pas familiers, et pour cause, nous ne sommes pas Danois. Certains sont directement issus des chansons populaires de l'époque, et cela permet de composer des séquences immersives pour le joueur.

Parce qu'il faut bien critiquer quelque chose, il serait bien d'ajouter un peu plus de texte vocalisé au jeu. On en a juste lorsque Gerda raconte les résumés à la fin de chaque période, en fin d'après-midi ou début de soirée. Ayant joué à la version "Final Cut" de Disco Elysium (dans laquelle toutes les lignes de dialogue ont été enregistrées), je pense qu'une version "Final Cut" de Gerda rendrait le jeu encore plus impactant qu'il ne l'est déjà.

L'autre "critique" serait de rendre le jeu plus long... en s'intéressant, par exemple, à d'autres personnages croisés par Gerda, ce qui nous permettrait de vivre d'autres histoires qui entre-mêleraient les choix... En l'occurrence, les développeurs ont déjà répondu à ça avec la sortie de Liva's Story, un type de prologue qui suit la cheffe de la résistance locale à Tinglev, et qui est l'objet du seul contenu téléchargeable du jeu. Sorti en mai 2023, les développeurs de PortaPlay avaient décidé d'expliquer la trajectoire de ce personnage qui apparaît comme difficile et caractérielle dans le jeu Gerda... on se rend alors vite compte pourquoi. Néanmoins, une fois fini les deux – Gerda... et Liva's Story, je me suis trouvé à en vouloir plus. J'espère vraiment une suite en tout cas.

Gerda : A Flame in WinterL'horloge presse toujours

La mécanique principale du jeu est donc axée autour des choix du joueur et la narration découle de ceux-ci. Les compétences de Gerda sont divisées en trois : la compassion, l'intuition et l'intelligence. Vous pouvez gagner des points de compétences lorsque vous choisissez d'aider une personne ou de répondre à des questions ou des événements d'une façon particulière ; mais aussi en perdre. Il est possible de dépenser ses points afin de réduire un nombre de choix proposés et ainsi avancer plus vite vers vos objectifs. On peut ainsi s'éviter un contrôle de compétence particulièrement difficile mais attention, il y aura de nombreux autres moments où ces points pourront vous être utiles...

L'autre mécanique toujours présente est le Temps. Tant les petites actions comme "fouiller une boîte" que des actions plus importantes comme "changer de maison" consomment du temps. Il vous arrivera souvent de devoir choisir vos actions en fonction de vos objectifs et du temps nécessaire à l'accomplissement de celles-ci. Il y a donc toujours un aspect du jeu qu'on manquera fatalement à chaque partie. Cela donne l'envie de refaire encore et encore une partie, nos choix impliquant des réactions et des découvertes différentes.

Gerda : A Flame in Winter
L'Espion qui venait du froid

La gestion du temps est plus difficile pour Liva's Story, plus pressante. Notre héroïne est pourchassée par les forces d'occupation allemande ainsi que par l'équivalent danois de la Milice française, le Corps de Schalburg (ou encore le SS germanique danois). Formé en février 1943, ce corps est nommé en hommage à Christian Frederik von Schalburg. Fils d'un ancien militaire impérial russe qui avait fui après la révolution d'Octobre au Danemark, Von Schalburg était un membre actif du parti national-socialiste danois, menant la garde de la jeunesse du parti dès 1939. Il fut tué pendant une offensive russe comme membre SS-Sturmbannführer, à Demiansk en URSS, en juin 1942.

Pour ce qui est de l'histoire de Liva, on apprend qu'elle a fui Copenhague à la suite d'une attaque décimant son groupe de résistants et la laissant sans chef. Liva tente alors de retrouver un peu d'ordre à Tinglev en organisant des opérations pour le Conseil de la Résistance danoise dans la région. Les mécaniques de jeu restent quasi identiques à l'histoire principale, mais le volume est moindre vu la nature du DLC. Néanmoins, on en apprend plus sur le contexte de son histoire et sur le comment et le pourquoi de l'histoire de Gerda. Techniquement, on pourrait jouer Liva en premier, vu que c'est un type de prologue à l'histoire principale, mais c'est à vous de voir, c'est le dilemme de Star Wars... quel sens de visionnage ?... Moi, j'ai trouvé que le contenu téléchargeable était une bonne manière de clôturer cette histoire bien intéressante et qui m'aura permis d'en savoir plus sur la vie sous l'occupation au Danemark.

En conclusion, le jeu Gerda : A Flame in Winter et son DLC, Liva's Story, méritent bien le temps de tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de la Seconde Guerre mondiale. Il est assez rare de pouvoir voir le côté humain de ce conflit représenté sous une forme vidéoludique. Gerda n'est pas un FPS habituel et est surtout fait pour ceux qui apprécient les jeux narratifs point-and-click, à la manière de Disco Elysium. Le style artistique ne sera pas forcément au goût de tous, mais je trouve qu'il va bien avec ce jeu assez sombre et hivernal. La musique était intéressante et compensait le manque de dialogue enregistré, presque.

Pour ceux qui veulent passer quelques heures dans la campagne danoise avec une histoire sous l'Occupation – le jeu se termine entre 10 et 20 heures, pour le DLC 3 à 4 heures, avant les crédits de fin de jeu – on en a pour notre compte. J'accorde donc à Gerda: A Flame in Winter le rang d'infirmière en chef, et elle le mérite amplement avec une histoire poignante et courageuse, même si à la fin quelques doutes persistent dans sa famille... Oups, spoilers...

7.5
Gerda : A Flame in Winter

La Guerre d'une infirmière
Certes, Gerda : A Flame in Winter est court, mais une histoire de ce type n'est généralement pas développée dans les jeux sur la Seconde Guerre mondiale, et pendant ces quelques heures, on touche à l'originalité. C'est rafraîchissant, surtout que cela s'inspire vraiment de la réalité.
Intérêt historique :Le jeu est inspiré de la grand-mère du PDG et directeur créatif de PortaPlay, Hans Von Knut Skovfoged. Elle s'appelait Kylle. Au cours de la guerre, elle cacha avec son mari des armes, des explosifs et des résistants ; ils espionnaient les fortifications côtières à l'ouest du Danemark. Le codex du jeu permet de référencer des événements de la Seconde Guerre mondiale au Danemark dont on a peu entendu parler, même en tant qu'historien.
  • +Les choix artistiques en matière de graphismes et de musique
  • +Les choix multiples que propose le jeu ne sont jamais si simples
  • +Les personnages rencontrés semblent réalistes dans leurs comportements
  • -La longueur du jeu assez court
  • -Le manque relatif de re-jouabilité
6
Direction artistique

La direction artistique est intéressante dans son manque de détail et ses aplats de couleur dans les décors.

8
Technique

Rien à signaler, le jeu reste facile à faire fonctionner, même sur les ordinateurs portables de type Steam Deck, sur lequel j'ai joué.

8
Jouabilité

Le jeu se joue très facilement. On dirige Gerda dans chaque scène et on peut interagir avec les éléments soulignés. Du point-and-click, et on sélectionne nos choix de dialogue.

6
Durée de vie

Comptez environ neuf à dix heures pour compléter Gerda… et trois heures et demie pour son contenu téléchargeable, Liva's Story. Court, mais on n'a pas toujours besoin de plus pour expliquer une histoire poignante du début à la fin.

9
Ambiance

Comme le suggère le nom du jeu, c'est très hivernal. Les couleurs dans un camaïeu de bleu nous laissent ressentir le froid, il passe partout – dans les interactions avec les autres comme sur nos écrans avec l'apparition du gel dans les scènes en extérieur.

9
Scénario

Le point fort du jeu est qu'on est bien dans la Seconde Guerre mondiale mais sans les scénarios militaires classiques. Le Home Front est très peu exploité par les développeurs en général et, comme le montre ce jeu, c'est dommage au vu du nombre d'histoires intéressantes.


  • Ralta Rédacteur
  • "L'histoire sera gentille avec moi car j'ai l'intention de l'écrire." - Winston Churchill