L'Histoire sur un plateau : 1812 - L'invasion du Canada
Nous sommes en 1812. La guerre ravage l’Europe et la Russie. À la tête de la France, Napoléon tente de dominer l’Europe. Les ennemis de la France, menés par l’Angleterre, sont engagés dans une lutte à mort pour contrecarrer les vues impériales de Napoléon. L’Angleterre, en manque criant d’hommes et de ressources, cherche à recruter des marins dans le monde entier, y compris des marins américains, pour manœuvrer sa flotte.
Les tous jeunes États-Unis d’Amérique veulent protéger leurs droits de souveraineté et renforcer leur position dans le nord de l’Amérique. Voyant l’armée britannique occupée par sa lutte contre Napoléon, le Congrès américain déclare la guerre contre la Grande-Bretagne le 18 juin 1812. Les USA envahissent le Canada afin d’expulser les Anglais de leur dernière colonie d’Amérique du nord. La Grande-Bretagne vacille sous le coup, car elle doit maintenant faire face à un nouvel ennemi sur un nouveau front.
Voici le speech et le contexte historique de 1812 – L’invasion du Canada. Asyncron, éditeur reconnu et spécialiste des jeux et wargames historiques, nous propose ici de revivre un des épisodes les plus marquants de l’histoire de l’Amérique du Nord.
Habits rouges ou américains ?
En tant que joueurs vous choisirez votre camp et aurez l’opportunité d’incarner les « habits rouges » la milice canadienne et les indiens du côté britannique ou les réguliers américains et la milice américaine du côté américain. Chaque faction peut être dirigée par un joueur, qui sera alors allié aux autres factions du même camp ou deux joueurs peuvent choisir un camp et ainsi contrôler l’ensemble des factions de ce dernier.
Chaque faction aura bien entendu ses avantages et ses inconvénients. Ainsi les réguliers anglais ou « habits rouges » auront un moral d’acier et seront mieux entraînés, favorisant leurs résultats de dégâts et minimisant le risque de fuite sur un champ de bataille. Les indiens auront l’avantage de connaître le terrain et de pouvoir se déployer en renfort un peu n’importe où, y compris en territoire ennemi. Les milices et les réguliers américains seront quant à eux des combattants moyens mais les soldats américains auront l’avantage d’être plus nombreux.
Tout ceci fait de 1812 – L’invasion du Canada un jeu réaliste quant aux capacités militaires des unités de l’époque. Les soldats de la Couronne étaient bien entendu mieux formés et mieux équipés tandis que les indiens maîtrisaient d’avantage les terrains et les techniques de guérilla. Les milices quant à elles, initialement formées du côté britannique au XVIIe siècle afin de défendre les colonies face aux amérindiens, étaient constituées de tout homme capable et en âge de tenir un fusil. Leur formation au combat était rapide et elles étaient principalement utilisées comme force d’urgence visant à appuyer l’armée principale.
Des mécanismes de jeu simples mais bien rodés
1812 – L’invasion du Canada propose deux scénarios de base. Le premier se déroule en 1812, aux prémices de la guerre anglo-américaine et le second en 1813, au cœur même de la bataille. Comme dans tout bon wargame digne de ce nom, vos unités seront placées sur le plateau selon un positionnement prédéfini. Puis, avant le début de la partie, vous aurez l’opportunité d’apporter quelques troupes de renforts dans les territoires de votre choix, selon l’approche offensive ou défensive que vous aurez choisie.
Le but du jeu sera tout simplement de conquérir un maximum de territoire ennemi. Pour chaque territoire ennemi conquis, vous engrangerez un point de victoire. Et pour accéder à la victoire finale et totale, vous devrez tout simplement amasser plus de points de victoire que le camp adverse et donc conquérir davantage de territoires.
Le jeu paraît simple et ressemble même parfois un tantinet à un Risk amélioré, mais une fois lancé dans une partie, force est de constater que tout n’est pas si simple, et que 1812 – L’invasion du Canada possède même un côté stratégique très abouti. Le plateau, dont nous reparlerons par la suite, et les positions de départ de chaque camp en sont pour quelque chose. Tout comme une multitude de petits détails et de petites spécificités propres à chaque camp qui rendent le jeu extrêmement prenant et qui apportent au gameplay un certain côté aléatoire dans l’ordre des choses, autant que peut l’être une véritable guerre.
Renforts, mouvements et batailles
La partie se déroulera en huit tours de jeu mais pourra s’achever avant, si toutes les factions d’un même camp signent le traité de Ghent (ou Gand en français). Ce dernier fût signé en 1814 dans la ville du même nom, hollandaise à l’époque, mettant fin à la guerre anglo-américaine.
Chaque tour de jeu se décompose en cinq séquences ou chacune représente l’activation et la résolution des actions d’une faction. Ainsi, à chaque début de tour, on pioche au hasard un des cinq cubes d’activation aux couleurs de chaque faction et on le dépose sur la piste des séquences. De cette manière, on ne sait jamais vraiment dans quel ordre chaque camp va jouer ses unités, laissant le champ libre aux renversements stratégiques de haut vol.
La faction dont c’est le tour de jouer va alors être autorisée à placer des troupes fraîches sur ses zones de renfort, qui sont elles aussi prédéfinies. Les indiens possèdent un avantage à cette phase de jeu puisqu’en plus d’apporter une nouvelle troupe sur leur territoire de Six Nations, ils peuvent également faire apparaître un contingent sur un territoire allié ou ennemi sur lequel se situe déjà une unité amérindienne. Ce bonus leur permettra assez facilement de prendre à revers les troupes américaines ou d’assoir rapidement leur autorité sur un terrain éloigné de leur territoire d’origine.
Une fois les renforts acheminés, la faction activée pourra déplacer ses troupes. Pour cela, elle devra utiliser une carte de déplacement terrestre ou maritime. Car oui, en frégate, en bateau de pêche ou même en canoë, vous pourrez bénéficier des cours d’eau pour tenter toutes sortes d’incursions en territoire adverse. Un déplacement naval pourra même, s’il est bien maîtrisé, vous permettre de couper net les voies de ravitaillement du camp ennemi.
Les cartes de déplacement vous permettront de déplacer un nombre d’armée d’autant de territoires spécifiés. Une armée se compose d’au moins une unité de la faction active et d’autant d’unités que souhaite le joueur. Il peut même, en plus de ses propres unités, déplacer celles appartenant aux autres factions alliées, avec l’accord de leur général, bien entendu. Ainsi chaque joueur pourra réaliser des déplacements massifs de troupes ou de plus petites réorganisations de son armée, si sa stratégie est davantage défensive.
Si des troupes se déplacent en territoire ennemi, une bataille a immédiatement lieu. Le joueur qui possédait le territoire en début de partie, avant les possibles conquêtes, se voit attribuer l’initiative. Selon le nombre d’unité qu’il possède en faction dans la région attaquée, il lancera un nombre de dés équivalent. Attention toutefois, chaque faction a un nombre de dés d’attaque limité jusqu’à un maximum de trois. Ainsi les milices anglaises, américaines et les amérindiens pourront lancer jusqu’à trois dés d’attaque là où les troupes régulières n’en auront que deux.
Cet avantage au lancé de dés est comblé par la constitution même de ceux-ci. En effet, les dés à six faces sont composés de trois types de faces distinctes : Dégât, Fuite et Manœuvre. Mais selon les factions, les dés ne sont pas composés de la même manière. Les troupes régulières anglaises auront plus de probabilités de toucher l’adversaire et ne fuiront jamais le champ de bataille. La milice américaine aura quant à elle autant de chance de toucher l’adversaire que de battre en retraite.
Une nouvelle fois ici, le jeu est ainsi fait de façon à représenter au mieux la réalité des combats de l’époque où les milices se jetaient en nombre dans la bataille en subissant des pertes conséquentes tandis que les troupes régulières, mieux entraînées et au moral d’acier, tenaient plus férocement leurs positions.
Les résultats Dégât et Fuite sont résolus en premier, puis les résultats Manœuvre. Un résultat Dégât équivaut à une unité immédiatement abattue dans le camp ennemi. L’adversaire choisira quel unité il perdra et replacera celle-ci dans sa réserve. Ensuite les Fuites sont résolues.
Une unité de la faction qui a lancé le dé fuit le champ de bataille et est immédiatement placée dans la zone des troupes en fuite du plateau ; elle reviendra en jeu dans une des zones de rassemblement de sa faction lors de sa prochaine phase de renfort.
Lorsqu’une face vierge est obtenue au dé, ceci indique que la faction qui l’a lancé peut réaliser une manœuvre si elle le souhaite. Elle peut alors décider de replier une de ses unités de la bataille sur une zone amie adjacente. Les indiens sont une nouvelle fois avantagés lors de cette phase puisqu’ils ont la possibilité de se replier sur une zone vide du territoire ennemi, comme si celle-ci avait déjà été conquise.
À la fin de la séquence d’une faction, son général pioche autant de cartes que nécessaire afin d’en posséder trois dans sa main. Certaines cartes ont des effets spéciaux, permettant de booster les attaques, d’améliorer les déplacements, de réaliser une embuscade et bien d’autres choses encore.
Un plateau de jeu fidèle et un aspect historique omniprésent
Le plateau de jeu de 1812 – L’invasion du Canada représente le plus fidèlement possible le terrain des opérations tel qu’il était en 1812 au niveau des lacs Erié et Ontario. Les territoires s’étendent sur toute la frontière séparant le Canada des Etats-Unis d’Amérique, de Fort Meigs à l’ouest jusqu’à Chambly à l’est.
Le positionnement des territoires de base de chaque camp et leurs zones de renfort va influencer la façon de jouer et chaque faction possédera une approche différente du conflit. Le camp anglais possédera des territoires très proches de la frontière et ceci leur permettra d’y amener leurs renforts très rapidement.
A contrario, les américains verront leurs zones de renforts placées assez loin du front. Ils auront beau récupérer davantage de troupes à chaque séquence de jeu, encore faudra-t-il plusieurs tours pour amener celles-ci sur le front. Ce positionnement différent des zones de ravitaillement amènera le camp britannique à assurer la défense de leurs territoires pris d’assaut par des hordes d’américains voulant en découdre.
Cet équilibrage amène ici les joueurs à retrouver l’esprit du conflit de l’époque. Les Anglais, empêtrés dans leur volonté de vaincre Napoléon en Europe, avaient pour stratégie initiale d’attendre les attaques américaines et de tenir coûte que coûte.
À travers cet ensemble de mécanismes richement imaginés, 1812 – L’invasion du Canada nous offre un jeu parfaitement équilibré et d’une richesse historique grandiose, tant sur le plan des faits eux-mêmes que sur le déroulement du conflit.
Le jeu nous propose une immersion totale au sein de la deuxième guerre d’indépendance de l’Amérique et insiste sur le côté historique du conflit, l’un des plus marquants de l’histoire de l’Amérique du Nord.
Grâce à l’ensemble des bonnes idées apportées au gameplay et des points de règles spécifiques à chacune des factions, les joueurs retrouveront les caractéristiques militaires de chaque camp en touchant du doigt la réalité historique, pourtant très difficile à rendre dans son intégralité sur un plateau de jeu.
Intérêt historique
Un dernier point qui fait de 1812 – L’invasion du Canada un wargame de grande qualité et qui ne nous laissera pas de marbre, nous autres historiens passionnés, est la richesse des informations historiques données par ce jeu.
1812 – L’invasion du Canada est un cours d’histoire. Le livret de règles se termine par quatre pages complètes relatant l’histoire en détails du conflit de 1812 à 1814 rédigées par la spécialiste canadienne Cheryl MacDonald.
De plus, les cartes de jeu auront bien souvent un petit texte et une explication historique en-dessous de l’effet qu’elles apporteront en jeu. Ainsi en jouant la carte « Censure », nous apprendrons que les États-Unis furent forcés, en 1814, d’interdire la publication des journaux qui dévoilaient le mouvement de leurs troupes. Une autre nous permettra de jouer Laura Secord, héroïne du conflit, qui, ayant eu vent des plans américains parvint à se faufiler trente kilomètres en territoire ennemi afin d’avertir anglais et indiens d’une attaque imminente sur Beaver Dams.
Toutes les cartes sont maintenant entre vos mains ! Choisissez votre camp et lancez-vous afin de revivre le conflit de 1812 et peut-être transformer le cours de l’Histoire !
- Hurukan Contributeur
- "Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer" Beaumarchais dans le Barbier de Séville.