Moyen-âge
Histoire de l’Empire byzantin (610 – 867)
L'Histoire de l'Empire byzantin
- Partie 1 : IVème siècle de notre ère – 518
- Partie 2 : 518 – 610
- Partie 3 : 610 – 867
- Partie 4 : 867 – 1081
- Partie 5 : 1081 – 1204
Nous nous étions arrêtés dans le précédent article à la date de 610, date de la mort du tyran Phocas. Ce dernier est renversé par Héraclius, le fondateur de la dynastie des Héraclides qui durera jusqu’en 711. Cette dynastie donne à l’Empire byzantin la continuité et la régularité qui étaient nécessaires pour survivre aux crises du VIIème siècle.
Après la dynastie héraclide, ce sera à l’épisode de l’iconoclasme de se retrouver sous les feux des projecteurs, une querelle religieuse d’importance s’étendant sur plus de 100 ans.
Héraclius
Le nouvel empereur, qui régna de 610 à 641, prend le nom d’Héraclius Ier. Sous son règne, l’Empire cessa d’être « romain » (d’un point de vue symbolique), et devint réellement « gréco-oriental ».
Cela se ressent dans les frontières de cet empire, sa composition ethnique, dans son administration et sa langue : le grec devient la seule langue officielle. Enfin, élément emblématique, l’empereur prend le titre oriental de basileus.
Ainsi, de nombreux historiens datent le règne d’Héraclius Ier comme le réel début de l’Empire byzantin, tel qu’on le connaît en tant qu’État grec du Moyen Âge. Cela explique pourquoi Héraclius fait partie de ces grands noms que l’on cite parmi les empereurs byzantins.
Nous parlions plus tôt de crises touchant ce VIIème siècle ; les luttes incessantes qu’Héraclius Ier doit mener contre les « Barbares » en font partie. Les provinces européennes de l’Empire se trouvent ainsi « slavisées » par de nombreux Avars et Slaves (qui permettent cependant de repeupler ces régions) ; il y a donc une perte de contrôle byzantin sur ces territoires.
En Asie mineure, la situation n’est guère mieux, étant sur le point de tomber aux mains perses. En 617, ces derniers commencent même la conquête de l’Égypte, le grenier à blé de l’Empire.
Héraclius parvient cependant à conclure une paix avec les Avars en 619 ; en 622, il remporte de grandes victoires sur les Perses Sassanides, mais cela n’apporta aucun succès décisif et durable.
En 626, durant l’absence de l’empereur, les Perses et les Avars s’allient afin de prendre Constantinople – on peut au passage admirer le respect des traités de paix déjà à l’époque… L’attaque est cependant repoussée, et les Avars comme les Perses en ressortent affaiblis, ce qui accorde un répit à l’Empire byzantin.
Héraclius en profite pour mener une contre-offensive, et une paix est signé avec les Perses, qui doivent restituer les territoires conquis à l’Empire byzantin : Arménie, Mésopotamie, Syrie, Palestine, Égypte – un gros morceau quoi.
Cependant, ce triomphe n’est que de courte durée, puisque ces territoires recouvrés vont être rapidement annexés par les Arabes musulmans, qui connaissent une expansion fulgurante après la mort du prophète Mahomet (en 632). Ainsi, la conquête de ces régions commence en 636, et en 642, tout est déjà plié.
Même si la perte de territoires peut sembler néfaste pour l’Empire (et en un sens, ça l’est évidemment), il faut noter que cela participe à la création d’une unité de l’Empire. En effet, ces provinces orientales représentaient presque une épine dans le pied byzantin, notamment à cause de leurs convictions religieuses. Leur perte a donc participé à renforcer l’unité nationale.
Sur le plan de la politique intérieure, Héraclius mène de grandes réformes qui donneront à l’Empire son caractère médiéval. Ainsi, les régions asiatiques sont transformées en de grandes circonscriptions (les « thèmes ») où l’on installe des soldats paysans (stratiôtês).
Ces derniers ont des titres de propriété héréditaires, en échange de leur engagement, héréditaire lui aussi, pour le service militaire. Cela permet donc de créer une armée nationale solide et stable, bien plus fiable et moins coûteuse que l’utilisation de mercenaires.
Enfin, on peut mentionner une (énième…) crise religieuse, avec l’instauration du monothélisme, sur laquelle nous n’allons pas nous étendre ici. Nous pouvons simplement noter que cette crise se termine en 681.
Les successeurs d’Héraclius
À la mort d’Héraclius, en 641, Constant II Héraclius arrive au pouvoir, et ce jusqu’en 668. Son fils, Constantin IV lui succède, puis son petit-fils Justinien II gouverne (en deux fois…) jusqu’à la fin de la période de la dynastie héraclide.
Cette période de 70 ans environ est tout d’abord marquée par la progression musulmane, notamment en Asie Mineure, à Chypre et Rhodes. De 674 à 678, les Arabes du califat omeyyade mettent le siège devant Constantinople.
Malgré tout, la ville résiste et parvient à repousser les assaillants, notamment grâce à la première apparition dans l’histoire du feu grégeois. Vous pourrez d’ailleurs en apprendre plus sur cette arme au travers de cette vidéo.
Les Arabes restent malgré tout menaçants, écrasant par exemple en 692 les armées de l’Empire en Arménie. Outre cette menace, l’Empire doit également combattre les Slaves ainsi que les Bulgares.
Jusqu’en 717, l’Empire byzantin est marqué par de nombreuses instabilités, et notamment par la chute de l’Empereur Justinien II, en 695. Après quelques règnes d’usurpateurs, Justinien II revient au pouvoir en 705, jusqu’en 711, où il est assassiné – sous le prétexte irrecevable qu’il était un tyran incapable qui faisait régner la terreur...
S’il faut retenir un élément de ces empereurs de la dynastie héraclide, régnant de 610 à 711, c’est qu’ils ont réussi à maintenir le navire à flot malgré les nombreuses crises de ce VIIème siècle.
De plus, même si l’Empire a été amputé de nombreux territoires (principalement par les invasions arabes), ce qu’il en reste constitue un noyau solide et uni, paradoxalement plus fort que l’énorme Empire désiré (et obtenu) sous Justinien.
L’iconoclasme
En 717, un autre usurpateur, Léon III, arrive au pouvoir. Ce général de la Syrie du Nord fonde alors la dynastie isaurienne, qui est composée de lui-même, de son fils Constantin V, et du fils de ce dernier, Léon IV.
À la mort de Léon IV, c’est sa veuve, Irène, qui assume la régence puis qui devient impératrice jusqu’en 802. Elle en profite d’ailleurs pour mettre fin (pour un temps…) à l’iconoclasme. Cette dynastie isaurienne, qui s’étend jusqu’en 780, est la première à se prononcer en faveur de l’iconoclasme.
Règne ensuite, de 802 à 820, la dynastie de Nikephoros (du nom de son fondateur, Nicéphore Ier). Le dernier empereur de cette dynastie, Léon V l’Arménien, est engagé dans la réintroduction de l’iconoclasme.
Enfin, la dynastie amorienne est fondée en 820 avec l’arrivée au pouvoir de Michel II l’Amorien. Cette dynastie s’étend jusqu’en 867, avant de laisser place à la dynastie macédonienne.
Cette petite chronologie retrace les forces au pouvoir durant la période de l’iconoclasme de l’Empire byzantin, c'est-à-dire de 717 à 843. Mais au juste, qu’est-ce que l’iconoclasme et pourquoi est-ce si important ?
Contrairement à l’Occident, où l’autorité spirituelle du pape était bien établie et puissante, le respect des pouvoirs - temporel et spirituel - n’a jamais été véritablement établi dans l’Empire byzantin. On a ainsi pu voir, dans l’histoire byzantine que l’on a étudiée jusqu’à présent, que les empereurs prenaient parfois des décisions ayant un caractère religieux (en opposition avec le pape en Occident par ailleurs).
La crise iconoclaste représente la dernière tentative des empereurs byzantins de faire concorder la doctrine religieuse avec leurs buts politiques. À la suite de cet épisode, les choses seront plus clairement établies, scellant si l’on peut dire une alliance d’intérêt entre les empereurs et les patriarches de l’Orient.
Je ne vais pas m’attarder sur cet épisode de l’iconoclasme, car il mériterait un article à lui tout seul ; de plus, j’ai essayé d’éviter jusqu’à maintenant de rentrer dans les détails complexes des balbutiements de la chrétienté. Ce n’est donc pas maintenant que je vais commencer...
Cependant, pour les grands fans de christianismologie (je ne garantis pas l’existence de ce mot…), voici la version courte de cette crise : de 726 à 843, les empereurs byzantins interdisent le culte des icones et ordonnent que l’on détruise systématiquement les images qui représenteraient les saints ou le Christ.
L’iconoclasme débute sous Léon III, puis est amené à son paroxysme avec son fils Constantin V, qui réunit en 754 un concile prônant l’interdiction et la destruction des icones.
Cependant, l’impératrice Irène, fervente iconodoule, rétablit le culte des images en 787, durant le deuxième concile de Nicée. Cette situation d’orthodoxie perdurera jusqu’en 813, date à laquelle recommence la querelle, sous Léon V.
La crise intérieure trouve un dénouement en 843, avec la régente Théodora, qui rétablit définitivement le culte des images, ce qui marque le début d’une renaissance de l’État byzantin ainsi que de la culture hellénique.
Cette crise a bien entendu créé de nombreuses tensions au sein de l’Empire, et notamment avec les milieux monastiques, qui étaient puissants et contre cette politique iconoclaste des empereurs. Cette crise a par ailleurs contribué à dégrader les relations entre le pape, en Occident, et les empereurs byzantins.
Cette relation était déjà mise à rude épreuve par un autre événement, à peu près à la même époque. En effet, le fils de Léon III, Constantin V, décide de se concentrer sur l’Orient, reprenant notamment l’offensive contre l’Arménie. Ainsi, il ne peut empêcher l’exarchat de Ravenne d’être capturé par les Lombards. Même si ce territoire est lointain, sa perte a de grandes conséquences.
En effet, comme le pape ne peut plus compter sur les empereurs byzantins pour assurer sa protection, il doit se tourner vers des puissances occidentales, en l’occurrence les Francs. Cela permet (entre autres) d’expliquer le couronnement de Charlemagne par l’Eglise en tant qu’empereur quelques décennies plus tard.
Pendant toute cette période, les menaces extérieures sont toujours présentes, et notamment en Asie Mineure avec la révolte de Thomas le Slave, ou encore en Méditerranée, avec la progression arabe. On peut notamment citer l’échec du second siège de Constantinople par les Arabes, en 717-718.
Conclusion
Nous nous sommes donc intéressés dans cette article à la dynastie héraclide, qui a su résister partiellement aux assauts arabes (notamment), et qui a mené des réformes importantes qui ont permis à l’empire, devenu plus petit, de se renforcer et de s’unifier.
Cependant, durant la période iconoclaste, les empereurs byzantins mettent à mal cette unité, en en brisant l’aspect religieux. Malgré cela, l’Empire parvient à peu de choses près à contenir les assauts extérieurs, certes moins nombreux et violents que durant la période héraclide.
Cette tentative d’affirmation du pouvoir par les empereurs byzantins contribue à encore accentuer la séparation entre les Églises romaine et orientale.
Cette coupure, qui se concrétisera lors du Schisme de 1054, se voit déjà traduit durant cette période par l’humiliation pour l’Empire byzantin de voir ressusciter en Occident un empire rival, lorsque le pape couronne Charlemagne en 800.
Sources
- José GROSDIDIER DE MATONS, « BYZANCE — L’Empire byzantin », Encyclopædia Universalis.
- Bat'Histor, Contributeur
- "Deux choses sont infinies : l’Univers et la bêtise humaine. Mais, en ce qui concerne l’Univers, je n’en ai pas encore acquis la certitude absolue." Einstein
- "L'âge d'or était l'âge où l'or ne régnait pas." Claude-François-Adrien