L'image de la France dans les jeux vidéo traitant de l'Histoire

9 juin 2015 par Zog | Vive la France !

Depuis mon texte sur la rivalité franco-britannique à travers l'Histoire, je n'avais pas eu le temps de me pencher sur un véritable article de fond, et cela me manquait. Les révisions pour mes partiels m'ayant totalement occupé durant plusieurs longues semaines, je n'ai pas pu m'y atteler plus tôt.

Bénéficiant aujourd‘hui d‘un petit peu de temps libre, j'ai donc pris la décision de rédiger un second « gros » article concernant un autre sujet qui m'intéresse et me tient à cœur : la représentation de la France dans l'univers du jeu vidéo, et plus particulièrement dans celui du jeu vidéo historique.

Qui n'a pas déjà vu un étranger, souvent ignorant, se moquer à grands cris de notre cher pays sur internet ? Loin de moi l'idée d'être chauvin, mais que ce soit sur un forum ou dans les commentaires d'une vidéo, je ne compte plus le nombre de fois où j'ai pu lire que les Français étaient des « stupid cowards » ou des « surrender monkeys ».

Cette opinion est, il va sans dire, totalement insensée au regard des faits et de l'Histoire. Elle n'a aucune valeur, aucune justesse et s'appuie uniquement sur une vision stéréotypée, fallacieuse et limitée à la seule période de la Seconde Guerre mondiale, vue par l'Américain moyen qui plus est.

Pourtant, ils sont légions à croire dur comme fer que la France n'a aucune tradition militaire. À croire qu'elle est un pays de lâches et que nous nous rendons toujours avant même le début des hostilités. Ces gens-là ne commettraient-ils pas une erreur ? Celle d'oublier plusieurs siècles de l'Histoire pour se concentrer sur une vision étroite et faussée se bornant aux soixante-dix dernières années ? Non pas que je sois nostalgique ou que je rêve du retour de la grande France hégémonique et toute-puissante comme certains le font. Il n'arrivera pas. De plus, il n'est pas bon de vivre dans le passé mais il faut savoir vivre avec celui-ci, et l'assumer, voire même en être fier lorsqu'il y a des raisons de l'être.

Ainsi, même si elle n'est plus à ce jour la puissance qu'elle a pu être dans le passé, la France reste l'un des pays les plus influents dans le monde, notamment grâce à la construction européenne. Influence décroissante, peut-être. Sans doute même. Toutefois, cette influence est persistante, et la France reste une puissance, désormais secondaire, mais non-négligeable.

Il convient donc de s'interroger et de chercher à savoir si les jeu vidéo, ayant aujourd'hui une véritable valeur de vecteur culturel mondial, ne participent pas à la diffusion de cette vision erronée et de cette image négative de la France. C'est là l'enjeu de cet article.

En adoptant une approche chronologique, nous allons, époque par époque, voir comment la France est représentée dans les jeu vidéo traitant de l'Histoire. A chaque fois, nous tâcherons de voir si l'image dégagée est objectivement parlant correcte.

Nous nous attèlerons aussi à voir comment elle est interprétée ou comment elle peut être comprise par les joueurs. Il s'agira alors de voir si un lien clair existe entre la façon dont notre pays est aujourd'hui perçu dans le monde et la façon dont il est représenté sur nos écrans.

Enfin, nous relèverons également les éventuels clichés, stéréotypes et erreurs pouvant être commises à l'égard de la France dans les diverses œuvres vidéoludiques sur lesquelles j'aurai choisi de m'attarder.

Je tiens par ailleurs à préciser d'entrée de jeu que je ne vais me concentrer que sur des jeux que je connais et auxquels j'ai joué. Ainsi, il s'agit évidemment d'une liste non-exhaustive et il n'est pas impossible que j'oublie de citer divers titres. L'article qui suit n'a donc pas prétention à revêtir la valeur de la vérité générale. Aussi, je vous demanderais de bien vouloir le lire sous cet angle. Tout enrichissement reste, bien entendu, bienvenue dans les commentaires !

Aux époques antiques et féodales : "Nos ancêtres les Gaulois..."

Non, non, non et non. Je vais d'entrée de jeu briser un cliché tenace. Les Gaulois ont sans aucun doute peuplé la zone géographique correspondant à l'actuelle France, mais malgré tous les Astérix que vous avez pu lire, ça s'arrête là.

Ces peuples celtes n'ont pas grand-chose à voir avec l'Etat-nation français, ni avec la conception de la France, telle que nous nous la représentons aujourd'hui. Cet Etat-nation français ne va apparaître que vers le XVème siècle.

Avant cela, il n'y a donc aucune conscience d'une quelconque identité nationale au sein de la population. Ainsi « nos ancêtres les Gaulois » relève plus d'une approximation historique, mais fortement ancrée dans les esprits, que d'autre chose.

Cependant, afin d'avoir une vision chronologique englobant le premier millénaire, et puisqu'il y a quelques choses intéressantes à dire concernant les périodes antiques et médiévales, je vais élargir l'angle de recherche aux peuples qui occupaient à l'époque l'actuel territoire français, bien qu'ils ne représentent pas la France à proprement parler.


« Salut les amis ! C'est moi, Asterix ! Et j'ai un petit secret à vous avouer : on vous a bien pris pour des cons durant toutes ces années ! Allez, tchao ! »

Cette brève parenthèse étant fermée, revenons à nos moutons. Durant la période antique, on va se placer du côté gaulois ou du côté gallo-romain. En la matière, quelques jeux peuvent servir d'exemple. Ici, le cas d'Age of Empires, premier du nom, me semble être particulièrement intéressant à citer.

Dans une campagne, le joueur y incarne les troupes romaines chargées de conquérir la Gaule au nom de César. Vercingétorix et les Gaulois sont donc les ennemis. Ils occupent le rôle du « bad guy », comme si l'Histoire était éternellement écrite par les vainqueurs et qu'une convention imposait de jouer les « gentils » Romains apportant la civilisation aux peuples primitifs et barbares.

L'image donnée de ces peuples est par ailleurs une image hostile et belliqueuse. Une étiquette coriace qui les poursuit encore aujourd'hui. Rappelons juste que les envahisseurs étaient les Romains.

Globalement, cela nous permet de saisir un leitmotiv assez important du jeu vidéo historique : le joueur n'y incarne que très rarement les vaincus. Aussi, il est facile de trouver des jeux historiques où l'on incarne Rome, à l'image du récent Total War : Rome II de Creative Assembly.

Plus anciennement, Caesar III, le city-builder de Sierra proposait une autre vision de la conquête de la Gaule, via le développement des villes et l'avènement d'une culture gallo-romaine acquise par assimilation. La carte « Lugdunum » offrait notamment la possibilité de tisser des liens avec les populations locales en vue de les assimiler progressivement et de commercer avec.

Au final, pas énormément de choses à dire concernant les Gaulois, si ce n'est que l'industrie du jeu vidéo les présente majoritairement comme étant une faction, par nature, hostile au joueur.


« Artooooour ! C'est la gueeeeerre ! »

Avançons un peu dans le temps. À la chute de l'Empire Romain d'Occident, différents peuples germaniques vont s'installer sur notre territoire actuel et ils vont cohabiter avec les populations anciennement gallo-romaines.

Le jeu vidéo commence alors véritablement à s'intéresser à nos contrées à partir de cette période. Clovis devient roi des Francs et il va progressivement élargir la taille de son Royaume à la suite d'une série de succès militaires et diplomatiques sur les peuples rivaux. Seuls les Burgondes, futurs Bourguignons, parviennent à résister à l'expansionnisme.

Les Francs, bien que n'ayant encore peu de choses à voir avec la France telle que nous la connaissons aujourd'hui, vont alors être un sujet intéressant pour certains développeurs et notamment pour Paradox Interactive qui a récemment consacré un DLC de son Crusader Kings II à Charlemagne et son Empire.

À cette époque, ce qui deviendra dans le futur la France commence à s'affirmer sur le continent européen. Les Suédois de Paradox s'en sont rendus compte et l'Empire de Charlemagne est l'un des territoires les plus puissants à jouer dans Crusader Kings II.

On observe alors qu'avec l'effondrement de l'Empire Romain en Occident, l'image des Francs se retrouve modifiée au sein des jeux vidéo. Exit le rôle du méchant barbare. Il devient acceptable pour les développeurs que le joueur puisse contrôler la nouvelle puissance émergente en Europe.

Un petit bond dans le temps et nous nous retrouvons à l'époque féodale. À ce moment de l'histoire, le pouvoir royal est éclaté entre diverses seigneuries. Crusader Kings II l'a très bien compris et le retransmet de façon fidèle dans son gameplay.

Suite à un long processus, la maison de France et son souverain réussissent à éliminer progressivement les maisons et seigneurs rivaux, à remettre la main sur le pouvoir et à le concentrer en la personne du roi.

La construction de l'Etat-nation qu'est la France telle que nous l'appréhendons aujourd'hui est en marche. Le roi va unifier le Royaume dans ses « frontières naturelles ».

Avant cela toutefois, il est très important de parler d'un jeu et d'une guerre. Le jeu en question, c'est Age of Empires II. Le conflit auquel je fais allusion, c'est la guerre de Cent Ans.

Age of Empires II propose en effet au joueur d'incarner les armées du roi de France menées par Jeanne d'Arc et de bouter les Anglais hors de notre chère patrie. C'est à ma connaissance le premier véritable exemple concret présentant la France dans le jeu vidéo. Il convient cependant d'y apporter une nuance importante.

À l'époque de la guerre de Cent Ans, le sentiment national n'est pas encore développé. Il s'agit avant tout de sujets de deux maisons royales qui s'affrontent. La façon classique qui consiste à présenter le conflit comme un affrontement entre la France et l'Angleterre est donc fausse, du moins partiellement.

L'exactitude historique voudrait que l'on présente les deux belligérants comme étant les maisons royales française et anglaise. Une légère nuance qui change pourtant beaucoup de choses et que les américains de Microsoft n'ont pas su ou voulu saisir.

Sans doute peu intéressés par la rigueur historique et beaucoup plus enclins à la vulgarisation afin de toucher un public plus large, Age of Empires II présente ainsi une image biaisée d'une France qui serait unie en bloc, et qui chercherait à chasser les occupants illégitimes Anglais et Bourguignons de son sol. La réalité est un peu plus complexe. En attestent différents dialogues dont un prononcé par un sujet du roi d'Angleterre : « Vous les Français, vous ne savez jamais vous arrêter ». Inexact, car l'idée de nationalité française ne naîtra que bien plus tard.

Paradoxalement, les troupes royales contrôlées par le joueur appartiennent à la civilisation des Francs, peuple d'origine germanique rappelons-le. Cela met en évidence un paradoxe. D'un côté,  Microsoft ne fait pas l'erreur de créer une civilisation française qu'elle aurait intégrée à son jeu, mais de l'autre, il présente les troupes du roi de France comme étant franques et françaises à la fois. Etrange.


Mouais. Pour les frontières de la France à cette époque ou pour la localisation géographique précise d'Orléans, on repassera.

Il serait cependant injuste de ne citer que les erreurs commises par Age of Empires II. En effet, force est de reconnaître que le conflit est plutôt bien représenté dans la campagne qu'il nous est proposée de jouer.

De la rencontre entre Jeanne et le Dauphin, futur Charles VII de Valois à Chinon jusqu'à la bataille de Castillon, tout en passant par le siège d'Orléans et celui de Paris, le jeu parvient à retranscrire assez fidèlement les évènements historiques, présentant un Royaume de France dans un premier temps à genoux avant d'assister à son réveil pour se mettre en marche vers la victoire finale.

Malgré quelques approximations historiques et quelques erreurs concernant des détails de nature sociologique, Age of Empires II reste dans son ensemble assez objectif dans sa façon de présenter le Royaume de France. Une chance que n'aura pas son successeur.

C'est en effet à se demander si Microsoft, studio américain, n'a pas un peu de mal à saisir les subtilités de l'Histoire européenne puisque le troisième volet de la saga Age of Empires, se concentrant sur la période coloniale et la découverte du Nouveau-Monde, présente une énorme incohérence.

La France y est représentée par ses armoiries royales, à savoir fleurs de Lys sur fond bleu. Jusque-là, c'est plutôt logique dans la mesure où la majeure partie de la colonisation en Amérique s'est en effet faite sous la monarchie.

Là où ça devient en revanche impardonnable, c'est quand la firme américaine fait triomphalement apparaître Napoléon Ier comme personnalité IA à côté de ces armoiries royales françaises.

Devant une énormité pareille, on ne sait pas vraiment si l'on doit en rire ou en pleurer. Une chose est certaine, ils n'auraient sans doute pas fait l'erreur de mettre une photo de Cornwallis à côté du drapeau des Etats-Unis ou une photo de Lincoln à côté de l'Union Jack.

Age of Empires III
Aaaarrrrgh ! Mes yeux ! Noooon !

Apparition et développement de l'État-nation français : de la fin du XVème siècle jusqu'à 1789

Cette période est la première période où je peux véritablement parler de l'image de la France dans le jeu vidéo puisque c'est à partir de ce moment que la France s'affirme comme un véritable Etat-nation tel que nous la connaissons aujourd'hui. Exit donc les subtilités historiques que j'ai soulevées précédemment.

Nous allons ici davantage rentrer dans le vif du sujet. Pour ce faire, un jeu est à citer. Oui, j'aime beaucoup Paradox mais il faut dire que leurs jeux disposent d'une telle richesse historique qu'il est difficile de s'en passer dans cet article.

Ainsi, Europa Universalis IV offre une image plutôt fidèle de la France quelle que soit la date du départ historique que l'on choisit. Pour ce qui est de la suite, on ne peut pas vraiment juger puisque chaque partie est différente et que les actions du joueur auront forcément un impact sur l'Histoire.

Toutefois, les Suédois de Paradox nous rappellent que durant les siècles précédents la Révolution, et même après celle-ci, la France s'affirme comme la principale puissance continentale en Europe.

Si les Britanniques parviennent vaguement à nous enquiquiner dans nos colonies, au sol, sur le continent, nos armées sont redoutées par tous. La France mettra ainsi plusieurs fois la totalité du Saint Empire en échec, gagnant de nombreuses guerres, en perdant parfois certaines.

L'image qu'offre Paradox est donc plutôt fidèle : celle d'une hyper-puissance de l'époque, capable de s'engager dans des conflits multiples et de s'en sortir victorieuse. En témoigne ce surnom donné à la France dans EU IV : « the big blue blob ». Comprendre par-là que la France est un énorme monstre bleu (sa couleur dans le jeu) qui se nourrit d'à peu près tous ses voisins.

Les joueurs les plus imaginatifs d'Europa Universalis IV ont d'ailleurs créé un poème pour l'occasion que je vous retranscris ci-dessous dans la langue de Shakespeare :

« Roses are blue

Violets are blue

Everything is blue

And now France is coming for you »

Derrière cet humour se cache une réalité. Oui, à cette époque, la France était plutôt du genre bourrine pour parler de façon familière. Il n'est donc pas choquant qu'elle soit surpuissante dans Europa Universalis IV, et ce malgré les objections de certains joueurs.

Ici, j'aimerais relater un échange quelque peu virulent dont j'ai été témoin sur le forum de Paradox. Aux plaintes répétées d'un joueur dont les connaissances en Histoire concernant la France semblaient se limiter à la défaite de 1940, et qui réclamait sans cesse que la France soit rendue moins puissante dans les mises à jour, le modérateur a simplement répondu : « Just open an history book ». Comme une façon brutale, mais simple, de faire comprendre que l'Histoire, avec un grand H, ce n'est pas que le XXème siècle.

Nous pouvons aussi évoquer ici très brièvement le cas d'Empire : Total War. Je ne vais pas m'attarder sur le titre car je développerais plus le cas des Total War avec un autre jeu de la série concernant un certain empereur corse.

Pour ce qui est d'Empire, il est utile de rappeler que le jeu présente la France comme une puissance coloniale non-négligeable, mais secondaire.

À mon sens, c'est encore une réussite dans la représentation de la France dans le jeu vis-à-vis de l'Histoire puisqu'il ne faut pas oublier que durant la première phase de colonisation, ce sont surtout les Anglais, les Portugais et les Espagnols qui ont été actifs.

Nous n'étions certes pas en reste avec le Canada, mais les perfides Britanniques nous en ont rapidement privé. Je m'en tiendrais alors à là pour la période pré-révolutionnaire.


Big blue blob ? Vous avez dit Big blue blob ? Personnellement je ne vois pas le problème.

En revanche, pour ce qui est de la Révolution en elle-même et des années lui succédant, jusqu'à la fin de l'épopée napoléonienne, on remarque que les éditeurs de jeux vidéo sont beaucoup plus inspirés.

Ainsi, certaines périodes de l'Histoire plaisent donc plus que d'autres et se vendent mieux. Nous le voyons notamment concernant la Seconde Guerre mondiale. Pour en revenir à la période Révolutionnaire, le récent Assassin's Creed Unity d'Ubisoft offre une vitrine de la France.

C'est un puissant objet de communication et de marketing qui a au moins eu le mérite de faire connaître les évènements révolutionnaires ayant secoué notre pays partout dans le monde.

Cela n'a d'ailleurs pas manqué de faire réagir certaines personnalités politiques françaises comme le leader du Parti de Gauche : Monsieur Jean-Luc Mélenchon. Le pari d'Ubisoft de présenter des failles et des incohérences dans l'Histoire n'a pas plu à tous mais il est pleinement assumé.

Difficile donc de parler de l'image de la France qu'offre Assassin's Creed Unity au regard de l'Histoire puisqu'il s'en affranchit partiellement. Il y a dès lors un risque important qui est celui de mal interpréter l'Histoire. Bien qu'un message avertissant sur le caractère fictif du scénario soit indiqué, certains joueurs crédules ou jeunes pourraient être tentés de croire qu'à l'exception de quelques détails, le jeu est un véritable cours d'Histoire, rendant ainsi inutile la leçon du professeur.

Or, il n'en est rien tant il y a trop de lacunes, d'incohérences, de fiction et de manque de rigueur pour cela. Le plus abouti des jeux vidéo ne remplacera donc jamais un bon vieux livre. On saluera cependant le Paris immersif qu'il nous est donné de visiter dans le jeu ainsi que la présence de divers protagonistes de l'Histoire au sein d'un scénario qui, lui, se réclame purement fictif, bien que sur fond historique.

Vient alors l'époque impériale. Ah… l'Empire… Napoléon… Les grands noms de l'Histoire, ou du moins les grands conquérants, ont toujours été perçus par les éditeurs et les développeurs comme un bon filon à exploiter. Je précise «  conquérant » car je n'ai jamais vu de Gandhi : Total War, bien que Gandhi soit aussi un grand nom de l'Histoire.

En ce qui concerne notre sujet, Creative Assembly ne pouvait évidemment pas manquer le coche. Sa série de jeux de stratégie des Total War ne pouvait pas se passer d'un opus consacré à l'Empereur des Français. Napoléon : Total War, dans la lignée d'Europa Universalis IV, va donc présenter l'image d'une France capable de tenir tête à l'Europe coalisée.

Dans un style différent de celui du jeu de Paradox, Napoléon : Total War parvient à mettre en avant la domination française tout en permettant au joueur de revivre les principales batailles napoléoniennes dans des conditions assez réalistes.

Autre preuve que l'Empereur passionne les foules, le second opus du jeu Cossacks est consacré aux guerres napoléoniennes. Nul doute que la France jouera encore un rôle majeur dans le prochain volet de la saga que nous vous avions récemment annoncé sur HistoriaGames.

Cette période révolutionnaire, puis impériale, de l'Histoire française plait donc aux éditeurs. En effet, la France y est puissante et elle multiplie les victoires et les conquêtes avant de finir par s'effondrer.

Ce genre d'épopée impériale est très vendeur et il est donc normal de trouver grand nombre de jeux traitant de Napoléon, dont vous pouvez voir la liste sur HistoriaGames.

Concernant la façon dont la France est représentée dans les jeux vidéo durant cette période, nous avons constaté qu'elle est en général assez correcte et fidèle au regard de l'Histoire. Arrive alors une période bien plus problématique qui est celle du XXème siècle et des deux guerres mondiales.

LE XXème siècle et les deux conflits mondiaux entre clichés tenaces et approximations historiques

Certains d'entre vous l'auront peut-être remarqué, le fait de passer directement à cette période historique constitue un sacré bond dans le temps.

Par manque de matière concernant la France durant la période de la Restauration puis durant l'affirmation de la République, j'ai fait le choix de passer directement au premier conflit mondial. Même la guerre franco-prussienne de 1870 n'est pas un conflit assez vendeur au regard des développeurs et des éditeurs de jeux. On aurait alors pu citer Victoria II, mais dans la mesure où il n'y a pas énormément à dire dessus et dans la mesure où j'ai déjà beaucoup parlé des jeux de Paradox, je préfère passer sous silence ces quelques décennies pour commencer directement en abordant la Première Guerre mondiale.

Que dire de la grande boucherie de 1914-1918 ? Tout d'abord, il convient de noter que l'intérêt des éditeurs pour cette période de l'Histoire n'est que très récent.

En effet, les jeux médiatisés traitant du premier conflit mondial commencent timidement à apparaitre et à pointer le bout de leur nez, mais ils ne pèsent encore que très peu en comparaison à la masse de jeux traitant de la période 1939-1945. On note plusieurs raisons à cela.

Tout d'abord, la Première Guerre mondiale ne concerne que très tardivement les Américains de façon concrète. Ainsi, ils n'entrent en guerre qu'à la toute fin du conflit, et outre-Atlantique, on a une culture bien plus développée du second conflit mondial.

Or, les principaux éditeurs de jeux vidéo de guerre, notamment les FPS, étant Américains, on ne retrouve logiquement pas grand-chose dans leurs catalogues concernant 1914-1918. Ensuite, il faut aussi noter que la guerre des tranchées et le « style » qui lui est rattaché n'est pas très vendeur.

En effet, deux armées qui se font face et qui lancent de nombreux assauts coûteux et vies humaines et rarement décisifs, ça sonne comme quelque chose d'ennuyeux et d'inintéressant aux oreilles du joueur moyen. Ce n'est donc pas assez « glamour » pour les éditeurs. En outre, la Première Guerre mondiale manque de « dynamisme » pour le FPS et pour le jeu vidéo.

Pourtant, il est des éditeurs européens qui ont pris des risques et qui se sont lancés dans des jeux traitant de ce conflit. Ici, je vais citer un FPS et un jeu d'aventure. Verdun, créé par le studio indépendant néerlandais Blackmill Games, est une bonne surprise en la matière.

Ce FPS présente uniquement un mode multijoueurs. Il est donc difficile d'évaluer l'image qu'il donne de la France en l'absence de campagne solo. Cependant, il présente divers corps de l'armée française ainsi que leurs équipements et uniformes avec brio et authenticité tout en parvenant également, à défaut de donner une image précise de la France, à rendre une image fidèle de la Première Guerre mondiale via son mode de jeu de ligne de front consistant à capturer des lignes de tranchées successives.

Si vous n'avez pas vu la vidéo de mon cher Hammer en ma compagnie sur notre chaine YouTube concernant ce jeu, je vous encourage à cliquer sur la vidéo ci-dessous. Notez d'ailleurs qu'entre-temps, le jeu est sorti en version finale et qu'il offre une expérience de jeu des plus immersives.

Outre ce Verdun, les FPS concernant la Première Guerre mondiale sont souvent très peu connus ou au développement trop basique.

J'en viens alors à parler de la véritable perle que nous a délivrée Ubisoft Montpellier il y a de cela un an. Je veux bien entendu parler de Soldats Inconnus : Mémoire de la Grande Guerre, ou Vaillant Hearts pour le titre anglais.

Ce jeu d'aventure est une véritable réussite, tant dans son gameplay que dans l'image qu'il offre de la France durant le conflit. En partenariat avec la série Apocalypse, ainsi que la Mission pour le centenaire de 1914-1918, il offre un portrait non pas complet, mais très fidèle de la France à travers cette terrible épreuve.

Tout à l'heure, je disais qu'aucun jeu ne pouvait remplacer un cours et un livre d'Histoire, mais s'il y a bien un jeu qui s'en rapproche le plus, c'est celui-ci.

Bien qu'il soit volontairement « enfantin » afin d'être accessible à un public large et jeune du fait de sa mission pédagogique, Soldats Inconnus parvient à représenter avec brio la situation de la France à travers un scénario fictif. Cela relève d'un véritable tour de force qu'il convient de saluer. En fait, la prouesse vient du fait que chaque niveau, chaque mécanique de gameplay est prétexte à apprendre quelque chose sur le conflit.

Au final, on en vient à se demander si les meilleurs pour parler de la France et en offrir une représentation fidèle à travers le jeu vidéo ne seraient pas tout simplement les Français eux-mêmes. Bien qu'il y ait un risque lié à la subjectivité et au chauvinisme, force est de constater que Soldats Inconnus est une réussite en matière d'authenticité.


Avec son style bien à lui, Vaillant Hearts est une véritable réussite.

Je pose cette question de savoir si les Français ne sont pas les mieux placés pour offrir une image fidèle de leur pays dans les jeux vidéo car nous allons maintenant aborder la période ô combien problématique de la Seconde Guerre mondiale.

L'article étant déjà assez long et assez complet, je vais tâcher d'aller à l'essentiel, bien que ce soit évidement la période où il y a le plus à dire. Du fait de sa défaite rapide et inattendue face à l'Allemagne, la France traîne derrière elle une sale réputation suite au désastre de 1940. Comme s'il n'avait fallu qu'une humiliation pour effacer tous les siècles précédents et une domination parfois hégémonique.

Alors certes, ça fait mal et il s'agit du conflit majeur le plus récent, mais d'un autre côté, il serait injuste de résumer la France à cet évènement seul. C'est pourtant ce que de nombreuses personnes font. En dépit de la réalité historique, en dépit du fait que notre armée s'est battue du mieux qu'elle l'a pu et qu'elle a fait subir des pertes parfois lourdes aux troupes allemandes, en dépit des Forces Vichystes qui ont mis quelques roustes bien senties aux troupes US durant l'Opération Torch, et malgré les Forces Françaises Libres qui se sont illustrées notamment à Monte Cassino ou à Bir Hackeim, on remarque que tout cela ne compte pas.

Tout ceci reste méconnu du grand public qui s'arrête à la capitulation française de 1940 et ne veut pas chercher à aller plus loin pour comprendre. Force est alors de constater que ce cliché et cette grande erreur historique se poursuit et va déteindre sur l'image qui est donnée de notre cher pays dans les jeux vidéo traitant de la période allant de 1939 à 1945.

Tout d'abord, on remarque que la majorité de ces jeux commencent en 1941 ou a posteriori, comme si les deux premières années de guerre n'avaient pas existé. Sans doute est-ce encore lié à l'énorme mainmise des Américains en matière d'édition et de développement de jeux-vidéo concernant cette période.

Il est alors inimaginable qu'un Call of Duty commence en 1939 le long de la Ligne Maginot tant cela est inintéressant pour le joueur moyen. Il est en revanche bien plus vendeur de faire se parachuter les Américains sur la Normandie. La France est perçue comme étant une belligérante de second plan, peu ou pas du tout représentée. Par ailleurs, lorsque le jeu commence en 1941, ce n'est que pour se concentrer sur les évènements du Pacifique, car ils concernent encore nos amis Américains.

Ce rôle de belligérant secondaire accordé aux troupes françaises s'observe alors lorsque Battlefield 1942 décide de consacrer un DLC à la Campagne d'Italie. On y retrouve les Forces Françaises Libres sur quelques cartes. On peut remercier EA et DICE d'avoir pensé à intégrer les troupes françaises, mais on remarque bien qu'elles n'apparaissent que dans quelques cartes d'une extension et non pas dans le jeu principal.

C'est donc bel et bien le symbole d'une vision de la France déclinante, comme puissance de seconde zone et qui n'est pas aussi intéressante que les Etats Unis, l'URSS ou encore la Grande Bretagne.

Les Call of Duty consacrés à la Seconde Guerre mondiale occultent totalement la France à l'exception de Call of Duty 3 : En marche vers Paris, disponible sur consoles. La France devient donc dans l'énorme majorité des cas un théâtre, une scène, un lieu où s'affrontent des armées étrangères, sans que jamais une campagne du jeu ne soit consacrée à un soldat des FFL ou à un défenseur de 1940. Au mieux la France apparait vaguement, par-ci par-là, parfois de façon indirecte avec une simple citation y faisant référence.

Alors oui, bien entendu, dans la totalité des troupes alliées, les Français ne pesaient pas beaucoup comparés aux Soviétiques ou aux Américains, et un FPS présentant les évènements de 1940 du côté français n'intéresserait sans doute pas grand monde. Toutefois, est-ce là une raison valable pour ignorer totalement ces faits ?

Une autre illustration très intéressante nous est offerte par la saga des Medal of Honor. Un personnage français y apparait de façon récurrente : Manon, une résistante.

Le personnage censé représenter la Résistance française est une femme. Choix pour le moins connoté et psychologiquement plein de sous-entendus. Je ne suis pas misogyne mais le fait de représenter la France par un personnage féminin, le seul du jeu qui plus est, n'est certainement pas neutre, surtout à une époque où le rôle de la femme dans le jeu vidéo est encore en développement. Je ne suis pas de ceux qui pensent que la femme est faible et chétive, mais il est probable que ce soit là le message que veuille envoyer l'éditeur à propos de notre pays, représenté à travers cette femme entourée de soldats masculins. Cela sonne étrangement à mes oreilles comme l'archétype de la princesse faible et incapable de se défendre que le héros américain viendrait sauver des griffes des méchants Nazis.

Toutefois, je suis ici un peu dur et injuste. Il est vrai qu'EA a accordé un MOH baptisé Medal of Honor : Underground à l'héroïne française. Le joueur y incarne Manon, luttant contre l'occupant allemand et se faisant recruter par l'OSS.

Malgré cela, MOH : Underground est loin d'avoir rencontré le succès de son prédécesseur. Powell ou Paterson seraient donc bien plus vendeurs que Manon Batiste.


Manon Batiste, la résistante française présente dans la saga des Medal of Honor

Certains jeux font l'effort de présenter la France à part entière, mais elle est souvent un amuse-bouche et représente un avant-goût de ce qui va suivre pour le joueur.

Ainsi, Blitzkrieg II nous propose une campagne à la tête des forces allemandes. Le premier théâtre d'opérations reprend la bataille de France de 1940. Choix assez original et rarement représenté dans un jeu, il convient de le rappeler et de le saluer.

Toutefois, l'armée française est ici représentée comme étant totalement dépassée, chose n'étant pas fausse historiquement parlant. On remarque surtout que les troupes françaises ont pour le joueur une valeur de didacticiel. Ce sont les premiers ennemis que le joueur rencontre dans le jeu, autrement dit les plus faciles à vaincre. La résistance opposée par l'armée française est si pitoyable qu'une mission du jeu scénarise même une course entre deux officiers allemands pour savoir lequel sera le premier à atteindre un objectif donné. Comble de l'humiliation pour nos troupes. Elles sont alors très vite remplacées par d'autres armées de pays plus puissants étant considérés comme des belligérants plus sérieux.

La symbolique est forte. Ici, lorsque la France est représentée, elle ne l'est que comme un ennemi faible dont le joueur se débarrasse d'un revers de main.

Le même phénomène s'observe dans Call of Duty 2 : Big Red One, sur consoles. Ici, le joueur incarne un soldat américain et les premiers niveaux se déroulent dans le cadre de l'opération Torch.

Le jeu propose donc d'affronter des troupes françaises loyales au régime de Vichy, chose encore rare et originale qu'il convient de saluer. Cependant, les troupes de Vichy sont moquées par le jeu et le joueur en vient à bout sans trop grande difficulté. Les créateurs du jeu se permettent même deux ou trois vannes sur le faible niveau des troupes françaises et sur leur soi-disant faculté à se rendre si facilement.

Rappelons juste à nos amis Américains que les troupes de Vichy leur ont fait passer un sale quart d'heure durant plusieurs affrontements de l'opération Torch et leur ont causés des lourdes pertes. Encore quelque chose qui n'est que très rarement rappelé et que peu de gens savent. Il faut dire que cela est assez dérangeant à avouer pour les Yankees.

En effet, comment expliquer qu'ils puissent être mis en échec par la ridicule armée française de Vichy ? Eux, la superpuissance infaillible. J'exagère et j'en viendrais presque à faire de l'anti-américanisme mais il faut reconnaître que leur vision édulcorée de l'Histoire déteint de façon non-négligeable sur l'ensemble de leur production vidéoludique concernant la Seconde Guerre mondiale.

Là encore, on s'aperçoit qu'il faut des développeurs français pour que la France retrouve ses lettres de noblesses. Ainsi, dans R.U.S.E d'Ubisoft et d'Eugen Systems, la France est présentée comme une faction jouable à part entière, et ce au même titre que l'Italie notamment. Les troupes françaises sont par ailleurs observables à de nombreuses reprises durant la campagne solo

Sans vouloir faire le chauvin, force est de constater que l'image la plus fidèle de la France dans le second conflit mondial nous est offerte pas un studio français. L'origine du jeu vidéo aurait donc une importance et les jeux vidéo étrangers, notamment américains, seraient donc plus facilement sujets aux clichés concernant la France.

Enfin, je terminerais cette étude de la période de la Seconde Guerre mondiale en traitant du cas Hearts of Iron III. Oui, on va encore parler de Paradox, mais HOI III nous offre un exemple des plus intéressants.

Interrogés sur le fait que la France ne puisse jamais arrêter l'Allemagne dans le jeu, les développeurs ont répondu qu'ils n'étaient pas parvenus à simuler la mauvaise stratégie du haut commandement français. Ils ont donc trouvé un équivalent en diminuant les capacités industrielles et économiques du pays afin de garantir le rééquilibrage.

Ici, il est intéressant de noter que dans l'esprit des développeurs de chez Paradox, la France doit paraître faible. On est donc prêt à la rabaisser, même de façon non-authentique, pour simuler son effondrement de façon artificielle.

Tout est fait pour que la France ne puisse gagner ou même simplement tenir face aux allemands, comme si ce désastre de 1940 était accepté dans les mentalités et qu'il constituait un trait saillant de la personnalité de la France et des Français.

Par surcompensation, on affaiblit donc la France plus que de raison. On la rend volontairement plus faible à travers ce jeu qu'elle ne l'était réellement dans l'Histoire dans le seul but de provoquer son inexorable chute.

Ainsi, la Seconde Guerre mondiale et la vision faussée qu'elle offre couramment de la France entretient un cercle vicieux. Puisque la France a été terrassée en 1940, elle doit apparaître comme étant faible dans les jeu vidéo, et encore, uniquement lorsque les développeurs et les éditeurs daignent l'y insérer.

En retour, puisque la France n'apparaît que très peu dans les jeux vidéo traitant de 1939-1945 et qu'elle y est représentée de façon très faible, cela contribue à renforcer les clichés et les mythes concernant notre pays. Le serpent se mord la queue et l'ignorance s'auto-entretient donc d'une triste façon.

De plus, et cela n'arrange en rien les affaires de notre pays, il apparaît clairement que les jeux concernant cette période de l'histoire soient de loin les plus nombreux, les plus médiatisés et les plus joués par rapport aux jeux des époques antérieures où la France pouvait apparaitre comme étant un pays plus puissant.

Ce constat contribue donc à renforcer les clichés et les incompréhensions dont notre pays fait l'objet à travers le monde.


Si vous jouez à HOI III en difficulté normale et selon un départ historique, vous êtes à peu près aussi sûrs de voir cela que de voir une Tour Eiffel à Paris.

La période de la guerre froide et le monde contemporain

Réjouis-toi lecteur, car ton périple est bientôt terminé. J'aborde ici la période de la Guerre froide ainsi que la période contemporaine afin de voir si cette image et ces clichés tenaces de « Losers » et de lâches nous collent encore à la peau après 1940.

Malheureusement, la réponse est oui, du moins, en partie. En effet, dans World in Conflict, STR de chez Massive Entertainment, un scénario fictif voit les troupes soviétiques débarquer à Marseille.

Comme d'habitude, les Américains arrivent à la rescousse avec l'OTAN puisque la faible armée française est en déroute, condamnée à reculer et incapable de se débrouiller seule.

D'un autre côté, il est vrai que contre l'armada soviétique, notre armée régulière seule n'aurait pas suffi. Quoi qu'il en soit, le jeu offre une succession de clichés à propos des troupes françaises.

On notera les accents médiocres des officiers et soldats français s'essayant à l'anglais ainsi que ce dialogue marquant à propos d'une église datant du XIIIème siècle que je ne résiste pas à l'envie de vous retranscrire :

« Ok, essayez si possible de ne pas endommager l'église. Apparemment c'est très vieux et les locaux semblent y vouer une sorte d'attachement culturel.

Elle date du XIIIème siècle ! Vous n'avez donc aucune culture ?! »

Bref, les Français sont (gentiment) moqués et certains dialogues n'hésitent d'ailleurs pas à rappeler au joueur, incarnant un officier américain, qu'il doit montrer aux troupes françaises comment se bat un vrai officier.

Le message est donc clair. Notre armée et nos officiers sont des incompétents semblerait-il. La pilule a du mal à passer, d'autant plus lorsque l'on voit le génie militaire américain en action dans les bourbiers vietnamiens et irakiens. Je m'égare cependant.

Revenons à notre sujet. Les même moqueries sont observables dans de nombreux films, mais l'article étant déjà assez long et fourni en exemples et références divers et variés, j'ai fait le choix de me concentrer uniquement sur les jeux vidéo ce coup-ci. Peut-être une prochaine fois pour le septième art, qui sait ?


L'odieux colonel Sabatier ose réprimander les gentils sauveurs US qui sont venus nous sortir de la mouise. Même pas vrais qu'ils ont des tendances hégémoniques ces américains d'abord.

Enfin, pour boucler la boucle concernant la Guerre froide, la série des Wargame d'Eugen Systems est également bonne à citer. Elle couvre la totalité de la Guerre froide.

Ici, difficile de donner une image de la France car le jeu se concentre sur des batailles militaires en dehors de tout contexte. On remarquera cependant que la France est représentée au sein de l'OTAN et que ses unités les plus emblématiques font parties du jeu.

Selon la doctrine militaire française en vigueur, les véhicules sont légers, rapides, peu blindés et bien armés pour frapper vite et fort. Certains joueurs se sont alors plaints que les troupes françaises représentées et modélisées dans le jeu étaient trop puissantes. Ils ont mis en avant le fait qu'Eugen soit un studio français. Le sous-entendu concernant le manque de partialité est donc clair. Il n'est d'ailleurs pas limité au seul cas de Wargame.

Des jeux comme World of Tanks ou War Thunder ont également eu à faire face à ce genre de critiques. Notons au passage que la France est présente comme nation à part entière dans le premier alors qu'elle ne constitue qu'une sous-branche de l'arbre britannique dans le second.

Passons maintenant à l'époque contemporaine. De très nombreux jeux s'y sont intéressés et notamment les FPS qui, après avoir exploité le filon de la Seconde Guerre mondiale, ont cherché à se renouveler dans un nouveau contexte. Ici, au regard de notre article, il est important de citer Call of Duty : Modern Warfare 3 et Battlefield 3.

Ces deux jeux, sortis la même année et à quelques mois d'intervalle, ont tous les deux fait le choix de consacrer une mission de leur campagne solo à Paris. Peut-être les développeurs ou les éditeurs se sont-ils rendus compte qu'il existait d'autres continents dans le monde et peut-être ont-ils pensé que cela pourrait être intéressant de quitter les Etats-Unis pour se consacrer à l'Europe pour une fois. Or, dans un cas comme dans l'autre, cette attention apportée à l'Europe n'est que partielle.

En effet, l'Europe devient le théâtre du jeu et des affrontements, mais ces derniers prennent toujours part entre les Américains et leurs ennemis inconditionnels. Ainsi, selon Battlefield 3 et Call of Duty : Modern Warfare 3, il semblerait que la France n'ait pas d'armée pour la défendre.

C'est du moins l'image que DICE et Sledgehammer Games nous offrent de notre pays puisque, à les croire, nous sommes à chaque fois victime d'un mauvais coup des méchants Russes (on notera au passage l'originalité). Nous n'avons sur place pour défendre notre capitale qu'une poignée de vaillants gaillards du GIGN. On passe donc sous silence comment les Russes sont arrivés jusque-là ou comment ils ont envahi le reste du pays dans le cas de Call of Duty.

Au vue de la doctrine nucléaire française actuelle, quiconque agresse militairement un pays membre de l'Union Européenne s'expose à de possibles représailles nucléaires. Peut-être que chez Activision, on ignore qu'il faut quand même traverser quelques pays entre Moscou et Paris, et que la plupart font justement partie de l'Union…

Toujours est-il que ça n'a apparemment pas la moindre importance pour qui que ce soit. Cette image de la France n'en reste pas moins insultante, voire dégradante. L'armée française, comme je l'ai dit, doit être en vacance au Club Med ou en journée détente à Europa Park.

Pas un seul signe du moindre trouffion de notre armée alors que des bataillons russes se baladent tranquillement sur les Champs-Elysées. Etrange, car là où Call of Duty : Modern Warfare 2 nous offrait des combats titanesques dans les rues de Washington où des dizaines de Marines défendaient héroïquement leur capitale, ici, en France, rien. Nada. Il semblerait donc qu'il y ait une variation dans la façon de présenter l'invasion du pays selon qu'il s'agisse de la France ou des Etats-Unis.

Cette image de notre pays est des plus contestables vis-à-vis de la réalité et qui rentre en lien direct avec tous ces clichés qui nous collent à la peau depuis 1940. Le fait est que vu le nombre de copies vendues de Modern Warfare 3 et de Battlefield 3, et vu le QI ou la maturité de certains joueurs de ces deux titres, nous ne sommes pas prêts de voir la fin du « surrender monkeys ».


Ça roule toujours aussi mal dans Paris, c'est dingue ça…Et mais au fait, ils sont arrivés là comment ces T-72 et ces BTR ?! Oh…on s'en fout après tout. On n'est plus à une connerie prête !

Pour conclure cet article, j'effectuerais une ouverture vers un jeu futuriste présentant la France dans un contexte différent et particulier. Tom Clancy's : End War est un RTS qui s'est présenté à sa sortie comme étant révolutionnaire. Le joueur pouvait donner des ordres vocaux à ses unités via son micro. Ce n'est cependant pas cela qui nous intéresse.

Ici, on remarquera que l'univers futuriste présente une France capitale d'une Union Européenne s'étant fédérée en 2018 et étant aux prises avec la Russie et les Etats-Unis dans une guerre triangulaire dévastatrice. Le scénario a ses limites. On voit mal comment, dans le contexte actuel, l'Union Européenne parviendrait à se fédérer en trois ans, ni comment la Russie pourrait soutenir seule une guerre contre la nouvelle-née Fédération Européenne et les Etats-Unis dans le même temps.

Toutefois, en dépit de ses faiblesses, ce scénario a un énorme mérite : celui de nous représenter l'image d'une France puissante et qui va de l'avant. Une France meneuse qui dirige cette Europe fédérée et qui a retrouvé sa puissance par le biais de la construction et de l'intégration européenne.

Certes, End War n'est peut-être pas un jeu qui aura marqué énormément de joueurs, mais il a au moins le mérite de nous présenter une nouvelle image de la France, décomplexée et débarrassée de tous ces clichés ridicules.

Il m'est alors impossible de bouder mon plaisir et de ne pas vous faire remarquer pour conclure cet article que : BON SANG, CA FAIT DU BIEN !

  • Zog Chroniqueur, Historien, Testeur, Youtubeur
  • « Une Europe fédérée est indispensable à la sécurité et à la paix du monde libre. » par Jean Monnet en 1952