Époque moderneGuerre franco-espagnole
Bataille des Dunes
Débutée en 1635, la guerre franco-espagnole ne prit pas fin avec le traité de Westphalie, qui mit un terme à la Guerre de Trente ans. Celle-ci, de 1618 à 1648 opposa les Habsbourg d'Espagne et du Saint Empire Germanique aux états allemands protestants, soutenus par de grandes puissances européennes, dont la France. En 1648, la France et l'Espagne sont donc toujours en guerre. Mais une succession de révoltes frappent la France : C'est la Fronde, de 1648 à 1653. Contre l'absolutisme royal, les parlementaires puis des seigneurs (souvent des proches de Condé, duc d'Enghien) prennent les armes. Mais le peuple se lasse et se range du côté du jeune roi Louis XIV, majeur depuis 1651, son pouvoir étant alors renforcé.
Condé, le grand vainqueur de la bataille de Rocroi en 1643, mais aussi le leader de la Fronde des Princes, rejoint le camp des Espagnols. De 1654 à 1656, Turenne repart à l'offensive dans le Nord principalement en Artois, (le sud des Pays-Bas espagnols) pour repousser les Espagnols, qui tentaient de profiter de l'instabilité française après cinq ans de guerre civile. Arras, la capitale, tombe pendant l'été 1654, mais les Espagnols ne tardent pas à prendre leur revanche dans le Hainaut à Valenciennes en 1656.
La bataille des dunes par Charles-Philippe Larivière
Mais c'est en 1657 que la guerre prend un véritable tournant, le 23 mars, lorsque l'Angleterre de Cromwell, s'allie à la France contre l'Espagne avec pour but de s'emparer de places fortes en Flandres : Dunkerque, Mardyck et Gravelines. 6000 soldats anglais sont fournis à Louis XIV, rapidement intégrés aux forces de Turenne. Ce dernier décide alors de marcher au nord. Malgré quelques déconvenues, comme à Cambrai, Mardyck tombe en octobre 1657. Le 15 mai 1658, Turenne assiège Dunkerque, pris par Condé en 1646, désormais passé du côté espagnol, pendant que les Anglais en font le blocus naval.
C'est dans ce cadre que se déroule la bataille des Dunes : Dunkerque assiégé, le gouverneur des Pays-Bas espagnols, Juan José d'Autriche accourt à son secours...
Qui a donc remporté cette bataille ? Quelles en furent les conséquences ?
Bien que cette bataille n'ait pas eu le même rayonnement que celle de Rocroi, elle n'en reste pas moins tout aussi importante : Les deux armées, quasiment égales numériquement, voient s'opposer deux grands généraux, Turenne et Condé. De même, cette bataille (fait partie / est partie prenante) des conflits franco-espagnols, anglo-espagnols et de la guerre civile anglaise, opposant les royalistes aux parlementaires. Enfin, son résultat marquera la fin du conflit franco-espagnol enclenché en 1635.
Les préparatifs de la bataille
Le 13 juin, l'armée de renforts espagnole est en vue. Turenne déploie la majeure partie de son armée pour répondre à cette menace, laissant juste le nécessaire de soldats pour poursuivre le siège. Le 14 juin, les deux armées se font face sur les plages situées à l'est de Dunkerque. Turenne disposait alors, d'après ses Mémoires de "huit à neuf milles hommes de pied et cinq à six milles chevaux". Face à lui, 14 000 hommes, parmi lesquels 6000 fantassins (Espagnols, Suisses et Anglais Royalistes) et 8000 cavaliers.
Le flanc droit espagnol est tenu par Don Juan José et le gauche par Condé. L'infanterie est déployée en première ligne, les Tercios (les meilleures unités dont dispose Don Juan d'Autriche) en position sur de hautes dunes sur le flanc droit, puis sur la gauche, les Royalistes anglais puis les mercenaires de Condé (Allemands, Wallons, Français...). Derrière l'infanterie se trouve la cavalerie, déployée sur deux lignes sur le flanc droit, cinq ou six sur le flanc gauche. Compte tenu du terrain sablonneux et accidenté par les dunes, l'avantage de la cavalerie des Espagnols est annulé, puisqu'elle ne peut manœuvrer. Enfin, les troupes espagnoles sont épuisées par la marche forcée effectuée depuis Ypres le 10 juin et ne disposent pas de cannons.
Condé est conscient de la faiblesse du déploiement espagnol, mais Juan D'Autriche refuse de l'écouter. C'est à cette occasion que Condé, apprenant que le jeune Henry Stuart - fils de Charles 1er et duc de Glocester - n'avait jamais assisté à une bataille, lui répondit : « Eh bien ! Dans une demi-heure, vous saurez comment on en perd une ! »
La bataille
Vers 8 heures, Turenne lance l'attaque, mais sans précipitation : l'avance prit trois heures. Son aile gauche, composée majoritairement d'Anglais (commandés par Morgan et Lockhart) attaque les tercios espagnols (de Gaspar Boniface) sur les dunes, hautes de 45 mètres, et subit de lourdes pertes. Une partie des troupes menées par Morgan et la cavalerie de Créqui, profitant de la marée basse, contourna les dunes et flanqua l'ennemi, tout en étant couverte par le feu de trois frégates anglaises détachées du blocus. Au centre, l'infanterie marche sur les troupes de Caracena et Créqui attaque les forces de Condé.
Le flanc droit espagnol est pris en tenailles et dans un feu croisé. Sa cavalerie ne peut agir librement compte tenu du terrain et est repoussée. L'aile droite espagnole est battue et se rompt littéralement, entraînant aussi le centre du marquis de Caracena. L'aile gauche néanmoins, tient bon. Sous les ordres de Condé, la cavalerie bouscule les troupes de Créqui et s'attaque aux fantassins du centre français.
L'aile gauche et le centre espagnol désintégrés, les forces de Lockhart et de Castelnau peuvent venir se positionner sur le flanc de Condé, faisant de nombreux prisonniers dans les dunes. Pris entre les troupes de Créqui, le centre français, les forces de l'aile gauche française et le canal de Furnes, Condé doit se résigner. A midi, la victoire de Turenne est totale.
Résultats
Turenne perdit 500 hommes là où les Espagnols en perdirent entre 5000 et 6000, dont 4000 prisonniers. Le 24 juin, Dunkerque fut pris et conformément aux accords, remis aux Anglais (qui la vendront à Louis XIV deux ans après). Turenne continua l'offensive, s'emparant notamment de Gravelines avec le Maréchal de la Ferté le 30 août (Gravelines où s'illustra un certain Vauban), puis d'Ypres le 24 septembre. La Flandre était ravagée, épuisée aux mains des forces de Turennes. Laissant 5000 hommes en quartiers d'hiver, il retourna avec le reste de ses troupes en France. Il y eut une trêve dès le début de 1659, puis la paix des Pyrénées fut signée le 7 novembre, mettant fin à un conflit de 24 ans : la France y gagna l'Alsace, le Roussillon et l'Artois.
Ouvrages
- Henri de La Tour d'Auvergne, Mémoires du maréchal de Turenne. Tome II. 1654-1659 / publiés, pour la Société de l'histoire de France, d'après le manuscrit autographe... par Paul Marichal..., H. Laurens, 1909-1914 - Disponible sur Gallica.
- Napoléon Ier, Correspondance de Napoléon Ier. Tome 32 / publiée par ordre de l'Empereur Napoléon III, Impr. impériale, 1858-1869 - Disponible sur Gallica.
- Édouard Bouët-Willaumez, Batailles de terre et de mer, jusques et y compris la bataille de l'Alma / par le contre-amiral Cte É. Bouët-Willaumez,..., J. Dumaine, 1855 - Disponible sur Gallica.
- Hardÿ de Périni, Batailles françaises. 4e série / Colonel Hardy de Périni, E. Flammarion, 1894-1906 - Disponible sur Gallica.
- Vincent Bernard, Grandes batailles de l'histoire de France, Sud Ouest editions, 2014, 123 pages.
- Lyrik Ancien membre d'HistoriaGames
- "I'm ashamed of you, dodging that way. They couldn't hit an elephant at this distance" Major général John Sedgwick avant d'être mortellement frappé par une balle sudiste...