Info sur le jeu
PlateformePC Windows
ÉditeurNepos Games
DéveloppeurNepos Games
Date de sortieFévrier 2021

Nebuchadnezzar

Thématique
Mésopotamie ancienne
10 février
2021

Vous souvenez-vous des jeux de Sierra ? Des heures passées à ériger les pyramides de Pharaon, à implorer la venue d'un héros de Zeus pour qu'il vienne botter les fesse d'une hydre, ou des champs de riz d'Empereur ?

Parce que quitte à enfoncer des portes ouvertes, autant les défoncer au bulldozer tout de suite : oui, c'est Pharaon. C'est Zeus, c'est Caesar, c'est Empereur : les deux développeurs tchèques de Nepos Games, petit studio indépendant derrière ce projet, ne cachent absolument pas qu'ils sont de très, très grand fans de la célèbre série de jeux de city-builder historiques du début des années 2000, qui figurent encore aujourd'hui au panthéon des jeux vidéo.

Mais vingt ans ont passé, Sierra Entertainment a disparu dans l'antre de Belzéb… d'Activision-Blizzard, et ses licences sont toutes au placard. Oh, il y a bien l'équipe de Bretons de Triskell Interactive qui a pu obtenir les droits pour travailler sur un remake, Pharaoh : A New Era, que l'on attend pour l'été prochain, mais c'est bien maigre.

Nous avons donc deux développeurs vétérans de l'industrie, qui se sont associés pour concrétiser leur projet le plus cher : donner une suite à la série, fût-elle non officielle, mais surtout faire le city-builder de leurs rêves. Mais quelle période explorer ? Il y en a bien une, très –trop- méconnue, qui n'avait encore jamais été abordée : la Mésopotamie.

Comme ils l'ont expliqué récemment dans nos colonnes (lire notre interview), les développeurs tenaient à combler une grave lacune dans le paysage vidéoludique historique actuel : pouvez-vous citer de tête un ou plusieurs jeux qui s'attaquent à l'histoire pourtant aussi longue que riche de la Mésopotamie ?

NebuchadnezzarDu Néolithique A (- 10 000) jusqu'au nouvel empire babylonien (VI e siècle av. J.-C.), Nebuchadnezzar se veut exhaustif et couvre toutes les périodes.

(NdA : la version du jeu testée ici est en anglais, mais Nebuchadnezzar disposera d'une version traduite dès sa sortie)

C'est bien simple, il n'y en a que peu, voire aucun. C'est malheureux, mais la civilisation du Croissant Fertile est totalement éclipsée par son monumental voisin égyptien, un sort pourtant bien injuste car les deux pays ont illuminé tout le Proche-Orient, et ont coexisté –et commercé- durant toute leur longue histoire.

Voilà donc un créneau idéal pour deux passionnés : Nebuchadnezzar nous prend par les sentiments avec cet entêtant parfum de Pharaon : de ravissants graphismes en 2D isométrique, des cartes divisées en cases sur lesquelles placer ses bâtiments, et des ressources à exploiter pour bâtir la cité la plus prospère possible, peuplée d'habitants dont on doit faciliter la progression sociale en assurant la production et l'approvisionnement en biens variés.

Jusqu'ici, nous sommes en terrain connu. La Mésopotamie dépeinte par Nepos Games est très belle et fourmille de détails ; c'est avec le même intérêt que l'on peaufine le tracé de ses champs de blé et de ses rues, pour optimiser toujours plus la circulation des habitants. À noter que le Tigre et l'Euphrate sont moins capricieux que le puissant Nil : pas question de crues annuelles. Sur les rives des deux fleuves, il est plus aisé de tracer des champs de blé, en se souciant moins de la place disponible sur les rares terres arables. Mais ça n'est pas trop facile non plus, car même il y a cinq mille ans, la Mésopotamie était dotée d'environnement chaud et aride.

Nebuchadnezzar  NebuchadnezzarQue la verdure soit !

Pour transformer ces étendues de poussière et de terre craquelée par le soleil en champs verdoyants, il est donc nécessaire de creuser des canaux alimentés par des pompes, seul moyen d'irriguer les terres à la ronde.

La madeleine de Pharaon

Quelques coups de pioche, et voici des champs de blé, d'orge, de lin à perte de vue ; les troupeaux de chèvres alimenteront vos habitant en lait, et quelques coteaux de vigne et de dattiers permettront de contenter les classes sociales aristocratiques et bourgeoises.

C'est une fois ces bases posées que Nebuchadnezzar commence à prendre ses marques de ses illustres modèles. Tout d'abord, en autorisant une gestion bien plus fine des rondes des distributeurs et marchands. Chaque ronde de porteur d'eau ou de marchand de pain doit être planifiée à la main : c'est à vous de déterminer quelles ruelles empruntera le commerçant, alimentant ainsi la population, dont on peut également consulter en temps réel les réserves d'eau, de poteries, de pain et de lait. Anecdotique dirait-on, mais pourtant essentiel, car cela autorise une bien meilleure planification de l'approvisionnement de la cité, au lieu de laisser faire une I.A. de 2002 et le pathfinding qui l'accompagne.

Nebuchadnezzar  NebuchadnezzarJamais deux fois par les mêmes endroits ! / Une fois irriguées, les terres mésopotamiennes donnent à profusion !

De plus, le choix nous revient de réguler la main-d'œuvre employée, en ouvrant plus ou moins de postes de livreurs et de distributeurs au sein d'une même échoppe, ce qui permet des ajustements plus fin en fonction de la distance les séparant de vos entrepôts et du nombre de travailleurs disponibles dans votre cité mésopotamienne.

C'est tout ? Que non. Car pour aller plus loin, c'est là que l'on introduit un ingénieux système de caravansérails, dont les caravaniers se chargeront sur vos ordres de transporter les ressources d'un entrepôt à un autre sur la carte, ce qui résout instantanément le problème du placement des boutiques vis-à-vis des lieux de production. Concrètement, cela veut dire que si vous avez bâti votre cité un peu plus dans les terres, un caravansérail se chargera d'apporter jusqu'aux entrepôts urbains les cargaisons de poteries produites dans le hameau à quelques kilomètres de la cité, où se trouvent les carrières de glaise et les potiers.

NebuchadnezzarQuelques champs de blé, des bicoques en briques. C'est si simple, le bonheur.

Le tout s'organise ensuite comme un immense ballet et une fois la machinerie lancée, on s'attaque à la construction de quartiers où résideront les Citadins, puis les Aristocrates, chaque classe exigeant bien sûr plus de produits et de service : des draps fins, des astrologues, des meubles de bois et des juristes, ou encore des bijoux rares.

De fil en aiguille, on en arrive à une autre composante essentielle : le commerce. Car pour fabriquer ces bijoux dont je viens de parler, il va falloir importer l'or et le cuivre !

La Mésopotamie est en effet dénuée de gisements métalliques ; aussi le seul et unique moyen de s'en procurer pour alimenter les ateliers d'artisans, c'est de marchander avec les cités les plus lointaines.

NebuchadnezzarDans les montagnes du Zagros, la cité élamite d'Anshan exportera de l'ivoire et des briques, contre ma viande et mes bijoux.

Ce qui ne va pas de soi, et c'est là qu'entre en jeu toute la partie diplomatique de Nebuchadnezzar : avant qu'un de vos voisins veuille commercer avec vous, il faudra d'abord l'amadouer en envoyant des cadeaux. Une fois ceci fait, le commerce vous apportera les ressources dont vous manquez –et les finances, car c'est là aussi le seul moyen d'obtenir des sous-.

On a du pétrole, mais surtout des ziggourats

Mais pour cela, il faudra tout d'abord prouver à vos futurs partenaires que votre cité a quelque chose à leur offrir. C'est là tout l'intérêt de la mécanique de prestige, valeur évolutive basée sur le nombre et la richesse des habitants de la cité, qui devient centrale en milieu de partie, car c'est votre prestige qui vous permettra de continuer à commercer et à grandir.

NebuchadnezzarMes 2400 habitants sont pauvres. Pour mériter une ambassade commerciale, il va falloir être plus prospère.

Celle-ci se base aussi sur la valeur du commerce et enfin, sur la renommée tirée des monuments. Il est en effet bien temps de se lancer dans l'édification d'un temple ! En Mésopotamie, chaque cité-état régnait sur son territoire immédiat et possédait son dieu tutélaire, garant de sa prospérité et de la sauvegarde de ses terres (c'est d'ailleurs afin de légitimer politiquement la conquête de plusieurs cités que Sargon d'Akkad, et surtout son successeur Naram-Sîn, s'attribuera des caractéristiques divines : seul un dieu peut régner sur un autre dieu !). Pas de bénédictions divine d'Ishtar ou d'An-Ki, mais Nepos Games mise ici sur un système de construction bien plus profond, permettant de personnaliser son propre temple à un ou plusieurs niveaux, en le parant d'escaliers, de rampes, de fresques, de portails (il reste bien sûr possible de se baser sur un modèle préfait), et de l'orner de rutilants jardins et de sculptures.

Nebuchadnezzar  NebuchadnezzarRien n'est trop beau pour les dieux !

C'est avec un soin maniaque que l'on se met à édifier toujours plus de tours et de temples dans des cités beaucoup plus grandes. La sauce prend avec la même magie qu'avec les mastabas égyptiens ou les splendides jardins de Chine. Le jeu ne s'embarrasse pas d'une composante militaire qui aurait été de toutes façons inutile : Nebuchadnezzar se suffit à lui-même pour être l'excellent city-builder mésopotamien dont le monde avait besoin.

8.0
Nebuchadnezzar

Sous le regard d'Enlil
Amoureux de Sumer et d'Akkad, je me serais contenté d'une copie de Pharaon avec de nouveaux décors. Mais Nebuchadnezzar a le bon goût de s'efforcer de faire plus que ça, et il réussit : sa conception de la gestion des forces de travail est bienvenue et servie par une interface intuitive ; ses décors fleurent bon le Proche-Orient et l'immersion est très réussie. C'est un vrai plaisir que de personnaliser sa ziggourat en l'honneur des dieux, et sa cité antique. Nebuchadnezzar est peut-être à l'heure actuelle le seul jeu permettant de se replonger dans le néolithique mésopotamien, mais il restera très certainement le meilleur pour longtemps.
Intérêt historique :Pointilleux des détails comme l'organisation de chaque cité autour du temple, de la disponibilité de certaines ressources ou des classes sociales, Nebuchadnezzar est très respectueux de ses sources historiques. L'apport des deux assyriologues consultés durant le développement est visible et l'authenticité du jeu est excellente ; et bien que les artistes aient dû imaginer une grande partie des bâtiments, ceux-ci restent parfaitement crédibles.
  • +Le thème original
  • +Les innovations de transport et de gestion, astucieuses
  • +Un excellent hommage aux jeux Sierra, mais pas que
  • -Un nombre de cartes assez limité pour le moment
  • -Les rues manquent un peu de vie
9
Graphismes

Colorés et détaillés, ces décors en 2D isométriques sont absolument ravissants. Les temples sont splendides et les reconstitutions imaginées par les graphistes de Nepos Games pour donner vie à des bâtiments disparus depuis des siècles sont très crédibles.

7
Technique

Deux crashs ont été constatés durant ce test, et la version pré-release mettait un peu trop de temps à charger : gageons que ce défaut mineur sera corrigé dans la version finale.

8
Jouabilité

Claire et intuitive, l'interface de Nebuchadnezzar est immédiatement accessible sans se perdre dans des sous-menus inutiles. Mention spéciale au système de caravansérail, qui permet d'organiser de vaste convois d'ânes rapidement et facilement.

8
Durée de vie

La durée de vie d'un city-builder dépendant surtout de votre propre envie de jouer, autant dire que celle de Nebuchadnezzar est excellente, étant donné qu'il parvient tout de suite à susciter cet intérêt maniaque qui nous pousse à rester le nez collé à l'écran pendant des heures pour peaufiner chaque aspect de sa cité.

9
Ambiance

Excellente aussi, elle aurait à la rigueur pu être encore améliorée par une mécanique de gestion de politique interne ?

8
Scénario

Pas de quête à proprement parler, mais chaque carte est fort bien introduite, restituant le contexte géographique et politique de chaque période abordée. Pour qui s'intéresse un tant soit peu au Proche-Orient ancien, c'est un excellent pied à l'étrier.


  • Cernunnos Testeur, Rédacteur
  • "Messieurs, c'est une plage privée! Je crois que nous dérangeons!" - Un officier britannique sur Sword Beach