Les Mérovingiens : Qui étaient-ils ?

Da Veenci
Thématique
30 janvier
2015

Bataille de Tolbiac en 496 peint par Ary Scheffer (1795 - 1858). Versailles, musée national du Château et des Trianons.

Clovis Ier et le vase de Soissons. Grandes Chroniques de France, XIVème siècle. Bibliothèque nationale de France.« Te souviens-tu du vase de Soissons ? ». Sur ces paroles stridentes, Clovis planta sa francisque (sorte de tomahawk franc) dans la tête de l'insolent soldat. En effet, quelques mois plus tôt (nous sommes en 486), les Francs de Clovis qui venaient de piller une église du Royaume de Syagrius, ont pris dans leur butin un magnifique vase liturgique. Le fameux évêque Rémi demanda à Clovis s'il était possible de le récupérer et celui-ci lui accorda cette faveur. Ils se rendent donc à Soissons où le butin est rassemblé en présence de l'armée victorieuse. Clovis demande s'il peut récupérer le vase, bien que celui-ci fasse partie du butin dévolu à la soldatesque. Bien sûr ! lui répondent ses hommes. Mais soudain, un récalcitrant sort de la foule et dans un mouvement slowmotionné, détruit le vase avec son arme, sous les yeux écarquillés de toute l'armée. « Tu ne recevras que ce que le sort t'attribuera » crie-t-il à Clovis. Le roi ravale sa fierté sur le coup, mais n'oubliera pas ce geste et, quelques mois plus tard, alors qu'il passe en revue ses troupes, reconnaît le rebelle qui n'avait pas bien nettoyé ses armes, les jette à terre et alors que celui-ci les ramasse, lui défonce le crâne ! Voilà un des nombreux épisodes semi-mythiques de la vie du fondateur de la dynastie des Mérovingiens, Clovis. Mais qui étaient vraiment les Mérovingiens ? Qui était Mérovée ? Étaient-ils beaux ?

D'où venez-vous, gentils Mérovingiens ?

Le nom « Mérovingiens » serait issu de l'ancêtre (son grand-père ?) de Clovis. Les Francs saliens, unis avant d'envahir la Gaule, se sont installés dans ce qu'on appelait la Gaule Belgique. Clovis (466-511) est d'ailleurs un petit roi qui règne sur la région de Tournai. Il monte à la mort de son père sur le trône, à l'âge de seulement 14 ans. Il est considéré comme le fondateur de la dynastie mérovingienne qui régnera jusqu'en 751.

Le chevelu personnage se mettra rapidement en tête qu'il faut agrandir son royaume, et prendra notamment le dernier territoire sous administration Gallo-Romaine qu'était le Royaume de Syagrius (486). Il s'assurera ensuite le soutien de l'église et de l'aristocratie gallo-romaine par sa conversion à la Chrétienté (incité par sa reine chrétienne Basine de Thuringe), plus particulièrement au Catholicisme, alors que de nombreux barbares étaient encore Ariens. Il continuera sa politique offensive vers le Sud et ira jusqu'à convoiter les côtes de la Mare Nostrum des Romains. Le roi des Francs saliens prendra entre autres Paris et la Bourgogne. Il sera ralenti par la suite par les Wisigoths et les Ostrogoths qui lui font comprendre que l'Italie et encore plus la Provence sont propriétés des barbus gothiques.

Quel rôle pour les rois ?

Le roi est investi d'une fonction que l'on pourrait qualifier de sacrée. Il est dans l'esprit de ses contemporains le propriétaire de toutes les terres de son royaume. Il n'existe donc pas de concept d'état, mais uniquement un domaine royal. Le roi rend la justice et est investi de la fonction de chef militaire suprême. Il doit mener des conquêtes au Printemps, pour assurer la prospérité économique et territoriale de son domaine et de ses habitants.

Une organisation à la Bonaparte

Le roi nommait les comtes qui géraient chacun une région, elle-même constituée de plusieurs « pays ». Les évêques étaient aussi nommés par le Grand chevelu royal et gouvernaient aux côtés des comtes. Ils disposaient non seulement de pouvoirs religieux, mais aussi de compétences civiles. Le système ainsi formé jetait les bases du pouvoir seigneurial du Moyen-Age et certains comtes devinrent tellement puissants qu'ils furent indéboulonnables et se transmirent le pouvoir de génération en génération, tout comme les nobles du Moyen-Age.

Ainsi, le choix des comtes peut rappeler les nominations des préfets napoléoniens, véritables yeux et oreilles de l'empereur dans les provinces. Mais le vrai centre du pouvoir mérovingien va progressivement dévier des mains du roi vers un personnage à l'importance grandissante : le maire du palais, le plus haut dignitaire après le roi. Il y en avait un dans chacun des trois royaumes mérovingiens, à savoir la Neustrie, la Bourgogne et l'Austrasie.

Le maire du palais était au départ nommé pour une période déterminée, puis à vie, et finalement de façon héréditaire. Il prendra de plus en plus de place de par son importance dans la gestion du gouvernement et du trésor royal, mais aussi avec l'apparition d'une nouvelle mode chez les rois, la fainéantise…

La division de la Gaule en 481  Les conquêtes franques en Gaule (486-511)  Campagnes franques en Aquitaine (507-509)
Travail personnel sur un fond de carte de historicair. By Romain0 [Public domain], via Wikimedia Commons

Les rois fainéants, un mode de vie tendance

Dagobert 1er vient de décéder en ce 19 janvier 638 ou 639. Désormais, le royaume est scindé entre Neustrie et Austrasie, et dans chacun de ces deux « nouveaux » royaumes, les maires du palais prennent le véritable pouvoir, qui était auparavant dévolu au roi.

La plupart des nouveaux rois sont des enfants ou des adolescents qui meurent jeunes ou sont malades. L'appellation fainéant vient de leur surnom de roi qui « fait néant », qui ne fait rien. Progressivement, et non sans avoir écrasé diverses révoltes contre son autorité soutenue par la Neustrie, le maire du palais du royaume d'Austrasie, Pépin de Herstal, réunit le royaume franc, mais n'ose s'adjuger la couronne royale. Il laisse donc la couronne du royaume à Thierry III. Pépin de Herstal, issu de la famille des Pépinnides prend donc le pouvoir en 687, 64 ans avant le début de la dynastie carolingienne.

Le dernier maire du palais qu'est Pépin le Bref, prend le pouvoir réel en 751, fondant ainsi la dynastie carolingienne, dont le plus illustre représentant sera Charlemagne, son fils. Il est cependant à noter que la mauvaise image dont jouissent les derniers mérovingiens tient autant de la nécessité de magnifier la nouvelle dynastie que de l'enseignement scolaire de la IIIème république, qui n'hésitait pas à exagérer certaines histoires...

Un peu de militaria

Les armées franques n'étaient en rien supérieures à leurs rivales germaniques au niveau de l'armement, mais il est attesté que leur romanisation plus importante influença leurs capacités militaires. En effet, contrairement aux armées des Wisigoths par exemple, leur discipline était plus développée héritage romain qu'ils ont su exploiter.

Quant à leur armement, ils avaient les fameuses francisques, des lances appelées framées et une épée (la spatha, semispatha, ou scramasax), ou encore le javelot, l'angon.

Les Mérovingiens par Évariste-Vital Luminais. Galerie d'art de la Nouvelle-Galles du Sud, Sydney.On verra apparaître la caste dominante que sera la cavalerie du Moyen-Age à cette époque (surtout chez les Wisigoths, les Francs étant de bien meilleurs fantassins), bien que leur prédominance s'affirma surtout au cours de l'époque carolingienne. La présence de l'arc à flèches est attestée, contrairement à l'armée des Goths, qui n'utilisait pas cette arme par exemple. On notera aussi la structure dite décimale de l'armée. La connaissance approfondie de leur armement est due au fait que les Francs étaient enterrés avec leurs armes. N'hésitez pas à vous renseigner davantage sur la bataille de Tolbiac, Vouillé, ou encore sur les campagnes du général byzantin Bélisaire au VIème siècle.

Étaient-ils beaux ?

Je vous partage ce texte, écrit par Sidoine Apollinaire, dans « Panégyrique de Majorien », écrivain gallo-romain de Lyon, ayant vécu de 430 à 486, et ayant vécu sous les derniers véritables empereurs romain, Majorien (420-461) et Anthémius (420-472) :

« …leur chevelure rousse, tirée vers le front, s'étale sur le sommet du crâne ; leur nuque dégarnie reluit, ayant perdu ses poils raides; dans leurs yeux pers brille un clair regard ; leur visage entièrement rasé ne laisse aux soins du peigne que d'étroites moustaches. » (Carmen V)

Bibliographie :

  • Les Mérovingiens, de Clovis à Dagobert, de Françoise Vallet, 176 pages.
  • L'Histoire des Rois Francs, de St Grégoire de Tours, 288 pages.
  • Da Veenci Le Bernard de la Villardière, Ancien membre d'HistoriaGames
  • « Vivant, il a manqué le monde. Mort, il le possède » écrit Chateaubriand à propos de Napoléon.