Récit

Époque contemporaineGuerre franco-allemande

Sarrebruck, les premiers feux

L'Amiral
25 juillet
2020

Tombé dans le piège diplomatique tendu par Otto von Bismarck à la mi-juillet 1870, l’empereur Napoléon III n’a plus d’autre choix que de suivre l’opinion publique et de demander à son gouvernement de déclarer la guerre à la Prusse, chose faite le 19 juillet.

La mobilisation de l’armée impériale commence sur les chapeaux de roues, les généraux français étant convaincus que la correction qui va être infligée à la Prusse va être à la hauteur de leurs espérances. Mais au début du mois d’août, rien n’est encore fait...

En chiens de faïence

La déclaration de guerre de la France à la Confédération d’Allemagne du Nord, emmenée par la Prusse et rejoint par les États catholiques du sud de l’Allemagne (Bavière notamment), n’apporte pas de conflit armé directement. Les deux belligérants disposent d’un énorme territoire à couvrir, rendant la mobilisation de leurs armées respectives assez lente.

Cependant, les Allemands disposent de leur 1. Armee positionnée en avant de la ville de Trèves, dont les avant-gardes sont installées à la frontière française en Sarre. Les deux villes frontalières, Sarrelouis et Sarrebruck, sont faiblement gardées, notamment par des éléments censés rapporter toute incursion française au quartier-général de von Moltke. Conscient de la faiblesse du secteur si les Français attaquent, ce dernier fait presser la mobilisation et l’acheminement des troupes, qu’il estime terminés le 4 août au matin.

Les deux camps sont dans le flou total : aucun ne sait véritablement ce que l’adversaire a en face de lui. Napoléon III, commandant en chef de l’armée du Rhin, décide très vite de recueillir des informations sur les forces prussiennes, et charge pour cela le maréchal Bazaine.

Le 31 juillet a lieu à Morsbach un conseil de guerre où le futur vaincu de Metz ordonne au 2e corps (général Frossard) de marcher sur Sarrebruck et au 5e corps (général de Failly) de mener une diversion vers Sarreguemines.

La date choisie est celle du 2 août, la mission ne devant pas mener plus loin que ces deux localités. Bazaine lui-même supervisera la progression à la tête d’une division du 3e corps.

Sarrebruck, les premiers feux
Le combat de Sarrebruck peint depuis le bois au sud de la ville.

Dans le noir complet

Les Prussiens eux-mêmes sont plus préoccupés par le déploiement de leurs troupes que par la probabilité d’une invasion française. Mais le 1er août, les Français démarrent les préparatifs alors que la 1ère division du général Vergé s’approche de Forbach, amenant avec lui une compagnie de pontonniers pour franchir la Sarre.

Sarrebruck, les premiers feux
Le général Frossard, photographié pendant la guerre de Crimée.

Frossard déploie son dispositif le 2 août au matin : la 2e division du général Bataille avance en tête, suivie à sa droite par la brigade1 Micheler de la 3e division et à gauche par la brigade Valazé, de la 1ère division. Enfin, chaque aile est couverte par une batterie de canons de 12, prête à ouvrir le feu sur les éléments prussiens.

Conformément aux ordres de Bazaine, les troupes françaises ne cherchent pas à occuper le terrain et n’ont donc pas le matériel ou la logistique pour s’enfoncer dans le territoire sarrois. Sarrebruck en elle-même est de toute façon défendue par moins de 1000 hommes, dont des cavaliers. Trop peu nombreuse pour arrêter une force supérieure en nombre, ces hommes ont pour ordre de se replier en bon ordre si la pression adverse se fait trop forte.

Le 2 août à midi, les premiers éclaireurs français s’approchent de Sarrebruck. La ville est encaissée dans la vallée de la Sarre et entourée de collines, ainsi que bordée au sud par la forêt de Sankt Arnual ; le seul terrain plat conséquent est à l’ouest, terrain de manoeuvre pour la garnison locale.

Alors qu’une patrouille française s’approche des faubourgs de la ville, une patrouille prussienne apparaît. Des coups de feu claquent, mais bien vite les deux formations se replient vers leurs corps respectifs : l’alerte est donnée.

L’empereur et son fils à ses côtés, Frossard lance alors l’attaque en ordonnant à trois compagnies de prendre place sur la grande plaine de l’ouest et de barrer la sortie de la ville ; deux bataillons français prennent position au nord de la ville, près du quartier de Saint-Jean.

Pendant une heure, Français et Prussiens vont se tirer dessus à longue distance, mais les premiers sont couverts par la forêt et les seconds à l’abri dans les bâtiments. L’apparition de la brigade Rastoul au sud de Sarrebruck fait craindre un encerclement total au général von Gneisenau défendant la place ; de plus, ce dernier se rend compte que toutes les hauteurs alentours sont aux mains des Français...

Sarrebruck, les premiers feux
Une représentation de la fuite des Prussiens par la presse française. L'événement est enjolivé.

Une première « victoire » française

Certain de la supériorité numérique des Français, von Gneisenau décide d’évacuer la garnison de la ville sous la protection d’une batterie d’artillerie. Frossard ordonne donc au 23e RI d’avancer et de s'emparer de la cité, vide de toute troupe prussienne, qu’il va occuper jusqu’au 5 août.

Les Prussiens ont compris qu’ils avaient tout intérêt à éviter le combat pour l’instant, et les Français ne tentent pas de pousser plus loin... Pourtant, à quelques kilomètres de là se trouve un noeud ferroviaire important dont la capture aurait permis de bloquer l’arrivée de troupes prussiennes.

Des deux côtés, cette escarmouche est présentée comme une victoire. À Paris, on parle d’une offensive victorieuse, et le bellicisme de l’opinion publique n’en est que plus fort ; en Allemagne, les événements de Sarrebruck sont présentés comme une défense opiniâtre sur plusieurs jours, les Allemands s’étant repliés pied à pied.

Mais cette victoire n’a qu’une portée symbolique pour Napoléon III. Les Français ont perdu 11 hommes et 75 blessés. Les Allemands dénombrent, eux, 8 morts et 68 blessés...

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1Une division française de l’époque étant composée de deux brigades, chacune comptant entre 3 et 4000 hommes.

  • Witz Rédacteur, Testeur, Chroniqueur, Historien
  • « L'important n'est pas ce que l'on supporte, mais la manière de le supporter » Sénèque