Tribune : Faut-il autoriser les quêtes principales dans les Open World ?

El Presidente
Thématique
Grèce antique
24 octobre
2018

Les propos tenus dans ce billet d'humeur n'engagent que l'auteur et ne reflètent uniquement que son avis en fonction de ses attentes et sa façon de jouer. Vous avez tout à fait le droit de penser autrement. Dans ce cas, n'hésitez pas à argumenter votre avis en commentaire.

Je profite d'une petite pause dans ma partie sur Assassin's Creed Odyssey pour vous pondre un nouveau billet d'humeur et vous parler d'un sujet qui me tient à cœur.

Pour celles et ceux qui n'ont pas suivi, j'avais fait part de mon « cas de conscience » dans une précédente diatribe. J'y exprimais un problème que je ressentais vis-à-vis de la gratuité sans complexe que m'offrait le jeu à massacrer de l'Athénien ou du Spartiate sans raison apparente mis à part celle de l'argent. Finalement, j'avais trouvé une solution que j'ai mis en pratique pour le personnage que j'incarne actuellement et qui fonctionne à merveille.

J'ai dû faire à peu de chose près les 3/4 du jeu et le test devrait être publié incessamment sous peu. J'espère pouvoir le proposer la semaine prochaine.

Mais avant cela, j'aimerais évoquer avec vous un point qui me turlupine : les quêtes principales dans les jeux à monde ouvert, et plus précisément les quêtes qui nous placent dans une situation d'urgence et qui vont à l'encontre du gameplay de ce genre si particulier.

Monde ouvert, ma deuxième passion

Comme on l'a vu dans la précédente tribune, Odyssey est un pur jeu de rôle, mais c'est également un monde ouvert (Open World). C'est un genre qui se marie très bien avec les jeux de rôle, comme on a pu le constater par le passé avec les titres de Bethesda (The Elder Scroll, Fallout...) ou bien évidemment le The Witcher 3 de CD Projekt, en attendant leur Cyberpunk.

J'apprécie l'Open World car c'est un genre dont tu sais que tu vas en avoir pour ton argent, vu que tu vas y passer des centaines d'heures dessus, pour peu que l'on tolère ses codes si particuliers.

En effet, il faut accepter la redondance des actions, la pauvreté d'écriture de certaines missions secondaires que l'on retrouve dans les MMO habituellement (on utilise le terme « Fedex » pour les qualifier : tuer dix loups, apporter les peaux aux tailleurs, apporter un colis d'un point A à un point B...), les petits soucis d'optimisation ou des graphismes un peu en deçà par rapport à un jeu « couloirisé » qui va miser davantage sur l'ambiance visuelle plutôt que sur le gameplay.

C'est un genre qui a actuellement le vent en poupe comme l'a démontré God of War qui s'y est mis récemment avec l'immense – et mérité - succès critique qu'on lui connaît.

Actuellement, les maîtres en la matière sont bien entendu Rockstar Game avec leur GTA et Red Dead. Mais les studios d'Ubisoft les talonnent de très près, tant ils maîtrisent le sujet depuis maintenant 10 ans et la sortie du mésestimé Far Cry 2. On peut aussi évoquer à la troisième marche les Suédois d'Avalanche Studios avec leur Just Cause, Mad Max et Rage 2 prochainement.

Le monde ouvert offre aux joueurs la possibilité de vivre une aventure au sein d'une vaste carte où il pourra interagir sous diverses formes, que ce soit avec le décor, les objets ou les personnages non joueurs (PNJ).

L'un de ses points essentiels à mes yeux est l'exploration, comme c'est le cas des Assassin's Creed qui nous permettent de visiter des monuments (et de grimper dessus) reconstitués avec une grande précision. La machine à voyager n'existant pas encore, les jeux vidéo représentent les seuls moyens pour nous, simples mortels, de visiter des lieux chargés d'Histoire comme ils pouvaient l'être à l'époque ou presque. Ubisoft avait exaucé un de mes rêves avec Origins, il m'a de nouveau comblé avec Odyssey.

Il n'est pas rare d'oublier toutes quêtes et tous combats le temps d'un instant et se poser au sommet d'une ruine ou au pied d'un lieu historique ou de visiter un temple, d'y admirer les statues... jusqu'à ce qu'un loup, un sanglier, un lion ou même des poulets sanguinaires (oui !) nous ramènent à la dure réalité du titre... À croire qu'il n'existait pas de chasseurs à l'époque pour organiser des battues. En même temps, il vaudrait mieux au risque de voir la mortalité s'envoler si, comme chez nous, ils n'arrivent pas à faire la différence entre un humain et un faisan...

Explorer, ce n'est pas seulement visiter des monuments historiques ou admirer le paysage, c'est aussi découvrir tout un tas de points d'intérêt où nous aurons l'occasion d'accumuler de l'équipement, de l'argent, de l'expérience et de remplir divers tâches et missions.

Alors oui, c'est super redondant, ça ne peut pas plaire à tout le monde, mais vous êtes censés connaître les risques lorsque vous vous lancez dans un jeu à monde ouvert. C'est un passage obligatoire pour renforcer la puissance de votre personnage s'il veut pouvoir progresser aisément dans la quête principale. Encore, faut-il qu'elle nous le permette !

Tribune : Faut-il autoriser les quêtes principales dans les Open World ?Tant de choses à voir ! Tant de choses à faire ! Mais j'ai une quête à finir avant...

Sauver le monde ou apporter les dix peaux de loup au tailleur ?

Encore une fois, comme pour ma précédente tribune, il s'agit d'un avis propre à ma façon de jouer, et ça ne sera pas pris en compte dans le test. Si vous vous y retrouvez dans ma façon de procéder, n'hésitez pas à partager votre expérience.

Pour ma part, en tant que joueur « roleplay », j'appelle « quêtes d'urgence » les quêtes qui nous obligent inconsciemment à les effectuer en faisant fi du reste. C'est à dire que dès que l'on reçoit une mission qui nous semble capitale et importante à effectuer dans l'urgence (même s'il n'y a pas d'indication de durée), on doit se concentrer à 100% sur celle-ci et l'effectuer de bout en bout, ce qui implique de mettre de côté l'exploration et tout autre activité secondaire.

Alors pour un jeu « couloirisé », c'est quelque chose de tout à fait normal, car l'exploration est souvent réduite à néant, mais pour les jeux à monde ouvert, cela me semble problématique.

Prenons l'exemple de Fallout 4 qui propose une quête d'urgence typique de ce qu'il faut éviter dans un monde ouvert. Ne parlons pas de celle de Fallout 3, qui est encore pire... En effet, dès le début nous devons partir à la recherche de notre fils « venant » d'être kidnappé. Pour quelqu'un de normalement constitué, c'est une chose ultra importante qui passe avant toute autre chose. Bon, dans les faits, ça fait plusieurs années qu'il a été enlevé, mais notre personnage ne le sait pas au début. Pour lui, c'est quelque chose qui vient de se passer et il va devoir tout mettre en œuvre pour le retrouver.

À partir de ce moment, quel intérêt aurais-je à aider telle ou telle personne, visiter telle ou telle localité, qui vont me faire dévier de ma quête et m'éloigner de mon but principal ? Aider les factions qui vont m'être utiles ou explorer des lieux qui sont sur mon chemin sont des choses normales à effectuer. Le problème, c'est que si je ne fais uniquement que la mission principale, je vais forcément me retrouver avec un niveau et un équipement bien trop faibles par rapport à mes adversaires. Il sera donc impossible ou presque de progresser. Mais comme l'urgence de ma quête implique de s'y concentrer à 100%, mon personnage ne va pas se dire à un moment en arrivant devant le fait accompli : «  Ah, tiens ! Cet ennemi est beaucoup trop fort, et si j'allais aider ce cher Preston Garvey à récupérer cette fichue colonie habitée par des goules, ça fait des semaines qui me demande de l'aider... ».

Bon heureusement, retrouver son fils ne constitue pas l’entièreté de la mission principale de Fallout 4, contrairement à Fallout 3 où les retrouvailles avec le père se font à la quasi fin du jeu. Je considère que Fallout 4 commence réellement à partir du moment où l'on retrouve son fils, soit après 30-40 heures de jeu... Dès cet instant on est libéré de notre quête d'urgence et on est libre de faire ce que l'on veut et d'explorer comme on le souhaite les terres dévastées, sans avoir la mauvaise conscience d'un père/d'une mère indigne ayant abandonné son fils.

Tribune : Faut-il autoriser les quêtes principales dans les Open World ?- Ô Grand Poséidon ! Dis moi ce que je dois faire !
- M'en bats les cou...

C'est à peu de chose près la même chose dans Odyssey. Au début, sur l'île de Kephallonia, on est libre de faire ce que l'on veut comme on veut. On est ensuite envoyé à Megaris, où l'on suit les ordres de Sparte. Puis, notre quête d'urgence commence et on nous demande de partir à la recherche d'une personne. Sans spoiler davantage, cette recherche se révèle vraiment urgente et représente à peu près le tier de notre Odyssée (20-25 heures en prenant son temps). Alors certes, Odyssey a la particularité de nous proposer plusieurs quêtes principales en parallèle, et cette recherche de personne se veut la plus urgente (du moins pour le personnage que j'ai souhaité développer). Les autres quêtes principales demandent plutôt du temps pour être complétées, on est libre de les faire quand on le désire.

La question que je me pose dès lors est la suivante : l'exploration libre est-elle compatible avec ce genre de quête à partir du moment où l'on joue roleplay ? Personnellement, à partir d'un moment, j'ai trouvé illogique d'aller explorer des régions entières, ou de visiter des points d'intérêt, qui ne se trouvaient pas sur le chemin de ma quête principale afin de me concentrer uniquement sur celle-ci. J'ai laissé des régions de côté à cause de ça.

Heureusement, au bout d'un moment, cette « quête urgente » prend fin et on est un peu plus libre. Cependant, en ne suivant uniquement que la quête principale, on se retrouve avec 3 à 4 niveaux en moins par rapport à la suite de la quête. En mode facile, ça ne pose aucun problème, on enchaîne les mobs comme dans un hack'n'slash. En mode difficile, c'est une toute autre histoire. On est dès lors obligé de revenir dans d'anciennes régions pour prendre de l'expérience.

Toutefois, il faut reconnaître qu'Ubisoft trouve toujours une solution à mes « cas de conscience », à croire qu'ils se soient aussi posés la question. Si on revient à ma première tribune, au lieu de tuer tous les « petits » soldats, j'ai choisi de les assommer. Ubisoft a prévu ce cas de figure car ils ont ajouté des flèches assommantes dans notre carquois (il faut pour cela développer une compétence pour les avoir). Pour mon souci actuel, les régions de niveau inférieur voient leur niveau s'ajuster au nôtre, même si vous aurez généralement deux niveaux d’avance sur les régions « plus basses ».

Attention, je ne dis pas que la quête principale est ratée, loin de là, bien au contraire... Je pense juste que ce passage nous mettant dans une situation d'urgence n'était pas forcément bien amenée. Peut-être, était-ce trop tôt dans l'aventure ou trop long, je ne sais pas, mais j'apprécie dans les jeux à monde ouvert, ou dans les jeux de rôle en général, les moments de pause qui me permettent d'explorer la carte et de remplir des missions secondaires comme je le souhaite sans être esclave d'une quête principale.

Origins ne m'avait pas posé de problème. La quête était classique mais n'avait pas besoin d'être résolue dans l'urgence. Bayek pouvait prendre son temps pour assouvir sa vengeance. Et les quêtes d'urgence était suffisamment courtes pour que cela puissent être une gêne. C'est le cas d'autres jeux du genre.

Je pense notamment à Fallout : New Vegas, bizarrement lui a une bien meilleure quête (Bethesda rend la licence à qui de droit !). Au début, c'est simple, on se réveille d'un coma après avoir reçu une balle dans la tête, on a aucun souvenir. Notre quête commence dès cet instant et c'est à nous de savoir ce que l'on va faire. On n'est même pas obligé de retrouver notre assassin immédiatement. On recommence une nouvelle vie. On est entièrement libre d'explorer la carte sans se poser de question. La « quête d'urgence » débute seulement à la fin.

Tribune : Faut-il autoriser les quêtes principales dans les Open World ?Bon ! Je peux aller sauver mon fils, ou Preston va encore m'enquiquiner avec ses colonies ?

Obsidian, le studio derrière Fallout : New Vegas a récemment sorti Pillars of Eternity II : Deadfire qui malheureusement me pose aussi le même souci, comme quoi, il ne font pas forcément que des bons jeux avec de bonnes histoires. Là c'est terrible, car ce sont les dieux eux-mêmes qui nous ordonnent de mener à bien une quête : suivre une statue géante qui ravage tout sur son passage dans laquelle l'âme d'un ancien dieu vaincu est emprisonné (ouais, c'est de la fantasy!). Faire des quêtes secondaires est illogique par rapport à l'importance de la quête principale, pourtant on est obligé car il faut bien gagner en puissance... Cette logique n'est hélas pas très roleplay.

À l'inverse, on a Pathfinder : Kingmaker, un autre jeu de rôle sorti récemment, qui nous propose une quête principale limitée dans le temps. C'est à dire que à partir du moment où on ne dépasse pas la date fatidique pour réaliser la quête, il n'y aura pas de game over. Donc pendant que le temps s'écoule, on est libre de faire ce que l'on souhaite puis réaliser la quête principale le moment venu. Même si la quête semble urgente, le fait que l'on ait une date limite ne nous oblige pas inconsciemment à la faire immédiatement. Cela me paraît déjà plus logique. Dans Odyssey, la notion de temps n'existe pas malheureusement.

Sinon, le meilleur choix reste celui de GTA V dans lequel se succèdent des quêtes sans que l'on se sente oppressé à l'idée de les exécuter dans l'urgence. Entre deux missions, on peut visite la carte et faire toutes les conneries qui nous passent par la tête. La liberté, c'est réellement là qu'on la trouve.

J’entends bien l'utilité d'une quête principale dans un jeu à monde ouvert, qui plus est lorsqu'il s'agit d'un jeu de rôle, mais à mon sens il est important de nous accorder des moments de pause, et pas seulement à la fin du jeu, durant lesquels on peut partir explorer librement la carte, aider les gens qui sont dans le besoin, attaquer le fort pour lui voler son trésor, mener à bien les autres activités importantes accordées par le jeu, sans que l'on nous oblige à suivre notre Odyssée, aussi passionnante soit-elle.

Je ne sais si vous êtes dans mon cas, n'hésitez pas à en discuter dans ce cas, on est là pour être à votre écoute ! Que ce soit sur Odyssey ou tout autre jeu du genre, votre avis nous intéresse. Mais si vous pensez autrement, et au contraire, vous avez su trouver votre chemin, dites-le nous aussi (en évitant les spoilers, bien entendu) !

Sur ce, j'ai une Odyssée à terminer !

  • Aymdef El Présidente, Rédacteur en chef, Testeur, Chroniqueur, Historien Email | Twitter
  • "L'objet de la guerre n'est pas de mourir pour son pays, mais de faire en sorte que le salaud d'en face meure pour le sien." George S. Patton