Merveilles de l'Egypte ancienne (3/3) : les trésors engloutis !
Cette chronique sur les Merveilles de l'Égypte ancienne commencée avec un article sur les trésors funéraires puis un deuxième sur les trésors cultuels se clôt avec celui-ci sur les trésors engloutis de l'Égypte ancienne.
L’Égypte n'est pas seulement constituée d'immenses déserts dont les monuments en ruines en émergent de toute leur splendeur. Le nord de l'Egypte est particulièrement humide. En effet, le Nil vient se jeter dans la mer Méditerranée en plusieurs branches qui forment le Delta.
À certaines périodes de la civilisation pharaonique, cette région verdoyante fut le théâtre de nombreux échanges commerciaux avec notamment les villes de Thônis-Héracléion, Canope, Naucratis et Alexandrie.
Porte d'entrée de l'Egypte vers la mer Méditerranée et le Sinaï, Ramsès II installa dans le Delta sa capitale nommée Pi-Ramsès. D'autres capitales y furent également fondées comme Tanis à la XXIe dynastie et Saïs à la XXVIe dynastie.
Des fouilles dans la baie d'Aboukir à 30 km au Nord-Est d'Alexandrie et dans le port d'Alexandrie ont permis de faire remonter à la surface des trésors engloutis depuis presque deux millénaires : des stèles portant des inscriptions hiéroglyphiques, des pièces de monnaie en or à l'effigie des pharaons de la dynastie Lagide (les Ptolémées), des sculptures monumentales en granit, de nombreux objets en métaux précieux ou encore des statuettes de bronze.
Tous ces objets sont pour la plupart le souvenir matériel de deux villes antiques disparues, Thônis-Héracléion et Canope, dévastées par un raz-de-marée.
L'archéologie sous-marine tâche petit à petit de faire remonter à la surface ces trésors millénaires que la mer a engloutis. Des études géophysiques et géologiques couplées avec des repérages et des fouilles archéologiques en mer permettent de retrouver le contour de la côté antique du Delta et de localiser et d'identifier les sites archéologiques majeurs.
Située dans le Delta, la ville d'Alexandrie a été fondée en 331 av. J.-C. par Alexandre le Grand qui aurait défini lui-même le tracé de la muraille, au sol, avec de la craie. Lorsqu'il n'eut plus de craie, alors il prit de la farine qui devait servir à nourrir les ouvriers. La démesure d'Alexandre n'est en rien une légende. Devenant plus tard une ville moderne et cosmopolite, Alexandrie fut le plus grand port de Méditerranée.
La Haute-Egypte, plus au sud, à l'abri des influences étrangères, devint alors le conservatoire des traditions égyptiennes contrairement au Delta où se concentrèrent les populations grecques et étrangères, synthèse des apports et échanges grecs et orientaux. Les fonds de la Méditerranée, jonchés d'objets hétéroclites, reflètent ces échanges fructueux.
Deux expositions, la première « Trésors engloutis d’Égypte » qui fut présentée au Grand Palais en 2006 et la deuxième « Osiris. Mystères engloutis d’Égypte » présentée à l'Institut du monde arabe en 2015 ont mis à l'honneur ces vestiges immergés conservés par la mer Méditerranée depuis des millénaires.
Soigneusement remontés à la surface par l'équipe d'archéologues dirigée par Frank Goddio – fondateur de l'Institut européen d'archéologie sous-marine (IEASM) en 1987 -, ces objets, très hétéroclites, sont des témoins exceptionnels des époques tardives de la civilisation pharaoniques dans la région Canopique. Ils permettent de faire ressurgir le passé d'un pan entier de l'histoire du Delta égyptien.
Des objets du quotidien comme des pièces de monnaie côtoient des statues monumentales de divinités et de sphinx ainsi que des naoi (autels) et des stèles de grandes dimensions. Par leurs études scientifiques, les archéologues font parler ces objets qui sont une véritable mine d'informations.
Un objet particulièrement important est la stèle en granit noir de Thônis-Héraklion datant d'environ 380 av. J.-C. Sa qualité d'exécution est remarquable. Réalisée sous le règne du pharaon Nectanébo Ier, elle est couverte d'un texte en hiéroglyphes.
Cette stèle nous apprend qu'il a été accordé qu'un pourcentage de l'impôt taxant les Grecs sur les transactions de leurs marchandises dans le port de Naucratis revienne au temple de la divinité Neith à Saïs. Ainsi l'argent taxé sur les importations revenait directement au temple et aux prêtres.
Cette stèle est presque identique à celle de Naucratis découverte cent ans plus tôt ce qui fait que deux versions d'un même document sont conservées. Par ailleurs, cette stèle est une preuve épigraphique de l'ancienne cité d'Hérakléion (nom grec) par la mention de son nom égyptien « Thônis ».
L'ensemble des objets retrouvés jusqu'à maintenant témoignent de l'importance et de la richesse des trois cités que sont Alexandrie, Canope et Thônis-Hérakléion.
Ces vestiges retracent ainsi 1500 ans d'histoire, depuis les dernières dynasties pharaoniques jusqu'à la période byzantine en passant par l'époque ptolémaïque et romaine.
Témoins des dernières dynasties, ces trésors ressuscitent une partie de l'histoire du delta et font la lumière sur de nombreuses lacunes historiques par les informations qu'ils apportent.
Comme nous l'avons vu tour à tour dans les deux articles précédents, les trésors sont de nature très diverses. Ils constituent aussi bien le matériel funéraire des pharaons pour les accompagner dans l'au-delà, que ce soit par exemple Toutânkhamon, Psousennès ou encore la reine Amanishahketo, mais aussi le précieux matériel cultuel des temples par une accumulation d'objets au service du culte d'une divinité ou par des dépôts de fondation.
Possédant des terres, des fermes, des Maisons de Vie (bureaux des scribes), le temple était une puissance économique aux mains du clergé. Durant certaines périodes de la civilisation égyptienne, le clergé a amassé des richesses considérables.
Le temple renfermait de véritables trésors comme en attestent les conséquences économiques du sac de la ville de Thèbes et le pillage du temple de Karnak en 663 av. J.-C. par les perses.
Enfin les nombreux objets hétéroclites remontés à la surface dans la baie d'Aboukir constituent ces trésors engloutis qui continuent, au fur et à mesure de leur remontée, de fournir des informations nouvelles au service d'une meilleure compréhension de la fin de la civilisation pharaonique.
- Crobate Contributeur
- "Que ton coeur ne soit pas altier à cause de ce que tu sais; n'emplis pas ton coeur du fait que tu es un savant. Discute avec l'ignorant de la même façon qu'avec de l'homme ayant des connaissances; car on n'a jamais atteint les limites d'un art, et nul artisan n'est pourvu d'excellence. Une parole heureuse peut être dissimulée plus que l'émeraude, on peut la trouver parmi les servantes penchées sur la meule." - (Max. 1). L'art de vivre du vizir Ptahhotep.