Confrontation épique n°4 - Marc-Antoine vs Alexandre le Grand : le Choc des orgueilleux

1er mai 2015 par Da Veenci | Confrontation épique | Antiquité | Chronique

Confrontation épique n°4 - Marc-Antoine vs Alexandre le Grand : le Choc des orgueilleux

« Alexandre, je te dis non ! », sur ces mots, Parmenion tenta d'empêcher Alexandre le Nerveux d'attaquer la cavalerie perse qui passait de l'autre côté du fleuve Granique. Alexandre était placé à la tête de ses 1500 cavaliers d'élite et les jérémiades de son général en chef l'importaient peu ! « Laisse ce froussard et ses conseils en Grèce ô Alexandre, nous avons une victoire à remporter… » glissa un des lieutenant d'Alexandre à son Roi. Finalement, il lança l'ordre et la cavalerie lourde avança en rang compact vers le mince filet d'eau bordé d'arbres qui les séparait de la cavalerie perse en manœuvre. Du haut des collines occupées par les mercenaires grecs au service des Satrapes, un Athénien au regard perçant aperçu la cavalerie macédonienne au loin. Mais il ne bougea pas d'un cil, ne prévenant personne de sa vision, il savait que tout était perdu d'avance. Et sa prédiction se transforma en certitude quand il vit Alexandre et ses hommes déchiqueter la cavalerie perse qui avançait au petit trot….

Biographie d'Alexandre le Grand

Avant d'aborder la comparaison d'Alexandre et de Marc-Antoine, attardons-nous sur ce fascinant personnage : né en 356 av. J.-C., à Pella (Royaume de Macédoine), il est le fils du roi Philippe II de Macédoine, assassiné en 336 av. J.-C.. Il reçut une éducation classique de haut niveau, avec pour précepteur Aristote entre autre. Il est progressivement associé au pouvoir par son père jusqu'à la mort de celui-ci, où Alexandre devient roi de Macédoine.

Le jeune roi soumit la Grèce classique à son pouvoir et se lança à l'assaut de l'immense Empire de Perse (334 - 323 av. J.-C.), une conquête motivée entre autre par la vieille rancune de la Grèce envers l'Empire Achéménide mais également par l'attrait d'ouvrir le commerce vers d'autres destinations (comptoirs en Asie, Chypres ou encore en Afrique du Nord), avec notamment les gains potentiellement énormes lors de la revente des aromates, déjà particulièrement recherchés en Grèce. Le jeune roi est également un homme extrêmement curieux, qui désire unir tous les peuples du monde connu sous la bannière de la culture grecque (hellénisation). Pour cela, l'unification du monde s'impose (sic), et il lança ses armées TRES largement inférieures en nombre à l'attaque de l'Asie Mineure, et poussa jusqu'aux frontières de la Chine, après avoir visité l'Inde.

À sa mort (empoisonné par ses généraux, excédés par son caractère insatiable et fougueux à l'extrême ?) en 323 av. J.-C., il laisse un empire immense, que ses généraux se diviseront, pour former des ensembles territoriaux plus ou moins durables : Séleucides (part de Séleucos), Egypte Ptolémaique (part de Ptolémé), et enfin les régions dévolues à Cassandre (Nord de la Grèce) et Lysimiaque (Est de la Turquie), qui tomberont vite en morceaux, les généraux s'entretuant rapidement.

Son héritage est d'une part militaire : il est l'un des meilleurs généraux de tous les temps (aucunes défaites) ; culturel : agrandissement du monde connu, métissage des peuples (doctrine à laquelle Alexandre croyait beaucoup, on trouve d'ailleurs toujours aujourd'hui des descendants des métissages entre Grecs et femmes locales), diffusion de la culture grecque et enfin économique : accès au marché des pierres précieuses,etc. Mais il fut également un homme cruel, impulsif et sans pitié, il fera mettre en croix 2000 Phéniciens qui lui résistèrent par exemple....

Biographie de Marc-Antoine

Ce Romain est né en 83 av. J.-C., et mourut en 30 av. J.-C.. Lieutenant de César et homme politique important du 1er siècle av. J.-C. Il commandait une partie des troupes de ce dernier à Pharsales ou encore le conseilla de passer le Rubicon (« Alea Jacta Est »). En 44 av. J.-C., il est fait consul, en compagnie de César. Après l'assassinat de celui-ci, le 15 mars de cette année, Marc-Antoine perd la guerre civile de Mutina en 43 av. J.-C., alors qu'il avait été déclaré ennemi du Sénat, influencé par Cicéron et Octave, le fils adoptif de César. Finalement, Octave et Marcus se rencontrent en Italie du Nord et décident de la mise en place d'un second triumvirat. Ils combattent le camp pompéien, dirigé par Sextus Pompée, le fils du rival de César. Ils remportent la décision finale et l'Empire est divisé entre l'influence de Marc-Antoine à l'Est, qui tombe amoureux de Cléopâtre, Reine d'Egypte et celle d'Octave à l'Ouest.

Entre 42 et 32 av. J.-C., il mène diverses guerres contre les Parthes notamment, et a 3 enfants avec la Pharaon, pour laquelle il a répudié Octavie, sœur d'Octave, qu'il avait épousé pour sceller leur alliance. Peu à peu, les relations entre les deux hommes forts de l'Empire s'enveniment, et la guerre commence, Octave ayant poussé le Sénat à s'opposer à Marc-Antoine. Une terrible bataille a lieu à Actium, en Grèce. Cette bataille navale (septembre 31 av. J.-C.) verra la destruction de l'immense flotte Romano-Egyptienne de Marc-Antoine.

La fin de l'histoire est malheureuse. En effet, alors qu'Octave entre dans Alexandrie en 30 av. J.-C., le mari de Cléo apprend son suicide et décide de se tuer également... Ce général d'exception a toute sa vie durant, exercé une fascination sans pareille sur ses hommes et était populaire dans l'Empire. Orientaliste de la première heure, combattant acharné, il laisse derrière lui le souvenir d'un homme passionné...

Maintenant, place à la baston !

La bataille du Granique ou la victoire de l'audace

Alexandre le Grand se lance à la conquête de l'immense Empire Perse en 334 av. J.-C., reprenant le projet qui tenait tant à son père. Mater les barbares, ça s'annonce plaisant ! Il traverse l'Héllespont tel un Troyen, plantant sa lance dans le sable, en signe d'arrivée en Asie. Darius III, roi des rois, décide de laisser le soin à trois satrapes de l'Est de l'Empire de défaire le Macédonien. Ils rassemblent une armée composée de 40 000 hommes, dont 10 000 mercenaires grecs sous le commandement de Memnon de Rhodes et quelques milliers de cavaliers. La discorde règne dans le QG des Perses, qui ne savent pas qui nommer à la tête de l'armée. Finalement, la rencontre avec l'envahisseur doit avoir lieu près d'un cours d'eau, le Granique, dans le Nord-Ouest de l'Anatolie. Les mercenaires se placent en haut d'une colline qui borde le fleuve sur sa rive droite. Les cavaliers perses étaient quant à eux placés initialement sur les ailes, mais étaient un peu en « balade » entre le fleuve et la colline, si bien qu'ils n'étaient pas du tout en position de combattre…

Les 3 moments déterminants de la bataille

1 - Parménion le prudent et Alex le violent : l'armée macédonienne arriva de l'autre côté du fleuve, en disposition habituelle, c'est-à-dire la phalange au centre, armée de ses piques de 5m et les cavaliers sur les côtés, la cavalerie lourde d'élite d'Alexandre, les Compagnons, disposés sur la droite, tandis que les alliés grecs étaient sur la gauche. Alexandre vit tout de suite que la cavalerie perse était mal disposée, son flanc étant complétement exposé par rapport au fleuve. Il sait également qu'une grande partie des officiers de l'armée se trouve regroupées sur la gauche perse, alors il n'hésite pas, il lance sa cavalerie d'élite contre les troupes perses massées de l'autre côté du fleuve. Contre l'avis de son chef d'état-major, Parménion, il lance ses Compagnons à l'assaut, à travers le petit bois qui les sépare du fleuve. Les Perses ne les voient pas arriver et sont directement enfoncés par la terrible cavalerie d'élite…

2 - Attaque en échelons et décapitations : les hoplites et phalangistes macédoniens se lancent eux-aussi à l'assaut, avec pour objectif de détruire l'infanterie perse. Sous une grêle de flêches et de javelots, ils gravissent la colline mais doivent finalement reculer, Alexandre qui a décidé d'attendre la fin de l'après-midi pour combattre sait que le soleil aveuglera les Perses. L'assaut reprend de plus belle, et cette fois-ci, l'infanterie ennemie est aveuglée et se fait balayer par les phalanges et la cavalerie d'Alexandre. Du côté de la cavalerie perse, tout va mal, vu qu'une grande partie des officiers a été abattue et qu'un Satrape est mort. Parménion rejoint Alexandre à l'avant des combats, la totalité de l'armée d'invasion fait désormais face au centre composé de l'infanterie gréco-asiatique, les flancs composés de troupes de moindre qualité ayant été balayés.

3 - Destruction sans rémission : l'armée macédonienne charge et explose la pauvre infanterie mercenaire grecque, pour qui Alexandre n'a aucune pitié, il les considère comme des traitres à l'Héllenisme. Les pertes sont considérables dans l'infanterie grecque mercenaire, dont on estime que seuls 2000 hommes sont capturés, sur les 10000 initiaux. Le reste de la cavalerie perse s'enfuit à grandes enjambées…

Epilogue

Au Granique, Alexandre détruit non seulement la résistance des Satrapes mais fait également prisonnier une partie de la famille de Darius III. Celui-ci, affolé par la nouvelle, propose au roi macédonien une offre : le territoire de l'actuelle Turquie contre sa famille. Alexandre refusera et reprendra son offensive, en scindant son armée en deux groupes distincts qui sécuriseront la région. Et boum !

Bilan

Macédoniens : 37 000 hommes dont 5000 cavaliers. Pertes : quelques centaines de morts (chiffre inconnu, mais faible)

Perses : 40 000 hommes. Pertes : plus de 12 000 morts, dont 10 000 Grecs.

La bataille de Philippes, Ahou !

En 42 av. J.-C., le conflit fait rage entre le second Triumvirat (Marc-Antoine, Octave, Lépide) et les Républicains, dirigés par Brutus et Cassius. La rencontre entre les deux grandes armées (80 000 et 100 000 hommes) va avoir lieu en Macédoine Orientale, dans une plaine relativement marécageuse. Les assassins de César, sur qui reposent les espoirs du Sénat pour contrer les Triumvirs, ont rassemblé les légions de Syrie et d'Egypte et décident de la guerre totale. Brutus et Cassius établissent leurs troupes sur les pentes au nord-ouest de Philippes et sur une colline au sud-ouest. La bataille, ou plutôt les batailles vont se dérouler durant le mois d'octobre 42 av. J.-C.. Par soucis de compréhension, elles seront synthétisées dans un seul déroulé opératique.

  
Plan des premières et secondes batailles. Mouvements et positions par Marsyas.
Carte scannée à partir de L. Heuzey et H. Daumet, Mission archéologique de Macédoine, Paris, 1876.

Les 3 moments déterminants de(s) bataille(s)

1 - Je te pille, tu me pilles : Antoine est au sud du champ de bataille, face à Cassius et sa colline. Octave fait quant à lui face à Brutus au nord. La région marécageuse protège le camp de Cassius. Antoine décide de contourner la colline protégée par les marais en faisant construire une chaussée discrète autour. Après une grosse semaine de travaux, il y fait installer des redoutes. Cassius découvre la tentative d'encerclement et décide de couper l'accès du camp d'Antoine vers la ceinture de redoutes en faisant construire une digue. Ni une, ni deux, Antoine décide d'attaquer l'armée de Cassius. Ses soldats les bousculent, et pillent le camp. Au même moment, les troupes de Brutus chargent le camp d'Octave, qui n'était pas préparé. Ils pillent le camp sans vergogne, ne laissant que des miettes aux corbeaux. Octave, fidèle à sa réputation, réussit à s'enfuir du camp avant sa destruction. Cassius, qui est un peu l'Octave républicain de la bataille se réfugie à Philippes d'où il voit le combat, plus précisément sur l'Acropole. Mais la poussière lui cache le mouvement victorieux de Brutus, et il se suicide. Du côté d'Octave, seule trois légions réussissent à tenir la baraque, mais se font massacrer. Le premier combat a donc tourné à l'avantage des Républicains (et d'Horace, 21 ans, tribun militaire à l'époque) mais ils ne surent pas l'exploiter. Le corps de Cassius est caché, pour ne pas trop entamer le moral des Républicains et son armée est dédommagée par Brutus de ses pertes matérielles...

2 - les Enarques : la flotte de renfort qui devait soutenir l'armée d'Octave est détruite en Mer Ionienne. Le combat devient prioritaire pour les Triumvirs, d'autant plus que leur logistique est en mauvais état. Du coté de Brutus, l'armée se concerte. Pendant ce temps, Antoine reprend sa manœuvre d'encerclement par le Sud, et établit ses troupes le long du marais, sur les anciennes positions de Cassius, que Brutus n'a pas réoccupées. Trois camps sont établis. Brutus réagit en construisant des redoutes le long de la ligne de front de Marc Antoine. Il prend un gros risque en étalant ses troupes, d'autant plus qu'il risque de perdre son accès à la mer. Du côté d'Antoine, on occupe également cette position pour une raison simplement épique « Vaincre ou mourir ». Dans l'eau ou sur terre, peu importe. Chez Brutus, l'état-major s'impatiente, on veut en finir. Les véhémences des officiers sont si fortes, que Brutus perdra quasiment le contrôle de son armée, au profit des hauts officiers exaltés. Finalement, le 23 octobre, en plein après-midi, le combat va être lancé !

3 - Destruction massive et totale : le combat final commence, cette fois-ci, c'est Octave qui lance l'assaut, tandis qu'Antoine doit résister à la furie des troupes de Brutus, qui a par ailleurs perdu une partie de sa cavalerie auxiliaire. Les soldats d'Octave s'emparent des redoutes brutussiennes. Antoine est sur le point de craquer, mais l'aile gauche de Brutus est trop étirée, laissant des espaces immenses entre les troupes. La contre-attaque est lancée, et l'armée de Brutus s'effondre définitivement, c'en est fini des assassins de César ! Brutus réussira à s'enfuir mais devant l'effondrement de son armée, il se suicide en se jetant sur son épée (sans pression).

Epilogue

La République c'est fini. Les Triumvirs se divisent l'empire. César est vengé.

Bilan

Républicains : 80 000 hommes, dont 18 légions, 20 000 cavaliers. Pertes : 10 à 20 000 (dont la moitié lors de la première bataille, la seconde n'est pas renseignée niveau perte).

Triumvirat : 100 000 hommes, dont 20 légions, 13 000 cavaliers. Pertes : 16000 - ?

En conclusion

Je voterais Alexandre le Grand, c'est clair, c'est net. Alexandre est supérieur à Marc-Antoine non seulement au niveau de la tactique, mais également au niveau humain. De par son rang, il impose évidemment plus facilement le respect, mais également ses prises de décisions sont souvent nettes et tranchantes. Nous verrons par exemple qu'un Marc-Antoine se faire étriper à Actium, le commandement adverse étant moins obstiné.

Également, on peut affirmer qu'il aurait surement perdu à Philippes, sans l'arrivée d'Octave à la seconde bataille, même si ses manœuvres sont logiques et permettront la destruction de Cassius. La folie d'Alexandre le Grand (dans le bon et le mauvais sens) aurait sûrement eu raison d'un Antoine, trop figé à certains moments. La charge du Granique, par exemple, est une attaque contraire aux règles de la guerre, Antoine en aurait-il été capable ? Nous pouvons de toute façon estimer qu'il était un grand général, mais de mon point de vue, surtout un excellent lieutenant et non pas un généralissime en chef.

Merci de votre lecture !

Lecture sur le sujet

Films sur le sujet

  • Alexandre, le film d'Oliver Stone, sorti en 2004.
  • Rome, la série télévisée créée par John Milius, William J. MacDonald et Bruno Heller, diffusée entre 2005 et 2007.

Jeux vidéo sur le sujet

  • Da Veenci Prospect, Chroniqueur, Historien

  • « Vivant, il a manqué le monde. Mort, il le possède » écrit Chateaubriand à propos de Napoléon.