Info sur le jeu |
PlateformePC Windows |
ÉditeurPlayWay S.A. |
DéveloppeurMadnetic Games |
Date de sortieJanvier 2023 |
WW2 Rebuilder
Quelle belle époque que l'année 1946. La guerre est finie, la boucherie est terminée, plus aucun risque de mourir sous les balles allemandes ; les veuves éplorées et célibataires courent les rues, et les entreprises de BTP affichent une croissance à 4 chiffres. Ah, qu'est-ce que j'aurais voulu voir le monde brûler pour pouvoir le reconstruire ensuite.
D'après WW2 Rebuilder, je suis d'ailleurs une entreprise de BTP à moi tout seul. Il se trouve que la Seconde Guerre mondiale m'a laissé intact, parce que j'étais trop jeune pour m'engager, ou que je suis le fils de quelqu'un au ministère, ou que j'ai grassement soudoyé l'officier de recrutement local, je vous avouerai que le scénario n'est pas très précis sur ce point, bref.
Mais, toujours est-il que dans la vareuse d'un jeune britannique, j'ai l'opportunité de participer à l'effort de reconstruction national : tout un pays à rebâtir, maintenant que les canons ont cessé de tonner.
Trop tôt pour écouter les Beatles dans le transistor, mais au moins trop tard pour aller me faire tuer sur les plages normandes par des conscrits yougoslaves. On se contente de peu.
Alors, on se retrousse les manches : dans WW2 Rebuilder, il faut empoigner à mains fermes son marteau, et taper sur des trucs. Enfin, seulement sur les trucs cassés. Je dois d'abord retaper la vieille ferme familiale « pour faire mes preuves » ; je démolis donc à grand coups de masse un puits et des meubles délabrés, et je coupe au chalumeau une gouttière.
Chaque type de ressources ainsi récupérée (la vieille ferraille, les briques décrépies, le bois pourri et les gravats) permet de fabriquer de nouveaux objets sur un établi, ou de reconstruire petit à petit les lieux qu'on m'envoie retaper pour un salaire misérable.
Il y en aura plusieurs : une petite gare ferroviaire de campagne, une autre urbaine à Londres, le centre de la City, un aérodrome désaffecté à Lympne, sur la côte sud-est. Ensuite, ce sera les chantiers navals de Belfast en Irlande, la ville allemande d'Hambourg et une usine d'armement à Essen, et enfin les plages françaises de Dunkerque.
Et pour les plus motivés, un étrange niveau « bac à sable » en Pologne, où au milieu de montagnes hautes comme trois Himalaya, on vous demandera de laisser libre court à votre créativité sur un terrain plat et morne, sans aucun autre but ni récompense que celle de faire joli à la fin du chantier.
Bon.
Ça s'annonce laborieux, mais heureusement, on mettra régulièrement un peu d'équipement supplémentaire à ma disposition, comme une brouette, une tractopelle ou une mini-grue, des engins à la fiabilité relative et à la physique hasardeuse, mais qui permettront d'accélérer grandement le rythme ; en tout cas jusqu'à ce que ces engins se coincent dans un décor ou un bout de tôle et qui l'immobilisent, ou qui m'expédient à cent mètres d'altitude avec mon engin de vingt tonnes.
C'est évidemment très répétitif, car les cartes n'étant pas d'une taille folle, le principe de WW2 Rebuilder ne permet pas d'y construire n'importe quoi comme cela vous chante ; il suffit de suivre le plan prédéfini pour construire ou reconstruire chaque bâtiment ; un bureau administratif, un immeuble d'habitation, un quai, un entrepôt, une église.
Ma mission sacrée étant de ramener la vie et la normalité dans un monde européen ravagé par quatre ans de guerre, j'ai seulement la liberté de choisir où je vais pouvoir placer les plus petits éléments.
La monotonie de mon labeur commençant déjà à me chatouiller les naseaux, je décide donc de faire de la résistance passive.
Parce que, moi, je veux bien consacrer les meilleures années de ma vie à empiler des parpaings selon un ordre prédéfini ou bétonner à la main chaque centimètre carré d'un aérodrome pour y tracer les marquages d'un nouveau parking -oui, réellement, et c'est encore plus chiant que ça en a l'air-, mais j'aurais aimé avoir un coup de main, et surtout voir les résultats de mes efforts en voyant les braves citoyens revenir peupler les lieux que je retape. Et autrement qu'avec trois PNJ en fond de plan dans la zone de départ qui font semblant de m'aider en déplaçant cinquante fois le même sac de ciment en une demi-heure comme si je ne les voyais pas faire.
Chaque mission consiste donc à un long travail de démontage des infrastructures encore existantes, qu'elles soient simplement délabrées et vieillottes ou endommagées à cause des combats ou des bombes, avant d'entasser tout ce que vous aurez récolté dans ces bennes sans fond, puis de tout rebâtir, plus ou moins à l'identique selon les cas, et parfois, on vous laissera libre, c'est-à-dire que vous aurez à choisir entre trois constructions prédéfinies. À Hambourg par exemple, vous pourrez bâtir un immeuble d'habitation, un petit café de quartier ou un jardin, dans tous les cas dans le même rectangle de 100 mètres sur 20.
Et puis, il faudra bien sûr ramasser tout le reste. Les vieux bidons, les casques, les douilles. Les sacs de sable, les vieux barbelés, les obstacles antichar ; envoyer à la benne les carcasses de véhicules après les avoir désossées, briser les barricades et les meubles pourris pour que le petit bois serve à dieu sait quoi. Jouer l'éboueur en quelque sorte, en espérant un avenir meilleur maintenant que la guerre est finie, ou plutôt à une mission un peu plus intéressante que de trimbaler des caisses jusqu'à une énorme benne comme à Essen, où l'essentiel de la mission consiste à amener votre grue pour y charrier des pièces de machinerie lourde que l'Allemagne doit « livrer aux Alliés ».
Pourtant, WW2 Rebuilder persiste à tenter de retenir mon attention, en livrant quelques maigres lignes de dialogues aux PNJ qui me regardent bosser -non, sérieusement, ça m'énerve, mettez-vous au boulot-. Ou alors en proposant des objectifs qui sortent de l'ordinaire : ici, il faudra désamorcer une vieille bombe qui n'a jamais sauté en touchant le sol. À Dunkerque, pourquoi ne pas utiliser les deux derniers obus de ce canon de 88 millimètres pour finir d'exploser la baraque que je dois de toutes façons détruire pour reconstruire. À Belfast, je peux réparer un vieux sous-marin -au fait, pourquoi, vu que la guerre est terminée- et charger une cargaison mystérieuse dans les cales d'un vieux dreadnought de la Royal Navy qui est à quai. De temps en temps, on croisera des halos fantomatiques qui replongeront mon personnage dans des espèces de visions d'actions passées, comme le Heinkel 111 allemand qui largua un jour la bombe qui pulvérisa ce hangar, ou les avions qui ravagèrent ce ponton dunkerquois où des britanniques harassés de fatigues attendaient que les bateaux n'arrivent.
Ça aurait pu être un défi intéressant de permettre de découper les carcasses calcinées au chalumeau comme on le désire, mais WW2 Rebuilder m'ordonne de suivre le tracé prédéfini. Ou de mesurer l'impact de mes choix de décorateur auprès du public d'une gare. Mais c'est hors de question, on me rappelle à chaque instant que je suis ici pour larbiner, pas pour faire des choix.
Alors, pour m'échapper de mon rocher de Sisyphe, j'ai entrepris de saboter complètement mon travail, en déposant des gâteaux un peu partout dans les rues, ou en driftant sur la plage de Dunkerque avec une jeep Willys.
Il y a bien un petit arbre de compétences, qui permet d'investir des points durement gagnés dans des améliorations complètement dispensables (je détecte les objets récupérables de dix à quinze mètres de distance, ouah !), ou encore des objets à collectionner, comme des affiches vintages ou des lettres.
Mais jamais rien ne vient relancer réellement la machine. Une fois que vous avez nettoyé tout ce que vous pouviez, le but de chaque carte n'est autre que de rebâtir ce qu'on vous demande de rebâtir sur des bases prédéfinies, et ensuite de meubler à votre convenance chaque endroit, avec des plantes, des barrières, des bancs publics… mais absolument rien de tout cela n'aura la plus petite conséquence ; c'est donc dans l'unique but de l'admirer vaguement pendant trente secondes, avant de passer à la mission suivante.
Pour m'occuper et rendre cette tâche moins ennuyeuse, j'ai voulu m'intéresser à l'environnement, et me demander pourquoi, à Dunkerque, on trouvait des canons allemands de 88 millimètres tournés vers la mer. Ou comment ce bombardier allemand avait bien pu s'y prendre pour arriver sur ce tas de ruines dans le centre de Londres, visiblement sans rien esquinter autour de lui mais plutôt en étant téléporté à trois mètres au-dessus du toit. C'est un classique des productions PlayWay, mais ça continue de me fasciner.
Il y a pourtant des titres où ce gameplay passé à l'amidon était moins problématique, comme dans Tank Mechanic Simulator ou Car Mechanic Simulator, car dans ces cas-là, l'intérêt est de démonter et remonter des machines. Encore et toujours des sujets de niche, mais si vous êtes amateur de carburateurs encrassés et de pistons huilés, pourquoi pas -et c'est fort bien réalisé-, donc admettons.
Mais WW2 Rebuilder me donne une des pires sensations qui soit quand je joue à un jeu vidéo.
Il me donne l'impression de bosser.
WW2 Rebuilder
Le fun en chantier
- +Relativement joli (si on n'est pas trop difficile)
- +Original, ça oui
- -Physique aléatoire
- -Aucune liberté d’action, c’est presque du point’n click
- -Des incohérences historiques de temps en temps
- -Répétitif
- -Thème sous-exploité
- -Intérêt des cartes très (trop) variable
Graphismes
C'est ambigu, car on est ici en présence de l'éternel moteur graphique de PlayWay, qui affiche d'un côté de belles lumières et des textures très convaincantes, mais de l'autre côté pourvu d'animations datées d'il y a au moins dix ans.
Technique
Aucun plantage n'a été constaté au cours de ce test, et le jeu est plutôt fluide. On note par contre des bugs, notamment des véhicules qui restent bloqués dans l'environnement, et une physique ratée.
Jouabilité
Le jeu ne demande aucune réflexion, très peu de logique, aucune créativité. Tout ce que vous avez à faire, c'est accomplir la liste de tâches dans n'importe quel ordre, et ça ne demande que du temps, et beaucoup de clics.
Durée de vie
Comptez environ deux heures pour chaque carte, trois si vous vous obstinez à chercher tous les objets cachés, ce que vous ne ferez pas. Ceci dit, si vous aimez l'ennui, ce jeu pourrait être parfait pour vous.
Ambiance
On s'y retrouve, dans la mesure où chaque carte propose des objectifs suffisamment crédibles, et comme on doit tout faire tout seul et à la main, vous avez effectivement l'impression de reconstruire. Reste que certains décors comme l'usine ou le centre de Londres sont complètement incohérents, et que tout manque affreusement de vie.
Scénario
Seul réel intérêt de WW2 Rebuilder, la reconstruction après la guerre était un sujet intéressant ; jusqu'à ce que le jeu sorte. Reste qu'il est sous-exploité et vite expédié, et finalement oubliable.
- Cernunnos Testeur, Rédacteur
- "Messieurs, c'est une plage privée! Je crois que nous dérangeons!" - Un officier britannique sur Sword Beach