Info sur le jeu |
Plateforme
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ÉditeurKlabater |
DéveloppeurPolyslash |
Date de sortieMars 2019 |
We. The Revolution
Parmi les jeux les plus attendus de 2019 par la rédaction se trouvait We. The Revolution. Plonger le joueur dans la période mouvementée qu’a été la Révolution de 1789 semblait être un pari fou mais doublement gagnant. Le côté RPG et la ressemblance lointaine avec Papers, Please avait suscité la curiosité voire l’enthousiasme de plus d’un joueur. Maintenant que l’oeuvre des Polonais de Polyslash est disponible, qu’en est-il ?
Vous êtes dans la peau du citoyen Fidèle, qui est un juge à Paris dans cette époque troublée. Il semble que la Révolution vous ait porté chance, et qu’elle vous donne une occasion de vous racheter. Oui, vous racheter, car il n’y a pas que les livres de lois que vous usez, mais aussi vos fonds de culotte dans les tavernes et autres rades mal famés.
À côté de ça, votre foyer familial est lui aussi assez bouleversé. Votre père, ancien artisan, est du côté des « petites gens », tandis que votre fils aîné qui n’a pas envie d’embrasser une carrière de juriste s’est amourachée de la cause révolutionnaire. Votre femme en a marre de vous voir vous comporter comme une éponge et vous le fait savoir. Au milieu, havre de paix, il y a Benjamin, votre plus jeune fils, qui lui s’en fiche tant que vous passez un peu de temps avec lui. Tableau idyllique, n’est-ce pas ?
1. La direction artistique est très, très soignée. - 2. Différentes actions peuvent jouer sur votre niveau de réputation. - 3. Là où les ennuis commencent...
Entre le marteau et la plume
Ne passons pas par quatre chemins : si We. The Revolution vous place dans la peau d’un juge après 1789, vous pensez bien que ce ne sera pas de tout repos. Avec un passif long comme le bras, il va falloir vous montrer digne de la seconde chance qui vous est offerte par ce changement de régime.
Au tribunal, vous pouvez compter sur un ami fidèle, Raymond Dévoyé (l’originalité des noms est à revoir), membre du jury qui pourra vous conseiller moyennant quelques points de réputation. Car oui, tout s’achète et tout se vend, même les conseils entre amis, avec la réputation : plus vous en avez, plus vous pouvez prendre certaines décisions. Les points de réputation s’obtiennent en résolvant des affaires, mais aussi en caressant dans le sens du poil certaines factions ou en choisissant les bonnes réactions lors d’événements.
4. Les actes d'accusation sont très souvent partiaux. - 5. La séance de découverte des questions. - 6. Emprisonner l'homme m'apportera le soutien des deux factions mais pas du jury.
Le jeu est divisé en plusieurs actes, eux-mêmes divisés en chapitres. Chaque jour est composé de plusieurs scénettes : la première est celle du procès. Comme on juge à tours de bras, chaque journée du juge Fidèle démarre par une affaire. À vous de lire l’acte d’accusation, puis de trouver les questions à poser, d’interroger le suspect... et de le condamner à mort, de l’emprisonner ou de l’innocenter.
Après cette phase, le juge Fidèle rentre chez lui - et il peut croiser des événements en chemin qui vont de la bagarre d’ivrognes à la rencontre avec un homme politique - où le joueur devra choisir une action à faire. Les choix ont principalement des effets sur les relations familiales : le juge Fidèle va-t-il passer la soirée avec son père, améliorant ses relations avec lui au détriment de celles avec sa femme ? Ou alors va-t-il choisir de travailler sur le procès du lendemain afin d’être en avance ? Les relations familiales ne sont pas à prendre à la légère puisqu’elles apportent de nombreux avantages au juge Fidèle : réputation, relations avec les factions...
Car oui, en plus de devoir juger les ennemis de la Révolution, il faut aussi faire avec les différents protagonistes : d’abord d’un côté le peuple (qui aime particulièrement raccourcir tous ceux qui ne sont pas semblables à eux) et les révolutionnaires (qui sont plus indulgents quand l’accusé est un commerçant ou un politicien). Au bout du dixième jour apparaissent les aristocrates, qui, eux, n’aiment vraiment (mais vraiment) pas voir leurs égaux perdre la tête.
Dans chaque affaire, les décisions du juge Fidèle vont influencer plus ou moins favorablement les factions en place, mais attention, il faut les ménager : si les tensions sont trop fortes avec une, elle peut faire destituer le juge Fidèle et le renvoyer chez lui (et donc vous condamner à lancer une nouvelle partie).
7. Oui, niveau célébrités... - 8. Le fameux, l'infâme Fouquier de Tinville qui est magnifiquement décrit. - 9. Ce procès m'a moins profité...
La Révolution pour les Nuls
Chaque procès prend donc très vite un air de tour d’équilibriste. Si le peuple est vraiment en colère et que ses relations avec vous sont faibles, il va falloir le contenter en donnant au coupable la punition non pas qu’il mérite mais que la populace juge adaptée... même si c’est au détriment de la justice.
De même, We. The Revolution retranscrit parfaitement les luttes de pouvoir entre clubs et protagonistes des événements de 1789 : en plus des affaires du juge Fidèle, des complots doivent être gérés à coup d’influence ou de tentatives de manipulations... ainsi que le contrôle des quartiers de Paris sur un véritable « plateau » (que l’on obtient en déplaçant un pion diplomate) qui confère une dose de réputation donnée.
10. Des petites scènes, comme la création du sceau, rendent le jeu plus sympathique. - 11-12. Forcément, quand Louis XVI est jugé... il y a foule.
Finalement, le jeu des Polonais de Polyslash est une véritable mise en abyme empêchant le train-train quotidien des procès et du retour à la maison. Les événements aléatoires ainsi que les visites d’amis ou de courtisans - être juge amène toutes les convoitises - permettent de diversifier la partie, qui n’est ainsi jamais linéaire. Le joueur est ainsi plongé dans la Révolution et côtoie la grande Histoire - le procès de Louis XVI, etc - et la petite, avec notamment la présence de personnages aux desiderata bien éloignés des remous de la foule parisienne...
La nécessité de faire des choix et les dilemmes posés emportent le joueur. Si au début les affaires peuvent être traitées comme le joueur le souhaite sans grosses répercussions sur ses relations avec les autres factions, plus la partie dure, moins ce sera possible.
Il va sans dire que dans ma première partie, lorsque j’ai décidé de la jouer pro-révolutionnaire, je n’ai pas duré très longtemps car si le peuple était content, les aristocrates et les révolutionnaires ont vite décidé de juguler mes excès de guillotine. Le joueur va devoir faire des choix pour sauver sa tête ou son influence, auquel cas la partie risque d’être terminée plus vite que prévu...
Comme dans Papers, Please, certains cas vont devoir être jugés d’une manière différente que la justice le voudrait, et ce juste afin de sauver la tête du juge Fidèle ou d’amener les bonnes grâces d’une faction. En même temps, d’autres actions vont demander au joueur de disposer de points d’influence afin de museler un opposant, de soutenir un allié pour l’accession à un poste... Bref, il y a du pain sur la planche.
13. À n'en pas douter : Louis Capet doit mourir. - 14. D'autres petits jeux permettent de gagner de la réputation... il y a foule. - 15. Dans le quartier se trouvent des dizaines de possibilités pour développer l'influence du juge.
À en perdre la tête
Petit point très sympathique dans le jeu : la découverte des questions à poser à l’accusé. Après la lecture de l’acte d’accusation, le joueur a devant lui un cercle autour duquel sont disposés des griefs ou des traits de l’affaire. Il faut les relier à différents points à l’intérieur du cercle pour trouver la question correspondante. Par exemple, dans l’affaire de cet émigré accusé de vouloir détruire la Révolution, le passé de l’homme servira à donner une question s’il est relié à la case « personnalité de l’accusé ».
Cependant, inutile de s’y lancer tête baissée : l’élaboration des questions demande du temps. En fonction de l’affaire, le joueur aura droit à 3 erreurs (ou une parfois) avant que les questions soient bloquées ; de même pour le piège... certaines affirmations sont trompeuses et peuvent agir contre le juge. Chaque question va influencer le jury, dont la réaction prévue est indiquée par un pictogramme à côté de l’interrogation : peine de mort, disculpation ou emprisonnement.
Le joueur malin pourra ainsi essayer d’attirer le jury dans ses bonnes grâces... en choisissant sciemment les questions. Le peuple et les aristocrates souhaitent que ce marchand de légumes pourris soit guillotiné, mais le jury penche pour l’emprisonnement ? La réputation est vitale, et le jury peut mettre des bâtons dans les roues du joueur. Aucun problème : il suffit de poser les questions qui font pencher le jury vers la peine de mort et d’omettre sciemment celles qui pourraient le faire devenir plus indulgent... Sadique, n’est-ce pas ?
16. Oui, parfois, c'est un peu tendu en dehors des séances. - 17. Le complot, ou comment bien dépenser sa réputation. - 18. Quand je vous parlais de personnalités...
Le résultat est que tout au long de We. The Revolution, le joueur est obligé de faire des choix et est confronté à des dilemmes de plus en plus dérangeants. Mais la mayonnaise prend, on aime à se jeter dans l’ambiance de ce Paris bouillonnant, avec une réalisation artistique aux petits oignons… à base de polygones.
We. The Revolution n’est clairement pas un jeu rapide, chaque décision doit être pesée et amène le joueur finalement à s’interroger sur le juge Fidèle : sauver sa famille, bâtir sa réputation ou se jeter dans la fournaise révolutionnaire, quitte à y perdre des plumes ?
We. The Revolution
La Révolution comme jamais
- +Des dilemmes moraux et des choix à faire
- +Journées en tiroir : famille, amis, politique
- +Les affaires très développées et les procès excellents
- -Un peu difficile à prendre en main les 10 premières minutes
- -Une certaine linéarité au bout d’une quinzaine d’heures
- -Encore quelques légers bugs notamment au lancement
Graphisme
We. The Revolution n’est composé que de polygones animés et mis ensemble pour former une énorme fresque. Le résultat est bluffant et démontre une fois de plus que des graphismes exceptionnels ne sont pas le prérequis pour faire un excellent jeu.
Jouabilité
Peut-être la seule ombre au tableau. Les informations sont légion, les explications pas toujours claires, et le joueur doit apprendre de ses erreurs. Un peu énervant au début mais on se prend vite au jeu.
Ambiance
L’ambiance est parfaite et retranscrit le Paris révolutionnaire à merveille. Le joueur ne sait jamais ce que sera fait le lendemain, et les alliés d’hier peuvent très bien devenir les ennemis de demain… car Paris est instable !
Technique
Aucune lenteur, aucune surchauffe du PC, une optimisation au poil près : un sans fautes.
Durée de vie
We. The Revolution peut offrir une bonne trentaine d’heures de jeu même si cela vient à subir une petite linéarité - difficilement évitable dans ce genre de jeux.
Scénario
C’est une bonne chose que le joueur n’ait pas à incarner un citoyen lambda mais un juge pétri de contradictions et avec de nombreux problèmes. Les intrigues en jeu n’en sont que plus savoureuses.
- Witz Rédacteur, Testeur, Chroniqueur, Historien
- « L'important n'est pas ce que l'on supporte, mais la manière de le supporter » Sénèque