Info sur le jeu
PlateformePC Windows
ÉditeurMicroProse Software
DéveloppeurBird's Eye Games
Date de sortieAoût 2022

Regiments

L'Amiral
Thématique
28 novembre
2022

La Guerre froide est une des périodes les plus revisitées par les wargames plus ou moins grand public, mais cette discipline traine encore une (fausse) image de difficulté et d'élitisme. Or, l'apparition des jeux vidéo et leur démocratisation a permis à une nouvelle population de joueurs de mettre la main sur les wargames... sans nécessiter une lecture de règles étoffées pouvant être considérée comme laborieuse par des néophytes. Microprose (par ailleurs phénix du jeu vidéo) s'est inséré dans un espace laissé vacant depuis bien trop longtemps : le wargame à mi-chemin avec le jeu de stratégie en temps réel, plus seulement réservé aux joueurs confirmés. Et malgré un thème classique (le « réchauffement » de la Guerre froide), le résultat est à la hauteur des espérances.

Une base de wargame

Regiments, en digne successeur des wargames classiques, place le joueur dans l'hypothèse d'une entrée en guerre des troupes du Pacte de Varsovie à la fin des années 1980 en Allemagne. La campagne (qui compte dix chapitres) permet de prendre le commandement de troupes soviétiques, américaines (dont le célèbre 11th ACR), belges, britanniques, mais aussi des deux Allemagne. Les autres nations du Pacte de Varsovie ou de l'OTAN, comme l'armée tchécoslovaque ou même l'armée française, seront petit-à-petit ajoutées sous forme de DLC (gratuit ou payant) tout comme de nouveaux arcs scénaristiques de campagne.

La campagne, venons-y : point central de Regiments, elle est particulièrement originale car elle ne part pas du principe (maintes fois utilisé) que l'URSS a envahi l'OTAN de manière officielle. Au contraire : dans Regiments, à l'été 1989, des éléments de l'armée est-allemande se mutinent, cherchant à créer un État qui ne serait ni soumis à Berlin ni à Bonn. Dans le brouillard de guerre des premières heures, chaque camp va envisager que l'autre est à la manœuvre et c'est dans une telle situation que les combats éclatent.

Regiments
Regiments  Regiments1. L'écran de choix des unités, avec les groupements tactiques choisis. Les nombres sous les unités représentent le coût de déploiement. - 2. Les unités sont bien modélisées, mais avoir choisi des bâtiments typiquement américains pour l'Allemagne est un choix… spécial. - 3. La caméra dézoomée sera prioritaire pour la gestion des opérations : ici, mes unités (bleues) se défendent contre des Soviétiques (rouges), aidées par des transfuges est-allemands (verts).

La campagne est bien ficelée, chaque mission étant adaptée à un style de jeu particulier : alors que les Soviétiques devront sécuriser des points stratégiques, les Belges mèneront des opérations dignes de la cavalerie légère et les Américains tenteront de désorganiser le dispositif ennemi.

De même, il est possible de jouer des escarmouches, classiques de la part d'un STR, en choisissant sa faction (RDA, URSS, Belges, RFA, États-Unis...) puis en affinant le choix des unités via la sélection d'un corps d'armée particulier. Ce fonctionnement apporte une variété bienvenue, offrant au joueur la possibilité de choisir plusieurs types d'unités - et donc plusieurs styles de jeu. En elles-mêmes, les escarmouches ne varient pas de la campagne puisque les objectifs sont peu ou prou les mêmes : capturer des zones et les tenir, voire annihiler l'adversaire. Le résultat est cependant satisfaisant et donne une optique un peu plus libre sur le jeu que la campagne.

Regiments
Regiments  Regiments4. Installés dans un bosquet, mes trois pelotons de chars ont surpris des unités soviétiques en approche. - 5. La modélisation des troupes est sommaire mais efficace. - 6. Les combats nocturnes permettent d'utiliser des fusées éclairantes pour mieux détecter l'adversaire.

Le joueur aura à sa disposition, avant chaque mission, une unité de la taille d'un bataillon à laquelle il pourra ajouter des éléments organiques (artillerie, infanterie mécanisée, chars...) en fonction du nombre de points de victoire en sa possession. Ces derniers s'obtiennent en capturant des territoires prédéfinis (ce qui, souvent, est la base de Regiments) lors des missions.

En plus d'un choix d'unités de base, le joueur aura la possibilité de sélectionner des groupements tactiques spécifiques (trois) très spécialisés : artillerie, infanterie, soutien, DCA... Ces groupements, une fois sélectionnés, pourront être améliorés sur trois échelons au prix de 150 points de victoire. Les unités améliorées sont plus résistantes ou ajoutent des possibilités de frappes tactiques au joueur. Ainsi, dans la campagne ayant servi de base à ce test, un groupement d'artillerie américain compte une batterie d'obusiers automoteurs M109 qui peuvent être améliorés avec l'usage de munitions à fragmentation, redoutables contre les unités retranchées.

Les missions de la campagne sont très variées, mais peu scénarisées : le joueur aura tout juste le droit à quelques lignes expliquant le contexte avant le lancement. Chacune est réalisée en un nombre donné de phases, ce qui permet au joueur de choisir sa tactique d'approche : s'il parvient à remplir tous les objectifs en une phase, il pourra passer à la mission suivante de suite. Cependant, il peut aussi choisir d'utiliser au mieux toutes les phases en privilégiant une approche plus posée. À noter que les points de ravitaillement utilisables sur le terrain ne sont pas réinitialisés à chaque phase, obligeant le joueur à une gestion minutieuse. Le contraire l'obligera à dépenser des points de victoire pour remonter ce niveau, points qui ne seront pas investis dans les troupes...

Regiments
Regiments  Regiments7. Ces T-72 est-allemands foncent vers leur destin… et mes chars. - 8. Vous n'aurez jamais assez de troupes pour couvrir tous les points à défendre, vous obligeant à jouer de manière très mobile. - 9. Il est possible d'utiliser des obus fumigènes pour dissimuler une attaque.

Une variation d'unités

Regiments propose un savant équilibre dans le déroulé de sa campagne. Les points de victoire engrangés peuvent être utilisés de plusieurs manières : augmenter les points de déploiement (chaque unité ayant un coût prédéfini, le joueur n'a, au début, pas les moyens d'aligner la totalité de son bataillon en même temps sur le champ de bataille), recevoir plus vite des points de soutien tactique (ouvrant le droit à des frappes d'artillerie) ou encore disposer de plus de points de ravitaillement. Car dans Regiments, il est possible d'appeler une unité qui permettra de remonter le niveau de munitions et d'effectifs des autres sur le terrain. Ce choix sera un des plus difficiles pour le joueur, car une unité peut aussi être ravitaillée en étant repliée... mais cette dernière ne sera pas à nouveau disponible aussi rapidement sur le champ de bataille.

Toutes ces mécaniques doivent être apprivoisées par le joueur en fonction de la mission sélectionnée : certaines vont mêler l'attaque et la défense tandis que d'autres seront uniquement axées sur de la reconnaissance en profondeur. De même, l'usage des frappes de soutien peut apporter une aide bienvenue, mais elles sont aussi à utiliser à bon escient au risque de se retrouver dépourvu le temps venu. Ainsi, la frappe d'aviation (où deux avions d'attaque au sol font leur apparition) est puissante, mais peut être facilement contrée par des unités de DCA. Quand ils sont engagés, les avions risquent de ne pas pouvoir mener leur mission à bien, voire pire d'être détruits : le délai pour de nouveau en bénéficier ne fera que se rallonger.

Les frappes tactiques sont réparties de manière aléatoires dans la campagne, notamment en fonction des factions jouées et des groupements tactiques améliorés. Elles apportent cependant une dimension supplémentaire dans la façon dont le joueur va traiter une mission. La frappe d'artillerie à 20 points tactiques pourra être utilisée de façon régulière, mais le missile balistique soviétique avec 21 minutes de rechargement (quand une phase dure, en général, 25 minutes) est à employer prudemment...

Regiments
Regiments  Regiments10. Le début d'une nouvelle phase permettra au joueur de placer ses unités instantanément où il le souhaite. - 11. L'usage du terrain est primordial pour la défense. - 12. L'écran de fin d'une des missions de la campagne.

Un wargame moins exigeant... mais tout aussi divertissant

La grande force de Regiments tient dans son accessibilité pour les néophytes. Les éléments indissociables du wargame (constitution d'unité, utilisation de symboles OTAN, système d'objectifs divers...) se marient à merveille avec ceux des jeux de stratégie en temps réel. Une option « Pause » permet de prendre du recul et de repositionner ses unités, mais ces dernières ont chacune leurs forces et leurs faiblesses : une unité de fusiliers motorisés prise à revers par des chars verra ses pertes grimper en flèche. Par conséquent, le joueur va devoir aussi gérer ses unités une à une, ce qui n'est pas un problème car leur nombre excède rarement 10.

Avantage supplémentaire au côté rafraîchissant de Regiments : les événements. Au début de chaque mission, le joueur aura à sa disposition un nombre d'événements donnés en fonction du nombre de phases. Tirés au hasard, ces événements pourront être positifs pour le joueur (frappe d'artillerie supplémentaire, soutien aérien moins cher, plus de points de ravitaillement...) ou négatifs (réduction du rayon d'action de l'unité de commandement, baisse du moral, impossibilité de réparer ses unités...). Impossible de passer à côté, car démarrer une nouvelle phase sans avoir choisi d'événement est impossible. Il faut donc choisir avec soin les événements : oui, utiliser cette frappe supplémentaire pendant la première phase peut faciliter les choses... Mais ne vais-je pas me retrouver, avec mes unités passablement éprouvées, à la dernière phase avec un événement négatif ?

De même, l'adversaire dispose de ses propres événements qui restent invisibles pour le joueur... jusqu'au début de la phase. Ma surprise fut grande lorsque j'ai découvert, après une phase particulièrement compliquée, que l'adversaire disposait à la nouvelle phase d'un groupe de combat (plusieurs unités de chars, de l'infanterie mécanisée...) prêt à enfoncer mes lignes. Cette vision sur le long terme apporte un réel souci de la planification, et quel plaisir de terminer une mission après plusieurs phases éprouvantes !

9.0
Regiments

Le wargame en douceur
Parfaite introduction en douceur aux wargames, Regiments est une superbe découverte qui amène deux conclusions. Premièrement, que Microprose est de retour (pour le mieux) ; ensuite, que les wargames, souvent décriés pour leur « aridité », sont à la portée de tous. Avec des options tactiques intéressantes et une variété d'unités et de missions qui l'est tout autant, Regiments a su redynamiser le genre et proposer une agréable "mise en bouche" aux joueurs souhaitant se plonger dans la Guerre froide sans prise de tête. La feuille de route variée laisse penser que Regiments va encore s'améliorer... et qui sait, créer des vocations dans le wargame ?
Intérêt historique :Regiments plonge le joueur dans la Guerre froide avec tout le sérieux des wargames. Les unités sont bien modélisées ainsi que très diversifiées ; de même, les tactiques employées ou les options tactiques fleurent bon la fin de la Guerre froide, tout comme les unités évoquées (dont le 11th ACR, bien connu des wargamers).
  • +Grandes cartes variées
  • +Campagne haletante
  • +Gestion des unités entre les phases de campagne au top
  • -Prise en main de certains aspects difficile (ravitaillement, repli...)
  • -Peu d'écriture scénaristique
  • -Nécessaire de connaître les symboles OTAN (APP6A) pour s'immerger de suite dans le jeu
7
Graphismes

Regiments n'est pas destiné à être joué au ras des unités. Ces dernières sont donc modélisées correctement mais n'ont rien d'exceptionnel. Les paysages, quant à eux, sont beaux mais au final très peu variés. Cet avis est cependant à pondérer : un wargame n'a jamais eu vocation à insister sur les graphismes.

8
Technique

Offrant des graphismes d'une qualité limitée, Regiments n'est pas particulièrement gourmand. Les développeurs pourraient encore travailler sur l'optimisation, notamment au niveau de la consommation du GPU.

7
Jouabilité

La prise en main de Regiments n'est pas aussi simple que celle d'un STR, et il faudra une bonne heure d'adaptation pour commencer à saisir les bases.

7
Durée de vie

Avec sa campagne actuelle et ses escarmouches, Regiments a une durée de vie d'une trentaine d'heures, peut-être 35. L'absence de mode multijoueur est assurément un frein à ce développement, mais le résultat est honnête.

5
Ambiance

Soyons honnêtes : la musique d'ambiance est oubliable, notamment parce qu'on est vite pris dans la gestion des unités. Au-delà des communications radio des unités et des tirs, le champ de bataille est silencieux ; peut-être qu'une bande sonore de combats en fond aurait pu être agréable.

8
Scénario

Un peu courte et rapidement amenée, l'histoire de la campagne parvient cependant à convaincre. On sent que le studio l'a créée par défaut, mais le résultat est satisfaisant.


  • Witz Rédacteur, Testeur, Chroniqueur, Historien
  • « L'important n'est pas ce que l'on supporte, mais la manière de le supporter » Sénèque