Info sur le jeu |
PlateformePC Windows |
Éditeur
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Développeur Serious Sim |
Date de sortieOctobre 2019 |
Radio Commander
La radio grésille en fond sonore. Aucune communication, seule l'heure en haut à droite de mon écran bouge. Je viens d'envoyer les sections Alpha et Bravo à quelques kilomètres de là où Vert Un, le peloton d'hélicoptères de transport, les a déposés. Il faut trouver l'entrée du « Bamboo Pentagon », un soi-disant complexe souterrain abritant l'état-major Vietcong. Soudain, j'entends Coleman, chef de la compagnie Bravo, crier à la radio qu'ils sont au contact d'une force ennemie supérieure en nombre. C'est bientôt au commandant d'Alpha de me faire le même rapport, alors que les premières mentions de pertes arrivent par la radio. Et moi, je ne peux rien y faire, car je suis dans une base à des kilomètres de là...
L'enfer forgé
Afin de lever toute ambiguïté, oui, Radio Commander est un jeu bien spécial se déroulant pendant la Guerre du Vietnam. À la différence des STR ou FPS, le joueur n'est cette fois-ci pas un soldat au sein de son escouade mais se place dans l'uniforme du commandant au QG envoyant les ordres à ses soldats. Il n'y a donc pas de déplacements à faire, tout se joue à la souris. L'instrument principal ? Une carte, dans une petite tente, elle-même ouverte sur un camp de l'US Army grouillant de vie. L'objectif ? Déplacer ses pions - littéralement - sur la carte tout en communiquant avec ses hommes et en leur donnant des ordres.
Si le principe de fonctionnement de Radio Commander vous dit quelque chose, c'est normal. Le développeur Serious Sim n'en est pas à son premier coup d'essai, puisqu'il a auparavant travaillé sur 911 Operator... dont le concept de base a été utilisé pour Radio Commander. Dans 911 Operator (disponible sur Steam), le joueur est dans la peau d'un opérateur téléphonique du service de secours 911 et doit répondre aux différents appels pour ensuite coordonner l'envoi et l'arrivée des secours. Si la finalité de ce premier jeu est radicalement différente de celle de Radio Commander, les deux titres se rejoignent sur leur fonctionnement - mais Radio Commander est loin d'être un simple copié/collé avec d'autres graphismes.
Radio Commander aborde donc un sujet amplement plébiscité et utilisé dans les jeux vidéo - la guerre - sous un angle radicalement différent, celui du commandement. Peu de studios s'y sont penchés, pensant (à tort ou à raison) que ce style de jeu est loin de passionner la grande majorité des joueurs. Car finalement, rien ne se passe pour le joueur dans Radio Commander : pas besoin de réflexes aiguisés, ni de survivre le plus longtemps possible, non. C'est sur le plan psychologique que le petit dernier de Serious Sim fait le plus pression.
Dans la jungle, personne ne vous entendra crier
Ayant moi-même mis la main sur mes premiers jeux de guerre il y a maintenant plus d'une décennie, je suis venu à Radio Commander avec une curiosité non dissimulée. L'avantage que ce jeu présentait pour moi est de lier plusieurs de mes passions : celle de l'Histoire militaire et celle des jeux de gestion. Qui plus est, le théâtre d'opérations choisi, la Guerre du Vietnam, s'avère être judicieux tellement ce créneau a été sous-exploité depuis le début des années 1990.
Me voilà donc devant ma carte, avec deux pions symbolisant mes deux escouades, après m'être lancé dans la campagne. Un point positif, déjà : le jeu a été traduit entièrement en langue française - sauf les voix, qui demeurent en anglais, mais qui ne devraient pas désarçonner l'habitué - et, surprise, de manière presque parfaite.
Pour l'instant, la campagne démarre au début de l'intervention américaine officielle au Vietnam, c'est-à-dire en 1965. La première mission est un tutoriel plutôt bien amené, et qui s'inscrit déjà dans le déroulé de la campagne, permettant au joueur de s'immerger de suite dans l'action.
La prise en main et l'ergonomie est un peu laborieuse, mais rien de rébarbatif là-dedans : il suffit d'observer un peu l'écran pour y être habitué. C'est bien là pour l'instant un des points négatifs de Radio Commander : plusieurs fenêtres peuvent être ouvertes, nuisant à la jouabilité et à la compréhension de l'action. Fort heureusement, les développeurs y ont pensé et les fenêtres particulières (par exemple la liste des objectifs ou les différents pions disponibles) peuvent être fermées et remplacées par un onglet se dissimulant dans un des angles de l'écran.
À savoir que les objectifs de départ ne sont pas forcément identiques à ceux de fin de mission ; un seul est en effet invariable, conserver les unités sous son commandement en vie. C'est donc un travail d'aveugle qui est la pierre angulaire de Radio Commander... mais qui en fait aussi son sel.
Zéro Dark Thirty
Comme le joueur prend la place d'un commandant à son PC, il n'y a aucune actualisation en temps réel de la carte et de la position des unités - alliées comme ennemies. Le système d'ordres est relativement simple à comprendre, puisqu'il est composé d'un menu déroulant. S'il faut faire bouger la compagnie Alpha, alors il faut la sélectionner dans le menu de radio, puis de cliquer sur « Bouger », et enfin de sélectionner le point prédéfini (ZA, village, etc) ou de placer des coordonnées, qui sont les abscisses et les ordonnées de la carte.
Chaque ordre est transmis à la radio et fait l'objet d'une réponse du chef de compagnie ; pour savoir où l'unité se trouve, le processus est à peu près identique, sauf qu'il faut lui demander sa position... le pion sur la carte se déplaçant alors instantanément. Si le joueur n'a que deux unités lors de la première mission, il faut s'habituer vite car ce chiffre peut monter jusqu'à six. Ainsi, lors de la cinquième mission, il m'a fallu gérer un convoi progressant sur une route, une unité blindée de M113, deux compagnies d'infanterie et un peloton d'hélicoptères de combat... Quand les premiers coups de feu claquent, inutile de signaler qu'il faut bien faire attention à la radio !
Les unités, alliées comme ennemies, disposent de plusieurs caractéristiques qui influencent leur efficacité au combat : l'effectif, le nombre de blessés, les réserves de munitions et le moral. Si une unité est prise sous le feu de deux unités adverses plus nombreuses, alors son moral est plus à même de chuter, menant à son anéantissement.
Heureusement, Radio Commander y va en douceur tout en restant réaliste : dans les premières missions, des unités d'appui-feu accompagneront le joueur, comme une batterie d'artillerie ou le fameux peloton d'hélicoptères de combat.
Le mécanisme d'attaque est le même que pour le mouvement : il faut bien noter les coordonnées de l'ennemi (qui est souvent tout proche) et ordonner à l'unité de l'engager dans ce secteur. À noter : une unité sous le feu, c'est-à-dire qui n'a pas été la première à tirer lors d'une rencontre, ne peut pas se déplacer.
Les unités aériennes comme les hélicoptères ou les avions (qui peuvent effectuer des mitraillages ou des bombardements de napalm) sont elles aussi vulnérables, mais peuvent encaisser un peu plus de dégâts qu'une simple section d'infanterie.
Enfin, les unités de soutien comme l'artillerie ne peuvent pas être attaquées par l'ennemi et ne doivent donc pas être protégées... au prix de ne pas pouvoir être déplacées.
Classe verte
S'il y a un point auquel je ne m'attendais pas dans Radio Commander, c'est bien celui de la scénarisation poussée de la campagne. Les deux compagnies d'infanterie, Alpha et Bravo, sont disponibles dans toutes les missions, et quelle ne fut pas ma surprise de découvrir des interactions particulières par radio entre les chefs de compagnie ou avec le personnage du joueur.
On apprend ainsi très vite que le lieutenant Kovacs, commandant la compagnie Alpha, est un Texan un peu caricatural au premier abord mais à la mentalité bien plus profonde ; Coleman, lui, est un Afro-américain à la tête de la compagnie Bravo, toujours en train de chambrer son camarade d'Alpha.
Parfois, de véritables dialogues ont lieu par radio pour meubler les temps de déplacement, le joueur ayant toujours plusieurs possibilités de réponse... l'amenant finalement à ne pas considérer ses pions sur la carte comme de simples objets mais bien comme des groupes d'êtres humains. Les dialogues, scriptés (j'ai relancé la mission pour m'en rendre compte), rendent les personnages attachants et donnent une réelle dimension scénaristique à Radio Commander.
Mais le jeu n'est pour l'instant pas exempt de reproches : les engagements peuvent vite devenir incompréhensibles quand plusieurs compagnies sont au contact, et demander leur position à trois unités alors qu'elles poursuivent un ennemi est laborieux... De même, dès le premier blessé, les chefs de compagnie vont le signaler et demander une évacuation sanitaire. Quand un combat s'éternise, on est vite perdu devant tous les rapports et il est difficile de suivre unité par unité le déroulement de la fusillade. Mais finalement, n'est-ce pas le côté réaliste qui est justement présenté ici ?
Les développeurs ont-ils souhaité que le joueur ressente l'impuissance d'un commandant situé à des dizaines de kilomètres de ses troupes et qui est dans l'attente de savoir si sa compagnie Alpha a survécu ? Très certainement. Et c'est ce pourquoi Radio Commander est un bon jeu en devenir : avec des développeurs impliqués (qui ont déjà prévu un DLC pour gérer les compagnies en détail pour le mois d'avril 2020), une ambiance sympathique et ce réalisme ambiant, je vais très certainement remettre souvent les mains dessus. Et cette fois-ci, je n'oublierai pas d'allumer ma radio au début de chaque mission avant de me demander pourquoi je ne reçois pas les rapports de mes unités.
Radio Commander
Un petit bijou
- +Scénarisation soignée
- +Déjà traduit en Français
- +Simple à prendre en main
- -Difficile à gérer quand il y a trop d'unités
- -Certains points de gameplay pourraient être améliorés
- -Missions un peu rapides
Graphismes
Radio Commander n'est pas le plus éblouissant des jeux au niveau des performances graphiques. Cependant, cela n'est en rien un problème car le jeu se joue principalement sur une carte.
Technique
À part quelques ralentissements sur le menu, Radio Commander est un parangon de stabilité et d'optimisation.
Jouabilité
La prise en main peut déstabiliser les plus néophytes au lancement du jeu mais l'apprentissage se fait dans le sang et les larmes.
Durée de vie
En théorie, Radio Commander est rejouable à l'infini, avec notamment la présence d'un mode de jeu libre, un mode escarmouche et la possibilité de créer sa partie en plus de la campagne. En réalité, finir la campagne et faire une ou deux escarmouches sera amplement suffisant - le tout pour une vingtaine d'heures.
Ambiance
Entre les sons de départ des tirs, les rapports des unités à la radio, les différentes voix soignées… L'ambiance est impeccable dans Radio Commander.
Scénario
Radio Commander bénéficie d'une profondeur scénaristique rarement rencontrée sur un jeu traitant de la guerre du Vietnam. Les personnages sont attachants, les objectifs réalistes et les missions bien amenées. Le tout est rehaussé par les cinématiques entre chaque mission.
- Witz Rédacteur, Testeur, Chroniqueur, Historien
- « L'important n'est pas ce que l'on supporte, mais la manière de le supporter » Sénèque