Info sur le jeu |
PlateformePC Windows |
Éditeur Kube Games |
Développeur Kube Games |
Date de sortieJuillet 2020 |
Imperiums : Greek Wars
Il y a parfois des concepts que l'on pense généralement acquis par tout le monde et qui ne se révèlent visiblement pas si répandus que ça. Moi par exemple, je me suis laissé dire qu'un tutoriel devait être simple, clair et rapide pour apprendre les bases du jeu à celui ou celle qui tient le clavier, sous peine de le gonfler en moins de trente minutes. Imperiums : Greek Wars m'a prouvé que cet avis n'est pas partagé par tout le monde, en tout cas pas par ses développeurs et leur didacticiel d'une heure plus indigeste qu'un manuel de fusée Ariane.
À l'est, du nouveau
Les développeurs d'Imperiums : Greek Wars n'en sont pourtant pas à leur coup d'essai : le studio Kube Games, qui a changé de nom car il s'appelait à l'époque « Kubat Software », avait déjà publié en 2018 l'oubliable romain Aggressors : Ancient Rome.
Bien mais pas top, Aggressors empruntait de bonnes idées aux incontournables du genre, Civilization au premier rang, pour accoucher alors d'un 4X passable basé sur le IIIe siècle avant notre ère. Kube Games a alors décidé de remettre le couvert pour un deuxième titre, en changeant de carte. On est bien plus proche d'un énorme stand-alone que d'un tout nouveau titre, car Imperiums : Greek Wars recycle le même système de jeu, ainsi que la bande-son, l'interface et le moteur graphique, et croyez bien que je le regrette, parce que c'est officiellement le 4X le plus atrocement laid qui aie jamais défiguré un écran.
Le cadre d'Imperiums : Greek Wars, malgré son nom emprunté aux latins, c'est à partir de l'année 359 avant notre ère. C'est-à-dire quarante ans après la fin de la guerre du Péloponnèse, lorsque Philippe II (le père d'Alexandre le Mégalo) accède au trône de Macédoine ; le cadre historique est relativement bien choisi, car c'est une période instable où les Macédoniens montent en puissance malgré les raids barbares venus des Balkans, où les cités grecques sont encore divisées et épuisées par la guerre du Péloponnèse, et où les Perses recommencent à se montrer menaçants à l'est.
À partir de là, ce scénario est prétexte à un bac à sable où le joueur est autorisé à prendre le contrôle d'à peu près n'importe quelle puissance régionale située entre Ithaque et Rhodes, qu'il s'agisse des Perses, des Grecs ou des Macédoniens ; il y a du choix, et afin d'emporter la victoire par le moyen de votre choix, Kube Games a pris le parti d'approfondir au maximum les possibilités offertes par leur titre pour se démarquer de ceux qu'ils cop... dont ils s'inspirent.
Car d'ordinaire, dans ce style de jeu de grande stratégie, les actions sont relativement simplifiées afin d'être certain de pouvoir maîtriser tous les aspects de la gestion : ici, on vous noie sous les options pour gérer le moindre taquet de votre territoire, afin de régler les problèmes d'approvisionnement, pour contenter votre population, pour booster votre économie, pour assurer le ravitaillement des armées, pour conclure des traités, envoyer des héros en quête, j'en passe et des meilleures.
Le problème, c'est que sans parler de la laideur abominable de ses graphismes et de ses modèles 3D qui sont les mêmes que ceux d'Aggressors : Ancient Rome, Imperiums : Greek Wars possède une interface particulièrement brouillonne et mal ficelée, et la traduction toute relative du jeu n'aide absolument pas à l'appréhender. Les bonnes idées sont alors presque inexploitables, faute de comprendre ce que l'interface vous affiche, et ce malgré cet interminable tutoriel macédonien. À moins de s'accrocher quelques heures, au bout desquelles ont fini par prendre ses marques. Le mieux reste encore de vous en donner un aperçu.
Alors certes, c'est une bonne idée d'ajouter des mécanismes que l'on ne voit pas ailleurs : on peut chercher pour trouver un autre titre de stratégie qui impose par exemple de devoir gérer la question du ravitaillement de ses armées pendant une guerre. Mais encore faudrait-il que cela se traduise en actes : la portée extrêmement large de vos bases fait que vos troupes auront toujours de quoi manger, boire et réparer son matériel cabossé ; et de toutes façons l'IA est fantastiquement stupide et reste incapable de tenter des manœuvres de contournement pour isoler vos phalanges.
Un petit goût de reviens-y
De la même façon, je m'interroge encore de l'utilité de prévoir trois mécanismes différents pour reconstituer vos troupes après une bataille sanglante : entre « rétablir », « soin personnel » et « se rétablir », dans tous les cas la manœuvre dure un tour, coûte de l'or et des réserves humaines, et donne le même résultat.
Pourtant, la sauce finit par prendre. Lorsque l'on a compris le système d'accords commerciaux, on passe de juteux contrats avec les marchands de telle ou telle cité à l'autre bout de la mer, pour exporter ses ressources contre de l'or, ou quoi que ce soit d'autre.
Et une fois que l'on a saisi les subtilités de la chose martiale, on oublie ces animations de Playmobils amidonnés pour repeindre la carte à la couleur de notre cité, tout en voyant le front avancer en temps réel car chaque case du jeu est conquise progressivement sous les pas de vos soldats (même si, là encore, c'est au détriment de la lisibilité car ces couleurs criardes donnent un curieux mélange « pop art » au résultat).
Conquérir à la pointe de la lance les collines pelées de cette Grèce antique toute en nuances de gris et de brun moche apporte une certaine satisfaction, même si l'on ne comprend pas pourquoi nos troupes subissent des centaines de morts en cherchant à capturer une simple carrière de pierre pourtant non défendue par l'ennemi : on empile ses troupes comme dans Civilization IV, et on encercle les cités récalcitrantes, en attaquant jusqu'à ce que leurs défenses finissent par céder.
C'est même surprenant que cette satisfaction survienne alors que le jeu continue à trébucher ensuite dans ses propres défauts, en imposant deux actions (« aide d'urgence », ET « réparations ») pour reconstruire une cité récemment capturée là où d'autres titres n'en auraient utilisé qu'une seule, et mieux.
Ou alors quand l'on propose des accords diplomatiques aux autres cités, avec d'intéressantes variations comme la fédération, la confédération et l'annexion, mais que ces accords volent en éclats tous les deux tours parce que cette intelligence artificielle encore plus instable que celle d'un Total War a décidé de vous déclarer la guerre pour se défouler.
Les guerres entraînant des prisonniers, c'est-à-dire des esclaves, cela signifie un apport régulier d'une main-d'œuvre gratuite qui va donner un bonus intéressant à votre économie, ce qui donne un réel intérêt à faire la guerre. Mais, extrêmement simpliste, le volet militaire se contente de trois unités (une de cavaliers, une d'infanterie légère et une d'infanterie lourde), sans unité de tir ni de gestion de la poliorcétique ; il faut donc jouer sur les avantages du terrain, les bonus de spécialisation de vos troupes et la présence de généraux.
Là encore, c'est une idée intéressante de laisser des héros apparaître soudainement suite à un combat ardu, héros que l'on doit ensuite envoyer par mont et par vaux jusqu'à ce qu'il prenne assez d'expérience pour être nommé général et conférer de gros bonus à ses troupes.
Oui, « mais »...
C'est seulement dommage que le système de « quête » soit incompréhensible et que le volet mythologique se résume à des cases spéciales, que l'on visite pour acquérir auprès des Néréides, des Sirènes ou d'un vieux magicien dans la forêt un bonus aléatoire. Cela dit, il vaut mieux ça que d'avoir à gérer la présence sur votre territoire d'une porte des Enfers, qui vous crachera régulièrement une unité de zombies pour vous casser les pieds.
C'est toujours aussi dommage que le jeu propose plusieurs systèmes de gouvernements : aristocratie, clanique, démocratique, despotisme, empire, monarchie, cité-état et république ; mais que les différences soient aussi anecdotiques.
Et pourtant.
Et pourtant, Imperiums : Greek Wars a beau être moche, pas ergonomique et pas non plus capable d'exploiter pleinement ses propres idées, il n'est pas dénué d'intérêt pour autant ; car il a tout de même compris ce qui fait l'essence des 4X et de ses aînés, c'est-à-dire susciter l'envie de faire grandir et prospérer ses terres, en construisant des routes, en labourant des champs, en recrutant toujours plus de troupes et d'alliés, en recherchant de nouvelles technologies. Ça prend, et la Grèce antique du IVe siècle est un terrain idéal pour ça, mais il y avait moyen de mieux faire.
Imperiums : Greek Wars
Bien, mais pas top
- +De très nombreux moyens de d'administrer son empire
- +Finalement plus accrocheur qu'il ne le laisse paraître
- +Les cartes générées aléatoirement, un rajout bienvenu
- -Moche, mais alors vraiment ignoblement moche
- -Interface brouillonne et peu lisible
- -Certaines mécaniques n'ont que peu d'impact, voire aucun
- -Le côté mythologique, finalement très réduit
- -Le volet militaire réduit
Graphisme
La palette de couleurs ternes voire moroses ajoutées à ces modèles 3D déjà moches il y a dix ans, c'est un vrai poids mort, d'autant que les illustrations font à peine mieux.
Jouabilité
Noyer le joueur sous les données et les panneaux explicatifs n'est vraiment pas une bonne idée ; avec autant de choses à gérer en même temps. Heureusement, un wiki intégré au jeu permet de s'y retrouver, mais cette interface est vraiment brouillonne et doit compter sur l'acharnement du joueur pour être dépassée.
Ambiance
C'est variable. La succession d'évènements aléatoires et la gestion diplomatique et civile assez fine rend l'ensemble relativement crédible, mais les autres limitations d'Imperium viennent régulièrement casser les rotules de cet effort déjà pas très poussé.
Technique
Fluide et rapide ; seul un crash a été constaté dans la version testée dans le présent article.
Durée de vie
Plutôt bien maîtrisées, les parties d'Imperium sont ni trop courtes, ni désespérément longues comment peuvent l'être celles des jeux dont il s'inspire. La génération aléatoire des cartes ajoute une excellente plus-value à la durée de vie.
Scénario
Il n'y en a pas réellement, car comme dit plus haut, tout ce qu'on nous donne est une date de départ. Le jeu aurait gagné à exploiter un peu mieux ce contexte pourtant riche, comme avec une suite d'évènements, ne serait-ce qu'uniquement textuels, relatant l'histoire des différentes cités.
- Cernunnos Testeur, Rédacteur
- "Messieurs, c'est une plage privée! Je crois que nous dérangeons!" - Un officier britannique sur Sword Beach