Info sur le jeu
PlateformeWargame
ÉditeurOliver Keppelmüller
DéveloppeurOliver Keppelmüller
Date de sortieSeptembre 2021

Grand Tactician : The Civil War (1861-1865)

Trofanor
Thématique
22 octobre
2021

Fin 2015, Oliver Keppelmüller a achevé lui-même la tâche gigantesque de créer un grand jeu de stratégie dans le style de Total War lorsqu'il a sorti The Seven Years War (1756-1763). Depuis, et c'est typiquement américain, il a visé un défi encore plus grand : retracer le conflit le plus sanglant de l'histoire des États-Unis. Un évènement au cœur des clivages et des tensions sociales dont on peut encore observer certaines d'aujourd'hui : la guerre civile américaine (1861-1865).

Un ambitieux projet

Mais revenons à ce challenge. Oliver Keppelmüller n'est plus seul dans cette envie de faire toujours mieux. En effet, il a réussi à s'entourer d'une petite équipe afin de combler certaines des lacunes du premier jeu, notamment sur les modèles 3D. L'objectif est à la fois simple et presque hors d'atteinte : trouver une place entre un Total War aux superbes graphismes et interfaces, mais manquant de précisions historiques et un Scourge of War complexe et fidèle, mais souvent décrit comme lourd, voire ennuyeux.

Bref, découvrir la quintessence de l'essence contenant à la fois profondeur de jeu, précision historique et fluidité de gameplay : une vraie gageure.

Pour réussir dans cette entreprise un peu folle, Oliver Keppelmüller et son équipe sont partis en guerre sans lésiner sur les moyens, du moins sur le papier ou... sur la bande annonce.

À l'ouverture de celle-ci nous sommes impressionnés, jugez plutôt : « choisissez votre camp, conduisez l'effort de toute une nation dans des campagnes en temps réel, gérez les approvisionnements des armées et flottes, placez vos volontaires sous le commandement de généraux légendaires, réprimez la rébellion ou cherchez l'aide européenne »... jusqu'à ces mots qui résonne encore en moi au lancement du jeu : « General, your troops are ready, what are your orders ? »... rien que ça ! Avouez que cela met l'eau à la bouche pour tout passionné d'histoire militaire.

D'autant plus que cette habile mise en scène s'alliait avec des promesses bien réelles. Entendez cela : carte d'état-major stratégique « zoomable » jusqu'au champ de bataille en temps réel, 5 campagnes, 16 batailles et 1500 figures historiques.

Une aventure ludique bien ficelée car ce titre ambitieux a bénéficié d'un an d'accès anticipé lui assurant une fiabilité bienvenue à sa sortie.

Grand Tactician : The Civil War (1861-1865)

Belle présentation

Oui, décidemment tout cela part d'un bon pas, la fleur au fusil. Mais il faut creuser et analyser la réalisation des ambitions tant mises en avant depuis un an.

De toute évidence l'équipe a soigné l'introduction avec une belle cinématique retraçant le contexte historique (pas toujours simple à discerner, il faut bien l'admettre) avec des vidéos probablement tirées de reconstitutions contemporaines, en partenariat avec Lion Heart.

À noter également les temps de chargement qui ne paraissent pas trop longs, car accompagnés de magnifiques clichés d'époque colorisés : chapeau bas ! On distingue les visages, ces hommes si fiers de poser et des uniformes qui rappellent tant l'armée française du second empire.

À la suite de cette belle rétrospection nous arrivons à l'écran de présentation des menus.

Nous découvrons les boutons « campagnes » et « scenarios historiques » confirmant les 5 saisons et les 16 batailles promises par les développeurs.

Plus bas, un bouton « tutoriel » nous déçoit très rapidement, ressemblant plus à de vagues modes opératoires de passation de poste qu'à un vrai travail d'initiation. Dommage.

Enfin des options, nombreuses, mais aucune ne permettant d'ajuster la langue. Oui le jeu est en anglais et seulement en anglais. La complexité du titre compliquera la compréhension de ceux qui n'ont pas un niveau B1/B2 minimum... dommage là aussi car certains curieux potentiels non anglophones seront de facto mis à l'écart. On sent que le jeu se tourne vers un public essentiellement nord-américain.

Une fois l'une des campagnes lancée, nous retrouvons cette fameuse carte d'état-major sans coup férir. Une carte qui n'est qu'une façade, car on se prend vite au jeu du zoom avant et arrière pour découvrir la possibilité technique de l'outil tant mis en avant. C'est assez « vertigineux » il faut le reconnaitre.

Mais assez vite nous sommes happés par autre chose. Oui quelque chose nous interpelle, nous pénètre et résonne agréablement à nos oreilles : les musiques ! Ah, ces banjos, ces fiddles n'ont pas été oubliés. Nous voilà plongés dans l'époque de la ruée vers l'or, du Cold mountain, de Jack Landon avec de somptueuses notes. On reconnaitra « The battle hymne of the republic », « When Johnny comes marching home » bien sûr mais d'autres également telles que « Great High Mountain », « Kingdom coming » ou encore « Bonnie Blue flag ».

Avec ces belles cinématiques et ces musiques, les auteurs n'ont pas négligé la présentation et l'atmosphère. C'est donc une excellente première impression et ce sont souvent celles-ci qui restent.

Grand Tactician : The Civil War (1861-1865)  Grand Tactician : The Civil War (1861-1865)
Grand Tactician : The Civil War (1861-1865)  Grand Tactician : The Civil War (1861-1865)

Une partie gestion compliquée

Mais notre esprit de testeur se ressaisit et nous revenons sur notre carte. Rapidement nos yeux errent, perplexes, sur une interface alambiquée faite de multiples possibilités en haut de l'écran, en bas, sur les côtés, le tout faisant penser davantage à une planche de bord d'une Citroën des années 1980. Il y en a partout et comme tout bon testeur il faut tout essayer.

Nous abordons donc en premier lieu l'aspect microgestion du jeu. Tout d'abord « la stratégie ». Ce menu récapitule les grands indicateurs du conflit tels que le moral, les troupes disponibles, la trésorerie ou encore la balance commerciale. Le deuxième concerne la gestion des armées (flotte ou terre). C'est là que vous recrutez les troupes jusqu'à créer des armées par État en fonction des ressources. C'est là aussi que vous ferrez intervenir vos généraux légendaires, les McClellan ou Beauregard pour ne citer qu'eux. Puis c'est au tour du bouton sur les finances. Ici vous contrôlez vos subventions en fonction de vos stratégies : porterez-vous vos efforts sur l'agriculture ? L'industrie ? A vous de décider !

Le bouton politique est également paramétrable afin d'appliquer vos paradigmes sur telle ou telle voie, si vous penchez sur la diplomatie, l'armée, l'agriculture, etc.

Les deux derniers boutons enfin, vous apporteront des renseignements sur vos productions, importations et exportations.

Après cette description, il faut reconnaitre que notre sentiment est partagé. Bien entendu le contenu gestion est très fin, étendu... sûrement trop ! Mais où se trouve la simplicité d'interface souhaitée initialement pour éviter certains travers (on parlait de Scourge) ? Heureusement chacun des menus précités sont « auto-gérables ».

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Grand Tactician : The Civil War (1861-1865)

La guerre en beauté ?

Parlons un peu de l'impression visuelle avant de nous lancer dans ce qui nous intéresse en premier lieu : la guerre !

La carte d'état-major est restituée fidèlement si l'on fait quelques recherches sur ce que pouvait être un tel document à l'époque. Elle est illustrée sur les côtés et posée sur une table : soudain des étoiles de général apparaissent sur nos manchettes ! De plus elle est agrémentée des grands titres de journaux rappelant les grands évènements de l'époque en fonction de la date.

Le zoom permet plusieurs niveaux de précisions. Un premier coup de roulette laisse apparaitre les villes secondaires les particularités géographiques, puis après deux ou trois nouveaux coups de roulettes nous pénétrons dans l'environnement de la carte typée Total War. Ainsi des routes, des arbres, des cours d'eau et des maisons apparaissent. D'autres items plus importants du début de l'ère industrielle ne vous échapperont pas : chemins de fer, routes, usines, télégraphes seront des éléments essentiels à contrôler pour surpasser votre adversaire.

Là encore l'impression est mitigée sur la carte tactique. Tout en gardant l'indulgence requise face au gros travail de contenu évoqué plus haut, il faut rester également juste quant au ressenti. Les environnements sont simples, voire simplistes en terme de qualité graphique. On note tout de même de gros progrès par rapport à The Seven Years War (et heureusement). Mais les années passant, le rendu peine à convaincre. Les couleurs sont assez fades, peu contrastées. Les villes ne sont que des maisons clairsemées çà et là, sans structure urbaine.

Mais au-delà du décorum ce sont les unités qui déçoivent le plus. Celles-ci relèvent plus du BillBoardGui comme dans Scourge of War que d'une vraie modélisation 3D comme dans les Total War. En effet les troupes se comportent comme des panneaux vous faisant face en fonction de l'angle de vue par lequel vous les observez. Curieux effet...

Ah, ce n'est pas un séducteur notre Grand Tactician mais les intéressés ne se laisseront pas repousser par ces considérations purement esthétiques, car c'est autre chose qu'ils cherchent.

Un gameplay tactique aussi impressionnant... que lent

Le gameplay ne jure que par l'immensité des cartes tactiques et les possibilités de manœuvres infinies qu'elles offrent. Des cartes tellement immenses que cela remémore un autre point qui pourrait également en contrarier certains (en dehors des amateurs séduis d'office). Les cartes sont immenses, certes, mais vos troupes sont d'une lenteur monotone à lasser le plus paresseux des paresseux !

Avant de les bouger, il faut déjà leur en donner l'ordre. Et là, la distance qui sépare vos unités de vos généraux sera prépondérante. Un cercle symbolisé d'un clairon entoure votre général. Les unités se trouvant à l'intérieur du cercle exécuteront sans tarder l'ordre émis. En revanche les unités dispersées devront attendre une estafette pour agir.

Des cartes énormes, des troupes qui trainent des deux pieds (sans compter l'influence de la météo et du cycle jour/nuit), risquent d'occuper vos soirées entières rien que pour une bataille. Cela ne plaira pas à tous et risque de limiter la portée de ce jeu dans la conquête de nouveaux joueurs. Seuls les vétérans avertis rompus à ce rythme tolèreront une telle cadence. Pour pallier en partie à ce problème les développeurs n'ont pas oublié la possibilité d'accélérer la vitesse x2, x5, x10. C'est heureux pour l'impatient, moins pour le réalisme.

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Grand Tactician : The Civil War (1861-1865)

Une ambiance de champs de bataille peu dynamique

Attardons-nous également sur l'ambiance sonore des combats qui n'est pas négligeable dans l'immersion, loin s'en faut. Hélas là aussi, c'est la déception qui émerge. Les fusils Springfield et les canons Rodman nous paraissent bien timides, peu percutants et manquent de profondeur. Les sonneries de clairons sont présentes, les marches musicales également lorsque les troupes utilisent les routes pour se mouvoir. Mais l'ensemble, là aussi, ne nous excite guère. Alors ne comptez pas trouver l'ardeur de certains autres titres phares. Un Ultimate General, par exemple, s'en sortait bien mieux à cet égard.

Qu'importe, les champs de bataille de la carte tactique séduiront aisément le public cible de ce type de jeu de niche. Il faut dire qu'ils en offrent beaucoup avec des points stratégiques nécessaires pour l'approvisionnement à trouver, des positions tactiques pour l'artillerie à occuper et enfin l'ennemi à débusquer. Il en faudra des heures pour réaliser les diverses manœuvres, ce qui vous laissera l'intervalle de temps nécessaire pour gérer la fatigue, le moral, tous ces paramètres bien présents qu'il sera impératif de suivre.

Une IA probante, une jouabilité efficace

Alors l'ennemi ? Farouche ou pas ? Et oui on ne parle pas d'ennemis sans parler d'IA. Car le jeu n'est pas paramétré pour se jouer à plusieurs. Dommage d'ailleurs.

Après deux ou trois batailles (et plusieurs heures) le sentiment vis-à-vis de l'IA est positif. L'intelligence artificielle est suffisamment retorse pour vous surprendre, vous titiller et vous pousser jusqu'à vos retranchements. Après avoir tenté quelques imprudentes sorties, l'IA nous fait comprendre qu'elle est capable de s'organiser en conséquence et vous prendre par les flancs, voire à revers.

On est donc loin « du tout pour le tout » à la Age of Empires. Mais ça on le savait déjà : alors prenez vos précautions et mesurez bien l'adversaire avant d'engager toute action. L'IA sait agir offensivement ou défensivement (pour les points de contrôle par exemple) selon le contexte. Dans une bataille comme Shiloh, si vous êtes coté Grant, on ressent bien l'attaque surprise de Johnston qui tentera de vous déstabiliser sur vos positions. Par conséquent l'IA peut s'avérer coriace et opiniâtre : un bon point.

La jouabilité est plutôt bien configurée et il est facile de se déplacer. On pousse la souris sur le centre coté et la camera bouge latéralement. Si l'on pousse un peu plus haut sur le côté, vous aurez droit à une rotation. Pas très conventionnel mais au final efficace pour agir vite sur le champ de bataille sans compter la possibilité de revenir en vue stratégique en zoomant arrière à fond. Bien vu.

7.0
Grand Tactician : The Civil War (1861-1865)

Un jeu complet qui répondra assurément à la demande de la communauté et autres amoureux du genre. Complet dans le fond, il pèche malheureusement sur la forme avec une technique désuète d'un point de vue visuel et sonore (en mode bataille) qui ne devrait toutefois pas trop déranger les habitués. La lenteur du jeu pourrait surprendre et le manque d'accompagnement (didactiel) pourrait décevoir. Mais le jeu compense par ses multiples possibilités tactiques alliées avec une micro-gestion sur la vue stratégique poussée (et exigeante) offrant au final bien plus qu'un simple « jeu de guerre ». Très ambitieux Oliver Keppelmüller et son équipe progresse sur tous les points et nous propose un autre angle de vue sur la période par rapport à la concurrence. De ce point de vue-là, ils ont réussi à trouver leur place : mission globalement accomplie.
Intérêt historique :Les auteurs nous font pleinement revivre les évènements du fort Sumter à Appomattox ! Les légendes sorties de ce cataclysme sont présentes, les formations, les armes aussi. Le respect historique passe également par la carte état-major réussie et une ambiance musicale soignée.
  • +Contenu conséquent
  • +Respect historique des évènements
  • +Possibilité tactique
  • -Lenteur ressentie sur la partie tactique
  • -Graphismes datés
  • -Manque d'immersion sonore dans la bataille
  • -Pas de mode multijoueur
  • -Uniquement en anglais
5.0
Graphismes

Si la vue stratégique est d'un bon niveau, la partie tactique offre un ensemble visuel obsolète.

7.0
Technique

L’année passée en accès anticipé a permis de balayer les bugs malvenus. L’ensemble est fluide et ne demande pas de PC très puissant.

7.0
Jouabilité

Même s'il faut un peu de temps pour s'en accommoder, celle-ci s'avère finalement efficace.

9.0
Durée de vie

Gigantesque pour tout wargamer.

6.0
Ambiance

C'est plus contrasté sur ce point. D'un point de vue stratégique la carte, les portraits des généraux, les cinématiques ainsi que la bande musicale nous plonge dans l'époque sans difficulté. Sur la partie tactique l'impact visuel/sonore est trop faible pour convaincre sur la férocité des combats notamment.

7.0
Scénario

Deux camps, deux scenarios. C'est amplement suffisant.


  • Trofanor Rédacteur
  • « Reste à avoir bon cœur et ne s'étonner de rien » Henri II