Chronique : L'histoire des templiers - 7ème partie
14 mars 2013 par Orochti | Chronique historique | Moyen-âge - Les Croisades
Septième partie du dossier sur l'Histoire des Templiers. Retrouvez les précédentes parties par ici : Chronique des Templiers.
La précédente chronique était consacrée à la vie monastique des Templiers. Nous avons vu que, à l'exemple des moines, les chevaliers du Christ respectaient un emploi du temps consacré à la prière, ainsi que des règles plus ou moins strictes. Notons qu'ils possédèrent des privilèges, notamment sur les repas, afin de respecter leur double casquette de moine/chevaliers. Mais, qui dit règles dit forcément sanctions, et ces dernières étaient dures pour ces personnes qui osaient trahir la Règle.
Nous allons d'abord étudier les « juges » de ces affaires avec le conseil de discipline, puis nous verrons les deux sanctions les plus graves : la perte de la maison et de l'habit.
- Le conseil de discipline
- La perte de la maison et la perte de l'habit
- Bibliographie
Dans les maisons de l'ordre de quelques importances, c'est-à-dire les maisons ayant plus de quatre frères, le commandeur réunissait le chapitre tous les dimanches. Ce conseil n'avait pas pour but premier de juger, ni de sanctionner, mais servait avant tout à examiner les problèmes et les demandes des autres frères. Cependant, ce conseil pouvait se transformer rapidement en conseil de discipline si besoin était. Les frères, à leur entrée dans le chapitre devaient d'abord réciter une patenôtre avant de s'asseoir. Cette réunion restait secrète et se tenait à huit clos. En effet, la Règle spécifiait elle-même que toutes les histoires et autres rumeurs devaient rester secrètes au sein même de l'ordre, et ne doivent jamais parvenir à des oreilles non-Templières...
Le commandeur faisait un court sermon avant de demander à ceux qui avait péchés de s'avancer. Si un frère souhaitait avouer sa faute, il devait s'avancer, tout en se tenant humblement, et commençait son récit ainsi : « Beau sire, je demande pardon à Dieu et à Notre-Dame et à vous et à tous les frères de ce que j'ai fauté...». Durant tout le récit, un dialogue était autorisé dans un échange de questions/réponses entre le commandeur et le pécheur. Une fois terminé, ce dernier devait sortir afin que le chapitre puisse délibérer durant son absence. Il n'est rappelé alors que pour entendre sa sanction, plus ou moins légère selon la faute commise.
La Règle demandait aussi une chose assez étonnante. En effet, elle encourageait les templiers à dénoncer leurs frères qui auraient alors péchés si ces derniers n'avouèrent pas. Les frères qui commettaient un crime, même une peccadille, devaient être punis. C'était la Règle. Cependant, gare à ceux qui dénonçaient sans preuve ! La Règle encourageait à être sage, ne pas prendre en compte les rumeurs et les calomnies qu'ils pouvaient entendre, se référer à des hommes plus sages (et donc plus âgés), et dénoncer seulement le templier après mûrs réflexions.
L'ordre du Temple ne plaisantait pas en matière de sanction. Les plus graves entraînaient la perte de la maison, c'est-à-dire une exclusion de l'ordre. Lorsque le conseil avait tranché, l'accusé devait se présentait dépouillé de ses vêtements, nu, une corde au cou, à genoux devant le commandeur qui dictait la terrible sentence. Il devait partir sur le champ, en n'emportant aucune arme, aucun élément de son équipement, et surtout pas son manteau blanc, qui aurait été une insulte pour un pêcheur de porter un manteau qui représente la pureté. Cette sanction s'appliquait dans des cas très précis, que la Règle définissait.
Par exemple, si un frère avait soudoyé un autre frère, par moyen d'argent ou de promesses, crime qualifié de simonie, ce frère était sanctionné de la perte de la maison. C'était la même sanction pour un frère qui avait tué un autre chrétien. Nous avons retrouvé des écrits qui rapportent le cas de trois Templiers d'Antioche qui auraient été responsables de la mort de plusieurs marchands chrétiens. Ils furent sanctionnés fortement car, après la perte de la maison, ils furent fouettés dans les rues d'Antioche, de Tyr, de Sidon et d'Acre, avant d'être jetés dans la prison de Château-Pèlerin, où ils finirent leurs jours.
Dans un autre ordre d'idée, la perte de la maison se faisait également pour les Templiers qui avaient révélés tous les secrets de l'ordre, ceux coupable de sodomie, ou encore les hérétiques et ceux qui reniait le Christ, pour sauver leur vie. L'histoire d'un certain Roger l'allemand qui s'était fait capturé par les musulmans nous est revenu. Il est dit que les musulmans lui demandèrent de « lever le doigt et crier la loi ». Roger avait beau expliqué qu'il n'avait pas compris la signification de ce geste, il fut sanctionné de la perte de la maison. La Règle était également très claire en ce qui concernait les « larcins » des frères sur le Temple. À la fin des combats, si les Templiers découvrirent de l'or ou tout autre objet qui allait à l'encontre du vœu de pauvreté, il ne serait plus enterré dans le cimetière, mais jeté dans la rue au chien, et s'il y était déjà enterré, il devait être déterré sur le champ.
La perte de la maison était une sanction définitive selon la Règle, mais pourtant, quelques articles laissent penser à une possible réintégration exceptionnelle de certain frère, si celui-ci était connu pour ses actes passés de bienveillance. La perte de l'habit était une sanction moins sévère que la perte de la maison, mais était une sanction très dure. Cette sanction était suivie généralement de la mise au fer pour un temps déterminé selon le choix des frères allant d'une journée à un an.
Cette sanction était appliquée par exemple à ceux qui refusaient d'obéir aux ordres du commandeur. Également, était puni tous frères qui frappaient un de ses camarades, ou battaient un chrétien. Dans une autre idée, la mort d'un esclave, la perte d'un cheval ou les relations avec une femme étaient punies par la perte de l'habit. La durée de la perte de l'habit était assez modulable, pouvant punir avec souplesse bon nombre de situations plus ou moins graves (mensonges, accusations sans fondement, attaque de l'ennemi sans autorisation). Généralement, quelques jours suffisaient à remettre le fautif dans le droit chemin. Les chevaliers, sans manteau ni armes, purgeaient leur peine dans les hospices, sous la surveillance de l'aumônier. Ils devaient prendre leur repas par terre, et jeûner au moins 3 jours avec du pain et de l'eau, et ne devait ni rire ni plaisanter. Ils devaient bien sur suivre les heures de prières, mais sans se rendre à la chapelle avec ses autres frères. En outre, ils étaient chargés des tâches ménagères les plus ingrates comme laver les écuelles, peler les oignons, mener l'âne, faire le feu etc. Le dimanche, ils devaient se présenter devant tous les frères après l'évangile, pour recevoir la discipline donnée par le chapelain. En cas d'alerte, la pénitence était suspendue et le chevalier pouvait reprendre ses armes et son cheval pour combattre.
Ainsi, nous avons vu qu'il existait un chapitre hebdomadaire qui avait pour objectif de régler les problèmes internes de l'ordre, mais aussi de sanctionner si besoin les frères pécheurs. Les deux plus graves sanctions étaient la perte de la maison et la perte de l'habit. Ces dernières étaient rendues suite à des crimes plus ou moins graves, s'adaptant à la situation. Les Templiers devaient suivre la Règle, pour leur bien-être ! Cependant, malgré les sanctions, les écarts de certains frères étaient encore bien présents.
Nous arrivons doucement à la fin de cette chronique, car nous avons fait pas mal le tour de cet ordre fascinant et aussi étonnant ! La prochaine fois, nous étudierons les derniers feux des Templiers dans leur dernier moment de gloire qui précédait leur arrestation à laquelle on consacra une autre chronique également.
- DEMURGER Alain, Croisades et Croisés au Moyen-âge, Flammarion, collection Champs, 2006, 410 pages.
- FLORI JEAN, La croix, la tiare et l'épée : la croisade confisquée, Payot & Rivage, Collection Histoire, 2010, 350 pages.
- HUCHET Patrick, Les Templiers de la gloire à la tragédie, Editions OUEST-France, Collection Histoire, 2010, 130 pages.
- BRIAIS Bernard, Les Templiers, France Loisirs, collection Les mémoires du Temps, 2011, 190 pages.