Info sur le livre

Titre originalLes Celtes d’Hannibal. Pour une nouvelle approche de l’emploi tactique des Celtes. L’exemple de la deuxième guerre punique
AuteurLuc Baray
ÉditeurCNRS éditions
GenreEssai historique
SortieOctobre 2019
Nombre de pages360

Les Celtes d'Hannibal

Mitrales
13 octobre
2021

« Il est bon de faire de l'histoire militaire » déclare Yann Le Bohec, historien de référence de la Rome antique, dans la préface de ce livre. Et en effet, moi qui pensais que l'histoire militaire de l'antiquité et en particulier celle des Celtes était condamnée à errer entre vulgarisation de plus ou moins bonne qualité et littérature scientifique aride, j'ai été contraint de revoir mon jugement. Luc Baray, directeur de recherche au CNRS, démontre qu'il est possible d'écrire un livre à thèse, à la pointe de la recherche scientifique, qui soit non seulement accessible à tout amateur mais également passionnant à lire.

Quelle est donc cette thèse ? Pour Luc Baray, les guerriers celtes en général et ceux d'Hannibal en particulier ont été victimes d'une mauvaise réputation, créée de toute pièce par les historiens grecs et romains, et qui dure jusqu'à nos jours. Or ces guerriers ont joué un rôle majeur dans les éclatantes victoires d'Hannibal dans la deuxième guerre punique. L'auteur revisite donc toutes les sources disponibles, littéraires et archéologiques, pour mieux comprendre ces mercenaires au service de Carthage et ainsi démontrer qu'ils étaient des combattants très recherchés et efficaces.

L'auteur nous fait donc remonter à la fin du Vème siècle avant notre ère où une nouvelle manière de faire la guerre voit le jour autour de la Méditerranée. Le panorama est limpide, quoique centrée sur les cités hellénistiques au sens large, Rome et Carthage comprises. Les campagnes se font plus longues, la guerre du Péloponnèse en est un bon exemple, ce qui accroît le besoin de professionnalisation des armées. Le combat ne se résume plus à un affrontement de deux formations homogènes de citoyens soldats, souvent des hoplites. On cherche aussi à innover, notamment en acquérant des compétences spécifiques, en cavalerie ou en poliorcétique par exemple, pour prendre le dessus sur son adversaire. Ses guerriers spécialisés on les trouve chez d'autres peuples, on peut ainsi recruter plus facilement. C'est le début du mercenariat. Si les Carthaginois recrutent beaucoup de Celtes, les Romains restent méfiants à leur égard à cause du sac de Rome par Brennus en 387 et de la menace qu'ils constituent pour eux en Cisalpine. Dans le cas particulier de la Ville éternelle, ce sont les alliés italiques qui jouent le rôle de mercenaires.

Les Celtes sont des guerriers à la fois mobiles et solides, ce qui fait qu'ils peuvent se comporter autant comme une infanterie lourde que légère, et de même pour la cavalerie. Cette polyvalence est centrale dans la thèse de l'auteur car c'est ce qui fait leur force et qui intéresse les Carthaginois. L'auteur détaille donc en quoi l'armement et la tactique celtes leur permettent de jouer sur les deux tableaux en appuyant sa démonstration sur une foule de détails pouvant paraître insignifiant, comme la position des attaches de l'épée à la ceinture ou le nombre de fers de lance dans les tombes en Gaule. Il relate également les relations, fort anciennes, entre Carthage et les Celtes, d'abord comme mercenaires puis comme alliés lors de la campagne d'Italie d'Hannibal.

Puis, Luc Baray revient sur toutes les grandes batailles de la deuxième guerre punique et réinterprète les textes des historiens romains en tenant compte de leur parti pris et des nouvelles connaissances sur les Celtes. La version romaine, jusqu'ici reprise sans état d'âme par tous les historiens perd de sa crédibilité. Prenons la fameuse bataille de Cannes par exemple, où Hannibal réussit à écraser des Romains plus nombreux et disposant d'une infanterie lourde de légionnaires à l'avancée irrésistible. La version unanime des historiens classiques et modernes est qu'Hannibal met en place des ailes fortes, composées d'infanterie africaine d'élite, et un centre faible, composé d'Ibères et de Celtes, afin que les Romains enfoncent le centre faible et emportés dans leur élan se fassent encercler par les ailes fortes. Or l'auteur démontre que ce plan suppose que le centre ne se fasse pas enfoncer mais résiste, en reculant mais sans craquer, à la redoutable pression des légions. Ses combattants ne peuvent donc être considérées comme une simple chair à canon, ce sont au contraire les troupes les plus solides dont disposent Hannibal.

Enfin, l'auteur systématise son entreprise de réhabilitation des Celtes en la démontrant. Non, ils n'étaient pas des mercenaires mais des alliés, Non, Hannibal ne s'en servait pas comme de chair à canon. Oui, il comptait parmi les seules infanteries capables d'absorber le choc des légions. Oui, leur cavalerie pouvait charger des formations d'infanterie et harceler l'ennemi. Oui, la stratégie d'Hannibal reposait en grande partie sur les Celtes et il a su utiliser leurs qualités sur le champ de bataille.

Les Celtes d'Hannibal signe la fin d'un argument d'autorité des historiens antiques gréco-romains repris et parfois même amplifiés par les modernes sans la moindre distance critique. Cette démonstration scientifique est d'autant plus intéressante qu'elle s'appuie à la fois sur des découvertes archéologiques récentes et sur une réinterprétation critique des textes contemporains des faits. Le tout est également très agréable à lire et agrémenté de nombreux tableaux, illustrations et cartes.

  • Mitrales Chroniqueur
  • "Tout hussard qui n’est pas mort à trente ans est un jean-foutre, et je m’arrange pour ne pas dépasser ce terme" Général Lasalle.