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Léon Sadorski

Enguerrant

Thématique

Seconde Guerre mondiale

29 avril

2021

Léon Sadorski est un personnage de fiction créé par Pierre Slocombe, dans une série de romans actuellement en cours. Quatre tomes ont déjà été publiés chez Robert Laffont (le dernier en date "La Gestapo Sadorski", en 2020), et deux autres sont à venir.

L'histoire se déroule pendant l'Occupation à Paris, où Léon Sadorski est un policier français en charge du "rayon juif" à la Préfecture de Police.

La célèbre “affiche rouge” diffusée massivement en 1944 par la propagande nazie

Les romans de Slocombe, très documentés, plongent le lecteur dans cette époque, en développant de nombreux aspects historiques. Nature des relations franco-allemandes, partition de la métropole (zone occupée, zone libre), indemnités d'occupation versées par Vichy, pénuries des matières premières, contrôle de l'information, restrictions en tout genre : au fil du récit, tout le décor quotidien de l'Occupation est restitué.

Certains épisodes notables de la seconde guerre mondiale soutiennent l'intrigue: rafle de Vel d'Hiv (1942), répercussions en France de la bataille de Stalingrad puis de la troisième bataille de Kharhov (1943), répression contre les FTP-MOI et arrestation des protagonistes de "l'affiche rouge" (1944), etc.

La nature policière et répressive du régime de Vichy qui a mis sa police au service de la politique antisémite et anticommuniste de l'occupant, est ainsi largement illustrée dans l'intrigue.

Les méthodes brutales des forces de police française et allemande y sont détaillées, dans certaines scènes d'une grande violence. On croise également certains protagonistes historiques dans le roman, comme Henri Lafont de la "carlingue" (Gestapo française).

Henri Chamberlin dit Henri Lafont, chef de la Carlingue

Léon Sadorski, le "héros" du roman est antisémite, pétainiste, violent, manipulateur et infidèle, et ses méthodes sont brutales. Il n'hésite pas à mettre les pouvoirs qui lui sont conférés au service de ses propres intérêts (extorsion de fonds) et pulsions sexuelles.

Au-delà des policiers français et allemands, on croise dans le récit beaucoup de personnages aux "sensibilités" et aux horizons très différents : des collaborateurs, mais aussi des résistants (gaullistes, communistes), les quidams moyens qui tentent de survivre, des lycéens, des juifs persécutés.

Les romans décrivent donc les enquêtes policières, les turpitudes et les "petits arrangements" de Sadorski, chargé d'arrêter des juifs et des résistants.

Avis

C'est vraiment une plongée passionnante dans ces années sombres que nous offrent ces romans de Pierre Slocombe. Quel parti pris audacieux de recourir à un “héros” si antipathique et à contre-courant de nos certitudes morales de citoyen du XXI^ème siècle ! Cela permet de revisiter l'époque et divers événements, depuis le point de vue singulier du "flic pourri".

Cela change complètement l'approche et le regard, comparé à une majorité de fictions où le récit est rapporté du point de vue des résistants, des militaires alliés ou FFL, ou encore de "monsieur tout le monde". L'approche de l'auteur se rapproche en cela par exemple de celles de Littell dans "les Bienveillantes" ou de Merle dans "La mort est mon métier". On peut aussi penser au personnage de Marchetti dans l'excellente série "Un village français".

Nicolas Gob dans "un village français" : un autre policier en eaux troubles

Et puis je dois dire qu'en dépit de ses actes, parfois particulièrement odieux, Sadorski peut aussi être sympathique, par sa capacité à anticiper et gérer les mauvais coups, son cynisme extrême, et aussi pour ses "bons moments" qu'il lui arrive d'avoir.

J'ai dévoré ces romans que je recommande à tout(e) amateur(rice) de romans historiques sur la période… à condition d'avoir le cœur bien accroché !