Info sur le livre |
Titre originalLe Général Georges, un destin inachevé |
AuteurMax Schiavon |
ÉditeurÉditions Pierre de Taillac |
GenreMémoires, essais, biographie |
SortieNovembre 2020 |
Nombre de pages544 |
Le Général Georges, un destin inachevé
Si tant est que l'Histoire de la Seconde Guerre mondiale vous intéresse (et que vous n'êtes pas du genre à pousser notre fameuse année 40 sous le tapis), certains grands noms militaires ne vous sont sans doute pas étrangers. Weygand, Jean de Lattre de Tassigny, Leclerc, doit-on vraiment citer de Gaulle ? Et j'en passe. D'autres en revanche ne parleront qu'aux fins érudits, aux passionnés, aux historiens.
Il y a encore quelques semaines, je n'avais jamais entendu parler du Général Alphonse Georges (il est pourtant disponible dans Hearts of Iron IV !). Ayant achevé la lecture de sa biographie par Max Schiavon, c'est une lacune que je suis heureux d'avoir comblé, tant le personnage me paraît tenir une place centrale dans l'histoire militaire d'une part, mais surtout, dans celle de notre pays.
Faisons un instant preuve d'imagination. Vous êtes historien, spécialiste des élites militaires. Alors que vous travaillez sur les archives photographiques de la Défense, en particulier celles relatives au haut commandement durant la débâcle, un inconnu, observant avec curiosité l'objet de vos recherches, vous interpelle : « Savez-vous que le petit-fils du général Georges vit toujours ? » L'idée que quelques documents ou souvenirs aient pu survivre à sept décennies vous pousse à entreprendre des recherches, aussi décidez-vous d'entrer en contact avec les descendants du général.
On vous interroge d'abord sur vos intentions mais, historien et officier, la confiance vous est vite accordée. Une petite-fille de Georges vous confie avoir collecter quelques papiers du général et vous invite à les consulter. En arrivant sur place, vous êtes abasourdi. Ce ne sont rien de moins qu'une vingtaine de cartons, remplis d'archives, de lettres de Foch, de Pétain, de Churchill, des milliers de pages inédites ; un trésor. On vous précise qu'il n'y a ici qu'une partie des documents. Voici la découverte incroyable à l'origine de cette biographie.
Qui était le général Georges ? Alphonse Georges détestait son prénom, il faut dire que son père s'était trompé au moment de sa déclaration de naissance. Alors que la famille s'était accordée sur Arthur, le père, peut-être un peu stressé, se rappelle seulement que le prénom commence par un A. Dans le doute, il penche pour Alphonse. C'est ainsi que le futur Général décide rapidement de ne se faire appeler que par son nom de famille ; on l'appelera Georges presque que toute sa vie.
Issu d'un milieu modeste, il acquiert très jeune le sens du travail, de l'abnégation et de la responsabilité. Sa scolarité est exceptionnelle et ses professeurs ne tardent pas à lui promettre les meilleures réussites. Destiné par sa famille à faire carrière dans l'enseignement (comme la plupart de ses sœurs), il surprend en choisissant le métier des armes. Il faut dire que, né en 1875, il grandit dans cette ambiance revancharde qui mènera progressivement vers le premier conflit mondial.
Loin de moi l'idée de vous faire ici la biographie du général mais ce caractère particulier, acquis dans l'enfance, conditionnera toute sa vie et avec elle, le destin de la France. Homme de caractère, doué d'une intelligence et d'une capacité de travail hors normes, il n'aura pourtant de cesse de se mettre au service d'une institution, l'armée française, et de ses chefs, quand bien même il les savait dans l'erreur.
La lecture de ce livre vous donnera à rencontrer un homme très particulier, et avec lui le milieu feutré des cabinets politiques et du haut commandement d'entre deux guerres. Homme de principe et de droiture, Georges gardera sa vie durant un sentiment de méfiance vis-à-vis du monde politique. Sa carrière d'abord fulgurante sera largement ralentie par son incapacité naturelle à y jouer un rôle. Donnant toujours son avis brut, sans concession, il sera craint des élites dirigeantes et finira par se voir attribuer un poste sans réel pouvoir alors que la guerre approchait.
La seconde moitié de l'ouvrage est quant à elle consacrée à la Seconde Guerre mondiale. Ayant tenu un journal durant une bonne partie du conflit, cette période est d'un intérêt exceptionnel pour la connaissance des doctrines militaires françaises et de la réaction du haut commandement devant la catastrophe. Georges aura compris dès le départ le danger du plan de Gamelin, dont l'incompétence et l'hypocrisie sont ici largement documentés (à se demander pourquoi Gamelin possède de meilleures stats que Georges dans Hearts of Iron IV !).
Pourtant, fidèle à son esprit corporatiste, il suivra le généralissime, allant jusqu'à le soutenir dans les rares occasions où il aurait pu légitimement proposer une autre vision stratégique. Nous ne saurons jamais si, comme le propose le bandeau du livre, l'homme aurait pu éviter la débâcle. Ce qui paraît certain, c'est qu'une autre histoire était possible.
De nombreux grands personnages traversent ces pages, nous entraînant au cœur des grands événements qui ont marqués la première moitié du XXème siècle. Foch, Weygand, Daladier et Reynaud, on croisera régulièrement Pétain et les quelques apparitions de Churchill (toujours lui) ne manqueront pas d'égayer ces moments tragiques.
Possédant de très nombreuses photographies, ainsi que quelques cartes lorsque la compréhension des événements le nécessite, l'ouvrage est en soit un bel objet, dont la facture reste surpassée par l'intérêt historique de premier ordre que constitue son sujet. Nous le conseillons chaudement à quiconque s'intéresse aux heures tragiques de 40.
- Discab Contributeur
- "D'abord, apprenez que je ne suis point le défenseur du peuple ; jamais je n'ai prétendu à ce titre fastueux ; je suis du peuple, je n'ai jamais été que cela, je ne veux être que cela ; je méprise quiconque a la prétention d'être quelque chose de plus." Maximilien Robespierre