Info sur le livre |
Titre originalLa Mandchourie oubliée. Grandeur et démesure de l'art de la guerre soviétique |
AuteurJacques Sapir |
ÉditeurEditions du Rocher |
GenreLivre documentaire |
SortieMai 1996 |
Nombre de pages291 |
La Mandchourie oubliée
Quand on parle de la Seconde Guerre mondiale, que ce soit dans un livre, dans un documentaire ou tout simplement entre passionnés, on l’abordera sous toutes ses coutures. On vous parlera sûrement des aspects politiques, économiques, sociaux mais avant tout des aspects militaires.
Là encore, tous les théâtres d’opérations sont passés en revue, quand bien même sommairement : Italie, Afrique, France, Front de l’Est, guerre du Pacifique, Afrique, Asie du Sud-Est, Atlantique et plus rarement la guerre en Chine.
Toutefois, un front semble être oublié de tous, ne méritant qu’occasionnellement une petite mention, celui de Mandchourie en 1945. En effet, le 9 août 1945, les Soviétiques lancent une gigantesque offensive pour envahir la Mandchourie alors sous domination japonaise. Il ne faut pas oublier qu’à ce moment, les USA et l’URSS sont encore alliés (officiellement du moins), et l’attaque a d’ailleurs été promise par Staline lors de la conférence de Potsdam.
En à peine plus d’une semaine, les Soviétiques roulent littéralement sur l’Empire du Soleil Levant. La puissante armée japonaise du Kwantung forte de 800 000 hommes, malgré les ponctions au profit des autres fronts, est littéralement rayée de la carte, tandis que les forces de l’URSS progressent de plus de 400 kilomètres dans une Mandchourie pourtant considérée comme un terrain difficile manquant cruellement d’infrastructures. Le résultat de cette gigantesque offensive dépasse de loin la simple performance militaire, car cette victoire assure l’influence soviétique en Extrême Orient.
Histoire et analyse
Toutefois, bien que le sujet ne soit pas souvent traité, je suis tombé sur un livre extrêmement intéressant sur ce sujet. Le titre est d’ailleurs assez explicite puisque ce dernier s’intitule « Mandchourie oubliée. Grandeur et démesure de l'art de la guerre soviétique ». Cet ouvrage s’articule en deux temps. Tout d’abord, l’auteur explique simplement le déroulement de la bataille et ensuite, il analyse l’art de la guerre soviétique. Ce n’est donc pas un livre d’Histoire à proprement parlé mais plutôt d’analyse. Heureusement, ce livre est facile d’accès tout en restant intéressant à lire.
Par ailleurs, chose particulièrement plaisante, l’auteur ne se borne pas à l’invasion de la Mandchourie en 1945. En effet, nous sommes avant tout dans une analyse de l’art de la guerre soviétique. Ainsi, pour mieux le comprendre, la guerre russo-japonaise de 1905 et la bataille de Khalkhin Gol en 1939 sont, elles aussi, expliquées et analysées, certes de manière un peu plus sommaire.
Ces trois exemples sont avant tout un moyen de voir l’évolution de la théorie des opérations en profondeur dans l’armée soviétique. Et bien que ce ne soit pas son but premier, l’ouvrage peut se lire pour simplement connaitre quelques faits de ces opérations de grande ampleur.
Quant aux passionnés de stratégie, ils ne seront pas en reste, car comme dit précédemment, il s’agit bien d’une analyse d’une théorie militaire.
Quoi qu’il en soit, « Mandchourie oubliée » est un excellent livre pour en savoir un peu plus sur ce front sous- représenté ainsi que sur les doctrines militaires de l’Union Soviétique. Par ailleurs, l’auteur rédige d’une manière qui est un minimum passionnante et surtout accessible.
De plus, lire ce livre c’est aussi en quelque sorte mettre un pied dans l’après-guerre. En effet, par cette offensive, l’URSS a pu s’accaparer la moitié de Corée et « offrir » la Mandchourie aux Communistes chinois, ce qui permet de mieux comprendre cette partie de la guerre froide.
Il est également intéressant de noter que cette offensive fût d’une telle violence et d’une telle rapidité que certains historiens émettent l’idée que c’est principalement cet évènement qui poussa le Japon à capituler et non les bombes atomiques américaines. En effet, le Japon semblait beaucoup compter sur l’armée du Kwantung pour leur baroud d’honneur face aux USA. Malheureusement pour eux, cette dernière, pourtant forte de 800 000 gaillards, a été mise en déroute en à peine plus d’une semaine. Le Japon avait d’ailleurs une immense horreur du communisme, et ces mêmes historiens pensent qu’ils ont capitulés justement pour éviter que les forces soviétiques n’occupent trop de terrain. Dans tous les cas, savoir ce qui a pousser le plus l’Empire du soleil levant à capituler reste sujet à débat.
Anecdote
En 1945, la mécanisation de l’Armée Rouge est belle et bien accomplie. Ce sont donc des armées dotées d’excellents tanks qui s’élanceront contre l’armée du Kwantung. Or, il se trouve que certains chars soviétiques démodés, en l’occurrence des BT-7, ont une autonomie légèrement supérieure aux nouveaux engins pourtant mieux armés et mieux blindés. Pour exemple, les T-34 affichent une autonomie de 350 kilomètres sur route et 250 kilomètres en tout-terrain alors que les vieux BT-7 affichent eux une autonomie de 500 kilomètres sur route, 350 kilomètres en tout terrain. Toutefois, côté japonais, les armes antichars et les tanks dignes de ce nom sont pour ainsi dire quasi inexistants. De ce fait, le 9 août 1945, une partie des tanks russes attaquant sont complètement démodés. Et pourtant le résultat sera sans appel : victoire écrasante !
- Matthieu Mancuso Chroniqueur, Historien
- "Si vous traversez l’enfer, continuez d’avancer." Winston Churchill
"Résiste et mords !", devise des Chasseurs ardennais de l'armée belge