La chute de l'Empire aztèque, le crépuscule d'une civilisation sanguinaire et raffinée

Le Spartiate
Thématique
Civilisation précolombienne
17 juin
2016

Retrouvez les précédents articles sur les Aztèques et la Conquista espagnole :

Après un long périple de plus de 400 kilomètres, en ayant traversé la jungle, subis les maladies et les attaques des autochtones, le conquistador Hernan Cortès, accompagné de ses hommes (Espagnols et alliés amérindiens), se trouve enfin devant la capitale de l’Empire aztèque, Tenochtitlan.

L'imposante cité de Tenochtitlan
L'imposante cité de Tenochtitlan

Hernan Cortès à Tenochtitlan, le choc des cultures

Les Européens sont abasourdis par la beauté de cette cité où d’énormes temples semblent surgir de l’eau. Des pirogues chargées de marchandises naviguent sur des canaux spécialement aménagés, les étals foisonnent de nourritures et d’objets précieux et les rues semblent s’étendre à l’infini. Comment ne pas être émerveillé ?

Ainsi, Bernal Díaz del Castillo, un compagnon de Cortès, relate le choc subit par les Espagnols lors de la découverte de Tenochtitlan : « Sur les tours, les temples, les canaux, partout ce n’étaient qu’Indiens curieux et il n’y avait pas de quoi s’étonner car jamais ils n’avaient vu de chevaux ni d’hommes comme nous. De notre côté nous ne savions que dire : car était-ce bien réel ces villes sur la lagune et sur la terre ? ».

Du côté aztèque, l’empereur Moctezuma veut croire au retour du dieu Quetzalcoatl, le serpent à plumes, comme l’annonce les prophéties. Cette divinité est le créateur de l’humanité. En père bienfaiteur, il a enseigné aux hommes la culture du maïs, le polissage des pierres précieuses, mais aussi la science qui permet d’étudier les astres, de mesurer le temps et l’espace.

Malheureusement, il y a fort longtemps, Quetzalcoatl fut chassé de son royaume par son frère Tezcatlipoca. Ce dernier, un dieu sombre et violent, utilisa la ruse et réussit à pervertir le serpent à plume en lui faisant boire de l’alcool.

Afin de l’humilier, Tezcatlipoca lui tendit un miroir. Quetzalcoatl se découvrant éméché, se sentit honteux et indigne d’assumer ses fonctions. Il décida alors de quitter le continent sur un radeau accompagné de plusieurs de ses fidèles. Depuis ces temps reculés, le désordre règne, mais le dieu a promis de revenir. Sa particularité, le distinguant des autres divinités du panthéon aztèque, est qu’il ressemble à un homme blanc barbu. Serait-ce Hernan Cortès ?

L'emprisonnement de Guatimocin par les troupes d'Hernan Cortes, par Carlos Esquivel y Rivas, 1856.
L'emprisonnement de Guatimocin par les troupes d'Hernan Cortes, par Carlos Esquivel y Rivas, 1856.

Moctezuma est alors impressionné devant ces Espagnols, il croit au retour du serpent à plumes, pour son plus grand malheur et celui de la civilisation aztèque.

Le souverain plein d’admiration déclare alors à Cortès qu’il peut prendre place sur son trône pour gouverner la cité.

Le serpent à plumes est enfin revenu en sa demeure.

Représentation de Quetzalcoatl (Codex Borbonicus)
Représentation de Quetzalcoatl (Codex Borbonicus)

Le conquistador reste méfiant. Il visite la cité avec son hôte, il remarque que Tenochtitlan peut vite devenir une véritable forteresse dont il pourrait rester prisonnier si les Aztèques se décidaient à relever les ponts. Il tente alors un coup d’audace et prend en otage le malheureux Moctezuma.

Cortès le met sous bonne garde dans le palais, et convainc l’empereur de se soumettre à Charles Quint. Mais ce n’est pas tout, il exige aussi que le souverain aztèque paie un tribut à la couronne d’Espagne et qu’il fasse construire une église afin de convertir son peuple au christianisme. Une certaine méfiance commence à s’installer au sein de la population. Peut-être qu’après tout, ces étrangers ne sont-ils que des hommes ?

Au même moment, Cortès apprend que Velazquez, le gouverneur de Cuba qui lui avait ordonné de rester sur l'île, a envoyé une armée à ses trousses car l'aventurier espagnol a outrepassé les ordres en partant en direction du Mexique. Le conquistador laisse alors une partie de ses compagnons d’arme dans la cité et se lance à la rencontre de la troupe venue l’intercepter.

Lorsqu’il retrouve cette petite armée, il persuade ces hommes de se rallier à lui afin de partir à la conquête de l’Empire aztèque et de ses richesses.

Les Espagnols se laissent tenter et décident de se joindre à l’aventure avec Cortès, ils prennent alors la direction de Tenochtitlan.

La destitution des « dieux blancs »

Mais lorsque Cortès et sa nouvelle armée avide de richesses arrivent devant la capitale, c’est la catastrophe !

Le conquistador avait laissé le commandement des troupes restantes à son capitaine Pedro de Alvarado, le futur conquérant du Guatemala. Ce dernier a décidé, pendant l’absence de Cortès, de massacrer une partie de la noblesse et des prêtres aztèques afin de prévenir, selon lui, un éventuel complot. La réaction du peuple indigène est immédiate, les Espagnols et leurs alliés Tlaxcaltèques se font lyncher. L’empereur Moctezuma tente de calmer ses sujets, mais celui-ci est tué d’un jet de pierre lorsqu’il se présente à son balcon.

Les combats font rage au sein de la capitale. Pedro de Alvarado et ses hommes sont encerclés, mais ils arrivent à se dégager in extremis. Ces derniers perdent dans les affrontements plus de 50% de leurs effectifs, toutes leurs pièces d’artillerie et bon nombre de leurs chevaux. Les Espagnols appellent cette journée, la « Noche Triste », une nuit triste en ce 30 juin 1520.

Noche Triste, Peinture du XVIIe siècle.
Noche Triste, Peinture du XVIIe siècle.

Désormais, la situation semble tourner en faveur des Aztèques, mais la détermination de Cortès reste inflexible.

Le retournement, la bataille d’Otumba

Quelques jours plus tard, le 7 juillet, Cortès est blessé et ses hommes sont pour la plupart en piteux état. Ils sont toujours accompagnés de leurs alliés tlaxcaltèques, mais ils doivent désormais affronter une impressionnante armée aztèque d’environ 40 000 hommes. L’Espagnol et ses troupes ne sont que 500.

Malgré leur infériorité numérique les Européens n’en démordent pas, ils sont prêts à combattre, Dieu est avec eux.

Infanterie espagnole
Infanterie espagnole

Lors de cette bataille deux conceptions de la guerre vont s’affronter avec fracas. La conception européenne vise à l’anéantissement pur et simple de l’ennemi, l’objectif étant de mettre hors de combats le plus d’hommes possibles afin de prendre possession du terrain et d’avancer au cœur du territoire adverse.

De plus, les Espagnols bénéficient d’une supériorité technologique indéniable, leurs cuirasses en acier sont très résistantes et les projectiles des Mexicas (autre nom des Aztèques)  n’auront que peu d’utilité s’ils n’atteignent pas la tête ou les défauts d’armure des combattants Ibères.

Ces derniers ont aussi en leurs possessions des mousquets ainsi que de la cavalerie, dont les charges destructrices sont très efficaces contre l’infanterie. Enfin, l’épée de Tolède fait partie des armes les plus efficaces au monde de part sa résistance et son tranchant.

Le guerrier aigle est son macuahuitl composée de pierres d'obsidiennes tranchantes.
Le guerrier aigle est son macuahuitl composé de pierres d'obsidiennes tranchantes.

Côté aztèque, l’art de la guerre n’est pas du tout le même. En effet, pour eux le combat est l’occasion de faire un maximum de prisonniers afin de les sacrifier pour nourrir les dieux. Les divinités ont besoin de sang humain pour continuer leur combat contre les ténèbres.

De cette manière, l’armement mexica est avant tout conçu pour assommer l’adversaire, tuer n’est donc pas le but. Ce système de pensée va être très pénalisant et conduire à la chute de l’empire.

Ainsi sur la plaine d’Otumba, le combat s’engage entre deux armées totalement différentes. Néanmoins, le terrain favorise l’assaut de la cavalerie espagnole qui charge au cri de « Santiago ! ».

Au cœur de la mêlée, Cortès repère le chef de l’armée aztèque, Cihuacatzin, reconnaissable par sa tenue haute en couleurs. Sa petite troupe de cavaliers fonce vers celui-ci, puis un soldat espagnol du nom de Juan de Salamanca le tue d’un coup d’épée.

Voyant leur chef massacré par ces hommes blancs cuirassés que rien ne semble arrêter, l’armée aztèque cède à la panique, c’est la débandade totale. Le combat a longtemps été indécis mais les Espagnols et leurs alliés ont brillamment résisté aux assauts adverses.


Bataille d’Otumba, Peinture du XVIIe siècle.
Bataille d’Otumba, Peinture du XVIIe siècle.

La fin d’une civilisation raffinée et sanguinaire, la chute de Tenochtitlan

Après toutes ces épreuves, Cortès tente de reprendre des forces et de reconstituer une armée puissante afin d’en finir une bonne fois pour toute avec ces maudits Aztèques. Quant à ces derniers, ils sont violemment touchés par une épidémie de variole qui fut déclenchée au contact d'un esclave appartenant aux Espagnols.

Les Mexicas, tout comme les Indiens d’Amérique du Nord, vivent sur un continent isolé du reste du monde, ils n’ont pas pu développer un système immunitaire capable de résister aux maladies importés par les Européens. C’est pourquoi la variole fait des ravages à Tenochtitlan, le successeur de Moctezuma, Cuitlàhuac meurt lui aussi de maladie, il est de suite remplacé par Cuauhtémoc, le dernier empereur aztèque.

C’est donc affaibli que les Mexicas tentent de briser le siège de leur cité encerclée par les troupes de Cortès. Ce dernier voit l’arrivée d’autres conquistadors ayant entendus ses exploits et voulant partager gloire et richesse !

Le chef espagnol décide alors de monter une double offensive sur l’eau et sur terre, afin de capturer la ville. Pour cela, il ordonne la construction de bateaux démontables, des brigantins. Ceux-ci sont armés de canons apportés par les nouvelles troupes d’aventuriers ibères. Les pirogues aztèques naviguant sur le lac Texcoco qui bordent la cité ne font clairement pas le poids.

Pour cette ultime bataille, Cortès dispose de plus de 1 000 soldats espagnols composés de 700 fantassins, 200 arquebusiers et une centaine de cavaliers, épaulés d’une batterie d’artillerie et de plusieurs milliers d’indigènes alliés. Quant aux Aztèques, ils possèdent 60 000 hommes.

Les combats vont durer 2 mois et demi. Les Espagnols lanceront des assauts la journée par voie fluviale et terrestre pour couper les lignes d’approvisionnements ennemies, puis ils se retranchent la nuit dans leurs campements.


Capture de Tenochtitlan, Peinture du XVIIe siècle.
Capture de Tenochtitlan, Peinture du XVIIe siècle.

Les Mexicas résistent héroïquement pendant ces longs mois avec des réserves en eau potable et en nourriture diminuant de jour en jour. Cuauhtémoc n’hésite pas à user de terreur psychologique face à ses ennemis. Lorsque son armée récupère des prisonniers adverses, ils sont systématiquement sacrifiés à Huitzilopochtli, le dieu de la guerre.

Les violents combats entre conquistadors et Aztèques. Les uns luttent pour l'obtention de richesses, les autres pour leur survie. Peinture d'Emanuel Gottlieb Leutze.
Les violents combats entre conquistadors et Aztèques. Les uns luttent pour l'obtention de richesses, les autres pour leur survie. Peinture d'Emanuel Gottlieb Leutze.

Les hommes de Cortès commencent à être terrifiés par ces pratiques sanguinaires, certains font défections. Si rien n’est fait ce sera la défaite. Le chef espagnol change alors de tactique, il envoie une petite partie de ses troupes contre l’ennemi, celles-ci feignent de retraiter lorsque l’armée aztèque engage le combat. Cette manœuvre permet d’attirer les Mexicas dans un piège où le gros des soldats espagnols sont massés avec de l’artillerie.

Les succès s’enchaînent alors pour les assiégeants. Le blocus commence à faire effet, et le conquistador conquiert quartier par quartier Tenochtitlan.

L’empereur Cuauhtémoc finit par être capturé, la ville est mise à sac. Après les atrocités des Aztèques, ce sont les Espagnols qui vont eux aussi se révéler cruels.

Le grand chef mexica est torturé, puis ses pieds sont plongés dans de l’huile bouillante afin qu’il avoue à ses tortionnaires où se trouve l’or de sa cité. Cuauhtémoc n’avouera pas, et il sera exécuté par Cortès quatre ans plus tard.


Capture de Cuauhtémoc, Peinture du XVIIe siècle.
Capture de Cuauhtémoc, Peinture du XVIIe siècle.

Ainsi, cette campagne militaire que l’on peut qualifier de brillante est aussi l’une des plus grandes tragédies de l’Histoire. Les Aztèques et les peuplades alentours ont subi les ravages de la variole importée par les Espagnols qui furent plus meurtriers que la guerre en elle-même. Ils ne s'en relèveront jamais.

Par la suite, Tenochtitlan fut rasée et ses temples détruits. Les nouveaux conquérants décidèrent d’installer à la place une ville à l’européenne avec un plan en damier.

Aujourd’hui, il ne reste quasiment plus rien de l’ancienne cité aztèque, à part un nom celui que porte la capitale du Mexique : Mexico, qui veut dire en langue aztèque « nombril de la Lune ».

Bibliographie

  • Danièle Dehouve, Anne-Marie Vié-Wohrer, Le monde des Aztèques, Riveneuve, 2008, 335 pages.
  • Alfonso Caso (auteur), Bernard Dubant (Traduction), Le Peuple du soleil, la Religion aztèque, Guy Trédaniel éditeur, 1995, 133 pages.
  • Marianne Mahn-Lot, La conquête de l'Amérique Espagnole, Presses Universitaires de France - PUF, 1996, 127 pages.
  • John Pohl, Aztec Warrior AD 1325-1521, Osprey Publishing, 2001, 64 pages.
  • Arnaud Blin, Les batailles qui ont changé l'histoire, Perrin , 2014, 418 pages.

Image illustrant cet article : The Cholula Massacre par Kamikazuh.