Religion et art de la guerre chez les Aztèques

Le Spartiate
Thématique
Civilisation précolombienne
28 juillet
2015

Religion et art de la guerre chez les Aztèques

Aimant l'originalité et sortir des sentiers battus, c'est tout naturellement que je me suis intéressé à la civilisation aztèque. Mes articles auront pour but de faire découvrir cette société avant la conquête espagnole, et d'en dresser un tableau le plus proche de la réalité possible.

Bienvenue au Mexique et bonne lecture !

Les Aztèques ou Mexicas sont avant tout connus pour les sacrifices humains qu'ils exécutaient de manière "quasi industrielle" dans leur cité de Tenochtitlan. C'est cette image d'Epinal qui m'a incité à tenter de comprendre cette logique, l’obsession qui poussait ce peuple à réaliser de telles choses. Il est très dur de ne pas les juger et d'essayer de comprendre, mais cette tâche doit être accomplie avec la plus grande rigueur possible et sans préjugé. L'exactitude doit primer sur les ressentiments et les partis pris.

Il faut savoir que le sacrifice humain chez les Aztèques est avant tout un rituel religieux ne pouvant s'accomplir que par la réussite plus ou moins relative d'une campagne militaire. En effet, le sang humain nourrit les dieux. Si ces derniers ne peuvent être rassasiés, ils sont alors trop faibles pour continuer leurs missions cosmiques et des cataclysmes de grande ampleur sont à redouter. C'est pourquoi les Mexicas se sont appuyés sur un système militaire efficace afin de contenter au mieux leurs divinités.

Mais avant de développer ces thèmes, un bref résumé historique permettra de mieux cerner cette civilisation exotique.

L'empire Aztèque : Une ascension fulgurante, une chute brutale

Atlantes de TulaAux alentours du XIIème siècle, la Mésoamérique (le Mexique actuel et l'Amérique centrale) est composée de multiples cités indépendantes, un peu comme à l'époque de la Grèce antique. Des petites tribus sédentaires ainsi que des peuplades de chasseurs-cueilleurs situées au Nord vivent dans cette région du monde. La cité la plus prospère à cette époque est Tula appartenant à la civilisation toltèque, mais celle-ci chute brutalement à cause d'une violente attaque d'un peuple nomade, les Chichimèques. Les Aztèques se revendiqueront à la fois des Chichimèques et des Toltèques ; cela leur permet de s'approprier des origines glorieuses légitimant ainsi leur domination sur une grande partie de la Mésoamérique.

Selon la tradition, les Mexicas sont originaires de l'île d'Aztlan (lieu du héron blanc) d'où ils partent, peu après la chute de Tula, en compagnie du dieu Huitzilopochtli (Colibri gaucher). Cette divinité est la plus importante du panthéon Aztèque. Celui-ci va ordonner à ce petit peuple de réaliser un périple où de nombreux obstacles se mettront en travers de leur chemin. Après toutes ces péripéties ils arrivent enfin à la terre promise et fonde Tenochtitlán qui signifie : "pierre du figuier de barbarie".

Détail de la première page du Codex MendozaOn peut observer que l'emblème de l'aigle posé sur le figuier de barbarie se retrouve sur le drapeau du Mexique actuel ; de plus Mexico, la capitale, a été fondée sur les ruines de l'ancienne cité des Mexicas.

En effet, c'est à cet endroit que fut sacrifié à leur dieu un redoutable ennemi du nom de Copil. Le fruit du figuier de barbarie est alors une représentation d'un cœur humain donné en offrande à Huitzilopochtli. Quant à l'aigle, il symbolise le guerrier sacrificateur. Dès lors le sacrifice humain sera l'un des éléments essentiels de la religion aztèque. C'est par ce rituel sanglant que naît cette civilisation, mais c'est aussi un élément qui provoque sa chute quelques siècles plus tard, à cause du ressentiment des autres peuplades soumises au joug Aztèque.

Une fois Tenochtitlan fondée sur une île du lac Texcoco, les Mexicas sont d'abord sous la protection de la cité de Colhuacan, appartenant aux Tépanèques. Le premier souverain aztèque est Acamapitchli, il y en aura onze jusqu'à la conquête espagnole en 1521.

Les Aztèques construisent un temple dédié à Huitzilopochtli et à Tlaloc le dieu de la pluie. La cité commence à prendre forme et, dès 1430, Tenochtitlan est indépendante grâce à l'aide de la cité de Texcoco lui permettant ainsi de soumettre les Tépanèques. Une triple alliance est alors créée entre ces deux cités ainsi qu'avec celle de Tlacopan. A partir de ce moment l'étendue de cet empire ne cessera de croître, dominant un à un les peuples rencontrés. Ceux-ci devront payer un tribut à Tenochtitlan. Néanmoins, cette conquête ne se fait pas sans heurts : les Aztèques subissent une sévère défaite en 1478 face à l'empire Tarasque situé à l'ouest du Mexique actuel. L'armée des Mexicas qui s'élevait à 20 000 hommes pour cette expédition se réduit à 5 000 hommes à la fin de cette campagne, c'est un désastre.

Mais les territoires perdus sont peu à peu reconquis par les Aztèques, sous l'empereur, ou  huey tlatoani, Ahuitzol de 1486 à 1502. Ce dernier capture des points stratégiques cruciaux, permettant de contrôler le commerce jusqu'à la côte du Pacifique. Sous son successeur Moctezuma II, le premier empereur qui a vu de ses yeux les Espagnols en 1519, l'Empire compte 25 millions de sujets, et 500 000 à 1 million d'habitants vivent à Tenochtitlan. Cette dernière est l'une des plus grandes capitales du monde. C'est donc un Etat prospère, en pleine apogée, qui voit arriver les conquistadors de Cortès. Ce dernier s'allie aux pires ennemis de l'empire, les Tlaxcaltèques.

Une dure campagne s'engage alors et Tenochtitlan tombe le 13 août 1521 après trois mois de siège combinant un assaut par voies terrestre et navale.

Toute cette épopée n'aurait pas été possible sans le professionnalisme et le "fanatisme" de l'armée aztèque. Celle-ci a permis à l'empire de posséder des richesses innombrables et de soumettre rapidement d’autres peuples qui devaient un tribut régulier à l'empereur.

L'armée aztèque : Une entité, mère nourricière des dieux

Huitzilopochtli représenté dans
le Codex Telleriano-RemensisL'armée aztèque a ses particularités propres lui permettant de s'adapter aux terrains, à l'ennemi, d'avoir des troupes motivées et de pouvoir prendre l'ennemi de vitesse. Son principal objectif est certes de conquérir, mais surtout de capturer un maximum de prisonniers ennemis. L'objectif étant de les offrir à leur dieu Huitzilopochtli pour retarder au maximum la fin de l'ère du cinquième soleil.

Formation du futur guerrier

Chez ce peuple précolombien, lors de la naissance d'un enfant, on se rendait chez un devin qui prédisait l'avenir du nouveau-né. Pour cela, celui-ci s'appuyait sur le calendrier aztèque hérité des Olmèques et des Mayas. En fonction du jour de la naissance, on pouvait déterminer le futur de l'enfant.

Si ce dernier était destiné à être guerrier, ses parents l'envoyaient à 15 ans dans le telpochcalli, une sorte de caserne où les recrues étaient entraînées à l'art de la guerre par des vétérans. La cité de Tenochtitlan était ainsi divisée en plusieurs quartiers appelés calpulli, comprenant chacun un telpochcalli pour former les guerriers et une école, calmecac, pour les prêtres.

Mais le telpochcalli était principalement réservé aux "plébéiens". Quant à la couche supérieure de la société, elle bénéficiait de quelques privilèges pour accéder à des rangs plus importants dans l'armée. Malheureusement, dans l'état actuel des recherches nous n'en savons pas plus.

Au sein de cette école de guerre, les jeunes hommes apprenaient à se servir des différentes armes de l'arsenal aztèque, l'arc lors de parties de chasse, la masse, la hache et le tepoztopilli qui était à mi-chemin entre la lance et la hallebarde. Quant aux plus méritants, ils avaient le droit de manier le bouclier, réalisé en bois dur rembourré avec du coton, ainsi que l'épée aztèque faite de bois et de pierres d'obsidiennes tranchantes, le macuahuitl.


Guerriers aztèques brandissant leur tepoztopilli (Codex Mendoza)


Guerriers aigle et jaguar aztèques brandissant leur macuahuitl (Codex de Florence).

Enfin, l'atlatl (ci-dessous) qui est un propulseur permettant de multiplier par vingt la puissance d'une arme de jet, telle que la lance, était réservé à l'élite. Il est à préciser que les Mexicas ont peu développé la métallurgie car la pierre d'obsidienne d'origine volcanique est très facile à tailler et à produire. Quelques minutes entre des mains expertes suffisent à la transformer en une arme tranchante.

Toutes ces armes ont avant tout pour but d'assommer ou de blesser l'ennemi afin de le capturer, le sacrifice ne pouvant s'effectuer que sur des êtres humains vivants au moment du rituel.

Pour parfaire la formation, les futurs soldats s'exerçaient dans de faux combats en équipe.

Outre ces exercices militaires, les jeunes Aztèques devaient aussi réaliser, toujours en équipe, des travaux publics, comme réparer les aqueducs, assécher les marais, entretenir les routes. De plus, ils continuaient à réaliser leurs tâches ménagères à la maison.

Représentation du Dieu jaguar Tezcatlipoca dans le Codex BorgiaEnfin, la religion n'était pas absente de cette formation ; en effet, les apprentis s'entrainaient à la danse rituelle pour vénérer les dieux ainsi que pour coordonner leurs mouvements ensemble, ce qui leur permettait d'acquérir une certaine discipline. De plus, tous ces guerriers étaient consacrés à leur dieu Tezcatlipoca, une sorte de saint patron.

Une fois la formation terminée, les recrues faisaient partie de l'armée impériale et partaient en campagne durant la saison des guerres qui commençait en novembre.

Cette formation concernait les personnes nées sous un jour favorable pour devenir guerrier.

Mais l'immense majorité de cette armée était constituée de macehualtin, la couche la plus basse de la société aztèque, composée essentiellement de paysans. Ceux-ci maniaient la fronde avec dextérité, car cette arme leur servait à chasser les oiseaux dans les champs ainsi que le petit gibier dans la vie civile. Une des obligations de cette classe sociale était aussi d’accomplir le service militaire.

L'armée aztèque est donc bien formée avec une école militaire tenue par des vétérans, des paysans rompus à l'utilisation de la fronde, et une détermination inébranlable de réaliser la volonté du dieu Huitzilopochtli.

Bibliographie

  • Danièle Dehouve, Anne-Marie Vié-Wohrer, Le monde des Aztèques, Riveneuve, 2008, 335 pages.
  • Alfonso Caso (auteur), Bernard Dubant (Traduction), Le Peuple du soleil, la Religion aztèque, Guy Trédaniel éditeur, 1995, 133 pages.
  • Marianne Mahn-Lot, La conquête de l'Amérique Espagnole, Presses Universitaires de France - PUF, 1996, 127 pages.
  • John Pohl, Aztec Warrior AD 1325-1521, Osprey Publishing, 2001, 64 pages.
  • Brasidas Chroniqueur, Historien

  • "Les Spartiates ne s’inquiètent pas de savoir combien sont les ennemis, mais seulement où ils sont !" Cléomène III