Le Grand Condé : Défaite politique et trahison (1/2)

Du Plessis
Thématique
21 mars
2016

Le second volet de notre chronique consacrée au Grand Condé sera divisé en deux parties. Voici la première. Bonne lecture !

Retrouvez le premier volet de cette chronique sur le Grand Condé par ICI.

Mazarin et Condé : le choc des personnalités

Portrait du cardinal Mazarin,
par l’atelier de Pierre Mignard,
1658-1660, Chantilly, musée Condé.Portrait du cardinal Mazarin, par l’atelier de Pierre Mignard, 1658-1660, Chantilly, musée Condé.

D’abord marquées sous le sceau de la cordialité, les relations entre Louis II de Bourbon et le gouvernement de la Régence, en cette fin des années 1640, commencèrent à s’envenimer. S’appuyant sur des triomphes toujours plus nombreux sur le champ de bataille, le Prince se fit de plus en plus pressant, voire insolent dans ses demandes de compensations financières. Et on suspecte, au fil de ses lettres, un mépris à peine voilé pour un gouvernement qui se résume à un enfant de 10 ans, une reine et un cardinal roturier. On devine également la mentalité d’une époque bien loin de l’idéal national.

Pour un prince de sang, la fidélité et la défense de la patrie se mesurent bien souvent à la paie. Par conséquent, le service public n’a aucun sens dès lors qu’il ne s’agit pas, en premier lieu, de se servir soi-même. Condé ne fait pas exception à la règle. Et il ne sera pas le dernier à user avec malice d’un système mis en place par les rois eux-mêmes, allant jusqu’à ériger une coutume en droit inaliénable. Exception faite d’un intérêt particulier, il fallait aussi entretenir une large clientèle qui incluait famille proche, amis et autres serviteurs occasionnels. Le sens de l’honneur l’obligeait à remplir cette tradition propre à renforcer son image de bienfaiteur.

Portrait d’Anne d'Autriche, par Rubens (1625)Portrait d’Anne d'Autriche, par Rubens (1625)

Mais Mazarin estimait que faire valoir des droits n’était pas fonction d’une exigence pure et simple. Il eut donc bien du mal à tolérer le comportement de Condé. D’autant qu’une largesse trop prononcée conduirait sans doute ce dernier à demander toujours plus, quand bien même il en mériterait moins. Sur ce point, les événements n’allaient pas le démentir.

Et pour cause, les bonnes nouvelles de la guerre n’empêchent pas les turbulences intérieures. La guerre coûte très chère. Au point que le Parlement se rebelle et force la Régente à subordonner à son vote toute mesure fiscale. Vexée, et contre l’avis de Mazarin, elle fait arrêter l’instigateur de ce mouvement : Pierre Broussel. Mais l’enfermement de cette figure très populaire créent des remous. De fil en aiguille, la colère devient rébellion, et la rébellion soulèvement. 1 200 barricades sont érigées. Du jamais vu ! C’est la Fronde. Anne d’Autriche doit de nouveau céder.

D’une Fronde à l’autre 

C’est dans cette atmosphère bouillante, où ambitions et rancœurs s’entrechoquent, que le Prince fait irruption sur la scène parisienne en 1649.

Face aux remous causés par le Parlement, Condé tente de négocier. Mais la politique mobilise d’autres ressources et sous-tend parfois des louvoiements auxquels la témérité de notre héros est totalement étrangère. Les gens de robe ne se manœuvrent pas comme des soldats en armes. Maladroit, impulsif et vaniteux, il échoue à les calmer. Pire, la révolte des juges s’amplifie. Le 5 janvier, face aux événements, la Cour quitte Paris en toute discrétion pour se rendre à Saint-Germain-en-Laye. Fuir en son propre Royaume, quelle humiliation ! Le jeune Louis XIV n’oubliera jamais cet affront.

Pour l’heure, Anne d’Autriche et Mazarin veulent faire rendre gorge au Parlement. La guerre de Trente ans terminée, ils sont bien résolus à lever une armée. Et malgré son échec au cours des dernières négociations, c’est à Condé qu’échoit le commandement.

Les Actions du Grand Condé, Blocus de Paris 1649, Le Conte Sauveur (1659-1694), Chantilly, musée CondéLes Actions du Grand Condé, Blocus de Paris 1649, Le Conte Sauveur (1659-1694), Chantilly, musée Condé.

Le blocus de Paris est éprouvant. Les soldats sont frustrés, déchaînés. Lorsqu’ils investissent la capitale, c’est une véritable boucherie. Mazarin, officiellement, s’en réjouit. En vérité, il est furieux. Condé n’a pas tenu compte de ses conseils et encore moins retenu sa troupe dans le pillage.

Si Paris est de nouveau aux mains de la Couronne, le Prince, avec un culot d’acier, vient tout de même réclamer des compensations exorbitantes. Demandant la surintendance de la navigation et des postes clés dans la hiérarchie militaire pour sa famille et ses amis, il se brouille avec Mazarin. La coupe s’avère pleine, les bornes amplement dépassées. On ne saurait être plus puissant que le roi ! La rupture est consommée. Elle convainc Mazarin de se rapprocher des anciens frondeurs, afin de faire contrepoids à l’influence grandissante de Condé. Il se résout d’ailleurs à l’arrêter le 18 janvier 1650, avec son frère Conti et le duc de Longueville, époux de sa sœur.

Maintenant, c’est au tour des princes de se révolter. On active les réseaux de clientèle. On fomente des soulèvements partout dans le Royaume. Les émissaires dépêchés sur place sont chassés, les gouverneurs fidèles à la Couronne durement malmenés.

Sous l’impulsion du duc de Bouillon et du prince de Marillac (futur la Rochefoucauld) Poitou et Limousin s’embrasent. Quant à la duchesse de Longueville, elle convainc le parlement bordelais d’entrer en rebellion. La France va de Charybde en Scylla. À Paris, Paul de Gondi (futur cardinal de Retz) souffle sur les braises et achève de convaincre les récalcitrants pour acculer Mazarin. Le 2 février 1651 son dernier soutien, Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, rompt avec lui. Le Parlement, de son côté, invite les commandants d’armée à ne plus obéir à ses ordres. Quatre jours plus tard, Mazarin prend le chemin de l’exil.

Après treize mois de captivité, Condé et les siens sont libérés. Tout semble indiquer une victoire des frondeurs. Le 16, notre Prince fait une entrée triomphale devant une foule contre laquelle il n’avait pourtant pas retenu ses coups plus d’un an auparavant.

Et comme les Parisiens, la politique suit un cours instable. Condé va vite comprendre que sa victoire apparente ne mettra pas fin aux intrigues de ses ennemis...et encore moins celles de ses « amis ».

  • Du Plessis Ancien membre d'HistoriaGames
  • "La politique consiste à rendre possible ce qui est nécessaire." (Richelieu)