Last Stand Vol.2 : Isandhlwana et Rorke's Drift

22 septembre 2014 par Lyrik | Last Stand | Guerre anglo-zouloue | Histoire

Last Stand Vol.2 : Isandhlwana et Rorke's Drift

Il arrive parfois que dans les instants les plus sombres, une poignée d'individus fasse front contre le pire des destins. N'écoutant que leur courage ou leur folie, avec ou sans expérience du combat et sans véritable espoir de réussite, ce genre de personnages peut parfois faire la différence.

L'histoire coloniale des grandes puissances européennes nous a habitués aux affrontements inégaux menés par des troupes bien encadrées et entrainées face à des hordes indigènes sauvages. Néanmoins, dans de rares cas, les Européens se sont vus défaits de manière cuisante. C'est ce dont il sera question dans ce dossier présentant non pas un, mais deux Last Stands, aux issues bien différentes : Isandhlwana et Rorke's Drift. Si cette fois-ci deux combats sont passés au crible, c'est en raison de leur contexte. En effet, ceux-ci se déroulèrent la même journée et opposèrent des protagonistes similaires au cours de la guerre anglo-zouloue de 1879.

Bref rappel

Cetshwayo en 1878La guerre anglo-zouloue fut menée pour mettre un terme à la menace zouloue qui planait sur le Natal britannique (en actuelle Afrique du Sud). Sous prétexte que l'armée zouloue de 35 000 hommes pouvait à tout moment s'en prendre au Natal, profitant des différents frontaliers entre Boers du Transvaal et Zoulous, de trois accidents locaux qui démontraient la tyrannie du roi zoulou Cetshwayo (en photo ci-contre), en stipulant qu'il serait plus profitable à l'ensemble de la nation zouloue de découvrir les bienfaits de la « civilisation occidentale » et après le rejet d'un ultimatum inacceptable par Cetshwayo, une opération militaire fut déclenchée.

Bien entendu, ces arguments servaient à camoufler les véritables motivations des autorités coloniales : il s'agissait avant tout d'étendre les possessions de la couronne mais aussi, pour les militaires stationnés sur place, de se couvrir facilement de gloire.

En effet, face à une peuplade qui ne disposait que de peu d'armes modernes, qui vivait encore grandement de l'élevage et de l'agriculture et qui possédait des us et coutumes aux antipodes de ceux des Européens, l'issue du conflit ne faisait aucun doute : le Royaume-Uni devait l'emporter rapidement et facilement. Mais le conflit s'ouvrit sur un des plus grands désastres coloniaux britanniques : Isandhlwana.

The Trooper

Lord ChelmsfordLe 11 janvier, les Britanniques envahirent le Zoulouland. L'armée britannique menée par Lord Chelmsford (en photo ci-contre) était divisée en trois colonnes afin d'avancer sur un plus large front et de chercher plus facilement la confrontation tant espérée. Les premiers jours, les quelques 17 000 hommes de Chelmsford, parmi lesquels soldats réguliers, coloniaux et indigènes, avancèrent en rencontrant peu ou pas de résistances. Il faut dire que les Red Coats étaient bien entrainés et équipés, notamment avec les remarquables fusils Martini-Henry qui n'allaient pourtant pas sauver plus d'un millier des leurs le 22 janvier. Ce jour-là, la colonne centrale commandée par Chelmsford s'arrêta et campa à Isandhlwana. Apprenant par ses éclaireurs que les Zoulous n'étaient pas très loin, Chelmsford partit à leur rencontre avec plus de la moitié de la colonne, laissant environ 1700 hommes défendre le camp.

Le camp n'était pas fortifié et cela aida grandement les 20 000 guerriers zoulous. Malgré les ravages que leur causèrent les fusils anglais, ils parvinrent à éliminer presque l'ensemble de la force stationnée à Isandhlwana. Comment une force si bien équipée et entrainée a-t-elle pu subir un tel revers ? Tout simplement par une mauvaise organisation : Le camp n'était pas fortifié, les soldats étaient déployés en lignes et donc facilement encerclables, les renforts (le reste de la colonne de Chelmsford) n'arrivèrent jamais.

Bataille d'Isandhlwana par Charles Edwin FrippMalgré l'exemple des cercles de chariots Boers qui permirent d'éclatantes victoires face aux Zoulous, les Britanniques se déployèrent en lignes et comptèrent surtout sur leur équipement et leur entrainement face à des forces largement supérieures. Au début, les salves répétées tinrent en respect l'ennemi, mais très vite, celui-ci prit l'avantage, par son courage à braver les tirs mais aussi grâce à ses effectifs, qui lui permirent de submerger la force britannique par sa formation en tête de buffle (attaque avec enveloppement des ailes ennemies). Lorsque les lignes cédèrent sous la pression ou par manque de munitions, certains soldats formèrent des derniers carrés ou se jetèrent sur les Zoulous dans un corps-à-corps violent plutôt qu'en cherchant leur salut dans la fuite.

En l'espace de quelques heures, la colonne centrale avait subie près de 1400 pertes, sans qu'aucun renfort n'intervienne. Pourtant seulement à 4 heures de marche du camp, Chelmsford ne put agir lorsque le désastre eut lieu. En effet, des rapports alarmants lui furent envoyés, lui faisant part de l'attaque de l'armée zouloue sur le camp, mais une force de diversion ennemie l'éloignait en même temps de plus en plus à l'est. L'une des plus grandes batailles de la guerre anglo-zouloue fut donc une victoire zouloue, entachée tout de même par de lourdes pertes causées par les tirs précis anglais.

The last battle

La carte de Rorke's Drift par ChardPourtant, l'avantage des Zoulous ne dura pas, puisque qu'au soir même de leur victoire, ils subirent un revers terrible. Imaginez : dans l'ex-mission de Rorke's Drift devenu hôpital de campagne, un peu plus de cent Red Coats, en grande partie de la compagnie B du 2ème bataillon du 24e régiment (le même régiment qui fut étrillé précédemment), face à 4000 guerriers tribaux. Isandhlwana parait à première vue se répéter, mais cette fois-ci, les deux officiers en charge prirent les dispositions adéquates et permirent à leurs troupes de l'emporter. Comment cela put-il être possible alors que le rapport de force est tout autant disproportionné qu'au bain de sang précédent ? Tout simplement en effectuant le contraire des mesures prises par les officiers en charge à Isandhlwana.

Prévenus par des survivants du désastre, les hommes commandés par les Lieutenants John Chard et Gonville Bromhead fortifièrent leur petit refuge par tous les moyens disponibles : murs en sacs de sable, chariots retournés, planches, meurtrières creusées dans les murs des bâtisses… Suivant l'exemple des Boers avec leurs cercles de chariots, les Britanniques se fortifièrent et s'enfermèrent dans la petite mission au risque de subir un encerclement total (et donc une élimination pure et simple) alors que les 4000 Zoulous commandés par le frère de Cetshwayo approchaient.

Bataille de Rorke's Drift par Alphonse de Neuville, 1880À 16H30, l'assaut fut lancé, mais les salves précises et répétées des Red Coats et les fortifications sommaires tinrent en respect les guerriers du prince Zoulou. Malgré la présence de quelques tireurs positionnés sur les hauteurs mais trop peu expérimentés pour représenter une véritable gêne, les Zoulous refluèrent avec de lourdes pertes. Ils retentèrent leur chance en pleine nuit et parvinrent à entrer dans le lieu faisant office d'hôpital et à l'incendier, obligeant ses occupants à fuir en creusant les murs. La lutte était âpre et ce fut souvent au corps à corps que les Britanniques repoussèrent les Zoulous, les munitions commençant à s'amenuiser. Acculés à leur entrepôt et protégés par une redoute en sacs de sable, les Red Coats ne perdirent pas pieds et continuèrent la lutte à la lueur des flammes de l'incendie qui leur permettait donc de mieux viser.

À 4h, les Zoulous lancèrent une dernière charge qui échoua. Lorsque l'aube se leva, les Britanniques craignirent une dernière attaque qui leur aurait été fatale. Mais celle-ci n'eut pas lieu. Au contraire, les Zoulous se rassemblèrent sur les hauteurs environnantes et chantèrent en l'honneur du courage et du fait d'arme accomplit par les Red Coats. Les renforts britanniques approchant, les Zoulous partirent, laissant sur le champ de bataille plusieurs centaines de morts, contre moins d'une vingtaine chez les assiégés.

Cette bataille est un exemple type de Last Stand : les Britanniques en sous-nombre démontrèrent un énorme courage mais aussi un sens de l'improvisation efficace qui leur permit de tenir tête à une armée largement supérieure. De même, il convient de noter la bravoure et le courage des guerriers zoulous qui ne craignirent pas de charger sous le feu précis des soldats britanniques tout en subissant de lourdes pertes. Cette bataille montre bien que l'organisation et la prise d'initiatives peuvent être des facteurs bien plus décisifs que le nombre des troupes ou l'équipement à disposition. Cependant il convient de noter que tous les Last Stand ne connurent pas une fin aussi glorieuse et que nombre d'entre eux virent l'extermination pure et simple de la force qui l'effectuait, comme à Isandhlwana ou encore bien d'autres exemples qui vous seront présentés prochainement...

Bibliographie

  • Victor Davis Hanson, Carnage et culture : Les grandes batailles qui ont fait l'occident, 2002, 600 pages.
  • Knight Ian et Ian Castle, Zulu War, 2004.

Les films à voir

  • L'Ultime Attaque (Zulu Dawn) de Douglas Hickox, sorti en 1979.
  • Zoulou (Zulu) de Cyril R. Endfield, sorti en 1964.
  • Lyrik Le Vétéran, Chef de la section audiovisuelle, Testeur, Correcteur

  • "I'm ashamed of you, dodging that way. They couldn't hit an elephant at this distance" Major général John Sedgwick avant d'être mortellement frappé par une balle sudiste...