La Bataille des Ardennes : Visite au Bastogne War Museum
13 août 2014 par Zglub | Les escapades d'HistoriaGames | Deuxième guerre mondiale | Musée
Après les commémorations du soixante-dixième anniversaire du Débarquement et du centenaire du commencement de la Première Guerre mondiale, cette année 2014 sera également l'occasion d'un autre anniversaire, qui touche plus particulièrement la Belgique. En effet, le 16 décembre 1944, l'Allemagne lançait une contre-offensive désespérée, visant, selon les plans initiaux, à arrêter les alliés et ainsi éviter une invasion du territoire allemand, pour ensuite les repousser jusqu'au port d'Anvers. Cette opération, baptisée Wacht am Rhein par les Allemands, Battle of the Bulge par les Anglo-saxons, est connue chez nous sous le nom de Bataille des Ardennes. L'échec de l'armée allemande scellait le destin du IIIème Reich, qui tomba quelques mois plus tard.
En mémoire de ces événements, la ville de Bastogne accueille, outre différents musées répartis dans la ville, le Bastogne War Museum. Celui-ci plonge le visiteur dans l'histoire, à travers le récit donné par quatre personnages aux origines diverses et ayant vécu cette bataille. Vous suivrez ainsi l'histoire d'Emile, 13 ans en 1944, de Mathilde, jeune institutrice de 25 ans, membre de la résistance, de Hans, officier de la 26.Volksgrenadier Division, et de Robert, caporal dans la 101ème aéroportée. Equipé d'un casque, le visiteur pourra entendre le témoignage de l'un ou l'autre intervenant tout au long de la visite. À chaque salle, chaque personnage interviendra pour relater les événements selon son point de vue, et exprimera ses craintes, ses doutes, et ses espoirs aussi.
Des années folles à la Drôle de guerre.
La première salle du musée, située juste à côté d'un char Sherman, présente la situation en Europe à la fin de la Première Guerre mondiale, à travers une série de panneaux illustrés. Les empires centraux sont vaincus. Les sommes dues au titre de dommages de guerre sont colossales. La population est plongée dans la misère. L'argent est dévalué à un point tel qu'un simple repas dans une auberge coûte plusieurs millions de Reichmarks. Le peuple allemand parle d'injustice en évoquant les sanctions infligées par les vainqueurs de 1918. Cette situation amènera à la victoire du parti nazi aux élections de 1933.
De l'autre côté de l'atlantique, la situation n'est guère plus enviable à la fin des années 20. Le krach boursier de 1929 plonge les États-Unis dans une crise financière sans précédent. Il faudra attendre 1933 et le New Deal de Roosevelt pour que la tendance s'inverse.
A Bastogne, même si la crise financière a un impact limité, on sent qu'il ne se prépare rien de bon pour l'avenir.
En Italie, le régime fasciste s'installe, tandis qu'en URSS, Staline est au pouvoir. La guerre civile a fait des ravages en Espagne.
Lentement, mais surement, les tensions montent. Puis arrive le mois de septembre 1939. L'Allemagne envahit la Pologne. La France et l'Angleterre, alliés de la Pologne, déclarent la guerre à l'Allemagne, sans pour autant engager de bataille. L'URSS envahit l'Est de la Pologne, en exécution du pacte Germano-soviétique.
La guerre résumée en quinze minutes
Après cette mise en situation, le visiteur est invité à l'intérieur d'une tente où doit se réunir les hauts commandants alliés en ce 5 juin 1944. Le but est de leur rappeler pourquoi une opération de grande envergure est prévue le lendemain 6 juin.
C'est ainsi qu'un film en 3D évoque le début de l'offensive à l'Ouest en 1940, l'invasion de la Belgique et des Pays-Bas, le repli de l'armée britannique à Dunkerque et son évacuation, l'exil en Angleterre de soldats français (dont un général qui appela, le 18 juin, un maximum de combattants français à venir le rejoindre). À l'Est, en 1941, c'est l'offensive contre l'URSS. Rien ne résiste à l'armée allemande. 1941, c'est aussi l'attaque contre Pearl-Harbour et l'entrée en guerre des États-Unis contre le Japon.
Puis vient le temps des premières défaites. En Afrique du Nord, malgré la présence de Rommel, et suite à l'intervention des Américains, l'Afrika Korps est anéanti. En URSS, c'est la défaite de Stalingrad. L'armée allemande recule.
En 1943, l'Italie capitule. Malgré une défense acharnée, la ligne Gustav est enfoncée. Les alliés remontent vers le nord de l'Italie. Dans le Pacifique, les Américains ont remporté la bataille de Midway et ont pris pied sur l'île de Guadalcanal. A l'Est, l'armée allemande recule encore.
En ce mois de juin 1944, l'heure est venue de porter le coup de grâce à l'Allemagne nazie…
Retour en 1940
Le visiteur fait ensuite un retour quelques années en arrière, au moment de l'invasion de la Belgique. Avec l'exode des populations civiles. Mathilde, l'enseignante, ne reverra jamais sa mère et sa sœur, parties dès les premières heures du conflit. Dans le but d'épargner la vie de ses soldats, le roi Léopold III, chef des armées, préfère que ses troupes capitulent. Opposé à cette idée, le gouvernement belge fuit alors en Angleterre. La France ne cache pas son mécontentement face à cet événement qui va permettre à l'armée allemande d'entrer en France plus vite que prévu. Divers objets et documents d'époque illustrent fort bien cette période agitée.
Cependant, la vie s'organise sous l'occupation. La nourriture est rationnée. Les gens essaient de fabriquer les biens et produits de première nécessité.
La collaboration avec l'ennemi est également évoquée, et illustrée par des affiches incitant les volontaires à s'engager, tandis que des panneaux relèvent les différents réseaux de résistance existant en Belgique, les actions qu'ils menaient, ainsi que le matériel utilisé (messages dissimulés dans les phares d'une bicyclette, valise contenant du matériel d'imprimerie,…).
De juin à décembre 1944
Robert, le para de la 101ème aéroportée, raconte les quelques heures qui ont précédé son saut sur la Normandie, le 6 juin. L'excitation au moment d'embarquer dans l'avion, les conditions de vol chaotiques, le saut dans le noir, l'atterrissage, le regroupement des survivants de l'unité. Et puis, ce fût la campagne de Normandie, la progression dans les bocages, la remontée vers l'Allemagne.
Puis il y eut ce soir de décembre 1944, où Robert se préparait à prendre du bon temps en galante compagnie lors d'une permission bien méritée, et ses projets furent chamboulés sur ordre du général commandant la 101ème. Il fallait embarquer pour Bastogne, car les allemands venaient de lancer une offensive de grande envergure.
Et en plus de la guerre, il fallait affronter cet hiver, terrible, qui mettait à mal les hommes et le matériel.
Les vitrines présentent les uniformes et le matériel utilisé. On ne peut qu'admirer le parfait état de conservation des armes, véhicules et autre matériel d'époque.
Au cœur de la bataille.
La visite se poursuit et nous sommes invités à nous asseoir sur des troncs d'arbres au milieu d'un trou d'obus, situé dans une forêt. Le brouillard se lève. Il fait nuit. Des rafales de mitraillettes se font entendre. On peut voir des éclairs provenant des armes. Au loin, on entend des hommes crier. Puis l'attaque cesse. Elle reprendra certainement plus tard. Les hommes ont froid et faim. Il n'y a plus de médicaments.
Robert l'américain et Hans l'allemand évoquent tour à tour cette bataille. Hans sera blessé et fait prisonnier. C'est Robert qui sera chargé de l'escorter au quartier-général à Bastogne. Puis le temps est plus clément, l'approvisionnement peut à nouveau être parachuté. Hans sera soigné avant d'être emmené à Bastogne.
De son côté, Emile, le jeune garçon, est envoyé par ses parents chez son oncle, qui tient un café à Bastogne. La cave de l'établissement est solide, et Emile y sera en sécurité.
Mathilde, de son côté, voyant les allemands revenir, et compte tenu de son passé de résistant, décide de se cacher dans une cave à Bastogne, chez un patron de bistrot membre de la résistance comme elle.
Les acteurs sont en place pour le dernier acte…
Dans un café de Bastogne…
Après avoir traversé une salle consacrée à la Bataille des Ardennes à proprement parler (matériel à l'appui), nous nous retrouvons assis dans le bistrot de l'oncle d'Emile. A travers les fenêtres, on peut voir les véhicules américains passer. Un MP règle la circulation.
Une trappe s'ouvre au sol. On entend Mathilde appeler Emile pour qu'il vienne chercher du petit bois qu'un voisin vient d'apporter. Soudain, le sifflement d'obus se fait entendre. Emile retourne à la cave. Mathilde appelle un soldat américain escortant un prisonnier pour qu'ils viennent se réfugier avec eux le temps que le bombardement cesse.
Les lumières s'éteignent, le décor change. Nous sommes maintenant dans la cave du bistrot, parmi une vingtaine de personnes, dont nos quatre héros, réunis pour la première et dernière fois. Et de cette rencontre, chacun retrouvera un peu d'humanité malgré les horreurs de la guerre.
L'espoir après les drames.
En sortant du bistrot, le visiteur est amené à traverser une pièce aux murs recouverts de miroirs. Au sol, il y a une allée, bordée de pierres tombales sur lesquelles se trouve un écran. Sur cet écran défile des photos et les noms des victimes de cette bataille, quelles soient civiles ou militaires. Certainement la salle la plus émouvante du site.
Vient ensuite la salle consacrée à la fin de la guerre, avec la capitulation allemande dans un premier temps, puis vient le Japon, qui a déposé les armes suite au largage d'une bombe atomique sur Hiroshima et Nagasaki.
La visite se conclut sur une présentation des événements historiques depuis la fin de la guerre : création de l'ONU, guerre froide, Vietnam, chute du mur de Berlin, pour finalement nous dévoiler ce qu'il est advenu des quatre héros.
Conclusion
Il est difficile de présenter ce musée sans trop dévoiler l'histoire vécue par les quatre protagonistes, car ils font partie intégrante de la visite, et en dévoiler trop risque de gâcher le plaisir des éventuels visiteurs.
En tout cas, que l'on soit passionné par le sujet ou pas, ce musée, de par la présentation qui en est donnée de la Bataille des Ardennes, ne laisse pas indifférent. De plus, il remplit à merveille son rôle de « mémoire vivante » de la Seconde Guerre mondiale. Sans tomber dans les clichés « mauvais Allemands et gentils Américains », il propose une visite accessible à tous, richement illustrée, ludique. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la visite ne laisse personne indifférent.
Pour conclure la visite, je ne saurais trop vous conseiller d'aller visiter le Mardasson, situé juste à côté du musée. Il s'agit d'un édifice en forme d'étoile, érigé en hommage aux forces alliées. À son fronton, vous pourrez lire le nom des états des États-Unis d'Amérique. Sur les piliers du monument se trouve la liste des forces américaines ayant participé à la bataille (face extérieure du pilier). Sur la face intérieure des piliers est relatée, en anglais, la bataille des Ardennes. Le toit de l'édifice est accessible, et offre une vue imprenable sur Bastogne et ses alentours.
Si un jour vous passez par Bastogne, n'hésitez pas à vous arrêter au Bastogne War Museum.
- Zglub Le Wargamer belge, Testeur de wargame
- "La guerre! C'est une chose trop grave pour la confier à des militaires." G. Clémenceau