Info sur la série |
TitreVersailles |
Saison1 |
Durée 10x52 min |
GenreDrame, historique |
CréateurSimon Mirren, David Wolstencroft |
1ère diffusion16 novembre 2015 |
Versailles
Lorsque Canal+ a annoncé ses séries pour 2015, comme tout le monde, j'ai sauté de joie à l'annonce du retour des Revenants et puis j'ai entendu parler de Versailles. Lors de mon parcours universitaire, j'ai eu l'occasion de travailler sur la question de la représentation de l'époque Moderne à travers les 7e et 8e arts. Alors, une nouvelle série qui s'attaque au plus grand roi français (ou pas) et à son palais, je ne pouvais qu'être jouasse.
Vous avez aimé Borgia (la version Canal+ - vous remarquerez au passage la même façon de promouvoir la série) et les Tudors, alors comme il me sera coutume de le dire, arrêtez de lire cet article et filez devant votre téléviseur. Vous êtes fan de séries historiques (je ne vais pas toutes les citer vous les connaissez autant que moi), là aussi, arrêtez votre lecture et aller regarderVersailles.
Pour les autres (ou ceux que cela intéresse) voilà mon avis, le bon et le moins bon, mais vous l'aurez compris, j'aime bien !
Synopsis
(épisode 1) : Versailles, 1667. Louis XIV a 28 ans. Pour soumettre la noblesse et imposer définitivement son pouvoir absolu, il lance la construction de Versailles… comme on tend un piège. Louis XIV est un jeune roi hanté par un traumatisme d'enfance, la Fronde, une rébellion des nobles contre son père, Louis XIII… Il va se révéler être un stratège politique hors du commun, manipulateur, machiavélique, et va "inventer" Versailles pour éloigner les nobles de Paris, les garder sous contrôle, et progressivement transformer le château en une prison dorée. Il est aussi capable de passions romanesques. Mais comment les vivre quand on est le plus grand roi du monde ?
Contexte historique
Versailles se place directement dans le filon des séries historiques de ces 10 dernières années.
Depuis le début des années 2000, les chaînes américaines se sont lancées dans la réalisation de séries dîtes de « nouvelles générations ». Band of Brother (125 millions pour 10 épisodes) est la première de ces séries dans le genre historique. L'engouement pour cette dernière va pousser la chaîne HBO à lancer la production d'autres séries.
28 août 2005, HBO, chaîne du câble américain, arrive en prime time avec une nouvelle série :Rome. Cette série surprend à la fois les téléspectateurs qui sont invités à suivre la chute de la République Romaine et la Naissance de l'Empire (alors que le péplum est passé de mode depuis quelques décennies déjà) mais également tout le monde scientifique. En effet, la chaîne a décidé de « mettre les petits plats dans les grands ».
9 millions d'américains et 750 000 français ont vu cette série mais malgré ces bons résultats et les multiples récompenses obtenues, la série s'arrête après deux saisons du fait des coûts de production digne des plus grosses productions hollywoodiennes (100/110 millions de dollars pour la 1ère saison, Versailles par comparaison c'est 27 millions et pas moins de 12 jours de tournages par épisodes).
Mais au-delà de relancer le genre historique dans le domaine télévisuel, ces deux séries (et plus particulièrement Rome) lance également le monde scientifique dans un nouveau débat : la réalité historique. Les moyens des séries étant de plus en plus importants, certaines chaînes n'hésitent pas à faire appel à des universitaires pour « garantir » la véracité historique de leurs productions. Pourtant, de nombreux professeurs à travers le monde (et plus particulièrement en France, aux Royaume-Unis et aux États-Unis d'Amérique) vont se lancer dans une croisade pour la vérité historique, décortiquant chaque épisode de chaque série afin de les confronter aux savoirs scientifiques et Versailles n'y coupe pas (faites un tour sur Google, ils ne sont pas tendre entre eux les historiens).
De nombreuses séries depuis s'inspirent de ces réussites/échecs, pour retracer des histoires ou des Histoires. En cette année 2015, c'est le tour de Louis XIV de prendre vie mais sous un angle différent de tout ce qui a été fait auparavant (petit et grand écran confondu) : Versailles est au cœur de l'intrigue (ou tout du moins du titre).
Bienvenue à Versailles en 1667
Tout comme les Borgia ou les Tudors avant eux, la série fait la part belle au sexe. Certes nous n'avons pas de scènes crues comme dans Spartacus, mais nous avons le droit à quelques ébats de-ci de-là dans le château. Le roi est un amant passionné, qui multiplie les conquêtes. La série profite de cette réputation pour mettre en avant un roi qui passe d'une femme à l'autre, d'un coup de cœur à l'autre. Blonde, brune, jeune et moins jeune, épouse de son frère, comtesse,… toutes les femmes du Royaume qui lui plaisent passent dans son lit, devenant un jeu pour certaines. En effet, devenir la maîtresse du roi permet d'obtenir des titres, des terres, une pension, un statut officiel à la cour et dans le jeu politique du roi (même si cette situation peut durer plus ou moins longtemps et se terminer de manière plus ou moins heureuse).
Fait nouveau, la mise en avant de l'homosexualité de « Monsieur » le frère du Roi. Si dans les séries précédemment citées on nous gratifie de quelques scènes, Versailles fait le choix de mettre en avant et ce de manière outrancière l'homosexualité de Philippe d'Orléans. Si l'époque moderne est connue pour être un temps de libéralisation des mœurs (tout du moins pour la noblesse de haut rang), très peu d'ouvrages et de films/séries n'ont jusque-là abordé de manière aussi explicite la situation à la cour de France et plus encore à Versailles. Est-ce un choix politique de la part des producteurs (Canal+ est connu pour être une chaîne qui soutient le mouvement LGBT depuis sa création) ou juste un alignement culturel sur nos sociétés modernes qui aujourd'hui traite plus ou moins librement de tel sujet (même si la France semble encore assez archaïque).
Cela me permet d'enchaîner sur un problème soulevé par le conseiller historique de la série lors d'une interview à l'Huffington Post. Je l'ai déjà abordé en introduction, la série historique est l'occasion pour une frange de la communauté scientifique de montrer à quels points les 7e et 8e arts ne sont que bêtise et perte de temps. Et la France dans ce domaine n'est pas en reste. Alors imaginez, lorsque des étrangers osent s'attaquer à Louis XIV et à Versailles, il n'aura pas fallu longtemps pour que certaines voix (ou plumes) s'élèvent et crient au scandale, à l'impérialisme américain,… C'est notamment le cas de Pauline Ferrier-Viaud, toujours pour le Huffigton Post.
Même si vous ne me le demandez pas, je vais vous donner mon avis. Les 7e et 8e arts n'ont à aucun moment, hier comme aujourd'hui, eu la volonté de réaliser des œuvres parfaitement « historiques ». D'une part car l'historicité évolue avec l'évolution du savoir scientifique : il y a 10 ans, 50 ans ou 100 ans nos connaissances sur tel ou tel sujet était différentes d'aujourd'hui et ce qui aurait été historique il y a 50 ans, peut ne plus l'être aujourd'hui et totalement impensable dans 50 ans. L'autre argument est le fait que ces œuvres sont des fictions ! Historiques certes, mais des fictions ! Alors oui, elles peuvent vouloir, dans un souci de cohérence et d'immersion du spectateur, être historiquement le plus réaliste possible mais cela s'arrête là. Elle reste libre de changer la chronologie, les personnages, les faits, après tout, ce ne sont pas des cours d'Histoire ! Vous l'aurez compris, je suis contre toutes ces personnes qui « dézinguent » de la série sous le seul prétexte qu'elles ne sont pas historiquement parfaites. Pour une analyse plus poussée, je vous renvoie vers un prochain article issu de mon master dans lequel je traite plus longuement le sujet.
Parlons maintenant du casting. Je n'avais pas du tout suivi la série avant sa diffusion, aucun teasing, aucune bande annonce, rien. Alors qu'elle ne fut pas ma surprise lorsque j'ai découvert que notre petit moine Athelstan de Vikings est devenu Louis XIV (George Blagden). Alors je regarde en détail le casting et là c'est le drame ! Pas de français (ou alors faut descendre dans les rôles). N'allez pas croire que je suis xénophobe ou patriotique au point de penser que seul un Français peut incarner Louis XIV, mais j'aurais pensé qu'une production Canal+ est fait le choix d'un casting français (il faut savoir que la série est tout autant destinée à la France qu'au pays anglo-saxons dans lesquels les polémiques et les attentes seront moins importantes). Tout comme pour Turn, la série fait appel à un casting d'inconnu ou presque. A part le premier rôle qui connaît déjà l'ambiance de ce type de production grâce à son précédent rôle, tous les autres sont plus ou moins novices. Mais cela fonctionne ! Le duo Louis XIV/Philippe d'Orléans (Alexander Vlahos) (les deux frères) est convainquant et joue sur les préjugés de leurs personnages respectifs. J'irais même jusqu'à dire que dans certains épisodes, à certain moment, Monsieur est plus intéressant que son frère ainé (psychologie, intrigue,...) mais il est largement laissé à la marge de la série (encore une fois l'Histoire se répète).
Petite mention spéciale aux femmes. Très longtemps, l'Histoire « officielle » a fait abstraction des femmes, et le cinéma (tout comme la télévision) faisaient de même dans leur création. La femme n'était qu'un élément de décors, une récompense pour le héros, une belle tête à mettre sur l'affiche,… Mais l'historiographie récente (20/30 dernières années) a changé la donne. Aujourd'hui nombre de Mémoire, Thèse et autres ouvrages universitaire ou de vulgarisation scientifique aborde l'importance des femmes dans les événements historiques. De fait, les médias ont suivi (poussé par les mouvements féministes de ces mêmes années). Là encore Versailles n'échappe pas au phénomène et pousse ces actrices à ne pas être les simples « sexe friends » du roi. La plus emblématique (et la plus intéressante après 4 épisodes) semble être la fille du médecin du Roi, Claudine (Lizzie Brocheré). Malgré le fait que cette dernière soit une invention pour la série, celle-ci incarne une véritable scientifique, pratiquant des autopsies, dessinant des organes, bref, brave les interdits au risque de finir sur le bûcher pour sorcellerie. Heureusement pour elle, elle est utile au Roi et ce dernier l'apprécie (jusqu'à présent).
Je me console en me disant que c'est à minima tourné en France,… Bon pour le casting c'est un échec, mais pour le tournage c'est bon… - euh je regarde sur IMDB pour ne pas dire de bêtise - oui c'est bon, Versailles, Vaux le Vicomte, Rambouillet, Lésigny, Vigny, Janvry, Maison Laffitte, sont autant de châteaux que de lieu de tournage, permettant ainsi aux acteurs de s'inscrire dans des cadres d'exceptions rendant à la fois hommage aux patrimoines français et permettant de s'immerger plus profondément encore (merci aux costumes et leurs 12% de budget !!) dans la série.
Pour en finir avec le casting, je vais, dans ma critique de Turn, mettre en avant le fait que ce dernier était réussi. Des gentils et des méchants qui remplissaient leur rôle aidés par un scénario plutôt bien mené. Pour Versailles et à l'heure où j'écris ces quelques lignes n'ayant vu que les 4 premiers épisodes, le casting semble cohérent, les jeux d'acteurs pertinents (encore une fois je suis la série en VF et non en VOST) et si le scénario me semblait n'avoir ni queue ni tête lors des deux premiers épisodes, il aura fallu attendre le 3e pour que cela fasse sens pour moi.
Mais à la différence de Turn ou d'une très grande majorité de série, il ne semble pas y a voir de méchant et de gentil. Pas de stéréotype donc et cela tient du fait que d'un épisode à l'autre, certain semble bon puis méchant l'épisode qui suit. Vous me direz comment peuvent-ils être bons ou méchants s'il n'y a pas de bons ou de méchants… Et bien la série nous invite à nous ranger du côté du roi (tout du moins c'est ce que je fais, peut-être par défaut, mais c'est ma conception) de fait, lorsqu'un personnage rentre en conflit avec le roi il devient « méchant » et lorsqu'il est avec le roi il est « bon ». Cela nous dirige vers un casting à la Lost, plusieurs intrigues se mêlent les unes aux autres, chaque protagoniste est porteur d'une histoire qu'il nous faut découvrir. Cela oblige donc les acteurs à être performant puisqu'aucun rôle majeur n'attire le regard (excepté le roi peut-être). Pourtant et comme pour Turn, une majorité du casting de Versailles est jeune et peu expérimenté, malgré tout, cela fonctionne. A voir sur le long terme et l'ajout de personnages supplémentaires.
Bilan
Cela nous amène à mon avis personnel sur la série. En tant qu'historien j'ai eu énormément de mal à rentrer dans la série. Défaut de formation ou simple aptitude les petites incohérences et les nouveautés m'ont empêché d'apprécier les deux premiers épisodes, ça et le fait que je n'arrivais pas à voir où il voulait aller. Après vérification dans certains livres et cours, et ayant réussi à faire la part du vrai de la fiction, je suis plutôt conquis par la série.
Côté point négatif, une mise en route un peu longue, une tendance à copier/coller un style récurant dans ce genre de fiction (sexe), des rôles encore assez sombre (pour l'instant), une difficulté notable à distinguer qui est qui ! En effet, le Roi est vêtu, coiffée, peigné, rasé,... tous les hommes à la cour s'empressent de le copier et l'on se retrouve avec tous les acteurs (ou presque) qui sont des sosies les uns des autres (à la manière de la scène de fin de V for Vendetta). Pour peu que notre culture historique de la période ne soit pas pointu, on a vite fait de perdre le fil, de se tromper dans les personnages et à la fin d'en oublier certains.
Côté point positif, de superbe costume et lieu de tournage, un Louis XIV et un « Monsieur » plutôt convaincant.
Bref, à voir le reste de la première saison. Mais il semble que Canal+ ait encore une fois réussi son coup.
- Llalnohar Le Prof, Ancien membre d'HistoriaGames
- "Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre." Winston Churchill