Info sur le film |
Titre originalNos patriotes |
Durée107 min |
Genre Historique |
RéalisateurGabriel Le Bomin |
Sortie14 juin 2017 |
Nos patriotes, critique avec spoils
Traitant de l’histoire personnelle du tirailleur sénégalais, puis résistant, Addi Ba, ayant notamment dirigé le premier maquis de la région des Vosges, « Nos Patriotes » est sorti discrètement dans nos salles obscures le 14 juin 2017.
Loin de l’énorme battage médiatique dont un film comme « La Rafle » avait été l’objet, « Nos Patriotes » parvient-il à proposer à son spectateur une œuvre de qualité ? Eléments de réponse.
Un film sans prétention...
La première chose qui frappe avec « Nos Patriotes », c’est sa simplicité. Loin du casting XXL que « La Rafle » proposait en réunissant toutes les « stars » du cinéma français (d’ailleurs, ce genre de rassemblement donne neuf fois sur dix lieu à des films décevants, et La Rafle n’échappe pas à la règle), « Nos Patriotes » ne prétend à rien d’autre que de raconter de façon simple et efficace l’histoire de Addi Ba. Pas de superflu, pas de fioriture. L’œuvre qui nous est proposée reste sagement dans les canons du cinéma, sans offrir une originalité démentielle. Ce n’est dans tous les cas pas ce qu’on lui demande.
Ainsi, ce long métrage ne répète pas les erreurs commis par d’autres. En ayant fait l’objet d’une campagne médiatique limitée, il réduit la pression et les attentes du public, sans être érigé par la communauté du cinéma français comme un nouveau porte drapeau de la mémoire nationale entre 1939 et 1945.
Pour autant, le résultat reste plutôt convaincant et satisfaisant. À l’inverse de « La Rafle » (que je n’ai pas du tout aimé vous l’aurez sans doute compris désormais), « Nos Patriotes » ne fait pas l’erreur de se prendre pour ce qu’il n’est pas. Le film reste conscient de sa dimension et de son objectif, et il va droit au but, sans s’égarer. C’est donc une œuvre très sage et très classique qui nous est présenté dans la mise en scène. L’action est chronologique, de l’arrivée de Addi Ba sur le front en 1939 au sein de son régiment de tirailleurs jusqu’à sa mort, lorsqu’il est fusillé en 1943.
Une recette qui fonctionne, sans être révolutionnaire
La mise en scène est assez soignée. Il en va de même pour les dialogues. Rien de bien transcendant à signaler, même si du fait de sa discrétion, le film ne suscite aucune attente faramineuse.
On notera toutefois, et c’est appréciable, que le réalisateur ne se sent pas obligé de faire déborder les bons sentiments ou de mettre à tout va de la musique larmoyante. Ici, les scènes « tristes » ne prennent pas en otage le spectateur au point de lui imposer l’émotion qu’il doit ressentir. Le spectateur reste ainsi maitre de son libre arbitre en visionnant le film. Il n’est pas guidé ou accompagné par une réalisation qui chercherait à lui imposer une quelconque émotion, ou un quelconque moment précis où il FAUT pleurer.
C’est donc libéré de tout préjugé que « Nos Patriotes » se dévoilera à vous, présentant un contexte historique d’une époque donnée pour ce qu’il fut réellement.
Côté contexte historique justement, parlons-en. Le film vous plonge dans la vie en France sous l’Occupation. L’action débute lorsque Addi et ses camarades, fait prisonniers par les Allemands, sont massacrés par ceux-ci. En effet, au-delà de l’idéologie raciste des nazis, les Allemands ont un profond ressentiment contre les troupes coloniales depuis qu’elles furent envoyées pour occuper la Ruhr durant les années 1920. La chose avait alors été vécu comme un véritable traumatisme, une humiliation et comme un affront outre Rhin.
Notre héros parvient toutefois à s’échapper avec quelques camarades et trouve refuge chez l’institutrice du village avoisinant, joué par Alexandra Lamy. Alsacienne de naissance et plutôt hostile à l’occupant allemand, elle nous offre dans ce film une prestation correcte. Le couple qu’elle compose avec son mari parvient par ailleurs à mettre en lumière de façon efficace et pertinente la rhétorique du « plutôt les fachos que les cocos », rapidement adoptée par bon nombres de français à cette époque.
Mais revenons à Addi. Durant sa cavale, il perd de vue son meilleur ami et se met en tête de le retrouver. Toutefois, du fait de sa couleur de peau, il fait une cible facile à rechercher pour le nouvel occupant qui ne tarde pas à prendre ses aises dans la zone nord du pays. En le gardant plus longtemps caché sous son toit, l’institutrice prend des risques énormes. Elle décide donc de lui trouver une voie de sortie avant que son mari ne se décide à dénoncer anonymement sa présence dans le grenier.
Des réseaux clandestins s’organisent alors rapidement et les bûcherons de la région, très excentrés des villes, et relativement ignorés par l’occupant, accueillent plusieurs de ces ex-tirailleurs en cavale. N’allez toutefois pas croire qu’ils le font par pure bonté d’âme. C’est avant tout l’occasion pour eux d’avoir des paires de bras supplémentaires pour peu cher à disposition, et le film ne cache pas l’ignorance, le mépris et le racisme de la population locale à l’égard des tirailleurs sénégalais.
Par ailleurs, « Nos Patriotes » a le mérite de ne pas être trop manichéen et présente de façon juste, sans être pour autant accablante et culpabilisante, le racisme français ordinaire propre à cette époque.
Petite parenthèse : enfin un film qui ne sous-entend pas avec lourdeur que nous devons nous excuser pour les actes de nos ancêtres, mais sans pour autant nier leur existence. Dépeindre des faits historiques et des mentalités propres à une époque de façon objective et indépendamment de toute visée moralisante, rien que pour cela, on peut dire merci à « Nos Patriotes ».
La principale qualité de ce film réside alors dans le fait qu’il laisse une véritable marge d’appréciation à son spectateur, sans chercher à guider sa pensée. De façon juste et objective, profitant d’un gros travail de recherches pour retracer le parcours de Addi, le long métrage dépeint un contexte historique plausible et réaliste, sans pour autant trop le creuser. On peut dès lors regretter le fait que le film survole bien trop certains éléments.
Mais revenons un peu à Addi et à son histoire. À l’inverse de ses camarades qui n’ont que peu d’attaches à la France métropolitaine et qui fuient rapidement via la Suisse, notre héros possède une particularité qui lui permet d’être relativement accepté : il a grandi en France et a étudié à Paris.
À cette époque, ce parcours et cette trajectoire restent cependant exceptionnels. Il va alors profiter du soutien d’un fonctionnaire de la préfecture d’Epinal pour obtenir des faux papiers le déclarant citoyen français. Sous un nouveau nom, Addi peut alors commencer à circuler librement. Ce fonctionnaire, joué par Pierre Deladonchamps, mettra en évidence dans le film les difficultés qu’ont eu les communistes à se faire accepter au sein des réseaux de résistances français dirigés depuis Londres. Il va toutefois mettre d’énormes moyens à disposition d’Addi pour lui permettre de commander le premier maquis vosgien d’envergure, capable de frapper l’occupant dans le cadre d’opérations clandestines. Les retombées ne tardent pas à se manifester : Addi est vite surnommé « le terroriste noir » par l’occupant, et sa tête est mise à prix.
Après quelques coups d’éclats et quelques succès locaux, il sera capturé, puis fusillé en 1943 suite à la délation d’un jeune garçon de ferme qui ravitaillait les maquisards. Encore une fois, le film parvient à aborder un point de la vie sous l’Occupation de façon juste et humaine. Sans débordement émotif exacerbé, la scène finale nous offre un moment puissant où l’image et la parole se lient de façon harmonieuse.
On déplorera pour finir l’existence de quelques scènes lourdes et pas vraiment utiles, mais sans lesquelles, il faut croire, le cinéma français actuel ne sait faire. Dommage, car les remplacer par d’autres, plus inspirées, aurait fait gagner au film en cohérence.
Un casting inégal porté à bout de bras par Marc Zinga
Après avoir expédié rapidement le scénario et l’histoire du film, qui n’est ni plus ni moins qu’inspirée de celle de Addi Ba, et après avoir souligné les qualités de ce film qui résident avant tout dans sa simplicité, passons au casting.
Si j’ai souligné la prestation correcte d’Alexandra Lamy, les choix portés sur l’équipe d’acteurs constituant le film restent inégaux. C’est bien Marc Zinga, le jeune acteur belge, qui porte le film à bout de bras grâce à son interprétation bluffante et sans faute de Addi Ba. Son jeu d’acteur et la palette des émotions qu’il nous offre à l’écran sont largement à la hauteur des attentes qu’il suscite.
À l’inverse, on déplorera la présence de Louane, dont on ne comprend pas vraiment ce qu’elle fait ici, et qui tire le film vers le bas de par son jeu d’actrice catastrophique.
L’ensemble offre donc un résultat inégal, dont les insuffisances sont bien camouflées par le charisme de Marc Zinga.
Conclusion : un film correct, mais loin d'être exceptionnel
« Nos Patriotes » est un film correct. Loin d’être exceptionnel, il remplit les objectifs qu’il se fixe, à savoir nous faire connaitre le parcours méconnu d’Addi Ba. La simplicité et l’efficacité restent la marque de fabrique de ce film qui pêche malgré tout par une absence totale d’ambition. On reste dans quelque chose de très académique et de très convenu qui ne suffit pas à faire du long métrage en question une œuvre de référence.
Toutefois, grâce à son premier rôle étincelant, « Nos Patriotes » parvient à assurer le service minimum et ne réitère pas les erreurs d’autres films étant passés par là avant lui... Et ça, ce n’est déjà pas si mal !
- Zog Chroniqueur, Historien, Testeur, Youtubeur
- « Une Europe fédérée est indispensable à la sécurité et à la paix du monde libre. » par Jean Monnet en 1952