Info sur le film |
Titre originalMary Shelley |
Durée120 min |
GenreDrame, Historique |
RéalisatriceHaifaa Al Mansour |
Avec
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SortieAoût 2018 |
Mary Shelley
Certains personnages de fiction sont tellement célèbres que leur image va bien au-delà de l'oeuvre littéraire dont ils sont issus. En occident, tout le monde - ou presque - aura une idée de qui sont Dracula, Roméo et Juliette, ou encore Don Juan sans avoir jamais lu les ouvrages d'origine. À force d'interprétations, de versions, ces personnages deviennent des incontournables de l'imaginaire collectif et se transforment en mythes.
Frankenstein est de ceux-là. Qui d'ailleurs, pour se rappeler distinctement que ce nom est celui du créateur, et non de la créature ? Qui pour raconter quoi que ce soit à propos de l'auteure, Mary Shelley ? Ignorance à laquelle je participe moi-même, n'ayant pas lu l'ouvrage - lacune que je compte désormais combler au plus vite - et ne connaissant de son auteur que le nom.
Aussi, lorsque j'ai vu la bande annonce pour ce film - je ne sais résister aux biopic qui s'intéressent aux artistes - j'ai su qu'il fallait que je le voie. D'autant que l'angle un tant soit peu féministe sous lequel il s'annonçait ne me laissait pas indifférente. Un ingrédient à manipuler toutefois avec parcimonie : les films trop revendicatifs, même lorsque j'en partage l’opinion, m'agacent rapidement et surtout, gare à l'anachronisme dans la peinture des mentalités !
Mary est née dans une famille d’intellectuels aux idées progressistes : sa mère, Mary Wollstonecraft, décédée quelques jours après sa naissance, était connue pour son pamphlet en faveur des droits des femmes, mais également pour sa vie scandaleusement libre. Son père, William Godwin, était philosophe et écrivain. Tous deux partageaient les mêmes idéaux d’une société fondée sur la raison.
La jeune Mary va donc bénéficier d'une éducation et d'un environnement intellectuel rares à l'époque, surtout pour une fille. Elle développe très tôt un esprit libre, dévore les histoires de revenants – le roman gothique est alors très à la mode - et commence à écrire.
À 16 ans seulement, Mary tombe amoureuse de Percy Shelley. Ce poète de 21 ans, sulfureux et libertin, a déjà quelques scandales à son actif, dûs à son esprit furieusement anti-conventionnel. Mary s'enfuit avec lui, une liaison d'autant plus immorale que Shelley est déjà marié et père d'une petite fille. Mais tous deux partagent l'idée d’aimer librement. Mary réalise rapidement à quel point cette idée est à double tranchant : si Shelley demeurera le seul amour de sa vie, le poète, quant à lui, entend suivre son coeur et ses désirs comme il l’entend. Tous deux ambitionnent de se consacrer à l'écriture, mais le couple connaît des hauts et des bas, aggravés par le décès de leur petite fille ainsi que par des soucis financiers.
Autant de déceptions, d'épreuves, de deuils et de solitudes qui vont nourrir la plume de Mary lorsqu'elle rédigera "Frankenstein ou le Prométhée moderne". Une oeuvre, considérée par certains comme le premier roman de science fiction, où l’auteur mêle aux sentiment personnels, le goût de l'époque pour l'imaginaire gothique et scientifique. Le film s’intéresse également à la difficulté de faire publier une histoire jugée peu respectable pour une jeune femme, quand on ne doute pas carrément qu'une femme ait pu l'écrire ! Ce n’est pas un hasard si le sujet a captivé Haifaa Al-Mansour, première réalisatrice saoudienne, aux commandes de ce biopic.
Mary Shelley est donc une histoire d'amour, de solitude, de création, mais nous parle également de la liberté de choix. Il y a sans doute quelques répliques que l'on sent trop théâtrales, trop évidentes, voire trop modernes dans la révolte des propos, mais quel feu semble animer cette Mary Shelley sous les traits d’Elle Fanning ! Les choix qu’elle fait – bons ou mauvais - c'est également en femme responsable qu'elle les assume, même lorsque leurs conséquences sont douloureuses.
Autour de la romancière gravitent des personnages tout aussi intéressants : il y a son père, touchant dans sa volonté de l'éduquer hors des conventions sociales, et à la fois terriblement lucide sur l’impossibilité d’être heureux dès lors que l'on choisit de s'en écarter. Il y a Shelley, poète maudit, désarmant dans ses élans romantiques et si terrible dans sa volonté d'être libre à tout prix, et d’imposer cette propre liberté à Mary.
On pourrait également parler de Claire Clairmont - fille de la seconde épouse du père de Mary - qui revendique la même liberté, et sans avoir la force morale de Mary pour en endurer les conséquences. Il y a le jeune docteur Polidori, si touchant dans sa conscience aigüe des sentiments d'autrui et dans sa volonté de ne blesser personne. Et puis il y a Lord Byron : dandy extravagant, inquiétant, incontrôlable, poussant sa liberté d’agir et de penser jusqu'à la cruauté manifeste. Sans doute le personnage le plus insaisissable.
Le film n’est pas exempt de défauts. La réalisation est assez classique, peut-être trop évidente même, par moments, avec une Mary tantôt quasi muette tantôt presque trop théâtrale, mais je me suis laissée entraîner avec émotion dans ce portrait de femme et d’écrivaine. De plusieurs écrivains, en réalité, avec Shelley, Byron et Polidori. De quoi donner envie de découvrir leurs oeuvres à tous les quatre, et de creuser plus avant le contenu de ces existences pour la plupart brèves, tragiques et pourtant si intenses.
- Akialam Lectrice, spectatrice, visiteuse d'expo et blogueuse !Twitter | Facebook
- “La première et la plus simple émotion découverte par l'esprit humain est la curiosité.” Edmund Burke
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