Info sur le film |
Titre originalLa Peur |
Durée93 min |
GenreGuerre, drame |
RéalisateurDamien Odoul |
Sortie12 août 2015 |
La Peur
Tirée du roman autobiographique de Gabriel Chevallier paru en 1930, La Peur nous plonge dans l'enfer de 14-18, à travers le regard d'un jeune homme qui y a survécu de bout en bout.
Ici, cependant, pas de reconstitution historique à visée pédagogique : l’ensemble est entièrement, et de façon d'ailleurs très assumée, subjectif. Nulle trace d'héroïsme dans ce récit viscéral, nulle haine de l'ennemi : seule l'absurdité, la peur, l'injustice et la mort y règnent. Un récit désabusé de cette boucherie où domine surtout une critique des cadres peu regardant sur le coût en vies humaines des lors qu'elles lui permettent de monter en grade. Il n'est bien entendu pas question de remettre ici en cause cette vision peut-être un peu trop manichéenne, car elle est fidèle à celle exprimée par l'auteur dans l'ouvrage dont le film est adapté.
C'est donc sur l'objet cinématographique en lui même que je vais m'attarder davantage. À vrai dire, je ne peux pas dire que le film m'ait totalement convaincu : il n'est ni le brûlot cinglant en faveur du pacifisme qu'on s'attendrait à voir, ni la transfiguration de la souffrance qui aurait pu être celui d’un chef-d’œuvre. En effet, le réalisateur jongle de façon plutôt maladroite, avec les extrêmes et semble hésiter entre réalisme brut et effets de style stylistiques inutiles. Les éléments bruts, l'image comme la diction, censés renforcer l'impression de réalisme, créent au contraire une distance avec le spectateur, empêchant une réelle empathie qui aurait été nécessaire au propos. Quant aux éléments plus fantaisistes, il n’apportent rien de plus à l’histoire, pas même de supplément d’émotion. Entre folie - celle des autres et, amère lucidité, la sienne-, le personnage principal promène son regard désabusé et ses guêtres boueuses parmi des scènes les plus terribles aux plus fantasques. Malheureusement, on n'y croit plus vraiment, et le réalisateur finit par perdre le spectateur, même de bonne volonté.
Finalement, au delà de l'horreur de cette guerre d'un genre nouveau que ni les mobilisés de tous grades, ni les militaires de carrière n'étaient prêts à mener, il reste un aspect, qui compte selon moi parmi les plus intéressants, qui sera brièvement évoqué à la toute fin du film, celui de l’après. Car avoir survécu est une chose, mais comment revenir à la vie normale ? Comment raconter à ceux qui sont restés à l'arrière ce qu'ils ne peuvent imaginer derrière les images et les textes de propagande ? Comment, une fois la guerre achevée, témoigner alors que les autres voudront tourner la page ? Ces questions sont celles qui se posent pour tous les grands traumatismes de l’histoire, et renferment à elles seules tous les enjeux de mémoire et de transmission.
Il demeure tout de même quelques moments à part qui, pendant un instant, prennent le spectateur aux tripes et le plongent dans la confusion et le chaos. Comme cette attaque de nuit filmée en caméra à l'épaule, débutée dans un déluge de feu, où l'on saisit fugacement, à défaut de pouvoir intimement la comprendre, cette terreur qui étreint les soldats devant cet enfer mécanique et chimique où l'ennemi humain reste invisible. De ces moments qui laissent imaginer la force viscérale qu’aurait pu avoir ce film, s’il avait suivi d’autres voies.
- Akialam Lectrice, spectatrice, visiteuse d'expo et blogueuse !Twitter | Facebook
- “La première et la plus simple émotion découverte par l'esprit humain est la curiosité.” Edmund Burke
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