Info sur le film
Titre originalJojo Rabbit
RéalisateurTaika Waititi
ScénaristeTaika Waititi
Durée108 min
GenreComédie noire
SortieJanvier 2020

Jojo Rabbit, un film qui fait du bien

Maréchal de l'Empire
Thématique
Seconde Guerre mondiale
10 février
2020

Venant tout juste de remporter l'Oscar du meilleur scénario adapté, Jojo Rabbit est la dernière comédie en date de l'acteur/réalisateur néo-zélandais Taika Waititi (Boy, Vampires en toute intimité, Thor : Ragnarok...). Les premiers trailers avaient suscité beaucoup de réactions en bien comme en mal. En cause ? Le personnage imaginaire du protagoniste : Adolf Hitler.

Mais qui n'a jamais eu d'ami imaginaire étant petit ? Peut-être, mais sûrement pas Hitler me répondriez-vous ! Réponse non dénuée de sens car vous n'avez ni connu ni grandi durant cette époque trouble de l'Histoire.

La nouvelle création du déjanté Taika Waititi se veut avant tout comme une comédie noire, une satire du nazisme s'inspirant du roman  Le Ciel en Cage, de Christine Leunens, paru en 2007.

Jojo Rabbit

Jojo est un jeune garçon de 10 ans qui entre dans les jeunesses hitlériennes à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mais voilà, celui-ci est un brin peureux, prudent et plutôt timide. C'est ainsi que, dans des situations de désespoir, de joie ou de tristesse apparaît son ami imaginaire : Adolf Hitler. Celui-ci, vient donner ses conseils (version IIIème Reich pour enfant de 10 ans). Hitler apparaît alors comme amusant, même jovial et un brin susceptible dans certaines situations (vous m'en direz tant).

Ce personnage d'Hitler correspond à une vision aveuglée, unilatérale d'un enfant inondé par la propagande nazie. À tel point que Jojo ne jure que par Adolf et le Reich. Qu'il ne voit son avenir que par cette voie... Mais pourtant, ses espoirs vont être chamboulés car sa mère, jouée par la sublime Scarlett Johansson, cache une petite fille juive, Elsa.

Que se passe-t-il quand un enfant aimant passionnément sa mère et qui voue un culte sans nom pour Adolf Hitler découvre cela ? Tiraillé par ce qu'il voit au quotidien, dans une ville allemande à la fin de la guerre qui doit faire face à l'arrivée des troupes américaines et russes, et à son aveuglement au Reich, on obtient un enfant de 10 ans, paumé.

Jojo Rabbit est un film très bien dosé. Il est fait d'une multitude de détails qui, en premier abord, peuvent nous échapper. Le fond du film est finalement assez sombre. On a une mère et un fils qui évoluent dans une ville allemande où les agissements de la Gestapo et de la SS sont monnaie courante, où l'arrivée des alliées est attendue dans l'anxiété pour certain (ou la joie pour d'autres), et où les civils doivent faire avec un rationnement quotidien... En somme, une vie dure dans une ville d'un pays quasi vaincu à la fin d'une guerre mondiale.

Pourtant, Taika Waititi fait passer cela en arrière-plan (sans pour autant le délaisser ou lui faire perdre de l'importance) en apportant des séquences drôles et légères. Elles sont amplifiées par la relation entre Jojo et les apparitions d'Hitler donnant lieu à des scènes complètement déjantées mais drôles.

Ceci étant, malgré cette légèreté, le film sait très bien, en quelques séquences, nous prendre aux tripes et nous replonger dans une réalité qui est celle de la guerre. Et plus particulièrement d'une guerre menée par les nazis contre les opposants du régime.

Ainsi, tout au long du film, on est ballotté par les a priori de Jojo sur les juifs, conditionné par la propagande du IIIème Reich et de la relation qui se noue avec Elsa. En soit, il est vrai que la trame scénaristique reste classique. Néanmoins, elle est embellie par les dialogues mais aussi et surtout par la réalité de l'époque, certainement terrifiante. C'est-à-dire la confrontation entre deux mondes distincts : celui d'un monde « adulte » où la guerre est au centre de tout et la vision d'un enfant de 10 ans. Le choc est terrible en somme, bien que Jojo soit galvanisé et aveuglé par les idées reçues, il a des réactions d'un jeune enfant qui vont à l'encontre de ce qu'on a pu lui apprendre. Se développe alors, un esprit juvénile critique entre ce qu'il voit, ce qu'il entend et ce qu'il a appris.

Jojo Rabbit

Enfin, cette dernière partie de ma critique est fondée sur d'autres avis que vous pouvez retrouver un peu partout sur le net. En effet, vous aurez maintes occasions de lire ce genre phrases « faire un film humoristique sur le nazisme est un pari difficile », « Un film sans fond, de quoi parle-t-on ? Du nazisme, des jeunes hitlériennes ? ». Sans parler des avis de personnes "connues" disant que ce film n'a pas lieu d'être.

À mon sens, les journaux et autres personnes ayant cet argumentaire sont à côté de la plaque. Ces gens semblent croire que ces productions viennent banaliser Hitler et le nazisme. Et que de surcroît, ce genre de film représente un danger. En un sens, ça peut l'être si le film est mal réalisé ou s'il est mal dosé entre sa trame scénaristique, son rythme, son humour, ce qu'il dénonce et comment il le fait. Ce qui n'est clairement pas le cas avec Jojo Rabbit.

Le problème est que sous prétexte de voir Hitler sous une « autre forme » ou d'y voir des symboles nazis (je caricature mais à peine) les gens préfèrent s'arrêter là. Alors que le fond est bien plus intéressant. Le film met en lumière - à sa manière, j'en conçois - le bourrage de crâne imposé à des enfants par un régime dont la violence n'eut d'égal que ces agissements. C'est d'ailleurs à ce titre, qu'existe le personnage du capitaine Klenzendorf (joué par Sam Rockwell) qui est complètement désabusé du début à la fin du film. Il est aussi intéressant de voir que Jojo Rabbit montre l'implication, ou plus exactement, l'utilisation des civils allemands lancé dans des batailles urbaines désespérées face aux Alliés.

Pour terminer, il est peut-être nécessaire, pour certain, lorsque l'on voit un film de ce type-là, d'essayer -ne serait-ce qu'une seule seconde- de se mettre à la place des gens qui ont vécu cette période-là. De ne pas tenter de l'aborder avec notre vision où l'on s'offusque de certaines fictions et directions artistiques. Car, on ne peut qu'effleurer le ressentiment des gens et des enfants ayant été bercés par une époque aussi sombre, troublante et étrange que la Seconde Guerre mondiale. Le film n'offre pas forcément une dénonciation d'actes. Il montre l'évolution (ou pas) des opinions de personnes confrontées à des faits que l'on sait avérés au grès des circonstances de l'Histoire.

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