Les armes suicides de l’armée impériale japonaise durant la Seconde Guerre mondiale

L'Amiral
Thématique
Seconde Guerre mondiale
25 avril
2018

L’Armée impériale japonaise est une formation militaire des plus puissantes dans le monde en 1941. Elle n’a pas de rival à proprement parler dans sa sphère d’influence géographique, à part les troupes soviétiques positionnées à la frontière de la Mandchourie et qui ont déjà écrasé les forces japonaises deux ans plus tôt.

La topographie du terrain (îles, jungle, etc) font que le Pacifique nécessite des méthodes de combat très différentes où l’infanterie n’a pas encore dit son dernier mot face aux blindés. Il suffit de voir le programme blindé (maladif voire chétif) de l’Armée impériale japonaise pour se rendre compte du peu d’opposition « lourde » qu’elle rencontre.

Mais à partir de 1942 et les premiers combats avec les Etats-Unis, la mentalité du « bushido » (code d’honneur) s’impose de plus en plus… jusqu’à aller au sacrifice. Ces actes qui au début seront un dernier recours vont être petit à petit instrumentalisés et pleinement intégrés à la doctrine militaire japonaise, jusqu’au développement d’armes spécifiques.

Les actions suicides sont utilisées depuis le début de la guerre sino-japonaise et savamment orchestrées par la propagande d’alors. L’idée qui en découle est qu’il faut préférer le suicide au déshonneur de la capture par l’ennemi. Ce qui était au début une technique purement défensive va devenir offensive avec l’apparition des fameuses « charges banzai ».

Les armes suicides de l’armée impériale japonaise durant la Seconde Guerre mondialeL'USS Bunkerhill vient d'être touché par deux kamikazes, Seizo Yasunori et Kiyoshi Ogawa, le 11 mai 1945. Environ 400 Américains périrent suite à leur attaque.

« Tenno Heika Banzai ! »

La « charge banzai » est fortement implantée dans les mentalités japonaises en 1941 comme une alternative militaire au seppuku. Elle est d’ailleurs tirée des techniques dites de gyokusai, c’est-à-dire « d’honorable suicide ».

Dès le début du XXème siècle, les gouvernements japonais cherchent à étendre l’influence du bushido sur les populations japonaises afin qu’elles soient fidèles à l’empereur. Très vite, les charges banzaï sont récupérées par la propagande et sont enjolivées des vertus du bushido afin d’effacer le deuil des familles. La mort d’un proche lors d’une charge banzaï est alors vue comme honorifique. La mort devient un devoir pour atteindre la pureté recherchée par le gouvernement japonais.

Néanmoins, devant les troupes chinoises désorganisées et assez mal armées, ces charges ne seront que peu utilisées. Il faut attendre les combats contre les Américains qui disposent d’un meilleur équipement et d’une meilleure logistique pour que ces « vagues humaines » prennent leur ampleur.

Plusieurs exemples de l’emploi de charges banzai sont notés dès le début de 1942 ; le 17 août, des troupes des U.S. Marines raiders (troupes légères opérant derrière les lignes ennemies) effectuent un raid sur l’île de Makin. Totalement surpris, les défenseurs des emplacements d’armes lourdes sont neutralisés. La garnison, prise de court, réagit d’abord de manière peu organisée. Les officiers, en regroupant les soldats, décident alors de lancer une charge banzai sur les U.S. Marines maintenant retranchés aux abords de la base. L’armement américain est décisif : M1 Garand, BAR et Thompson permettent de faucher les assaillants japonais, qui ne parviennent pas à atteindre leurs objectifs. Un échec n’est jamais définitif car le principe de la charge banzai est qu’elle se répète jusqu’à épuisement du dernier homme.

Dans la pure tradition du bushido, les officiers emmènent souvent leurs hommes dans les charges suicidaires. La propagande les compare alors aux samouraïs des anciens temps : le colonel Kiyonao Ichiki, à la bataille de Guadalcanal (21 août 1942) mène lui-même 800 soldats japonais à l’attaque du terrain d’aviation de Henderson Field lors de la bataille de Tenaru. Comme la plupart du temps, les troupes japonaises tombent sur des lignes de défense solidement établies et sont étrillées. Mais si les charges banzai peuvent déstabiliser une troupe surprise, la plupart sont totalement inefficaces, même les plus grandes.

Les armes suicides de l’armée impériale japonaise durant la Seconde Guerre mondialeSoldats japonais sur une des plages à Guadalcanal, tombés lors d'une charge banzai.

Lors de la bataille de Saïpan (du 15 juin au 9 juillet 1944), ce sont plus de 4500 soldats japonais qui s’élancent en même temps sur les positions américaines. La supériorité numérique est énorme, et alors que les Américains perdent 650 hommes, 4300 Japonais sont tués. Comme dernière extrémité, la charge banzai n’est que là pour sauver l’honneur mais n’a aucune portée stratégique ni tactique.

Concernant l’infanterie, une seule arme kamikaze a principalement été développée : la mine lunge. Décrite seulement à partir de mars 1945 par les troupes américaines, elle relève d’une conception simpliste qui montre la volonté délirante de l’état-major japonais de sacrifier ses troupes. De plus, l’Armée japonaise accuse un retard considérable tout au long de la guerre à propos de son armement antichar, ne parvenant à percer les Sherman américains que dans de rares occasions.

Les armes suicides de l’armée impériale japonaise durant la Seconde Guerre mondialeUne mine lunge et son emploi, figuré par les Américains.

La mine lunge se compose d’une épaisse perche de bambou (entre 1,5 et 2 mètres) surmontée d’une charge creuse conique en tôle de 5,3 kg, dont 2,3 kg d’explosifs. Trois tiges de 13 cm terminent le tout, afin de favoriser l’effet de la charge creuse. Après avoir dégoupillé la mine, le soldat japonais doit s’élancer contre un char et plaquer la charge sur un flanc. Là, il exerce une pression sur la perche qui brise alors la dernière sécurité, déclenchant le phénomène de charge creuse (vulgairement résumé, la détonation produit un jet en fusion concentré qui bénéficie d’un grand pouvoir de pénétration). Les essais japonais concluent que la mine lunge peut percer jusqu’à 150 mm de blindage, alors que les flancs du Sherman ne sont épais que de 38 mm ! Après avoir déclenché sa charge, le soldat japonais meurt dans l’explosion ou est abattu par les troupes d’accompagnement. Aucune utilisation concrète n’est réellement avérée.

Ce projet est inspiré d’autres techniques suicides, notamment lorsqu’un soldat japonais doit se jeter sous un char, une mine accrochée à son corps, et la faire sauter. Néanmoins, ces techniques sont peu utilisées mais parviennent à créer une psychose parmi les tankistes et soldats américains.

Le Fukuryū, le scaphandrier kamikaze

Les armes suicides de l’armée impériale japonaise durant la Seconde Guerre mondialePlan américain du plongeur japonais kamikaze.

Au fil des victoires américaines, les Japonais envisagent de plus en plus des attaques suicides non pas comme des derniers recours, mais comme des armes à part entière.

Alors que la flotte américaine se rapproche du Japon, l’éventualité d’un débarquement sur les côtes de l’archipel terrorise l’état-major impérial. Il faut se défendre plus efficacement qu’avec des canons sur les plages : l’idée d’employer des scaphandriers kamikazes est alors évoquée.

Appelés Fukuryū (« dragon accroupi »), ces hommes forment des équipes de scaphandriers qui évoluent sur les fonds marins avec un explosif au bout d’une perche. Ils sont équipés d’un équipement de plongée autonome de scaphandrier. Afin de rester au fond de l’eau, ils reçoivent un lest de 9 kg, et s’alimentent par nourriture liquide tout en ayant deux bouteilles de 3,5 L d’oxygène. Ils doivent donc pouvoir rester à environ 6 mètres de profondeur pendant 10 heures, leur permettant de se positionner avant l’arrivée des adversaires.

Les bataillons de Fukuryū (nommés « Arashi ») sont composés de 650 hommes avec des escadrons de 6 scaphandriers. Le 71e Arashi est basé à Yokosuka (avec deux bataillons prêts à la fin de la guerre) et le 81e Arashi à Kure. Enfin, il est prévu de créer une unité à Sasebo, mais la fin de la guerre arrête le programme.

Au niveau de l’armement, les hommes se voient fournis une perche de bambou de 5 mètres de long, au bout de laquelle est fixée une mine navale de Type 5 avec 15 kg d’explosifs. La faible contenance de la mine s’explique par le fait que les scaphandriers devaient la placer sous la ligne de flottaison du navire, où le blindage est le plus faible. Mais l’explosion déclenche une telle onde de choc que le scaphandrier n’a aucune chance de survivre : il décède généralement dans l’explosion.

Cependant, l’effet de surprise est nécessaire, c’est pourquoi les ingénieurs japonais cherchent à créer des abris en verre ou en béton armé à poser au fond de l’eau, desquels sortiraient les scaphandriers à l’approche des navires adverses. Toutefois, aucun de ces abris ne donne satisfaction, et l’avancée de la guerre enterre le projet.

Après les deux bombes atomiques, le Japon peut équiper 1000 scaphandriers... sans toutefois les armer. Seuls 1200 hommes sont formés, et bien qu’ils n’aient jamais réellement été utilisés, des plongeurs kamikazes l’ont été notamment au début de 1945. Ces actions relèvent toutefois bien plus de plongeurs téméraires que de véritables Fukuryū.

Les Giretsu, parachutistes suicides

Les armes suicides de l’armée impériale japonaise durant la Seconde Guerre mondialeDes membres des Giretsu, équipés d'un uniforme camouflé différent de celui des soldats de l'Armée impériale.

Les Japonais n’ont jamais utilisé les parachutistes à plein escient, notamment en raison de la nature des terrains qu’ils devaient conquérir.

Cependant, en novembre 1944 est créée la Giretsu Kūteitai (« parachutistes héroïques ») à partir de la seule division de parachutiste japonaise, la 1ère. Commandée par le lieutenant-général Michio Sugahara, son but est d’effectuer des opérations spéciales sur des îles sous contrôle américain, notamment celles à partir desquelles des bombardiers B-29 décollent. Mais rien n’est prévu pour rembarquer les troupes, les obligeant à se sacrifier sur place.

La base aérienne d’Aslito, sur l’île de Saipan, est la première cible de l’unité. Le capitaine Michiro Okuyama, spécialiste en sabotage, est chargé de réunir le nombre d’hommes nécessaires. Il sélectionne 126 hommes de son unité (4ème compagnie du 1er régiment parachutiste) qu’il forme alors aux opérations de destruction derrière les lignes ennemies.

L'entraînement se déroule en secret à Saitama, au centre du Japon. Leur mode opératoire est alors novateur pour l’époque, et préfigure les opérations spéciales d’après-guerre : de nuit, des avions japonais bombardent la zone, faisant croire à un raid. À la fin des bombardements, les Giretsu font écraser leurs transports sur l’objectif, puis combattent jusqu’à la mort.

Après plusieurs dates repoussées, leur première opération a pour objectif l'aérodrome d’Okinawa, capturé à la fin avril 1945. De là, les chasseurs américains peuvent abattre facilement les chasseurs japonais ; il est donc préconisé d’utiliser les Giretsu. Dans la nuit du 24 mai 1945, 12 appareils Ki-21 avec chacun 14 commandos à bord décollent de deux aérodromes différents.

Les armes suicides de l’armée impériale japonaise durant la Seconde Guerre mondialeUn Ki-21 utilisé par les parachutistes Giretsu japonais.

Malgré l’abandon de quatre appareils pour des pannes, le reste arrive sur zone : trois sont très vite abattus, et les cinq derniers s’écrasent sur le terrain d’aviation de Yomitan récemment reconquis. En même temps, cinquante chasseurs-bombardiers japonais attaquent les positions américaines. Mais sur les cinq transporteurs, seul un est peu endommagé : 10 commandos en sortent, et profitant de la pénombre, détruisent presque 70 000 gallons de carburant pour avion, neuf avions et en endommagent 19 autres. Ils ne sont neutralisés qu’après ces dégâts.

Devant le succès de l’opération en est prévue une autre le 23 août 1945, réunissant 900 (!) commandos... mais le Japon capitule huit jours avant.

Les sous-marins et vedettes kamikazes

La Marine impériale a elle aussi cherché à développer des armes suicides. Tout d’abord, les premières machines kamikazes prévues par la Marine sont les sous-marins de classe Kairyū (« dragon de mer »). Conçus à partir de 1943, ils sont prévus pour être fabriqués d’une manière simple : les trois parties de ce submersible de 17 mètres de long sont boulonnées entre elles. Il doit emporter deux hommes d’équipage, deux torpilles et enfin 600 kg d’explosifs situés dans une ogive à la pointe du bâtiment.

Ces sous-marins, incapables de naviguer en haute-mer à cause de leurs dimensions, étaient destinés à la défense de la baie de Tokyo face à un éventuel débarquement américain. Malgré la construction et la formation d’équipages, le Japon a capitulé avant que ces navires ne soient opérationnels.

Les armes suicides de l’armée impériale japonaise durant la Seconde Guerre mondialeUn Kairyu conservé au Japon ; l'ogive à l'avant devait contenir les explosifs.
Les armes suicides de l’armée impériale japonaise durant la Seconde Guerre mondialeDes Kaiten sur le pont d'un submersible japonais.

Les Kaiten (« départ pour le ciel ») sont les engins suicides les plus aboutis créés par la Marine impériale. Conçus autour d’une torpille, ce sont des sous-marins de poche chargés de 1550 kg d’explosifs, déclenchés sous le navire adverse. Cinq modèles différents furent mis au point, mais l’arme en elle-même est un échec.

D’une autonomie très limitée, les Kaiten étaient lancés depuis le pont de certains croiseurs mais aussi, innovation pour l’époque, depuis des sas disposés sur la coque d’un sous-marin de type océanique.

Les armes suicides de l’armée impériale japonaise durant la Seconde Guerre mondialeLe pétrolier USS Mississinewa, qui sombre après avoir été touché par un Kaiten.

La première victime d’un Kaiten est le pétrolier auxiliaire USS Mississinewa (AO-59), coulé le 20 novembre 1944. Huit autres campagnes de tirs de ces sous-marins de poche suicides auront lieu, avec des résultats plus ou moins mitigés, jusqu’à la fin de la guerre.

Cependant, le Kaiten est une arme plus dangereuse pour son sous-marin « mère » ou son pilote que pour les cibles américaines. Quand il n’explose pas en route ou sur les flancs de son porteur, le sous-marin de poche souffre de problèmes de motorisation et d’ergonomie (le pilote doit se diriger à l’oeil nu).

Seuls 45 Kaiten exploseront sur des objectifs, amenant la mort de 179 marins américains pour seulement trois petits navires coulés… alors que plus de 1500 soldats japonais membres du programme furent tués, et 10 sous-marins de type océanique perdus.

Les armes suicides de l’armée impériale japonaise durant la Seconde Guerre mondiale  Les armes suicides de l’armée impériale japonaise durant la Seconde Guerre mondialePhotographie du I-370 avec ses Kaiten, sur lesquels l'équipage salue (à gauche). - Des Kaiten sur l'I-368 (à droite).

Néanmoins, les Japonais ont beaucoup observé le programme offensif de la Xa Mas, une unité de la Regia Marina italienne spécialisée dans les coups de main maritimes (et qui est une des premières du monde à théoriser l’emploi des nageurs de combat). Ils ont cherché à copier une de leurs vedettes chargées d’explosifs... en y ajoutant un pilote kamikaze.

C’est la naissance du Shin’yō : pouvant atteindre une vitesse de 55 km/h, la vedette est équipée soit de deux grenades anti-sous-marines soit d’une charge explosive, toutes les deux montées à la proue. L’ensemble représente entre 250 et 300 kg d’explosifs, de quoi endommager sévèrement un navire américain.

Les armes suicides de l’armée impériale japonaise durant la Seconde Guerre mondiale  Les armes suicides de l’armée impériale japonaise durant la Seconde Guerre mondialeUne vedette Shin’yo. L'emplacement des explosifs à la proue est bien visible (à gauche). - Grâce à sa vitesse, le Shin’yo peut s'approcher très près des navires américains (à droite).

La tactique d’emploi ne demande pas au pilote de s’écraser sur le navire adverse, mais de lâcher les charges sous la coque... s’il n’est pas abattu par la défense du navire, il n’a que peu de chance de survivre à la vague créée par l’explosion. La Marine impériale japonaise, créatrice des Shin’yō, est copiée par l’Armée impériale qui développe les Maru-ni au fonctionnement analogue.

En tout, 6200 Shin’yō seront produits, pour 3000 Maru-ni. Leur première utilisation est notée par les Américains lors de la campagne des Philippines, à partir de 1944. De janvier à mai 1945, 8 navires américains (majoritairement des transports) seront coulés, et 3 endommagés gravement. Le peu de résultats tient du fait que l’escorte parvenait, la plupart du temps, à neutraliser le pilote - voire même à détruire la vedette-suicide. Mais là aussi, le plus gros des vedettes était prévu pour la défense du Japon et donc utilisées en dernier recours sur les îles adjacentes.

Les armes suicides de l’armée impériale japonaise durant la Seconde Guerre mondialeL'USS Enterprise, porte-avions touché par le kamikaze Shunsuke Tomiyasu, le 14 mai 1945.

Les avions, appareils kamikazes par excellence

La vision du kamikaze la plus admise de nos jours est celle du pilote japonais écrasant son appareil sur le pont d’un navire américain. L’emploi de cette technique est avéré depuis le début de la guerre, mais ce processus qui devait être temporaire est touché aussi par les événements militaires. Les modifications d’avions en bombes volantes sont d’abord le fait d’ateliers de compagnies, donc artisanales. Mais très vite, l’élaboration de bombes volantes avec peu de matériaux et nécessitant le moins d’heures de travail possible est décidée.

Les armes suicides de l’armée impériale japonaise durant la Seconde Guerre mondialeUn Ohkha capturé par les Américains à la fin de la guerre.
Les armes suicides de l’armée impériale japonaise durant la Seconde Guerre mondialeUn bombardier G4M2 qui vient de se séparer de son Ohka ; la cible n'est pas loin.

Le premier appareil suicide tient davantage du missile guidé que de l’avion à proprement parler. Développé à la mi-1944, le Yokosuka MXY-7 Ohka (« fleur de cerisier ») est un planeur monoplace armé de 1200 kg d’explosifs. L’Ohka est propulsé par trois moteurs-fusée, et son emport de carburant est limité.

Ressemblant à un cigare surmonté de la verrière du pilote, il est muni de courtes ailes en bois. La fusée le propulsant lui permet d’atteindre plus de 650 km/h, et le piqué final sur l’objectif doit se faire à plus de 800 km/h ! Mais l'appareil n’a qu’une autonomie de 36 km, et doit donc être transporté non loin de la cible par un bombardier Mitsubishi G4M2. L’Ohka est alors suspendu sous l’appareil-mère qui le lâche quand la cible est en vue.

Des dizaines d’appareils de ce genre sont utilisés lors de la bataille d’Okinawa mais seul le destroyer USS Mannert L. Abele sera coulé par un Ohka le 12 avril 1945. En définitive, cet appareil est plus dangereux pour le pilote et l’équipage du bombardier que pour les Américains. Leurs avions de chasse interceptèrent beaucoup d’Ohka, diminuant grandement leur efficacité.

Les armes suicides de l’armée impériale japonaise durant la Seconde Guerre mondiale  Les armes suicides de l’armée impériale japonaise durant la Seconde Guerre mondialeLa version biplace du Ohka, privilégiée pour l'entrainement (à gauche). - Un Ohka conservé dans un musée aux Etats-Unis (à droite).
Les armes suicides de l’armée impériale japonaise durant la Seconde Guerre mondialeUne maquette de Baika.

La technologie du IIIème Reich intéresse le Pays du soleil levant : dès l’apparition des bombes guidées V1, les Japonais cherchent à développer une copie de sa version pilotée, le Fieseler Fi 103R Reichenberg. C’est ainsi que naît le Kawanishi Baïka, davantage proche de l’avion que l’Ohka.

Mais les ingénieurs nippons sont trop en retard technologiquement pour développer la propulsion nécessaire : le pulsoréacteur Maru Ka-10, inspiré de l’allemand Argus As 014, ne sera prêt qu’à la mi-1945. Le Baïka peut décoller de lui-même mais n’a qu’une autonomie de 280 km. Avec seulement 250 kg d’explosifs à emporter, les dégâts sont bien moindres en cas d’impact mais peuvent endommager gravement un navire si un point vital est touché La fin de la guerre annule toutefois le projet, qui ne verra jamais le feu.

Le dernier avion suicide des Japonais relève d’une urgence : devant l’avancée américaine, les ingénieurs cherchent à revenir à un kamikaze plus « sûr » pour les résultats. L’usine de Nakajima crée alors le Ki-115, qui a la forme d’un avion à hélices classique mais dont la construction doit pouvoir être assurée par des ouvriers non qualifiés.

Les armes suicides de l’armée impériale japonaise durant la Seconde Guerre mondialeUn Ki-115 à la fin de la guerre.

Construit avec des matériaux non-stratégiques (notamment en bois), le Ki-115 n’avait presque aucun instrument de vol ; il était seulement équipé d’un palonnier, d’un manche à balai et d’une radio, et devait pouvoir utiliser n’importe quel moteur disponible. Sa production devait commencer avant l’invasion du Japon par les troupes américaines, et les derniers modèles furent équipés de fusées permettant l’accélération lors du piqué vers la cible.

Pour maximiser son pouvoir de destruction, le Ki-115 emporte une bombe de 800 kg mais ne dispose pas d’armement ; alourdi et désarmé, l’avion est une cible facile pour les chasseurs américains malgré ses 550 km/h théoriques.

Dû à sa rusticité, le décollage de l’avion est catastrophique, de même que son contrôle en vol. Avec peu de visibilité, l’atterrissage est quasiment impossible pendant les essais ; les prototypes furent souvent détruits voire endommagés lors des premiers vols.

Pour septembre 1945, le gouvernement japonais prévoyait d’en fabriquer 8000 par mois à travers le Japon, mais la guerre se termina avant, annulant le programme sans qu’aucun appareil n’ait vu le feu.

Conclusion

L’institutionnalisation et le recours automatique aux kamikazes est sensé, selon l’état-major japonais, compenser la supériorité numérique et technologique des Américains. Mais ces armements auront un impact plus psychologique que tactique sur la guerre, contribuant gravement à l’hémorragie de cadres et de soldats dans les forces armées japonaises.

Le kamikaze garde aujourd’hui au Japon une aura puissante comme émanation du respect des anciennes valeur du « bushido ». Néanmoins, les coups d’éclats des kamikazes seront rendus bien plus efficaces par la propagande ; en réalité, leur apport à l’effort de guerre n’aura jamais eu l’effet escompté.

  • Witz Rédacteur, Testeur, Chroniqueur, Historien
  • « L'important n'est pas ce que l'on supporte, mais la manière de le supporter » Sénèque