Info sur le jeu
PlateformePC Windows
ÉditeurMS Games
DéveloppeurMS GAMES
Date de sortieJuin 2021

Land of War : The Beginning

Ah, Józef ! Quel cataclysme frappe la malheureuse Pologne ! Józef, il faut que tu te bouges les fesses ! Ne vois-tu pas que c'est la guerre ? Ne vois-tu pas que Mieczyslaw et Tomasz sont déjà tombés sous les balles fascistes ? Ne vois-tu pas, Józef, qu'il y a devant nous deux divisions d'infanterie allemande qui attendent que le script leur en donne l'ordre pour courir droit sur nos balles ?

Józef, ils nous attaquent ! Mais pourquoi est-ce qu'ils ne visent que moi ? Józef ! Les stukas attaquent par paquets de 50 ! Józef ? Józef ? Ah, il est bloqué dans le décor. On la refait, les morts quittent le plateau.

Requiem pour un pion

Il y a deux types de jeux vidéo sur la Seconde Guerre mondiale. Il y a la myriade de RTS, TPS et FPS plus ou moins grand public – et plutôt plus que moins - sortis ces 20 dernières années, et ceux qui restent à sortir. Land of War : The Beginning n'appartient malheureusement à aucun des deux.

Le problème intrinsèque de la première catégorie, c'est que c'est systématiquement la même soupe qui est servie, resservie, vomie, ré-ingurgitée et resservie encore invariablement jusqu'à l'écœurement.

Faites le bilan : de Call of Duty jusqu'à Hell let Loose, en passant par Brother In Arms, Codename Panzers, Medal of Honor ou Company of Heroes, le plus grand, le plus meurtrier et le plus destructeur des conflits auxquels l'humanité a eu à faire face se limite à trois ou quatre théâtres d'opérations : la Normandie, la bataille des Ardennes et Market-Garden. Le front de l'Est est éventuellement évoqué aussi, dans la mesure où ça ne se limite qu'à quelques grandes batailles comme Koursk ou Stalingrad.

Land of War : The BeginningRare séquence d'audace, le tir aux pigeons aux commandes d'un train blindé polonais dans les environs de Mokra.

On ne compte qu'une petite poignée de titres ayant fait l'effort d'aborder les 90% fronts restants de cette terrible guerre : citons Post Scriptum et son Plan Jaune, ou Blitzkrieg 2 et la déferlante nippone dans le sud-pacifique en 1941-42. Donc, forcément, Land of War avait suscité mon intérêt : enfin un autre uniforme que celui de l'armée américaine ou britannique ! Pour une fois, un jeu allait raconter autre chose, un titre allait s'attacher à montrer quelques instants de l'agonie de la malheureuse Pologne, abandonnée par ses alliés et écrasée en quelques semaines par les phalanges blindées des nazis.

L'originalité du titre me plaisait, quand bien même c'était développé par un studio indépendant, MS GAMES, visiblement sans grand moyens et doté de 12 développeurs motivés. D'ailleurs, ces derniers ont bien compris qu'il fallait tout miser sur ce point, car la page Steam de leur jeu tient à le rappeler cinq fois en quatre paragraphes. Hem.

Land of War : The BeginningProbablement, oui...

Bon, il faut toujours laisser sa chance au produit. Je dois dire qu'il y a un petit air de Medal of Honor : Débarquement Allié dans Land of War, un parfum de Call of Duty de l'époque où c'était autre chose qu'un cirque à ciel ouvert. Des couloirs, des scripts gros comme une maison, des vagues de centaines d'ennemis idiots, des flingues à ramasser partout, des mouvements très simples se limitant à courir, se pencher, se baisser, tirer et recharger. Cela fait un moment que ce type de gameplay rudimentaire mais fonctionnel avait disparu des écrans.

C'est probablement dans les meilleurs chaudrons qu'on fait les meilleures confitures ; mais pourquoi pas. Après tout, MS GAMES a au moins réussi à donner une atmosphère à leur titre, avec une direction artistique toute en nuance de gris, de brun et de gris dépressif. Après tout, c'est la guerre, et mon personnage, Kowalski, n'est qu'un simple fantassin. Pas un officier, pas un membre des forces spéciales ; non, ce n'est qu'un fusilier, en ligne autour du village de Mokra lorsque les Allemands attaquent le 1er septembre. Articulée autour de trois engagements, la campagne de Land of War nous fait donc participer à l'authentique bataille de Mokra (une des rares batailles victorieuses pour les Polonais), aux premiers combats du siège de Varsovie et enfin à un dernier carré sur les rives de la mer Baltique, dans la péninsule de Hel.

Non vraiment, reprendre une vieille recette essorée depuis quinze ans, moi, ça ne me choque pas. Même s'il est absurde de voir l'aviation allemande perdre une cinquantaine d'avions en trois minutes aux commandes d'un seul canon Bofors, de dézinguer l'équivalent de plusieurs régiments avec un simple fusil ou de tenir tête à plusieurs escadrilles de Messerschmitt BF-109 avec l'unique monoplan en bois dont on dispose, c'est dans les traditions du FPS solo. Le vrai problème, c'est que je puisse littéralement voir les scripts attendant sagement l'ordre de s'activer, parce que j'ai eu le malheur de rater le déclencheur de la scène de trente centimètres – et sachant que les niveaux ne sont que des couloirs étroits, c'est déjà une performance en soi.

Le jour pratiquement sans fin

Le vrai problème, c'est que la difficulté abrutissante du jeu force à progresser en jouant à cache-cache avec les Allemands, en se planquant derrière chaque caisse avant de sortir la tête une demi-seconde, le temps de coller une balle dans la tête des dix teutons qui ont décidé de me prendre pour cible.

Land of War : The BeginningCes deux gaillards sont les seuls à avoir tenté de me débusquer de mon couvert pendant l'intégralité du jeu.

Land of War souffre d'une myriade de ces problèmes, qui sont de plus en plus difficiles à mettre systématiquement sur le compte d'un manque de moyens lié à un studio indépendant, au fur et à mesure des cinq heures de jeu, qui sont artificiellement ralenties par la très lente progression forcée par la létalité des combats.

Une seule balle peut enlever 80% de la barre de vie en un instant ; sachant que les trousses de soin sont rares et lentes à agir et qu'en plus, être touché par l'adversaire fait trembler la caméra dans tous les sens, ce qui rend insupportablement difficile la riposte.

Visiblement, l'intelligence artificielle a pris conscience de cet avantage, car les Allemands ne prennent que peu ou pas la peine de se mettre à couvert, transformant un très grand nombre de scènes en séquence de tape-taupe grotesque.

Land of War : The Beginning  Land of War : The BeginningAllez allez, à tous les coups on gagne, à trois points c'est une peluche ! / Messieurs, je dérange ?

Pire, cette difficulté artificielle permet certes de ralentir le jeu (qui aurait été probablement bouclé en quatre heures, sinon), mais casse complètement le rythme du jeu et l'enchaînement des séquences.

Land of War : The BeginningLes deux "garçons", oui oui oui.

L'action est pourtant crédible, en dehors de ça. MS GAMES a travaillé son sujet et reconstitué des décors convaincants, un arsenal et des véhicules authentiques – je n'ai pas relevé d'anachronisme - qui immergent très bien le joueur dans les jours sombres de cette campagne-éclair ; mais cette immersion est ruinée par les fautes de syntaxe et les erreurs de traduction, par cette myriade de bugs de chargement, de personnages qui restent coincés dans les textures, de scripts non déclenchés, ou encore par ces Allemands qui sont tous signalés par une énorme croix blanche sur fond rouge (et encore, pas tous, je cherche encore pourquoi).

Difficile de se croire sur un champ de bataille quand les interprètes de mes frères d'armes ont l'air de discuter à la machine à café, alors qu'ils sont censés être sous le feu de l'artillerie allemande.

Parfois, Land of War a l'air d'hésiter sans savoir où il va, comme dans cette étrange séquence dans les égouts varsoviens où une « fuite de gaz » transforme la séquence en délire cocaïné avec des murs qui disparaissent et des ennemis fantômes ; ou dans cette mission où je dois traquer un espion allemand dans les rues de Varsovie, avant de le retrouver dans une cave où semble s'être téléportés toute une compagnie de panzergrenadiers.

J'aurais pu pardonner cet ignoble effet de pluie qui a l'air de faire tomber du pétrole des nuages ou ces effets qui vont du convaincant au terriblement mauvais, si seulement mon personnage avait été moins fragile, moins silencieux, et surtout s'il n'avait pas l'inertie d'un camion frigorifique.

Land of War : The Beginning  Land of War : The BeginningJózef, tout va bien ? / Bizarrement une des séquences les moins ratées.

Et cela me peine de reprocher autant de chose à Land of War, dont les développeurs polonais avaient visiblement plus de passion que de temps à consacrer à la finition du jeu. Les titres (et surtout les FPS) qui osent sortir des sentiers battus comme celui-ci du point de vue de leur thématique sont extrêmement rares, et je pense qu'il faudra attendre malheureusement très longtemps avant d'en voir d'autres comme celui-là, mais un jeu bancal, même bien habillé, restera bancal. Encore plus quand il est vendu 25 euros pour une campagne de cinq heures.

3
Land of War : The Beginning

Józef, t'es bourré ?
Quand on parle de la campagne de Pologne dans les jeux vidéo, je n'aurais qu'un seul et unique exemple à donner comme précédent de Land of War, c'est le mod Forgotten Hope de Battlefield 1942, qui avait conçu deux cartes multijoueur représentant la lutte féroce entre Polonais et Allemands à l'automne 1939. Land of War a voulu combler un manque évident de variété et de représentativité sur le sujet. Mais Land of War est aussi perclus de défauts de game design, de bugs, d'une difficulté mal réglée et d'erreurs de finitions, à un point où il est impossible de fermer les yeux, même quand ça vient d'un studio indépendant. La morale de l'histoire, c'est que la bonne volonté ne suffit pas à faire un bon jeu.
Intérêt historique :Probablement le seul réel point fort du jeu, même si celui ne présente que des morceaux choisis pour mettre en valeur l'héroïque résistance polonaise face à un adversaire supérieur en nombre, en armes et en tactiques. Mokra est une bataille bien rendue, et le dernier carré polonais façon Fort Alamo dans la péninsule de Hel aurait pu être épique s'il avait été mieux réalisé. Sans anachronisme évident, Land of War a au moins pour lui d'apporter un souffle d'air frais qui fait du bien face à l'overdose de triples A américains.
  • +Très original
  • +Direction artistique cohérente
  • -Bugué, mais alors bugué jusqu'à l'os
  • -Mal éclairé, mal sonorisé, mal doublé, mal rythmé
  • -Difficulté frustrante et mal réglée
  • -Beaucoup trop court pour son prix
6.0
Direction artistique

Relativement sobre mais authentique, la direction artistique est bien pensée, ajoutant à l'atmosphère presque angoissante du titre.

2.0
Technique

Durant ce test, le jeu a planté cinq ou six fois et techniquement, il reste très aléatoire, alternant des effets d'explosions ou des paysages assez convaincants, pour ensuite nous mettre sous le nez des flammes, des impacts ou des textures qui auraient fait honte en 2007.

4.0
Jouabilité

Le problème du gameplay de Land of War n'est pas tant de se limiter à des déplacements et des actions de combats extrêmement basiques et de ne jamais rien proposer d'autre, c'est surtout d'avoir des points de sauvegarde aussi mal placés, des projectiles à tête chercheuse quand ils viennent de l'IA et qui font autant de dégâts, et de forcer à recommencer certains passages jusqu'à ce que par chance, ça finisse par passer.

2.0
Durée de vie

On ne s'attendait pas à un mode multijoueur qui aurait été instantanément mort-né de toutes façons, mais au moins à une durée de vie qui vaille le coût du jeu. Hors, la campagne solo se boucle en quatre grosses heures, cinq ou six en raison de la difficulté et des bugs qui forcent à recommencer plusieurs fois certains passages, et il n'y a évidemment aucune rejouabilité.

7.0
Ambiance

Bien pensée, l'ambiance est conçue pour restituer l'impression d'un combat acharné mais désespéré. C'est dommage que les défauts du jeu la cassent complètement.

8.0
Scénario

Land of War raconte la guerre vécue par le soldat Kowalski, en retraite permanente et tentant de faire payer chaque mètre de terrain à l'Allemagne. Même si le récit n'est pas toujours bien maîtrisé, son premier problème reste là encore avant tout les bugs du jeu qui le ruinent en permanence.


  • Cernunnos Testeur, Rédacteur
  • "Messieurs, c'est une plage privée! Je crois que nous dérangeons!" - Un officier britannique sur Sword Beach