Interview avec les développeurs de Mémoriapolis
Après notre preview de Mémoriapolis, nous avons eu l'opportunité d'échanger avec Jean-Baptiste Reynes, fondateur du studio 5PM, à propos de leur jeu et de l'environnement.
C'est d'ailleurs l'occasion de rappeler que le travail continue sur Mémoriapolis, avec notamment une nouvelle FAQ dédiée aux factions à retrouver sur Steam !
HistoriaGames : Dans un secteur aussi dense et concurrentiel que celui du city builder, pourquoi avoir choisi d'en réaliser un ?
Jean-Baptiste Reynes : Parce que grâce à ma formation initiale (je suis architecte/urbaniste), je pensais pouvoir apporter quelque chose au genre, répondre à une frustration de joueur de ne pas avoir la possibilité de créer une ville européenne.
Votre jeu se concentre pour l'instant sur l'Europe occidentale. Prévoyez-vous d'offrir aux joueurs la possibilité d'expérimenter d'autres ères civilisationnelles ?
Oui bien sûr ! Nous espérons pouvoir réaliser des patch et/ou des DLC qui proposeront des environnements différents. Cela va dépendre bien évidemment du succès du jeu dans sa version actuelle.
Comment vous est venue l'idée d'associer bâtiments culturels et factions, pour en faire le cœur de votre jeu ?
Dans la plupart des City Builder, les bâtiments fournissent des services qui supportent le fonctionnement de la ville et comblent les besoins des habitants.
Dans certains jeux, les habitants de la ville sont organisés en strates sociales réclamant des besoins particuliers. L'association entre les effets apportés par un bâtiment et les besoins de la population est une technique assez classique dans ce genre de jeu.
En revanche, le fait que le fonctionnement d'un bâtiment nécessite une formation particulière ce qui engendre des besoins et des attentes spécifiques n'est pas courant. Nous voulions traiter de ce sujet en associant les bâtiments avec une culture puis, une faction spécifique. Penser de cette manière nous a obligé à ne pas satisfaire uniquement les besoins vitaux des habitants et à imaginer les moyens permettant aux joueurs de faire l'impasse sur une ou plusieurs cultures.
Avez-vous dû faire des arbitrages lors de la réalisation du jeu et « sabrer » un aspect particulier ?
Absolument tout le temps ! Faire un jeu vidéo c'est faire des choix, faire des choix c'est renoncer ! Ce que nous espérons, c'est que nous avons fait les bons !
Avez-vous rencontré des difficultés inattendues dans la création de Mémoriapolis ?
Très souvent. La plupart du temps parce que nous n'avions pas assez anticipé les mécaniques du jeu lors de la phase de préproduction.
Quelles sont vos ambitions pour ce jeu ?
Le finir ! Plus sérieusement, nous espérons pouvoir le développer pendant longtemps, voire, faire une version 2 nous permettant de développer toutes nos idées.
Pourquoi avoir choisi de ne pas ajouter l'aspect militaire dans Mémoriapolis ?
Parce ce que nous pensons que l'aspect militaire d'un City Builder doit être extrêmement bien imbriquée dans les mécaniques basiques du genre, et que cela demande beaucoup de travail et donc beaucoup de temps. Ce que nous n'avions pas.
L'eau est présente sur vos cartes, mais pas encore l'aspect navigation avec des navires (au même titre que les caravanes). Est-ce un axe d'amélioration pour vous ?
Oui absolument !
Pourquoi avez-vous choisi d'aborder l'histoire sous cette forme ?
Ce qui nous intéresse dans l'histoire c'est surtout son impact sur le développement d'une ville.
Dans quelles mesures l'histoire façonne les villes ? Ce rapport nous intéresse car il implique de se poser des questions concernant des principes comme la continuité ou la destruction, le fait qu'une ville doit choisir entre se développer ou se reconstruire sur elle-même.
Qu'est-ce qui vous a poussés à créer un jeu avec une thématique historique ?
En l'occurrence le fait, qu'à ma connaissance, peu de City Builder ont abordé cette thématique de l'évolution historiques et des choix que cela implique. Nous voulons que le joueur fasse des choix et, se confronte à ces derniers sur le long terme.
Quelles recherches avez-vous menées pour garantir l'authenticité historique ? Travaillez-vous avec des historiens ?
Tous les bâtiments du jeu sont basés sur des bâtiments ayant existés.
Nous avons fait de nombreuses recherches sur l'architecture et l'urbanisme de chacune des époques pour tenter d'en extraire ce qui les caractérise le mieux, et qui soit transformable en règle du jeu. Nous ne travaillons pas avec des historiens, non par choix mais par manque de temps et d'opportunité.
Selon vous, qu'est-ce qui fait un bon jeu historique ? La précision des faits est-elle aussi importante que l'immersion, ou est-ce le contraire ?
La réponse à cette question est compliquée, elle dépend beaucoup du type de jeu dont on parle. La précision historique jouera un rôle essentiel dans un wargame là ou elle sera moins importante dans un RPG ou un jeu de construction.
Quels sont les principaux défis d'un jeune studio pour percer aujourd'hui ? Au-delà de l'accueil positif de la communauté, est-ce difficile aujourd'hui pour un jeune studio comme le vôtre de faire connaître son jeu ?
Les défis sont les même que pour n'importe quel domaine ! Trouver des fonds pour financer son projet, trouver des partenaires, embaucher les bonnes personnes, respecter les délais, écouter les retours des utilisateurs, etc.
De fait, il est très difficile de se faire connaître au milieu des centaines de jeux qui sortent chaque jour, ou votre jeu est en concurrence directe avec des jeux des très gros studios.
Il n'y a pas ici de catégories ! Tout le monde joue sur le même ring et vous pouvez être confronté au dernier jeu d'un gros studio et, même si certains joueurs ont conscience de ce décalage en étant attentif aux créateurs du jeu, pour beaucoup, le choix entre le dernier COD ou Mémoriapolis relève de la même approche.
Que pensez-vous des jeux à thématiques historiques récents ?
Là encore il est difficile de répondre sur tous les jeux. En ce qui concerne les jeux de construction, je trouve que le plus souvent le thème historique est bien intégré et apporte une originalité particulière.
Quels jeux, selon vous, ont particulièrement réussi à rendre l'histoire attrayante ?
Je citerais comme ça la série des Total War dont l'intégration des éléments historiques enrichie le jeu sans le contraindre dans un carcan qui éloignerait les joueurs sans connaissance des sujets traités.
Quels sont vos modèles ou sources d'inspiration ? Cela peut inclure d'autres jeux, des films, des livres, ou des œuvres d'art qui vous ont influencés dans la conception de Mémoriapolis.
Evidemment les jeux du même genre, mais aussi, et cela va paraitre étrange, la série des « Fondations » dont le cadre temporel génère ce sentiment d'immensité qui fascine, et créé les conditions du questionnement des choix et de notre liberté fasse à ces choix.
Quel rôle le feedback des joueurs a-t-il joué dans l'évolution du jeu ?
Fondamental ! D'abord comme moyen de valider certains choix radicaux comme le fait de ne pas décider de la construction des habitations de votre ville ou du dessin des routes. C'était l'objectif initial et premier de cet accès anticipé. Ensuite comme moyen de valider tout au long de l'évolution du jeu les choix et les propositions que nous faisons auprès d'une population assez intéressée pour s'investir et échanger avec nous.
Avez-vous modifié certains aspects en fonction de leurs retours, ou même ajouté des éléments auxquels vous n'aviez pas pensé ?
Modifié oui, ajouté non. Être un joueur ne signifie pas être un concepteur. La plupart du temps, nous devons être très attentif au problème soulevé et non à la solution proposée.
Quels sont vos projets pour l'avenir ? Allez-vous continuer dans cette voie historique ou explorer d'autres thématiques ?
Notre objectif est que Mémoriapolis soit un succès suffisant pour nous permettre de le faire vivre longtemps. Nous avons encore beaucoup d'idées que nous pourrions ajouter au jeu et que nous n'avons pas pu intégrer faute de temps.