Quelques personnages historiques d'Assassin's Creed 2
14 juillet 2015 par Da Veenci | Assassin's Creed | Époque moderne
Cet article vient répondre à un manque que j'ai constaté, lors de recherches que j'avais réalisées sur Assassin's Creed II, dans le cadre de mon reportage : il n'existe pas de liste claire des personnages réels du jeu et de ceux qui ont été inventés, ce qui porte à confusion. En effet, personnages historiques et fictionnels s'entremêlent astucieusement dans le scénario, si bien qu'à moins de recherches longues et souvent fastidieuses, vous ne saurez jamais quelle est la part de fiction de ce mythique opus ! J'ai donc effectué ces recherches pour vous, et nous allons commencer par démêler le vrai du faux dans le contingent fort garni des ennemis d'Ezio. Une bonne vingtaine de bonshommes qui forme une espèce de loge P1 du XVème siècle, et qui sont tous plus ou moins reliés dans l'optique de prendre le pouvoir en tant que (attention gros spoil) Templiers, dirigés par Rodrigo Borgia qui va devenir Alexandre VI, pape de Rome.
Comme vous le savez peut-être, une partie des événements du jeu sont des événements historiques également, mais dans lesquels les développeurs ont mis des personnages fictifs, faisant le liant avec les actions précédant l'événement historique (Vieri de Pazzi, par exemple, n'est pas un personnage réel mais fait le lien entre la séquence 1 et la séquence de la Conjuration des Pazzi). Commençons par parler d'Uberto Alberti, de la famille Pazzi, de Francesco Salviati, de Bernardo Bandini, ainsi que des pères Maffei et Bagnone.
Partie 1 : Les ennemis florentins d'Ezio
1 - Uberto Alberti - FICTIF
Ami de Lorenzo de Médicis et des Auditore au début du jeu, le gonfalonier de la ville, s'avère en réalité un traitre à la solde des Templiers. Il fait exécuter la famille Auditore, sauf Ezio qui y échappe. Après une scène homérique où l'on voit les garçons Auditore pendus sur la place de la Signoria, les tueurs lancés par le gonfalonier (ce nom désigne au Moyen-Age le porte-bannière de la ville/unité militaire ; à Florence il y en a un pour chacun des quartiers qui se succèdent à la tête de la sécurité interne de la cité) perdent la trace d'Ezio qui se réfugie chez son oncle. Il est assassiné dans la cour de la cathédrale de Florence, dans ce qui sera un des premiers assassinats du jeu. Concernant son existence réelle, il n'existe pas d'Uberto Alberti dans la liste des gonfaloniers florentins. Il y a bien un Alberto Alberti qui fut sculpteur à Rome au XVIème siècle, mais pas de trace d'Uberto. Très probablement inventé par les scénaristes.
2 - La Famille Pazzi - REEL/FICTIF
La famille Pazzi est une vieille famille italienne originaire de Toscane. Le premier chevalier à entrer dans Jérusalem était d'ailleurs Pazzino de Pazzi, une entrée qui donna une grande renommée à sa famille. Installés à Florence un peu plus tard, ils deviennent rapidement les rivaux des Médicis, qu'ils considèrent comme des nouveaux riches, des roturiers, etc… Ainsi, malgré des mariages communs pour détendre l'atmosphère, ils conservent une haine féroce pour les Médicis, et voyant les réformes constitutionnelles entamées par ceux-ci au XVème siècle, les Pazzi décident d'agir pour éliminer ces banquiers de la petite semaine. Ils tentèrent tout d'abord d'assassiner Julien, le frère de Laurent le Magnifique, dans un banquet, mais celui-ci le quitta car malade. Ils décident donc d'agir contre les deux frères le 26 avril 1478… (Voir contexte historique à la fin de l'article)
2.1 - Vieri de Pazzi - FICTIF
Le rival d'Ezio dans la conquête de la belle Cristina Vespucci, il est dans le jeu le plus jeune des Pazzi. Il est dit qu'il est le fils de Francesco de Pazzi qui est né en 1444, et qu'il a donc 34 ans en 1478. Or, lors de la première séquence, avec la bagarre entre les partisans des Auditore et ceux de Vieri, Ezio a 17 ans. Ce dernier étant né en 1459, nous sommes donc bien en 1476. Nous pouvons en déduire que Vieri a le même âge. Donc son père, Francesco, aurait eu Vieri à l'âge de 15 ans, ce qui est fort improbable, vous en conviendrez. (Même si à l'époque on se mariait plus tôt, avoir un enfant si jeune est inhabituel). De plus, Francesco, après consultation de son arbre généalogique, n'a pas eu d'enfants ! Ce Vieri est donc bien un personnage fictif, qui sera assassiné sur une tour du rempart de San Gimigniano, par un Ezio rempli de fureur.
2.2 - Francesco de Pazzi - REEL
Ce personnage occupe une place importante dans la première partie du jeu. Il dirige l'assaut contre les Médicis en bas de la cathédrale en 1478, et est le personnage qui s'acharne sur le corps sans vie de Julien de Médicis, qui recevra 19 coups de couteaux. Ce faisant, il se blessera lui-même en se plantant un coup rageur dans la cuisse ! L'attentat ayant raté car Lorenzo, qui est évacué dans la sacristie, survit, il est chassé dans toute la ville. Rapidement retrouvé après avoir tenté de fuir avec son père Jacopo, il est jugé, puis pendu sur la façade du palais de la Seigneurie, comme dans le jeu. Plusieurs de ses hommes de main ont subi le même sort d'ailleurs. Dans le jeu, après une course poursuite sur les toits de Florence, il est pendu par Ezio.
2.3 Jacopo de Pazzi - REEL
Oncle de Francesco, il est le patriarche historique de la famille Pazzi. Né en 1421, selon les archives du jeu, sa date de naissance est sujette à controverses. Il meurt en 1478 historiquement et en 1480 dans le jeu. A la tête des activités bancaires de la famille Pazzi, il considère évidemment la banque Médicis comme une rivale, et pour les raisons évoquées plus haut, se lance dans l'attentat contre les Médicis. L'attaque ayant raté, il est chassé comme les autres comploteurs et est rattrapé. Il fut jeté par une fenêtre par la foule qui s'est rallié aux Médicis, puis son corps est trainé nu dans la ville. Finalement, le corps sans vie est jeté dans l'Arno, le fleuve qui traverse Florence. Dans le jeu, il est tué par Rodrigo Borgia dans un amphithéâtre romain près de San Gimigniano. Requiescat in Pace. Aussi, Jacopo est le seul personnage de tout le jeu à être entré à cheval dans la ville (voir la séquence de la pendaison de Francesco), et le seul personnage autre qu'Ezio à monter à cheval !
3 - Francesco Salviati - REEL
Archevêque de Pise, il est en quelque sorte l'oreille du Pape à Florence (Pise vient d'être conquise et n'est qu'à 50 kilomètres de Florence, sur la côte) alors que Lorenzo s'était toujours opposé à sa nomination en tant qu'archevêque. Les Salviati sont une des plus anciennes familles de Florence, qui s'est alliée aux Pazzi. Ils subissent donc logiquement le courroux des Médicis, au pouvoir depuis la prise de Florence par Côme l'Ancien, qui les écartent des fonctions importantes. Francesco profite donc du fait qu'il donne la messe de Pâques 1478 pour permettre aux Conjurés Pazzi et autres de donner le coup fatal aux Médicis. Historiquement, il essaya également de s'emparer du Palazzo de la Signioria. Il finit pendu sur la façade. Dans le jeu, il est tué dans sa villa Toscane par Ezio et ses mercenaires. On ne connait pas sa date de naissance exacte non plus.
4 - Bernardo Bandini Baroncelli - REEL
Bernardo était un banquier de la Banque Médicis qui travailla ensuite pour les Pazzi. S'étant mis à détester les Médicis pour une sombre histoire d'exil (son cousin aurait été exilé sur volonté de la famille Médicis qui écarta nombre de personnalités de la ville). Il se rallia aux conjurés, qui après tout étaient ses patrons, et fut l'un des premiers à attaquer pendant la messe. Le 26 avril, il part avec Francesco Pazzi convaincre Giuliano de Medicis (ou Julien en Français) d'assister à la messe, bien que le jeune prince soit toujours malade… Le complot ayant raté monumentalement, il tenta de s'enfuir vers Constantinople, mais fut rattrapé, puis pendu sur la façade du Bargello. Leonard de Vinci fit d'ailleurs à cette occasion, un croquis du corps pendu resté célèbre. Dans le jeu, il est le premier à attaquer Lorenzo mais fuit dès que les choses tournent mal (il est également présent dans le souterrain de Santa Maria Novella, lors de la mise en place du complot). Baroncelli est rattrapé par Ezio à San Gimigniano, et est tué sur le marché. Le pauvre bougre s'étant enfermé dans la paranoïa, Ezio lui rendit en quelque sorte service…
5 - Les vrais-faux prêtres - REEL
Commençons par explorer le cas Stefano da Bagnone. S'il apparait bien affublé d'un habit de vicaire dans le jeu, Stefano est bel est bien un tueur. Authentique assassin, il se déguisa pour assister le père Maffei dans sa divine tâche. Ce sont eux qui blessent Lorenzo au cou, comme dans le jeu, mais ils n'ont guère le temps de l'achever. Il fut arrêté le 3 mai, ses oreilles et son nez furent coupés et il fut pendu sur le Palazzo de la Seigneurie. Dans le jeu, il est retrouvé par Ezio alors qu'il se cachait dans un couvent, et il fut tué alors qu'il était toujours déguisé en moine. Concernant le père Antonio Maffei, il hait les Médicis qui avaient mis à sac son village de Volterra. Sa participation au complot est analogue à celle de Bagnone sauf qu'il fut tué alors qu'il s'était réfugié en face du Palazzo Pazzi (résidence officielle de la famille), ce qui n'est pas très malin… Lui aussi pendu, il est tué par l'Assassin alors qu'il prêche en haut d'une tour dans le jeu.
Conclusion et contexte historique
La Conjuration des Pazzi vise à éliminer la famille dirigeante de la cité de Florence, les Médicis. Au pouvoir depuis plusieurs dizaines d'années (ils y resteront jusque vers 1730 !), cette famille entreprend d'écarter ses rivales bien que la ville soit une République, ce qui empêche normalement la dictature d'une famille à la tête de l'état. Néanmoins, c'est ce qui se passe, et les familles telles que les Salviati ou les Pazzi entreprennent de fomenter une conjuration alliant ces familles à l'Eglise. Les banquiers Pazzi s'allient donc à l'Eglise pour éliminer une autre famille de banquiers ! On dirait aujourd'hui que cela ressemble à un conflit d'intérêt (#CharlesPasqua) qui part en vendetta… Oui c'est un peu cela, même si les causes sont aussi bien politiques qu'économiques et religieuses (querelles d'influence sur l'Archevêché…). Quoi qu'il en soit, le complot est mis en place en Avril 1478, et après certaines péripéties que vous pourrez retrouver dans Assassin's Creed II et dans mon reportage sur le sujet, tout échoue ! S'ensuivit une guerre menée par Naples, Siennes et Rome mais je ne voudrais pas vous spoiler ! Ce qu'on peut déduire de cette première analyse des personnages principaux d'Assassin's Creed II c'est que, contrairement à ce qu'on pourrait penser, il y a relativement peu de personnages inventés. Ce qui s'éloigne le plus de la vérité historique, c'est la façon dont ils meurent, car évidemment, ils n'ont pas été tués par Ezio !
Pour aller plus loin…
- Olivier Bowden, Assassin's Creed Renaissance, Milady, 2010, 475 pages.
- André Chastel, Renaissance italienne: (1460-1500), Gallimard, 1999, 952 pages.
- Assassin's Creed II
- Notre reportage Épiquement vôtre consacré à Assassin's Creed 2
- Da Veenci Prospect, Chroniqueur, Historien
- « Vivant, il a manqué le monde. Mort, il le possède » écrit Chateaubriand à propos de Napoléon.