Art du jeu, jeu dans l’art ; de Babylone à l’Occident médiéval
2 mars 2013 par Étienne Houde | Chronique historique
Alors que Sony annonce sa nouvelle console PS4 et que l'on considère notre vieille NES comme une antiquité, qu'en est-il vraiment des jeux antiques ?
À quoi jouaient nos ancêtres ?
Lors de ma récente visite au Musée du Moyen-âge de Cluny à Paris (www.musee-moyenage.fr), j'ai eu la chance de visiter une exposition qui a offert plusieurs éléments de réponses à ma question. En effet, il vous reste un dernier week-end pour aller visiter l'exposition « Art du jeu, jeu dans l'art ; de Babylone à l'Occident médiéval » qui se termine le 4 mars prochain et qui propose plus de 250 œuvres liées au jeu dans tous ses états. L'exposition permet au visiteur de revivre l'historique du jeu à travers différentes époques de l'histoire, du Croissant fertile à l'Occident médiéval en passant par l'Égypte et le monde gréco-romain. Pour ceux qui n'auront pas la chance de s'y déplacer, et pour mettre l'eau à la bouche à ceux qui planifient d'y aller, voici un bref compte-rendu de mon passage.
L'exposition débute par la présentation des tout premiers plateaux de jeu en pierre originaires du Croissant fertile et datés du VIIIe millénaire avant J.-C. Ces derniers font partie de la catégorie des jeux de poursuite formés de multiples cases, dont on ignore les règles précises. On peut cependant imaginer un pion se déplacer le long d'un parcours. L'un des plus beaux plateaux présentés est certainement celui du jeu royal d'Ur, daté de 2600-2400 avant J.-C.
Jeu royal d'ur
Ur (Irak), 2600-2400 av. J.-C.
Bois, coquillage, lapis-lazuli et calcaire
L. 30 ; P. 11 ; ep. 2,4 cm
Londres, British Museum, Middle East
© Courtesy of the Trustees of the British Museum
Viennent ensuite les jeux égyptiens comme le mehen, dit « du serpent », en référence à la forme enroulée de son parcours. Dans la même catégorie, l'exposition nous permet de contempler un spécimen exceptionnel d'un jeu « du chien et du chacal » (ou jeu de 58 trous), retrouvé en Irak, qui prouve son usage et sa diffusion en dehors des frontières égyptiennes vers l'an 1810-1700 avant J.-C. Comme pour les autres jeux mentionnés ci-dessus, les règles nous échappent...
Jeu du chien et du chacal
Thèbes (Égypte), 1810 – 1700 avant J.-C.
Ivoire, ébène
H. 6, 3 ; L. 15, 3 cm
New York, Metropolitan Museum of Art
© The Metropolitan Museum of Art, Dist.
RMN / image of the MMA
Très peu de jeux de la période gréco-romaine ont été retrouvés. Au faible nombre de tables de jeu ayant survécu au passage du temps s'ajoute le fait que, selon plusieurs spécialistes de l'histoire du jeu, les joueurs se contentaient à cette époque de tracer les différents plateaux de jeu dans le sable ou simplement avec l'aide de pierres. L'aspect éphémère du jeu en rend possible la connaissance que par l'entremise d'œuvres comme des vases grecs anciens ou certaines fresques romaines. L'exposition présente justement un vase d'origine grecque arborant une peinture montrant deux joueurs assis devant un plateau de jeu.
Puis, c'est l'apparition vers l'an 950 dans le monde franc, du fameux jeu d'échec originaire de l'Inde et diffusé par le monde arabe. L'Occident ne tardera pas à remplacer les pièces imprégnées de culture indienne comme l'éléphant par des tours et des chevaliers, sculptés par de nombreux artistes locaux. Le grand nombre de pièces du jeu d'échec retrouvées en Occident démontre la diffusion et l'importance de ce jeu au moyen-âge. La photo ci-contre représente justement certaines pièces d'échecs retrouvées sur l'île de Lewis en Écosse et ayant vraisemblablement appartenu à une dynastie norvégienne du moyen-âge, qui avait alors juridiction sur l'île.
Huit pièces d'échecs de l'île de Lewis
Scandinavie, milieu du XIIe siècle
Ivoire de morse et dents de baleine
H.4 à 10 cm
Londres, British Museum, Prehistory and Europe
© Courtesy of the Trustees of the British Museum
La fin de l'exposition présente des cartes à jouer originaire encore une fois d'Orient. D'abord appréciées en Italie, elles seront rapidement adoptées dans le monde germanique, puis dans le reste de l'Occident.
Jeu de 52 cartes
Pays-Bas du Sud, vers 1470-1480
Peinture et encre sur papier
H. 12,1 ; l. 7 cm
New York, The Metropolitan Museum of Art, The Cloisters
© The Metropolitan Museum of Art, Dist.
RMN-Grand Palais / image of the MMA
Enfin, disons que l'aspect de la mise en scène de son destin par l'entremise du jeu a depuis toujours fasciné l'humanité. Tellement que dans l'Antiquité, les jeux jumelés aux paris financiers, on été considérés comme dangereux par les moralistes. Au XIIIe siècle, le pape Innocent III proposa l'interdiction des jeux dans les églises puis en 1254, c'est au tour de Saint Louis de prohiber l'usage et la fabrication des dés ! Bon, avant qu'on interdise l'industrie vidéoludique, je vous laisse, je retourne jouer !
Dé
Ier - IIe siècle
Cristal de roche
H. 0,9 cm
Londres, British Museum, Greece and Rome
© Courtesy of the Trustees of the British
Museum