Chronique : L'histoire des templiers - 9ème partie
2 mai 2013 par Orochti | Chronique historique | Moyen-âge - Les Croisades
Neuvième partie du dossier sur l'Histoire des Templiers. Retrouvez les précédentes parties par ici : Chronique des Templiers.
Au fur et à mesure que le temps passe, les Templiers semblaient perdre de plus en plus de prestige, notamment après le massacre à Séphorie, et les États-Latins d'Orient avaient quasiment disparu. Seul Acre restait. Mais Jérusalem, le symbole et l'objectif premier de tous les croisés, était aux mains de Saladin. De plus, à la tête de l'ordre, le maître du Temple, Gérard de Ridford, s'est montré comme étant un mauvais stratège, et c'est sans doute cela qui a commencé à creuser la tombe des Templiers.
Cependant, l'ordre résista encore plusieurs années, et la Terre Sainte redevint un théâtre de guerre entre les Chrétiens et les Musulmans, pour la dernière fois dans le cadre des croisades. Nous verrons aujourd'hui la perte définitive des États Latins et la fin de l'ordre du Temple.
- Les dernières croisades et l’échec de l’Occident en Orient
- La mise au tombeau de l’ordre du Temple
- Bibliographie
Même si Jérusalem n'appartenait plus à l'Occident, le Royaume de Jérusalem existait encore, ou du moins, le titre. Le Royaume de Jérusalem appartenait à Jean de Brienne, qui était également le Roi de Sicile. En 1223, sa fille Isabelle de Brienne épousa Frédéric II, le Kaiser de l'Empire germanique. Malheureusement pour elle, Isabelle mourut en mettant au monde son fils Conrad. Frédéric II décida alors de proclamer son fils comme étant le roi de Jérusalem, sans se préoccuper de son beau-père.
Malgré son excommunication dû à des conflits forts avec le Pape, Frédéric II prit la route vers l'Orient, mais, choisit d'affronter son adversaire sur la voie de la diplomatie plutôt que celle des armes. En février 1229, Frédéric II rencontra le sultan d'Égypte Al-Kamil, avec qui il signa un traité à Jaffa. Le traité stipulait que les Chrétiens récupèraient les villes de Bethléem, de Nazareth, et de Jérusalem… Cependant, les lieux saints restaient musulmans, notamment le Saint-Sépulcre. Par conséquent, nous ne pouvons pas parler de véritable victoire. Bien que les récupérations des terres soient très intéressantes, ne pas avoir la possession du Saint-Sépulcre, c'est-à-dire le sanctuaire de Jérusalem, celle qui fait toute la force de la cité, ne règle pas le problème d'origine. En réalité, Frédéric II voulait des terres pour son fils, sans forcément chercher à respecter les vœux de la chrétienté. Au sujet du roi, le pape le jugea rapidement de « traître et mécréant », ce qui suscita une hostilité grandissante, notamment chez les Templiers qui quittèrent la Terre Sainte.
L'arrivée du nouveau sultan d'Égypte Malik al-Salih Ayyoub entraîna des conflits avec les États Latins. En août 1244, Jérusalem fut investi par l'armée musulmane. Les Chrétiens réagissent le 17 octobre, et envoient une importante armée menée par Gautier de Brienne, le comte de Jaffa et d'Ascalon. Après une lutte acharnée de deux jours lors de la bataille de la Forbie, les Chrétiens tombèrent. Des 348 Templiers présents, 312 périrent au combat, dont le maître Armand de Périgord. L'événement fit grand bruit, jusqu'aux oreilles d'un certain roi de France, le futur Saint Louis. Ce dernier se prépara alors pendant 6 longs mois pour la septième croisade. Les croisés débarquèrent le 6 juin 1249 à Damiette. La ville se rendit sans résistance. Louis IX se dirigea ensuite avec son armée vers la capitale de l'Égypte, le Caire...
En février 1250, de nombreux combats eurent lieux autour de Mansourah, où les Occidentaux furent vainqueurs, mais avec beaucoup de pertes (200 Templiers perdirent la vie au combat). Saint Louis décida de retourner à Damiette, afin de récupérer et de soigner les blessés et les fiévreux. Mais le 7 avril, l'armée tomba aux mains des Musulmans. Durant le combat, le maître du Temple, Guillaume de Sonnac, fut mortellement blessé et le roi de France est capturé. Une énorme rançon est alors demandée. Sire de Joinville, le conseiller du roi, se tourna vers les Templiers pour réunir la somme, mais ces derniers prétextèrent que les caisses ne leur appartenaient pas et qu'ils ne pouvaient pas payer. Après plusieurs accords, un compromis fut trouvé. Le maréchal du Temple, Renaud de Vichiers suggéra à Joinville de s'emparer des coffres par la force, les Templiers n'opposant qu'une faible résistance. Après avoir dépouillé l'ordre de quelques trésors, Louis IX fut libéré, et continua son périple, retournant à Acre...
Tout allait bien, jusqu'au jour où le roi apprit que les Templiers avait négocié sans son autorisation avec le sultan de Damas à propos de propriétés sur des terres. Énervé, Louis IX les convoqua pieds nus devant son armée et une foule de curieux. Après avoir ordonné aux Templiers de s'agenouiller, il demanda au maître du temple, Renaud de Vichiers de lui faire amende honorable. De plus, il n'exigea que le maréchal de l'ordre, qui avait traité directement avec les Musulmans, soit chassé de la terre Sainte. Il faut comprendre par son acte que le roi voulait montrer que c'était lui qui détenait l'autorité, et que les Templiers devaient lui obéir. Mais, par son acte, il abaissa le prestige et la légitimité du pouvoir des Templiers, même s'il était déjà faible.
Les Templiers ont beaucoup perdu de batailles, d'hommes mais aussi de maîtres. Méritaient-ils réellement cela ? Ceci est sujet à débat. Les faits ont montré en revanche que cela leur aura été fatal.
En avril 1254, Louis IX retourna en France qu'il avait quitté depuis plus de 6 ans. Après son départ, les Musulmans attaquèrent et les places fortes tombèrent les unes après les autres. Les Templiers abandonnèrent en 1266 Saphet, et en 1268, Beaufort. Les Hospitaliers abandonnèrent le Krak des Chevaliers, pourtant réputé imprenable ! Le pape appela alors à une nouvelle croisade, à laquelle Louis IX répondit présent. Cependant, celle-ci eut un destin tragique puisqu'en 1270, devant les portes de Tunis, le roi de France mourut.
En avril 1291, le sultan Malek Al-Ashraf arriva aux portes d'Acre, accompagné de 150 000 fantassins, et de 80 000 cavaliers, et 4 catapultes. Ainsi, débuta le siège... Le 18 mai, les Musulmans lancèrent l'assaut, avec un avantage du nombre indéniable (10 contre 1). Pendant le combat, le maître Guillaume de Beaujeu, reçut une flèche enflammée qui le blessa mortellement. C'était le 21ème maître et le 13ème à mourir au combat ! Les Sarrasins envahirent la ville, où la population se réfugia au Temple. Ce dernier tenu encore 10 jours. Après quoi, Pierre de Sévry négocia la reddition, mais le sultan lui tendit un piège. Prétextant négocier, il le décapita dès qu'il sortit du Temple. Le 28 mai 1291, les Musulmans entrèrent dans le Temple en ruine qui s'effondra sur eux-mêmes. Une vengeance d'outre tombe ? Après cette défaite, les dernières forteresses abandonnèrent, et les résidents connurent des fins plus ou moins heureuses (à Beyrouth, croyant la bonne foi des Sarrasins, les Templiers furent tous pendus). La Terre Sainte était perdue...
Le premier reproche fait à l'encontre du Temple était leur richesse. En effet, dans ce domaine là, les Templiers avaient bien géré leur finance, et s'étaient beaucoup enrichis, ce qui constituait un des premiers paradoxes. Les Templiers, faisant vœu de chasteté, étaient riches... Peu à peu, les expressions apparaissent et formaient une sorte de critique envers les Templiers : « Boire comme un Templier », « Jurer comme un Templier » ou encore « Aller au Temple » pour dire d'aller au bordel !
Un certain Esquieu de Floyran prétendait avoir recueilli des aveux d'un Templier, qui dénonçait l'ordre. Ce personnage s'adressa d'abord au roi d'Aragon, Jacques II. Sans doute, il ne crut pas ces accusations, tout comme les conseillers de Philippe IV le Bel, mais ce dernier comprit qu'il pouvait y gagner. En effet, il pourrait de cette manière détruire l'ordre qui devenait une menace puissante pour la royauté. Surtout que les Templiers contrôlaient le trésor royal... Philippe IV le Bel n'était pas idiot, et avait déjà joué le rôle de l'avocat du diable en s'attaquant au pape Boniface VIII, qui depuis entretient des relations tendues.
Jacques de Molay, le dernier maître du Temple, connaissait les accusations sur l'ordre. Pour rétablir la vérité, il demanda en 1307 au pape d'ouvrir une enquête officielle, que Boniface VIII accepta. Philippe IV prit-il peur ? Dans tous les cas, il commanda l'arrestation de tous les Templiers avec comme chef d'arrestation, Guillaume de Nogaret. Le 14 septembre 1307, des lettres closes furent envoyées dans tout le royaume, prévoyant leur arrestations, et de n'agir que le jour J. Dans ces lettres, les Templiers sont décris comme « des loups sous l'apparence de l'agneau […] crucifiant aujourd'hui de nouveau notre Seigneur Jésus-Christ et l'accablent d'injures d'autant plus graves que celles qu'il souffrit sur la croix.. ». Ensuite, les causes vinrent, décrivant les commandeurs comme étant des hommes limites « obsédés » sexuelles, recherchant la luxure, faisant acte de sodomie, les baisers dans des endroits peu enviables, ainsi que le reniement du Christ. L'arrestation devait se faire le même jour, le vendredi 13 octobre au matin (d'où la légende du vendredi 13). Les Templiers arrêtés furent jetés en prison, et tous leurs biens furent dressés. Ce fut une grande réussite. Surpris, les Templiers ne se défendirent pas. Seuls quelques rares frères réussirent à s'échapper hors de France. Le nombre exact reste flou, mais des centaines, voire des milliers furent arrêtés (138 à Paris, 150 à Nantes, 60 à Beaucaire…).
Les interrogatoires commencèrent très tôt, durant lesquelles l'Inquisition joua un rôle dominant. Après quelques heures de torture, beaucoup avouèrent, dont à la grande surprise de tous le maître lui-même, Jacques de Molay. Mais, faut-il y voir la vérité ? Comment un homme âgé, après des journées de torture, avec tout son ordre arrêté, ne pouvait-il que dire ce qu'attendaient ses bourreaux ? Celui-ci avoua renier le Christ 40 ans avant, mais réfuta tout acte charnel. Peu à peu, la nouvelle fit le tour, et le reste de l'ordre perdit espoir, avouant leurs prétendus crimes (à Paris, sur les 138 interrogés, 134 avouèrent !). Mis devant le fait accompli, Clément V, le nouveau pape voyait son autorité contesté. Le 22 novembre 1307, le pape lui-même ordonna leur arrestation. La nouvelle fut accueillie plus ou moins bien par la chrétienté. Les rois de Navarre, d'Aragon et de Naples obéirent par exemple. Mais d'autre, comme les rois de Castille et d'Angleterre se montrèrent plus réticents. Il fallut une mise en garde du pape pour qu'ils obéissent.
Cependant, le combat entre le pape et le roi de France se poursuit. Le roi voulait la destruction de l'ordre complet ! Il envoya à la papauté des Templiers pour qu'ils avouent leurs fautes. Cependant, Clément V réclama de voir le maître en personne. À contrecœur, Philippe accepta. Cependant, lors du voyage du transfert, le pape apprit qu'il ne pouvait pas les voir car les Templiers tombèrent malade ! On peut douter de cette histoire, dans le sens où le voyage entre Chinon et Poitiers, lieu de rencontre, ne dépassait guère une journée ! Cette étrange maladie était plutôt une excuse pour empêcher la rencontre. Ainsi, la rencontre entre Clément V et le maître n'eut jamais lieu. Le pape envoya des dignitaires pour recueillir les aveux de Templiers qui avouèrent de nouveau leurs fautes.
Philippe IV et Clément V finirent par arriver à un compromis : en tant qu'individus, les Templiers seraient jugés par des commissions installés dans chaque diocèse. Cependant, ils restèrent en prison du roi. On prévoyait également la création à Paris d'une commission pontificale. Lorsque les Templiers arrivèrent devant la commission, ils dénoncèrent la machination dont ils étaient victimes. Le 28 novembre, Jacques de Molay restait flou dans ses déclarations, ne souhaitant parler qu'au pape. Philippe IV, ayant vent des nouvelles, décida de réagir violemment. Comme les Templiers avait avoué leur fautes, puis renié, ils furent tous condamnés à mort. Le 12 mai 1310, 54 Templiers furent brûlés vifs sur le bûché. L'effet de la sentence fut immédiate, car dès le lendemain, les Templiers hésitèrent. La commission pontificale se termina officiellement le 26 mai 1311. Les témoignages furent utilisés lors du Concile de Vienne le 16 octobre 1311, concile qui décidait le sort des Templiers. Philippe IV le Bel trouva les discussions un peu trop longues, il arriva avec une armée. Le 20 mars, il se présente à la porte de la ville. Le 22 mars 1312, par la bulle Vox in excelso, Clément V déclare la dissolution de l'ordre. Condamnés pour mauvaises réputations, ils ne sont cependant pas traités d'hérésies. Les Templiers qui avaient avoué leurs fautes pouvaient se rendre dans les monastères de leurs choix, mais ceux qui reniaient continuèrent à être poursuivies. Les 4 dignitaires principaux, dont Jacques de Molay eurent une sentence spéciale. Le 22 décembre 1313, 3 cardinaux sont nommés pour les juger. Les Templiers avouèrent de nouveau leurs fautes. Le 18 mars 1314, la décision est prise : prison perpétuelle et sévère. Soudain, Jacques de Molay se leva, et hurla de toute voix sa lâcheté, l'hypocrisie de Philippe IV et du pape Clément V, et la pureté de l'ordre. Philippe IV, fou de rage, ordonna sa condamnation à mort. Jacques de Molay, accompagné par Geoffroy de Charney montèrent sur le bûcher, sur un îlot de la Seine, en aval de l'Île de la cité. Les deux Templiers continuèrent de proclamer leur innocence. Selon la légende, avant de mourir, Jacques de Molay aurait alors maudit la famille royale, qui donna lieu ensuite aux épisodes des Rois maudits. C'est ainsi que les Templiers et l'ordre du Temple furent tués et détruits...
- DEMURGER Alain, Croisades et Croisés au Moyen-âge, Flammarion, collection Champs, 2006, 410 pages.
- FLORI JEAN, La croix, la tiare et l'épée : la croisade confisquée, Payot & Rivage, Collection Histoire, 2010, 350 pages.
- HUCHET Patrick, Les Templiers de la gloire à la tragédie, Editions OUEST-France, Collection Histoire, 2010, 130 pages.
- BRIAIS Bernard, Les Templiers, France Loisirs, collection Les mémoires du Temps, 2011, 190 pages.