Les escapades d'HistoriaGames : Paris vu par Kreuzberg
27 février 2013 par Kreuzberg | Les escapades d'HistoriaGames
« Ajoutez deux lettres à Paris : c'est le paradis », disait l'écrivain Jules Renard (1864-1910). Ces quelques mots me hantent en ce 15 Février lorsqu'à 6h du matin je monte dans le bus scolaire qui doit m'amener à la capitale. Au programme : promenades citadines ponctuées par les visites de La Conciergerie et du Musée Cluny.
Paris, la ville de tous les temps (historiques et météorologiques)
Et nous arrivons au bout de plusieurs heures de trajets à la destination. Sous les nuages menaçants, nous marchons sur les quais de la capitale. On dénote déjà une singularité, remontant du Moyen-Âge. En effet, les rives et l'île de Paris avaient des fonctions bien précises durant l'époque médiévale. On apprend non sans surprise que l'Île de la Cité était le centre politique et religieux (avec La Conciergerie alors palais royal et la cathédrale Notre-Dame) ; ensuite, nous avons le Petit Pont (à droite sur la photo) qui fait le lien entre l'île et les bâtiments universitaires et culturels dont La Sorbonne, l'une des meilleures universités de l'époque. Et le Grand Pont (à gauche sur la photo) reliait l'île avec les quartiers résidentiels et commerçants.
Nous nous dirigeons vers La Conciergerie. Cela nécessite que nous passions par le célébrissime Pont des Arts, repaires des amoureux et pensifs. En effet, sur cette photo, vous ne rêvez point, des petits objets métalliques ornent le pont. Ce sont des cadenas. Les amoureux y gravent leurs noms et la date de rencontre, et l'attachent au Pont des Arts.
Et c'est sur ce pont que nous pouvons voir le magnifique Institut de France. Cette institution académique installée dans le Collège des Quatre-Nations abrite les intellectuels français en cinq académies : l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, l'Académie des Sciences, l'Académie des Beaux-Arts, l'Académie des Sciences Morales et Politiques et la plus connue, l'Académie Française. C'est là que travaillent des universitaires tels que Max Gallo et Jean Tulard. Néanmoins, ces deux hommes ne se montreront guère, à l'indifférence quasi-générale et la déception minoritaire de certains. Mais enfin La Conciergerie se montre à notre regard. Allons la voir de plus près...
La Conciergerie, ou le palais royal devenu prison
Bien qu'habité par les rois français par pure tradition monarchique depuis fort longtemps, c'est sous le règne de Saint-Louis que le Palais de l'Île de la Cité devient résidence officielle et centre administratif, financier et judiciaire du Royaume de France. C'est d'ailleurs à proximité de ce palais que Saint-Louis ramène les Reliques de la Passion, le hissant au rang de chef de la Chrétienté. Et l'avènement du Palais de l'Île de la Cité sera au moment où le roi Philippe IV le Bel rassemblera la totalité des services royaux dans ce palais suite à une série d'expropriations et d'aménagements et embellissements du palais.
C'est finalement au XIVe siècle que les rois de France abandonnent le palais insulaire et en font une prison. Affectée au Parlement de Paris et déclarée « prison de droit commun », la prison prendra le nom de Conciergerie du fait que le gouverneur militaire de celle-ci n'est autre que le concierge !
Et La Conciergerie acquiert sa célébrité avec la Révolution Française. C'est effectivement dans cette prison qui accueilli la reine déchue Marie-Antoinette et le politicien Robespierre avant qu'ils ne montent à l'échafaud ; mais c'est aussi là que le Tribunal Révolutionnaire choisit de s'installer le 10 Mars 1793. La prison connaîtra un véritable surpeuplement lorsqu'elle accueillera 500 prisonniers, soit le double de sa capacité, ce qui nécessitera la réduction et le cloisonnement de la Salle des Gardes. Enfin en 1914, La Conciergerie devient monument national et est ouverte au public.
Une forteresse détournée de sa fonction initiale : le Louvre
Et oui, vous avez bien lu le titre. Le Louvre, une forteresse. C'est le roi Philippe Auguste qui lance la construction de la forteresse du Louvre en 1190 afin de protéger l'Ouest de Paris et de compléter les infrastructures militaires défensives qui seront construites autour du Paris médiéval durant tout le règne du roi. C'est Saint-Louis qui fera agrandir la forteresse et y transférera le trésor royal, donnant un nouveau souffle au Louvre ; et enfin, c'est sous Charles V le Sage que le Louvre devient la résidence royale officielle. Les souverains qui se succéderont auront à cœur de transformer la forteresse austère en palais avec jardins taillés à la française... A un tel point que le Louvre est aujourd'hui le plus grand palais d'Europe !
Nous recevons des consignes de quartier-libre très restrictives, si bien que nous ne pourrons voir de près les grands monuments parisiens comme l'Arc de Triomphe pourtant à un kilomètre à peine du Louvre. Mais nous voyons derrière une synagogue de la Rue de Rivoli une statue usée par le temps.
Une statue (construite en 1889) d'un homme célèbre : Gaspard II de Coligny (1519-1572), noble et amiral protestant français. Homme engagé dans sa foi, Coligny combattra tant sur les mers que sur terre afin d'assurer parfois la suprématie de la France mais surtout pour protéger les protestants dans les Guerres Françaises de Religion. Mais alors que les tensions entre catholiques et protestants deviennent très fortes et que les tentatives de paix échouent, un attentat est commis. On tire à l'arquebuse sur l'amiral Coligny devant la maison des Guise (influente et noble famille catholique). Gaspard II s'en tire avec un doigt arraché et une profonde plaie au bras ; le médecin royal Ambroise Paré va soigner l'amiral protestant. C'est un attentat pour arrêter le processus de paix entre les partis catholiques et protestants. Mais Coligny ayant survécu, les familles catholiques prennent une décision terrible, celle de massacrer les chefs protestants rassemblés à Paris : c'est le massacre de la Saint-Barthélemy. L'amiral Coligny est un des premiers chefs protestants assassinés ; Besme, un proche de la famille des Guise, crie dans les appartements : « Es-tu l'amiral ? ». Gaspard II de Coligny répond : « Jeune homme, respecte ma vieillesse ». Sans aucune pitié, Besme enfonce profondément sa dague dans le corps du protestant, qui soupire : « Au moins, si je mourrais de la main d'un cavalier et non de ce goujat ! ». Le catholique répond à cette insulte en poignardant une seconde fois le vieil amiral et en lui portant un coup à la tête qui achève le protestant. Le duc de Guise vint constater la mort, infligea un coup de pied au cadavre, et fit pendre ce dernier par les pieds pour l'exposer au peuple assistant impuissant à un des plus grands massacres français.
Un peu d'histoire sociale avec le Musée Cluny : le fin'amor
Notre visite au Musée Cluny n'est pas banale. Elle est uniquement axée sur l'exposition sur le fin'amor, plus connu sous le nom d'amour courtois. Aussi je vous propose de vous apprendre les bases de l'amour courtois.
Le fin'amor est fondé sur deux bases : la démarcation de la pensée religieuse et l'inversion des rapports entre hommes et femmes. Ce qui signifie que la femme est suzeraine de l'homme et lui fait accomplir des quêtes et exploits pour enfin lui accorder l'amour. De même qu'il ne peut y avoir fin'amor que s'il y a adultère : l'homme doit courtiser une femme déjà mariée.
La femme décide de tout ce que doit accomplir l'homme : vaincre des ennemis (comme dans Tristan et Yseult), ou encore chanter des chansons en langue d'oc et langue d'oïl, mais aussi écrire des poèmes amoureux et tant d'autres aventures... hum... palpitantes. On notera que le processus de fin'amor est très codifié ; chaque geste a une signification.
Une fois que l'homme a ravi le cœur de sa douce, deux choix s'offrent à lui. Soit lui et sa dame vivront un amour platonique, soit l'amant décidera de faire le « factum », c'est-à-dire de réaliser un acte sexuel.
Nous conviendrons je pense à l'unanimité que notre époque est bien ainsi et ne nécessite point de régression médiévale sur la plan amoureux.