Récit

Époque moderneGuerres napoléoniennes

Bataille d'Eylau

Maréchal de l'Empire

Le matin du 7 février 1807, Benningsen arrive avec ses troupes à Eylau. C'est alors que ce dernier, décide après avoir traversé la ville de se positionner sur les pentes à l'est de la ville.  Il dispose quasiment toutes ses troupes en ligne. Ostermann Tolstoy lui se positionne sur l'aile gauche de Benningsen aux abords de Sausgarten. Le Général Bagavout à mis en place ses troupes devant celles de Ostermann. Tandis que sur l'aile droite se trouve les troupes de Somov et Tuchkov. Et Saken lui occupe le centre. Le général Bagration constitue l'avant garde et a sous contrôle la ville d'Eylau.

Les français arrivent sur le terrain et commencent les hostilités. Les brigades Schinner et Vivies marchent du côté droit sur le bois dans le but de faire tourner le flanc gauche russe. Les brigades Levasseur et Essards marchent au centre de la bataille et passent sur un lac gelé, que l'artillerie russe pilonne et repousse l'avancée française après quelques charges à la baïonnette. Soult et Murat arrive en début d'après-midi, le Maréchal Soult en profite pour y déployer son artillerie sur les hauteurs de Scheweken, suivit quelque temps après par le général Augereau et la division Leval qui ont pour ordre d'attaquer les ennemis par la gauche et de les entourer.

Les premiers combats sanglants commencent aux abords de la ville. Les troupes françaises  et russes sont toutes deux sur des hauteurs face à face, tandis que les troupes de Bagration, elles sont au milieu. Dans la soirée, les divisions Saint-Hilaire, Legrand et Leval prennent d'assaut le village ou dans une confusion la plus totale, se trouve la cavalerie de Murat. Après des combats très difficiles, Bragration se replient sur les hauteurs rejoindre son supérieur Benningsen.

Les conflits se calment, et les hommes comment à se reposer et à dormir dehors, en plein hiver, sans nourriture, ni feux...

8 février 1807

Très tôt le matin, dans les alentours de 5 heures, Napoléon fît ordonner à la Garde de se positionner derrière l'église d'Eylau. Tandis que le général Augereau, lui se dirige sur la route Bartenstein, ou des unités de cavalerie le suivent. Deux heures après, le jour apparaît et malgré les bourrasques de neige, les russes pilonnent Soult et le village d'Eylau. Aussitôt, l'artillerie Française ripostent et pendant deux longues heures, des boulets tombent de toute part, pulvérisant des lignes et colonnes entières. Tous sont là, immobiles, sous le feu ennemi.

Le capitaine Coignet écrira :

" C'était, dans nos rangs, un épouvantable ravage.... Mais quelle position affreuse ! Rester, pendant deux heures, immobiles, attendant la mort sans pouvoir se défendre, sans pouvoir se distraire. De tous les cotés les hommes tombaient, et des files entières disparaissaient. "

Les grenadiers à cheval de la Garde restent, eux aussi, impassibles sous ce feu meurtrier. Quand, malgré tout, certains courbent le dos, le général Lepic, qui les commande, leur crie :

" Haut la tête ! La mitraille n'est pas de la merde ! "

Au cours de la bataille, Lepic recevra dix-sept blessures, dont un coup de baïonnette à travers les deux joues et un coup de sabre dans thorax !

Enfin, vers 9 heures du matin, le maréchal Davout arrive avec ses divisions et se lance aussitôt à l'assaut des villages de Serpallen et de KleinSausgarten au sud. Ainsi le côté gauche des russes commencent à être débordé. Mais en étant inférieur en nombre, Davout est désormais à son tour en difficulté. Napoléon ordonne à Augereau et à la division de Saint-Hilaire d'aller de l'avant pour le soutenir, mais voilà que les conditions climatiques changent et une tempête de neige arrive.

Perdu dans la tempête, Augereau et deux divisons se retrouvent face à la batterie centrale russe, ils se font alors décimer. Deux généraux de divisions se font tuer et Augereau est blessé sous le feu des canons. La brigade de Saint-Hilaire est séparée des troupes d'Augereau. Les cavaliers russes en profitent alors et s'attaquent à la brigade de Saint-Hilaire. Les français surpris, arrivent à tenir leur position mais pas pour longtemps. Le 14e de ligne se retrouve encerclé de tout part par les russes et est annexé sous les yeux de l'Empereur Napoléon. Les soldats et grenadiers russes en profitent pour s'infiltrer dans cette brèche.

Napoléon, se trouvant au cimetière d'Eylau, est presque au contact des russes. Il refuse de se replier lorsque le prince de Neuchâtel lui demanda de partir. Un bataillon de grenadier est tout de même demande pour protéger l'empereur en plus de la Garde. L'escorte de l'Empereur se jette littéralement sur les russes. Le général Dorsenne qui commande un régiment de la Garde, donne l'ordre de tirer sur tous les russes, mais les grenadiers craignant de toucher l'Empereur, préfèrent charger à la baïonnette.

Emmanuel de Las Cases écrira :

" (..) Il (l'empereur) se trouva presque heurté par une colonne de quatre à cinq milles Russes : l'Empereur était à pied, le prince de Neuchâtel fit aussitôt avancer les chevaux ; l'Empereur lui lance un regard de reproche, donne l'ordre de faire avancer un bataillon de sa garde, qui était assez loin en arrière, et demeure immobile, répétant plusieurs fois, à mesure que les Russes approchent : " Quelle audace ! Quelle audace ! " À la vue des grenadiers , les Russes s'arrêtèrent net. "

Benningsen voyant le combat faire rage, donne les directives à sa cavalerie ainsi qu'a ses fantassins (69 bataillons) de charger les français qui se battaient ardemment aux environs du cimetières, à côté de l'Empereur. Si les troupes russes triomphent des troupes français, l'armée française sera alors coupée en deux. Napoléon demande à Murat de prendre toute la cavalerie et d'aller balayer les 69 bataillons de fantassins russes. Murat réunis en tout 12 000 cavaliers, les conditions climatiques jouent cette fois-ci en faveur des français, la neige étant tombée tellement forte, que le sol fût recouvert d'une épaisse couche de neige, atténuant de beaucoup le bruit.

Les cavaliers français chargèrent les troupes ennemies. Les russes n'entendirent qu'au dernier moment la cavalerie française arrivée sur eux. À cause de cela, ils n'eurent le temps de former les carrés d'infanterie et furent frappés de plein fouet par les cavaliers de Murat. Ainsi toute la cavalerie française transperça les lignes russes, puis fît demi-tour, rechargea les russes et regagna la gauche de l'armée française.

Le capitaine Coignet écrira :

" La charge fut tellement impétueuse que les grenadiers traversèrent complètement les lignes de l'armée russe, et allèrent se reformer derrière elle pour la percer une seconde fois et revenir à nous. Ils perdirent quelques hommes qui furent démontés, faits prisonniers et conduits à Königsberg; mais le gros des escadrons arriva prés de nous, en bon ordre, couvert de sang et de gloire. "

Le colonel Lepic faisait parti des hommes qui étaient de retour dans les rangs de l'armée française. Le colonel Marnier écrira d'ailleurs à ce propos :

" Deux escadrons du 1er régiment de grenadiers à cheval de la Garde, sous les ordres du colonel Lepic, avaient détruit par une charge à fond plusieurs lignes d'infanterie ; tout à coup ces deux escadrons se trouvèrent enveloppés d'un océan de neige qui ne permettait plus au colonel de reconnaître la position. Cerné inopinément de toute part et sommé de se rendre, le brave Lepic répondit au colonel russe : "regardez ces figures-là, font-elles mine de céder ?" Sa phrase à peine achevée, il se précipita sur son adversaire et lui coupa la figure... Le jour se faisant de nouveau, il n'y avait pas un moment à perdre : "camarades, s'écria Lepic, il nous faut encore passer sur le ventre à deux lignes russes, puis nous irons, nous et notre aigle, retrouver le quartier général." Le régiment s'élance au cri de "vive l'Empereur !" . Les Russes d'abord stupéfaits accourent de tout côtés en grand nombre pour s'opposer au mouvement audacieux des grenadiers? Mais, en dépit de leurs masses, ils sont culbutés, et Lepic, gravement atteint de plusieurs coups de baïonnettes, parvint à rejoindre l'Empereur suivi de son intrépide régiment. "

En quelques instants Murat retourna la situation qui était en faveur de Benningsen. Vers 12h, la division Saint-Hilaire qui avait continué sa route dans la bonne direction attaqua les troupes d'Ostermann. Tandis que Friant, avec deux divsions, s'est déplacé sur la droite de Morand et attaque le village de Sausgarten. Le village est pris puis perdu, puis repris, puis reperdu, cela plusieurs fois de suite. Les français arrivent à tenir ce village mais le général Korff avec plus de 15 escadrons chargent les troupes de Friant et Morand, Ces derniers se replient à Serpallen et sur la route de Bartenstein. Avec l'aide des dragons, les français contre-attaquent, la ville est prise, les russes sont mis en fuite. Ils se replient. les français mettent en place dans le village, l'artillerie du IIIe Corps d'Armée Français. Les russes commencent à se replier de partout, la ligne de Benningsen se désagrègent.

Mais à 16 heures, le corps du général prussien Lestcoq (marchant sans relâche depuis quelques jours pour essayer de soutenir les russes) arrive sur le champs de bataille et attaque la droite de Davout. Ce dernier montre de grands signes de faiblesses, et les prussiens en profite pour lancer une attaque sur les villages de Kutschnitten et d'Anklappen. Ney à la poursuite de Lestcoq arrive avec son corps d'armée, Davout contre-attaque avec l'aide de Ney, les prussiens se replient, les villages sont repris par les troupes de Davout. Dans la soirée, les russes et prussiens effectuent leur retraite vers Könisberg.

Témoignage d'un sapeur, qui était aux côté d'Augereau et des deux généraux de divisions morts sous le feu des batteries russes. À cause de la météo, ils se sont perdu alors qu'ils venaient porter assistance à : Davout.

« C'était le 8 février [1807] ; nous venions de joindre enfin l'ennemi. Sa position était choisie et occupée avant que nos colonnes en marche aient pu prendre leur rang de bataille. Aussitôt que le petit jour le permit, le 7° corps exécutait son mouvement de concentration sur Eylau. Les trois divisions d'infanterie qui le composaient étaient bonnes, fraîches, bien commandées ; la cavalerie était aux ordres du général Beaumont ; Sénarmont commandait l'artillerie.

Nous étions tout près d'Eylau, sans cependant l'apercevoir à notre gauche, tant l'atmosphère était brumeuse, quand le général Bertrand, de toute la vitesse de son cheval, accourut auprès du maréchal Augereau, avec l'ordre, de la part de l'empereur, de porter le 7° corps en avant et d'attaquer à l'instant même l'ennemi qui lui fait face.

A ce moment, nous ne pouvons rien distinguer ; la neige, à gros flocons, poussée par un violent vent du nord, nous aveuglait en nous frappant au visage. Nous allons nous ébranler, attaquer… Mais, au contraire, c'est nous qui sommes attaqués avec fureur, par un ennemi qui nous voit et que nous ne pouvons apercevoir. Nos divisions en colonne n'ont pas le temps de se déployer…Une épouvantable canonnade bouleverse nos masses, et dans le trouble qu'elle cause, les Cosaques poussent une vigoureuse charge en tête et en queue.

Le général de division Desjardins, à pied, est atteint d'une balle à la tête ; en tournoyant, il balbutie un commandement et tombe raide mort ; le général de division Heudelet reçoit un biscaïen dans le ventre ; le colonel Maccheï, Irlandais, sous-chef d'état-major, tenait à deux mains les rênes de son cheval ; le même boulet lui enlève les deux poignets. Tout est désordre, confusion, stupeur, sous l'avalanche des coups qui redoublent…

On est obligé de mettre un peu d'espace entre soi et un ennemi dont le feu vous écrase et qu'il est impossible de voir ; on commence un mouvement rétrograde qui achève de tout perdre. Les boulets russes s'enfoncent dans toute la profondeur de nos colonnes en retraite et achèvent d'y porter un désordre inouï.

Dans cet instant, je me trouvais placé à côté du maréchal [Augereau], à sa droite ; grave, il ne proférait pas une parole. Moins aguerri que lui, je me sentais frissonner, lorsqu'un boulet, avec ce bruit flasque du fer qui s'enfonce dans une masse peu résistante, traversa, par le dos, le corps du capitaine du génie Fossarde, qui était botte à botte avec moi. D'instinct je tournai la tête vers le maréchal comme pour me dire de maîtriser mon émotion dans une situation qui exigeait tant de sang-froid. C'était toujours la sévère figure des campagnes d'Italie, cette haute stature, ce coup d'œil incisif et ce nez de grand oiseau de proie ; c'était toujours cette tête, aux traits si fortement caractérisés, qu'enveloppait, un grand mouchoir blanc, duquel, sur chaque tempe, s'échappaient les boucles d'une chevelure en désordre, dépoudrée, ondulant au vent. Il portait son chapeau à plumes blanches, la corne en avant, de travers sur le côté droit ; le pantalon blanc, les bottes à retroussis jaunes, d'où pendaient deux grands tirants , selon la mode du temps.

A peine eut-il réprimé par ce regard expressif l'impression qu'il avait vue se manifester sur mes traits, que lui-même il est heurté, entraîné, renversé par une multitude effarée. Il tombe tout d'un coup, dans cette mêlée, avec son cheval, complètement engagé sous sa monture. Ce n'est qu'avec les efforts réunis de tous ceux qui l'entouraient qu'on parvient à le relever. Le maréchal chancelle, sous l'étreinte de la douleur ; mais, heureusement, cette douleur n'est que le résultat de sa chute ; il a reçu, à la hanche gauche, une très forte contusion, causée par la coquille de son épée prise entre le sol et lui, pendant qu'il était sous son cheval.

Tout à coup, et sans que je puisse me rendre compte comment, je me trouve séparé du maréchal, dont je soutenais le bras, et me trouve au milieu d'une charge de Cosaques poussée plus à fond que la première. Je le perds de vue et ne reconnais plus un seul camarade sur ce champ de carnage où tout, autour de moi, semble avoir cessé de vivre.

Marcelin Marbot, qui quelques instants auparavant avait mis le sabre à la main, le fixant au poignet avec son mouchoir de poche tressé, avait disparu. Je restai seul de l'état-major du 7°corps dont les lambeaux couraient éparpillés.

La mort et le désordre surtout avaient soufflé dessus, comme le vent soufflait sur la neige qu'il chassait devant lui. Dire ce qu'en vingt minutes, à peu près, étaient devenues trois belles division d'infanterie et une bonne cavalerie, est une chose impossible, et la pensée se révolte à ce souvenir, car jamais l'histoire des guerres n'a présenté d'exemple d'une dislocation aussi instantanée. Tout avait disparu, comme anéanti ! Mais grâce à l'atmosphère obscurcie par la neige, les Russes n'osèrent pas poursuivre le 7° corps, qui, bien que n'existant plus sur le champ de bataille, n'en était pas détruit pour cela.

On apercevait encore, de distance en distance, sur les petits monticules dont était parsemé le terrain, des groupes de fantassins pelotonnés pour résister aux attaques des Cosaques qui fouillaient la plaine. Ces groupes étaient les débris d'un beau régiment dont j'ai le regret d'avoir oublié le numéro. Ils voulaient tenir bon, se cramponnaient au terrain, ne cédaient pas. Je vois encore un de ces hommes, petit, nerveux, sec comme une allumette, avec des jambes de cerf serrées dans des guêtres noires à boutons plats en cuivre jaune, montant jusqu'aux jarrets, me criant, dans son exaltation : « capitaine, ils n'iront pas plus loin ! Ils n'iront pas plus loin, capitaine ! » et, du bout de son briquet, il traçait une barre sur la neige. Vaine démonstration ; les Russes, il est vrai, n'allaient pas plus loin ; voyant le peu d'importance de ces groupes, il les abandonnaient pour se jeter au fort de la bataille, pour prendre part à l'attaque principale contre l'Empereur.

Que devenir ?… Je ne savais plus où était le maréchal ; j'ignorais où était son état-major. Il ne pouvait me venir à la pensée de reculer pour aller à leur recherche. J'étais bien monté ; je marchai au canon qui tonnait du côté d'Eylau… »

Forces en présence et pertes humaines

Forces françaises : 65 000 et 300 canons | Pertes : 18 000 morts ou blessés, 5 drapeaux

Forces russes et prussiennes : 68-70 000 et 400 canons | Pertes : 25 000 morts ou blessés plusieurs canons et drapeaux

Cinquante-huitième bulletin de la grande armée. Preussich-Eylau, le 9 février 1807

Combat d'Eylau

A un quart de lieue de la petite ville de Preussich-Eylau, est un plateau qui défend le débouché de la plaine. Le maréchal Soult ordonna au quarante-sixième et au dix-huitième régiments de ligne de l'enlever. Trois régiments qui le défendaient furent culbutés, mais au même moment une colonne de cavalerie russe chargea l'extrémité de la gauche du dix-huitième, et mit en désordre un de ses bataillons. Les dragons de la division Klein s'en aperçurent à temps ; les troupes s'engagèrent dans la ville d'Eylau. L'ennemi avait placé dans une église et un cimetière plusieurs régiments. Il fit là une opiniâtre résistance, et après un combat meurtrier de part et d'autre, la position fut enlevée à dix heures du soir. La division Legrand prit ses bivouacs au-devant de la ville, et la division Saint-Hilaire à la droite. Le corps du maréchal Augereau se plaça sur la gauche, le corps du maréchal Davoust avait, dès la veille, marché ; pour déborder Eylau, et tomber sur le flanc gauche de l'ennemi, s'il ne changeait pas de position. Le maréchal Ney était en marche pour le déborder sur son flanc droit. C'est dans cette position que la nuit se passa.

Bataille d'Eylau

A la pointe du jour, l'ennemi commença l'attaque par une vive canonnade sur la ville d'Eylau et sur la division Saint-Hilaire.

L'empereur se porta à la position de l'église que l'ennemi avait tant défendue la veille. Il fit avancer le corps du maréchal Augereau, et fit canonner le monticule par quarante pièces d'artillerie de sa garde. Une épouvantable canonnade s'engagea de part et d'autre.

L'armée russe, rangée en colonnes, était à demi-portée de canon ; tout coup frappait. Il parut un moment, aux mouvements de l'ennemi, qu'impatienté de tant souffrir, il voulait déborder notre gauche. Au même moment, les tirailleurs du maréchal Davoust se firent entendre, et arrivèrent sur les derrières de l'armée ennemie ; le corps du maréchal Augereau déboucha en même temps en colonnes, pour se porter sur le centre de l'ennemi, et, partageant ainsi son attention, l'empêcher de se porter tout entier contre le corps du maréchal Davoust. La division Saint-Hilaire déboucha sur la droite, l'une et l'autre devant manœuvrer pour se réunir au maréchal Davoust : à peine le corps du maréchal Augereau et la division Saint-Hilaire eurent-ils débouché, qu'une neige épaisse, et telle qu'on ne distinguait pas à deux pas, couvrit les deux armées.

Dans cette obscurité, le point de direction fut perdu, et les colonnes, appuyant trop à gauche, flottèrent incertaines. Cette désolante obscurité dura une demi-heure. Le temps s'étant éclairci, le grand-duc de Berg, à la tête de sa cavalerie, et soutenu par le maréchal Bessières à la tête de la garde, tourna la division Saint-Hilaire, et tomba sur l'armée ennemie: manoeuvre audacieuse, s'il en fut jamais, qui couvrit de gloire la cavalerie, et qui était devenue nécessaire dans la circonstance où se trouvaient nos colonnes. La cavalerie ennemie, qui voulut s'opposer à cette manoeuvre, fut culbutée ; le massacre fut horrible. Deux lignes d'infanterie russe furent rompues ; la troisième ne résista qu'en s'adossant à un bois. Des escadrons de la garde traversèrent deux fois toute l'armée ennemie.

Cette charge brillante et inouïe qui avait culbuté plus de vingt mille hommes d'infanterie, et les avait obligés à abandonner leurs pièces, aurait décidé sur-le-champ la victoire sans le bois et quelques difficultés de terrain. Le général de division d'Hautpoult fut blessé d'un biscaïen. Le général Dalhmann, commandant les chasseurs de la garde, et un bon nombre de ses intrépides soldats moururent avec gloire. Mais les cent dragons, cuirassiers ou soldats de la garde que l'on trouva sur le champ de bataille, on les y trouva environnés de plus de mille cadavres ennemis. Cette partie du champ de bataille fait horreur à voir. Pendant ce temps, le corps du maréchal Davoust débouchait derrière l'ennemi. La neige, qui, plusieurs fois dans la journée, obscurcit le temps, retarda aussi sa marche et l'ensemble de ses colonnes.

Le mal de l'ennemi est immense, celui que nous avons éprouvé est considérable. Trois cents bouches à feu ont vomi la mort de part et d'autre pendant douze heures. La victoire, longtemps incertaine, fut décidée et gagnée lorsque le maréchal Davoust déboucha sur le plateau et déborda l'ennemi, qui, après avoir fait de vains efforts pour le reprendre, battit en retraite. Au même moment, le corps du maréchal Ney débouchait par Altorff sur la gauche, et poussait devant lui le reste de la colonne prussienne échappée au combat de Deppen. Il vint se placer le soir au village de Schnaditten, et par-là l'ennemi se trouva tellement serré entre les corps des maréchaux Ney et Davoust, que, craignant de voir son arrière-garde compromise, il résolut, à huit heures du soir, de reprendre le village de Schnaditten. Plusieurs bataillons de grenadiers russes, les seuls qui n'eussent pas donné, se présentèrent à ce village ; mais le sixième régiment d'infanterie légère les laissa approcher à bout portant, et les mit dans une entière déroute. Le lendemain l'ennemi a été poursuivi jusqu'à la rivière de Frischling. Il se retire au-delà de la Pregel. Il a abandonné sur le champ de bataille seize pièces de canon et ses blessés. Toutes les maisons des villages qu'il a parcourus la nuit en sont remplies.

Le maréchal Augereau a été blessé d'une balle. Les généraux Desjardins, Heudelet, Lochet, ont été blessés. Le général Corbineau a été enlevé par un boulet. Le colonel Lacuée, du soixante-troisième, et le colonel Lemarois, du quarante-troisième ont été tués par des boulets. Le colonel Bouvières, du onzième régiment de dragons, n'a pas survécu à ses blessures. Tous sont morts avec gloire. Notre perte se monte exactement à dix-neuf cents morts et à cinq mille sept cents blessés, parmi lesquels un millier qui le sont grièvement, seront hors de service. Tous les morts ont été enterrés dans la journée du 10. On a compté sur le champ de bataille sept mille Russes.

Ainsi l'expédition offensive de l'ennemi, qui avait pour but de se porter sur Thorn en débordant la gauche de la grande armée, lui a été funeste. Douze à quinze mille prisonniers, autant d'hommes hors de combat, dix-huit drapeaux, quarante-cinq pièces de canon, sont les trophées trop chèrement payés sans doute par le sang de tant de braves.

De petites contrariétés de temps, qui auraient paru légères dans toute autre circonstance, ont beaucoup contrarié les combinaisons du général français. Notre cavalerie et notre artillerie ont fait des merveilles. La garde à cheval s'est surpassée ; c'est beaucoup dire. La garde à pied a été toute la journée l'arme au bras, sous le feu d'une épouvantable mitraille, sans tirer un coup de fusil, ni faire aucun mouvement. Les circonstances n'ont point été telles qu'elle ait dû donner. La blessure du maréchal Augereau a été aussi un accident défavorable, en laissant, pendant le plus fort de la mêlée, son corps d'armée sans chef capable de le diriger.

Ce récit est l'idée générale de la bataille. Il s'est passé des faits qui honorent le soldat français: l'état-major s'occupe de les recueillir.

La consommation en munitions à canon a été considérable ; elle a été beaucoup moindre en munitions d'infanterie.

L'aigle d'un des bataillons du dix-huitième régiment ne s'est pas retrouvée; elle est probablement tombée entre les mains de l'ennemi. On ne peut en faire un reproche à ce régiment ; c'est, dans la position où il se trouvait, un accident de guerre ; toutefois l'empereur lui en rendra une autre lorsqu'il aura pris un drapeau à l'ennemi.

Cette expédition est terminée, l'ennemi, battu, est rejeté à cent lieues de la Vistule. L'armée va reprendre ses cantonnements, et rentrer dans ses quartiers-d'hiver.

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