Les journalistes dans la société française du XIXème siècle

Merteuil
Thématique
19 avril
2019

Les hommes de lettres ont largement contribué à construire une certaine représentation du monde de la presse dans la mesure où de nombreux romans mettent en scène des journalistes qui participent à la vie au sein des rédactions (par exemple, Illusions perdues de Balzac ou Bel-Ami de Maupassant). Mais qui étaient-ils véritablement et quel rôle exerçaient-ils dans la société française du XIXème siècle ?

« ni écrivain, ni politique, quoique encore proche de l'un et de l'autre : le journaliste »

Georges Duroy dans la rédaction, photo du film Bel-Ami (2012).
Georges Duroy dans la rédaction, photo du film Bel-Ami (2012).

Dans la première partie du XIXème siècle, les hommes de presse se présentent essentiellement en tant que « homme politique » ou « homme de lettres » dans la mesure où la pratique du journalisme représente soit une solution pour survivre, en attendant de faire une carrière en politique ou en littérature, soit une manière de soutenir une carrière en publiant des idées et des opinions politiques ou littéraires, mais des « professionnels du journalisme, d'hommes tout entier voués à la presse et ne vivant que d'elle, (…) on n'en trouve guère », selon Thomas Ferenczi.

Dans la seconde partie du XIXème  siècle, la pratique du journalisme quitte le cadre des élites politiques et littéraires en se rendant accessible à toute personne qui maîtrise un tant soit peu les arts de l'écriture et de la lecture. La diversité est incontestable au sein de la profession : les intellectuels et les reporters diffèrent en tous points. Il est en conséquence difficile non seulement de caractériser le métier de journaliste mais aussi de susciter une solidarité entre ses membres.

Durant cette période, la situation de la presse évolue non seulement de manière quantitative par la prolifération des titres et l'accroissement des tirages mais aussi de manière qualitative par une modification de la nature même de la presse avec, notamment, le développement de la tradition anglo-saxonne qui favorise la domination de l'information et qui contribue à la naissance des reporters.

Dans Les journalistes en France 1880-1950, l'auteur distingue les reporters des rédacteurs dans la mesure où les premiers quittent la rédaction pour chercher des informations auprès de diverses sources tandis que les seconds recueillent des informations grâce aux dépêches ou aux articles de presse. Les reporters se distinguent également des articliers car les premiers participent à la vie de la rédaction notamment parce qu'ils y écrivent leurs articles alors que les seconds se rendent rarement dans les rédactions car ils rédigent plus volontiers leurs papiers à domicile.

La presse française va tenter de réconcilier une tradition nationale, qui préfère les débats et les controverses politiques ou littéraires et une tradition anglo-saxonne, qui valorise les faits, l'enquête et le reportage.

Les métiers de la presse dans la première partie du XIXe siècle

Les rédactions des quotidiens parisiens se composent ordinairement de dix membres qui entretiennent des rapports directs les uns avec les autres.

  • Le propriétaire est un membre de la rédaction ou une personne qui, au contraire, trouve un intérêt économique dans la publication du journal.
  • Le directeur est traditionnellement un homme politique ou un homme de lettres, c'est lui qui détermine l'orientation éditoriale.
  • Le rédacteur en chef est initialement la personne qui a pour fonction de rédiger l'article de tête mais son rôle se transforme au cours des années pour devenir le premier journaliste de la rédaction.
  • Le secrétaire de rédaction s'occupe principalement de la mise en page mais son rôle devient de plus en plus important dans la deuxième partie du siècle : il va, par exemple, déterminer si un article est publiable ou non.
  • Finalement, la rédaction se compose aussi des rédacteurs, des reporters, des chroniqueurs, des nouvellistes, des échotiers ou encore des critiques.

Le journalisme est une pratique presque exclusivement masculine et les rares femmes qui l'exercent doivent se contenter de la rubrique « mode » ou des magazines pour enfants.

Les rédactions dans la seconde partie du XIXe siècle

Le Nouvelliste,19 décembre 1898
Le Nouvelliste, 19 décembre 1898.

La situation de la presse se transforme radicalement au cours des périodes qui correspondent au Second Empire (1852-1870) et au début de la Troisième République (1871-1940) : la naissance en France des quotidiens issus de la tradition anglo-saxonne modifie tout à la fois la taille et la hiérarchisation des rédactions. Les feuilles accueillent un nombre croissant de membres qui en conséquence entretiennent des rapports indirects les uns avec les autres.

Le directeur remplit les tâches financières et administratives nécessaires au maintien de la publication. La fonction de directeur est désormais exercée par un homme d'affaires plutôt que par un homme de presse : en conséquence, il existe une véritable distance non seulement intellectuelle mais aussi physique entre le rédacteur et le directeur, la rédaction et la direction, qui sont parfois séparées l'une de l'autre par plusieurs étages.

Les journalistes reçoivent indirectement leurs instructions du directeur puisque ses principaux interlocuteurs directs se réduisent désormais au rédacteur en chef, aux chefs de service et au secrétaire de rédaction.

Le directeur tient une réunion de travail quotidienne avec les divers responsables de la rédaction : il dresse la liste des sujets à traiter et des idées à développer.

Durant la première partie du XIXe siècle, la presse se compose principalement de deux sortes de journaliste : le journaliste politique et le journaliste littéraire. Dans les années 1880, Platier distingue le rédacteur judiciaire, le rédacteur théâtral, le rédacteur littéraire, le rédacteur politique et le rédacteur feuilletoniste.

En 1890, la situation dans les rédactions devient de plus en plus complexe alors que la division du travail conduit à la mise en place de différents services, créés pour rationaliser l'information qui mènent à une distinction dans les conditions des divers professionnels.

Dans Les journalistes en France 1880-1950, l'auteur cite par ordre de prestige les trois principaux services qui se retrouvent dans les quotidiens les plus importants : le service politique ou « service des Chambres », le service de politique extérieure et le service des informations, ou service du fait divers.

La conclusion

Depuis les débuts de la presse française, les hommes politiques et les hommes de lettres définissaient les pratiques du journalisme. Les feuilles traitaient par conséquent essentiellement de politique et de littérature.

Toutefois, le journalisme devient un véritable métier à la fin du XIXe siècle : les professionnels tentent de présenter une nouvelle définition des pratiques et cherchent à contribuer à la reconnaissance de la profession. Dans les années 1880, les représentants du secteur vont créer des associations, des groupements ou encore des syndicats de journalistes.

Bibliographie

  • Ferenczi T., L'invention du journalisme en France, Plon, Paris, 1993.
  • DE CHAMBURE A., A travers la presse, Th. FERT, ALBOUY & Cie, Paris, 1914.
  • DELPORTE C., Les journalistes en France 1880-1950, Seuil, Paris, 1999.

Peinture illustrant cet article : La Salle de rédaction du Journal des débats, peinture de Jean Béraud, 1889.

  • Merteuil Ancienne membre d'HistoriaGames
  • "Et puis, il est doux de se croire malheureux, lorsqu'on n'est que vide et ennuyé." Alfred de Musset