Des sphinx pour la place Tahrir

Thématique
Égypte ancienne
13 mai
2020

Urbanisme et patrimoine historique font rarement bon ménage, et c’est encore le cas ces derniers temps au cœur de l’actualité égyptienne.

Ces derniers mois, un projet urbanistique lancé par la ville du Caire a fait polémique en Égypte : afin d’embellir la célèbre place Tahrir, lieu de contestations emblématiques, la municipalité de la capitale de l’Égypte a voulu y placer plusieurs joyaux de sculpture antique égyptienne.

Notamment un superbe obélisque en granit rose orné d’un bas-relief de Ramsès II, qui trône depuis peu au milieu de la place :

Des sphinx pour la place TahrirLa place Tahrir en avril dernier (Photo : Omar Zoheiry).

En plus de ce magnifique obélisque, le projet porté par la ville vise à y ajouter pas moins de quatre sphinx a tête de bélier et corps de lion. Ce qui a entraîné une vive polémique entre urbanistes et défenseurs du précieux héritage patrimonial égyptien, et pour cause : cet obélisque et ces sphinx ne sont pas des reproductions, mais des originaux !

L’obélisque de Ramsès est en effet daté du règne de ce pharaon, c’est-a-dire de la XIXe dynastie (XIIIe siècle avant notre ère), et a été déplacé depuis le site archéologique de Tanis, où il reposait ; et les sphinx de grès qui sont censés l’entourer ont été pris sur l’allée du temple d’Amon, à Louxor.

Des sphinx pour la place TahrirSphinx du temple de Louxor (photo : AFP).

« Je suis contre le transfert des statues. Ca m'attriste. Louxor est un musée à ciel ouvert qu'il aurait mieux valu développer, car la valeur des monuments est liée à leur emplacement historique » a déclaré Mr. Ahmed Idriss, député du gouvernorat de Louxor.

En effet, ces pièces inestimables ont été arrachées à leurs emplacement originels. Mais un second problème encore plus grave se pose : la place Tahrir est en plein centre du Caire, capitale qui souffre d’une pollution endémique, ne serait-ce qu’a cause de la circulation. Il y a donc fort à parier que les statues et l’obélisque souffrent beaucoup de la surexposition aux particules de pollution dans les années à venir, sans parler des probables dégradations humaines.

Afin de faire stopper ou modifier le projet, une pétition signée par des militants, universitaires et archéologues variés a été adressée au président Fattah al-Sissi, rappelant que l’Égypte est signataire de la Convention de Venise de 1964, selon laquelle tout doit être fait pour protéger et conserver les monuments anciens. En outre, le Centre égyptien pour les droits économiques et sociaux (ECSR) aurait entamé une procédure judiciaire pour faire tout arrêter. Le procès devrait suivre bientôt...