À la découverte du Québec historique
La ligne française, malgré ses pertes, avance inexorablement toujours plus près de la ligne de retranchement anglaise. Le roulement du tambour se mêle aux bruits de la fusillade et des ordres criés par les officiers. Le champ de bataille se voile d’une importante fumée blanche due à la poudre des fusils... Voici que le tambour bat la charge et le régiment du Béarn s’élance baïonnette au fusil sur la ligne de retranchement anglaise, appuyé sur ses ailes par la milice canadienne et les guerriers hurons-wendat... après quelques minutes de corps à corps, le camp français, qui avait été capturé quelques temps avant par un détachement anglais, est repris par l’armée régulière française appuyée de ses alliés locaux.
Je n’ai pas fait un bon dans le temps pour pouvoir assister à cette escarmouche entre troupes anglaises et françaises en Nouvelle-France quelque part entre Montréal et Québec pendant la guerre de sept ans, mais j’assiste à sa reconstitution par des groupes de passionnés de reconstitution historique au cœur de la Citadelle de Québec.
Il fait beau, quoiqu’un peu frais (prononcer fraite) en cette longue fin de semaine (on ne dit surtout pas weekend au Québec, au risque de se faire traiter d’esti de français) puisque le lundi précédent le 25 mai est férié en l’honneur de la journée nationale des patriotes au Québec.
L’occasion, depuis plusieurs années maintenant, pour une poignée de passionnés de reconstitution historique, de se retrouver à Québec, à la citadelle militaire de Québec (encore en service et utilisée par l’armée canadienne pour l’anecdote) pour les journées de l’École du soldat de la Nouvelle-France. Ainsi les badauds peuvent déambuler pour l’occasion au cœur de la citadelle où sont reproduits un camp anglais et un camp français.
C’est aussi pour moi l’occasion de débuter le compte-rendu de mon cheminement au cœur du Vieux-Québec historique et de vous faire découvrir les lieux emblématiques de ce parcours au cœur de l’Histoire québécoise et ainsi continuer mon récit après celui sur les plaines d’Abraham à retrouver ici : Je me souviens... Quand la Nouvelle-France a été perdue par les Français.
La Citadelle de Québec à l’heure des journées de l’École du soldat en Nouvelle-France
C’est donc quasiment un bond dans le temps que l’on fait en cette journée une fois traversée l’imposante enceinte extérieure de la Citadelle de Québec, également siège du musée royal du 22ème régiment d’infanterie, puis le massif corps de garde de l’enceinte intérieure.
Cette citadelle a été bâtie entre 1820 et 1831 par les Anglais afin de servir à sécuriser les hauteurs de Québec contre une éventuelle invasion des États-Unis et de refuge aux troupes britanniques.
À l’intérieur, nous retrouvons le camp français où chaque régiment se restaure lorsque j’arrive, leurs fusils, du modèle St. Etienne 1728 de calibre .69, emblématiques des troupes françaises de Nouvelle-France, posés à l’entrée de chaque tente.
Tout d’abord je tombe sur le régiment du Béarn (émotion intense puisque j’en suis originaire).
Suivent les représentants des compagnies franches de la Marine royale française.
Ventrebleu ! Des tuniques rouges au cœur du camps français ? Qu’est-ce donc que ceux-ci font au cœur du camp français ? Ouf ! Après vérification plus minutieuse, il ne s’agit que du 22ème bataillon du régiment de la Sarre dont les soldats au repos n’ont pas revêtu leur pourpoint blanc cassé par-dessus leur juste-au-corps rouge.
Continuant notre chemin, nous retrouvons après la Milice, troupe irrégulière des colonies formée de civils ayant pris les armes pour défendre leurs terres, avec femmes et enfants vivant au rythme du XVIIIème siècle, j’aperçois même un guerrier huron-wendat venu prêter main forte aux Français.
Je croise après les hommes du régiment du Languedoc en pleine palabre à propos de qui sera la sentinelle de leur troupe qui sera sacrifiée pour les besoins de la reconstitution de l’escarmouche. Allez comprendre, personne n’a l’air ici pressé de se faire « plomber » pour les beaux yeux du roi...
Enfin, un peu plus loin et pour finir le tour du camp français, nous retrouvons les soldats du régiment de Guyenne.
De l’autre côté du champ de manœuvre se trouve le camp de l’envahisseur britannique. Moins nombreux que les représentants français, ses membres sont tous autant attentifs à la minutie du détail historique de leur campement.
Nous retrouvons ici les Rangers britanniques, bataillon semi-régulier de l’armée anglaise, aux côtés des 55 et 60ème régiments d’infanterie britannique. La milice des New-York’s Provincial, venant de la colonie britannique de New-York ayant accepté d’accompagner les troupes régulières anglaises dans leur conquête de Québec (pour rappel, les milices formées de colons et payées par la colonie avaient pour rôle de protéger la colonie et non pas d’aller combattre à l’extérieur des frontières de celles-ci, sauf à ce que tant la colonie que les hommes aient donné leur accord), vient terminer le dispositif britannique de ce camp.
Ici, les Britanniques sont pour la plupart armés du fusil Land Pattern Brown Bess de calibre .75 modèle symbolique des guerres coloniales britanniques du XVIIIème siècle.
Eux, comme pour bien des Français, ont pour la majorité délaissé l’épée réglementaire allant avec leur uniforme au profit d’une hache tels leurs homologues de l’époque, celle-ci étant bien plus pratique en ces contrées extrêmement boisées.
En attendant la fin du repas des troupes et le début de la reconstitution de l’escarmouche j’en profite pour visiter la Citadelle en elle-même et le musée du 22ème régiment royal d’infanterie du Canada.
L’occasion de découvrir un pan de l’histoire militaire canadienne de l’époque française jusqu’aux derniers engagements de l’armée canadienne sur les théâtres d’opération actuels.
Si vous venez à visiter la Citadelle je ne peux que vous conseiller d’aller flâner autour de la redoute du camp-diamant où, en plus de pouvoir admirer plusieurs pièces d’artillerie, vous trouverez l’un des plus beaux points de vue de toute la Ville de Québec et d’où les pièces d’artilleries, précédemment admirées, commandent l’ensemble du fleuve qui s’étend sous nos yeux.
Le battement de tambour se faisant entendre, je file rejoindre la foule de curieux venue pour l’évènement afin de trouver une place et voir cette fameuse reconstitution que je vous ai présentée plus haut. Celle-ci est très bien réalisée, les acteurs font de réels efforts de réalisme dans leurs déplacements et leur comportement lors de l’engagement. Je ne peux que me réjouir que le chauvinisme québécois ait choisi de représenter une victoire française et ce malgré le sort final de la guerre !
Une fois la reconstitution finie et une dernière discussion avec les représentants du régiment de ma terre natale béarnaise (dont voici le lien de leur site si jamais cela vous intéresse http://compagnonsnouvellefrance.ca/) me voici quittant la citadelle pour la suite de mon périple.
Les fortifications de Québec
Dès la sortie de la citadelle et dans la continuité immédiate de celle-ci se trouvent les remparts de la vielle ville de Québec. Admirablement conservés, leur tracé date de 1745 quand les Français autorisent l'érection d'une enceinte entièrement recouverte de maçonnerie, suite à la panique des Québécois après la capitulation de Louisbourg cette année-là. Les Britanniques suite à leur conquête de la ville, ont réparé et amélioré le système de fortification.
Ces remparts sont aujourd’hui accessibles et c’est là l’occasion de faire une balade agréable tout autour de la vielle ville. Le pourtour des remparts est jalonné de statues et autres plaques commémoratives glorifiant le Québec et ses combattants.
Un peu plus loin, dans ce qui était autrefois la campagne devant les remparts de Québec et qui est aujourd’hui au cœur de la ville nouvelle, se trouvent les tours Martello qui venaient compléter le système défensif de la ville mis en place par les Britanniques.
Terminées en 1812, elles avaient pour objectif d’empêcher une armée ennemie de s’approcher trop près des murs de la ville pour en faire le siège. Finalement, celles-ci n’auront jamais servies et sur les quatre existantes autrefois trois sont toujours en place. L’occasion de découvrir la vie des militaires britanniques au XIXème siècle.
La Vielle Ville
Une fois la balade sur les remparts terminés, il est temps de pénétrer à l’intérieur de la vielle ville en elle-même. Ses rues sont parfois étroites mais elles sont magnifiques. Une fois dépassées les vielles bâtissent des rues commerçantes, je tombe sur la place de l’hôtel de ville de Québec et sur la Basilique-Cathédrale Notre-Dame de Québec.
Celle-ci fut construite entre 1647 et 1650. Elle fut détruite deux fois au cours de son existence : la première lors du siège de la ville par les britanniques en 1759, et reconstruite à partir de 1766 ; la seconde fois par un incendie en 1922 (y aurait-il une malédiction avec le feu sur les cathédrales nommées Notre-Dame de chaque côté de l’Atlantique ?). Suite à cet incendie les travaux de restauration finiront en 1930. Classée monument historique en 1966, elle est désignée lieu historique du Canada en 1989.
À côté de la Basilique-Cathédrale se trouve le musée de l’Amérique francophone dont les collections proposent de découvrir l’histoire coloniale de l’Amérique, l’évolution de la culture francophone en Amérique et l’artisanat d’art du Québec.
Plus loin, continuant ma marche, j’arrive face au célèbre Château Frontenac, nommé ainsi en l’honneur Louis de Buade, comte de Frontenac, qui fut gouverneur de Nouvelle-France au XVIIème siècle. Monument emblématique de la ville de Québec, celui-ci n’a de château que le nom puisque dès l’origine il s’agit d’un hôtel construit entre 1892 et 1893, il connaîtra par la suite plusieurs agrandissements. L’occasion de prendre une collation pendant mon périple dans la ville.
Face au château, légèrement en contrebas se trouve le petit musée du fort. Ne payant pas de mine il est tout de même très intéressant à faire. Autour d’une grande maquette reproduisant la ville au XVIIIème siècle, il propose un spectacle son et lumière original sur l’histoire militaire de la ville de Québec. Indispensable pour comprendre facilement les tenants et aboutissants de cette histoire.
En sortant du musée du fort, deux options s’offrent alors au flâneur pour descendre en Basse-Ville, dans le plus vieux quartier de la ville, celui du Petit Champlain : soit prendre les grands escaliers qui y mènent ; soit prendre le funiculaire depuis la place d’armes et qui mène au cœur du petit Champlain (pour cette option cela vous coûtera 3,5$C).
Le quartier du Petit Champlain est le plus vieux de la ville et certainement le plus beau également, et de loin le plus touristique !! Mais pour les amoureux des vieilles pierres, c’est un passage obligé, surtout qu’autour de celui-ci se trouve, encore bien préservées, les fortifications de Batterie royale dont ses canons font encore faces au fleuve Saint-Laurent.
Après un éventuel arrêt dans les différentes boutiques, il est un lieu à ne pas manquer : le musée de la civilisation. Situé à l’endroit où les premiers colons se sont installés, il s’agit certainement du plus intéressant et du plus complet des musées de la ville de Québec.
Celui-ci propose des expositions temporaires thématiques et d’autres permanentes sur la civilisation québécoise dans tous ses aspects (historique archéologique, ethnologique, technologique…). C’est l’endroit idéal pour comprendre le mélange des cultures (autochtones, françaises, anglaises ainsi que bien d’autres) ayant eu lieu sur le territoire québécois et qui a permis l’émergence de cette culture à forte identité dont les Québécois sont si fiers.
La fin de mon périple m’amène jusqu’au Vieux-Port de Québec et son marché après avoir traversé la rue des antiquaires (où je n’ai fait que du lèche vitrine car bien trop cher pour moi).
Québec est une ville magnifique et unique en Amérique du Nord qui mérite clairement que l’on prenne le temps de la découvrir. J’espère que ces quelques lignes vous auront donné envie de venir la visiter si vous en avez l’occasion.
- Halion Contributeur
- « L'imagination gouverne le monde » Napoléon Bonaparte