Je me souviens... Quand la Nouvelle-France a été perdue par les Français

Thématique
Guerre de Sept Ans, Guerre de la Conquête
10 mai
2019

Je me souviens... par cette devise gravée au frontispice de l’Assemblée nationale du Québec et qui se retrouve en bas des plaques automobiles au Québec depuis 1978, les québécois marquent leur attachement à leur passé, et particulièrement de leur passé français.

Je me souviens... Quand la Nouvelle-France a été perdue par les françaisMonument commémoratif aux héros des 1759 et 1760.

La signification réelle de cette devise fait parfois débat mais il suffit d’en discuter avec les locaux pour vite se rendre compte de ce qu’ils entendent par là. Car pour eux l’abandon de la Nouvelle-France par les « maudits français » et la conquête anglaise il y a plus de deux siècles restent un sujet brulant d’actualité... et encore source de rancœurs.

Mais revenons à cette période où l’Amérique du Nord était française, revenons au XVIIIème siècle.

À cette période-là, la Nouvelle-France part de la Louisiane, remonte le long du Mississipi jusqu’à la région des grands lacs et continue jusqu’au nord de l’actuel Canada. Sa capitale est Québec, située à un endroit stratégique à la jonction de la rivière Saint Charles et du Fleuve Saint Laurent, d’où elle commande l’ensemble de la navigation sur le fleuve. Le territoire de la Nouvelle-France est immense comparé aux 13 petites colonies britanniques situées sur la façade est du continent nord-américain. Cependant, il est vide... La Nouvelle-France compte seulement quelques 60 000 habitants, sa capitale, Québec, 7000, quand les colonies britanniques en Amérique du nord dépassent déjà le million d’habitants.

Je me souviens... Quand la Nouvelle-France a été perdue par les françaisMonument d’hommage au marquis de Montcalm, commandant les troupes françaises.

C’est en 1759, en pleine guerre de 7 ans et après 5 années de conflit sur ce territoire, que le sort de Québec et de la domination française le long du fleuve Saint-Laurent sont scellés. Au cours de cette année, ce sont quelques 15 000 Français et Amérindiens, sous les ordres du marquis de Montcalm, lieutenant-général des armées de Nouvelle-France, qui affrontent les 22 000 hommes et plus de 150 navires – dont 49 de guerres – du général Britannique James Wolfe, au cours de deux batailles majeures, celle de Beauport à 10 km à l’est de Québec, et celle des plaines d’Abraham, au sud-ouest de la ville de Québec qui viendra conclure le siège de la ville.

Arrivée en juin, la flotte anglaise qui a remontée l’embouchure du Saint-Laurent, va d’abord prendre position le 26 de ce mois, face à la ville de Québec, sur l’île d’Orléans. Dès le 27, les Britanniques débarquent sur la rive sud du Saint-Laurent et installent un autre camp face à la ville d’où le commandant britannique peut observer les solides défenses de la ville formées de tranchées et de batteries hérissées de canons côté fleuve et empêchant toute approche de la flotte. Le 28 au soir, les Français attaquent la flotte britannique en laissant dériver des brûlots contre les navires anglais. Mais, la mauvaise préparation et la précipitation des Français permettent aux marins anglais, malgré leur panique, de dévier les brûlots qui ne feront finalement aucun dégât à la flotte.

Je me souviens... Quand la Nouvelle-France a été perdue par les françaisCarte du siège de Québec par les Anglais en 1759. Gravure publiée en 1884.
Je me souviens... Quand la Nouvelle-France a été perdue par les françaisPlaque commémorative du siège de Québec.

À partir du 12 juillet, les britanniques, qui ont installé des batteries de mortiers sur la rive sud de Québec face à la ville, commencent à la bombarder. C’est alors un déluge de feu qui s’abat presque chaque nuit, et parfois le jour, pendant deux mois sur la ville, presque entièrement détruite mais résistant toujours.

Le 31 juillet, les forces britanniques tentent un coup de force sur la rive nord du Saint Laurent, 10km à l’est de la ville de Québec où la typologie du terrain, avec ses plages de sable, semble propice à un débarquement visant à envahir la ville par la terre et ainsi éviter les dangereuses fortifications françaises qui font face au fleuve. C’est sur le site des plages de Beauport que les forces de Wolfe vont tenter leur débarquement. Néanmoins, les difficultés naturelles du terrain et la réactivité du général français Montcalm, alerté des mouvements des navires ennemis, vont permettre aux troupes françaises de repousser, après plusieurs heures de combat, le débarquement des britanniques, qui laisseront sur le terrain quelques 210 morts et 230 blessés, contre 60 à 70 blessés et tués, côté français.

Je me souviens... Quand la Nouvelle-France a été perdue par les françaisPlaine d’Abraham aujourd’hui. Lieu de l’affrontement franco-britannique de septembre 1759.

Finalement, après un mois d’août où les deux armées se font face de chaque côté du fleuve et un bombardement intensif de la ville, les britanniques vont réussir à débarquer sur la rive Nord du Saint-Laurent. Suite à une manœuvre audacieuse et périlleuse de Wolfe qui fait remonter le Saint-Laurent à ses navires de nuit, au nez et à la barbe des batteries françaises de Québec, c’est à l’Anse-des-Foulons, au sud-ouest de la ville et au pied des falaises, que les Britanniques vont réussir à débarquer. Quelques 4500 britanniques prennent alors pied sur la rive nord de Saint-Laurent et escaladent le Cap Diamant dans la nuit du 12 au 13 septembre.

Surprises par la manœuvre anglaise, les troupes du général Montcalm toujours stationnées à l’est de la ville le long du Saint Laurent, font mouvement vers Québec à marche forcée. Au matin du 13 septembre, lorsque les hostilités démarrent, ce sont ainsi quelques 3000 à 3500 français et alliés qui font face aux 4500 hommes de Wolfe sur les plaines d’Abrahams, le reste des troupes françaises n’ayant pas encore eu le temps de rejoindre le champ de bataille.

Je me souviens... Quand la Nouvelle-France a été perdue par les français  Je me souviens... Quand la Nouvelle-France a été perdue par les françaisMonument commémoratif de la bataille des plaines d’Abraham de 1759.

La fusillade ne dure pas longtemps, moins de deux heures entre la première charge française et les derniers coups de feu échangés avec les dernières unités françaises arrivées sur les lieux. Elle se solde par la déroute des troupes françaises au-delà de la rivière Saint Charles.

Néanmoins, malgré la brièveté de l’engagement à la fin de celui-ci et, ironie du sort, de manière quasi simultanée, les deux généraux ennemis, le marquis de Montcalm et Wolfe, sont touchés mortellement. En outre chaque camp laisse environ 650 morts sur le champ de bataille.

Je me souviens... Quand la Nouvelle-France a été perdue par les français  Je me souviens... Quand la Nouvelle-France a été perdue par les français  Je me souviens... Quand la Nouvelle-France a été perdue par les français  Je me souviens... Quand la Nouvelle-France a été perdue par les françaisMonuments d’hommage au général britannique Wolfe.
Je me souviens... Quand la Nouvelle-France a été perdue par les françaisLa Mort du général Wolfe huile sur toile de Benjamin West, 1770.

Au soir du 13 septembre, démoralisées, les troupes françaises abandonnent leur camp de Beauport et se replient vers Montréal abandonnant la ville de Québec. Débute alors le siège terrestre de la ville encore tenue par 2100 hommes, principalement des miliciens et matelots, sous les ordres de Jean-Baptiste Nicolas Roch, seigneur de Ramezay. Celui-ci sera néanmoins forcé à la capitulation le 18 septembre, avant l’arrivée des renforts de Montréal.

Je me souviens... Quand la Nouvelle-France a été perdue par les françaisMonument aux braves érigé pour commémorer la victoire française de Sainte-Foy

L’année suivant, en 1760 donc, et malgré une victoire terrestre des troupes françaises venant de Montréal en remontant le fleuve Saint-Laurent, à l’occasion de la bataille de Sainte-Foy le 28 avril, à proximité de la ville de Québec et le siège de la ville par les français, l’arrivée de navires de renforts britanniques dès le 17 mai vient définitivement sceller le sort de la guerre et de la domination française dans cette partie du monde.

Les renforts français, eux, n’arriveront jamais...

Je me souviens... Quand la Nouvelle-France a été perdue par les français  Je me souviens... Quand la Nouvelle-France a été perdue par les français  Je me souviens... Quand la Nouvelle-France a été perdue par les françaisPlaques commémoratives de la bataille de Sainte-Foy.

Cet abandon de la France de leur colonie américaine sera vécu comme un vrai traumatisme par les locaux. Néanmoins, fiers de leurs racines, les québécois ont su préserver leur identité propre malgré les tentatives d’assimilation anglaise sur la population d’origine française. C’est ainsi qu’aujourd’hui encore, malgré leur rancœur pour les « maudits français », la belle province canadienne du Québec reste profondément attachée à sa culture, à sa langue et sa religion issues du passé français. Malgré tout, les québécois se souviennent...

Sources

  • Documentation du musée du fort, 10, rue Sainte-Anne, C.P. 833, Haute-Ville, Québec, QC, G1R 4S7.
  • Joy Carroll, Wolfe et Montcalm – la véritable histoire de deux chefs ennemis, éd. De l’Homme, 2006.
  • Charles-Philippe Courtois, La Conquête – Une anthologie, éd. Typo, 2009.
  • Journal du siège de Québec – du 10 mai au 18 septembre 1759, annoté par Aegidius Fauteux, édition revue, mise à jour et présentée par Bernard Andrès et Patricia Willemin-Andrès, Les Presses de l’Université Laval, 2009.
  • HalionHalion Contributeur
  • « L'imagination gouverne le monde » Napoléon Bonaparte